Lhyra
Rodée.
La pièce pourrait aussi bien être vide que cela