Beren
Il fallait la rassurer, ne pas lui faire réaliser quelle était seule ; dailleurs
avec ce petit être dans les bras, elle ne serait plus jamais seule, nest-ce pas ? Cest à cet effet que Beren lui avait caché le départ qui semblait définitif de Gabriel, et quil lui souriait avec tendresse, debout à quelque distance delle. Il ajouta deux larges buches dans lâtre, et bien vite la rejoint, pour ne pas lui laisser entrevoir le vide de la pièce. Il remonta une couverture en plus des draps sur elle pour la couvrir, et sassit sur un fauteuil à côté du lit.
Elle avait lair inquiète, et la façon dont elle avait pris sa main et la serrait trahissaient son souci ; elle était seule, cétait un fait. Et lui était là, comme il le lui avait promis. Toujours en bras de chemise, les lunettes remisées dans lune des poches de celle-ci, il maintenait un sourire de façade sur son visage. Et elle sourit, elle aussi ; et elle le rassura, ainsi. Elisette Colomba Luisa Woodland La petite merveille rousse nichée dans les bras de sa mère avait cela de merveilleux quelle était toute chétive, toute innocente, toute fraîche de vie ; lui, captivé, regardait les fils roux de ses cheveux, sans oser sapprocher pour la regarder, mais respectant par cette distance lintégrité de la gamine.
Il pourrissait tout ce quil touchait, il en était persuadé. Depuis quelque temps, sa vie, cétait cela : un ensemble de mauvais choix, et du malheur, pour ceux quil aimait. Ses surs en avaient été les premières victimes, comme il était resté en Franche-Comté au lieu de les suivre en Lorraine, et ses amours, nen parlons pas ; Beren, cétait un désastre à quiconque lapprochait.
Et pourtant Et pourtant, cette petite, cétait aussi un peu la sienne, dune certaine façon ; il avait senti sous la peau les petits poings et les petits marteler lenveloppe charnelle, il avait vu les formes mouvantes sous le derme, passer furtivement, il avait écouté, loreille sur le ventre bombé, le rythme battant de la vie sous-jacente. Toujours, depuis la première étreinte, un certain lien sétait formé avec ce ventre rebondi de vie, et toujours avait-il pris soin de ne pas le malmener. Oui, cette petite était un peu la sienne, et elle était néanmoins celle dun autre, dont elle portait le patronyme.
Comment était-ce, dêtre parent ? Comment était-ce, dêtre responsable dun morceau de vie qui dépendait et provenait de soi ? Sans le savoir encore, Beren serait plongé quelques jours plus tard dans le gouffre abyssal dinquiétude de la paternité ; lui qui se targuait dêtre le « père » de sa petite chatte blanche Azraelle âgée de quelques mois réaliserait alors ce quétait vraiment être parent. Parent, mais pas géniteur ; comment était-ce, de sentir entre ses bras le souffle dune vie que lon a soi-même créé ? Cétait un peu être Dieu, finalement, et cétait être bien faible, en même temps.
Il fut sorti de ces considérations par le regard de son amante dirigé vers lui, immédiatement accompagné de sa voix. Elle était en proie à linquiétude, vraiment, aussi prit-il le pli de poser sa main à demi sur son front, à demi sur sa chevelure, son pouce tentant avec douceur de défaire ce petit pli soucieux de son visage, par des passages réguliers. Elle cherchait son regard, et parvint enfin à croiser les émeraudes douces du jeune Fiole qui lui sourit, avec tendresse et bienveillance. Il répondit à son baiser, conscient quentre eux maintenant, cette petite mère de quelques instants à peine se dressait de son corps malingre ; quelque chose avait changé, quelque chose dindicible, mais quil pouvait sentir Le respect de la sphère familiale, peut-être. Il sourit, incrédule, quand elle le remercia, quittant ses lèvres avec lenteur, sans hâte, pour saccrocher encore à leur passion, pour caresser encore la pulpe quil avait si souvent embrassée et mordue. Un baiser, long, doux, appuyé sur son front plus tard, il caressait sa joue du revers de ses doigts.
- Mais oui, je te l'ai dit, il se remet juste de ses émotions ; il est là au dehors, tout heureux d'être père, et il viendra bientôt. Ne me remercie pas, ma douce... Je suis heureux d'avoir été présent, et d'avoir aidé à ce que Damoiselle Elisette Colomba Luisa Woodland vienne au monde ! Elle est merveilleuse, ta petite, tu sais? Elle tient de sa mère, déjà. Je vais te chercher une coupe de vin vieux pour te requinquer un peu, ensuite Tu devrais te reposer, tu sais ?
Il ne put s'empêcher de passer le bout de son index sur la joue enfantine, avec une infinie précaution. Oui, cette petite, c'était un peu la sienne, mais c'était surtout celle de Gabriel, et celui-là devrait être là, aux côtés de sa femme. Un regard au dehors, furtif, bref ; espérons que le garde le trouvera, et le ramènera bientôt.
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Elle avait lair inquiète, et la façon dont elle avait pris sa main et la serrait trahissaient son souci ; elle était seule, cétait un fait. Et lui était là, comme il le lui avait promis. Toujours en bras de chemise, les lunettes remisées dans lune des poches de celle-ci, il maintenait un sourire de façade sur son visage. Et elle sourit, elle aussi ; et elle le rassura, ainsi. Elisette Colomba Luisa Woodland La petite merveille rousse nichée dans les bras de sa mère avait cela de merveilleux quelle était toute chétive, toute innocente, toute fraîche de vie ; lui, captivé, regardait les fils roux de ses cheveux, sans oser sapprocher pour la regarder, mais respectant par cette distance lintégrité de la gamine.
Il pourrissait tout ce quil touchait, il en était persuadé. Depuis quelque temps, sa vie, cétait cela : un ensemble de mauvais choix, et du malheur, pour ceux quil aimait. Ses surs en avaient été les premières victimes, comme il était resté en Franche-Comté au lieu de les suivre en Lorraine, et ses amours, nen parlons pas ; Beren, cétait un désastre à quiconque lapprochait.
Et pourtant Et pourtant, cette petite, cétait aussi un peu la sienne, dune certaine façon ; il avait senti sous la peau les petits poings et les petits marteler lenveloppe charnelle, il avait vu les formes mouvantes sous le derme, passer furtivement, il avait écouté, loreille sur le ventre bombé, le rythme battant de la vie sous-jacente. Toujours, depuis la première étreinte, un certain lien sétait formé avec ce ventre rebondi de vie, et toujours avait-il pris soin de ne pas le malmener. Oui, cette petite était un peu la sienne, et elle était néanmoins celle dun autre, dont elle portait le patronyme.
Comment était-ce, dêtre parent ? Comment était-ce, dêtre responsable dun morceau de vie qui dépendait et provenait de soi ? Sans le savoir encore, Beren serait plongé quelques jours plus tard dans le gouffre abyssal dinquiétude de la paternité ; lui qui se targuait dêtre le « père » de sa petite chatte blanche Azraelle âgée de quelques mois réaliserait alors ce quétait vraiment être parent. Parent, mais pas géniteur ; comment était-ce, de sentir entre ses bras le souffle dune vie que lon a soi-même créé ? Cétait un peu être Dieu, finalement, et cétait être bien faible, en même temps.
Il fut sorti de ces considérations par le regard de son amante dirigé vers lui, immédiatement accompagné de sa voix. Elle était en proie à linquiétude, vraiment, aussi prit-il le pli de poser sa main à demi sur son front, à demi sur sa chevelure, son pouce tentant avec douceur de défaire ce petit pli soucieux de son visage, par des passages réguliers. Elle cherchait son regard, et parvint enfin à croiser les émeraudes douces du jeune Fiole qui lui sourit, avec tendresse et bienveillance. Il répondit à son baiser, conscient quentre eux maintenant, cette petite mère de quelques instants à peine se dressait de son corps malingre ; quelque chose avait changé, quelque chose dindicible, mais quil pouvait sentir Le respect de la sphère familiale, peut-être. Il sourit, incrédule, quand elle le remercia, quittant ses lèvres avec lenteur, sans hâte, pour saccrocher encore à leur passion, pour caresser encore la pulpe quil avait si souvent embrassée et mordue. Un baiser, long, doux, appuyé sur son front plus tard, il caressait sa joue du revers de ses doigts.
- Mais oui, je te l'ai dit, il se remet juste de ses émotions ; il est là au dehors, tout heureux d'être père, et il viendra bientôt. Ne me remercie pas, ma douce... Je suis heureux d'avoir été présent, et d'avoir aidé à ce que Damoiselle Elisette Colomba Luisa Woodland vienne au monde ! Elle est merveilleuse, ta petite, tu sais? Elle tient de sa mère, déjà. Je vais te chercher une coupe de vin vieux pour te requinquer un peu, ensuite Tu devrais te reposer, tu sais ?
Il ne put s'empêcher de passer le bout de son index sur la joue enfantine, avec une infinie précaution. Oui, cette petite, c'était un peu la sienne, mais c'était surtout celle de Gabriel, et celui-là devrait être là, aux côtés de sa femme. Un regard au dehors, furtif, bref ; espérons que le garde le trouvera, et le ramènera bientôt.
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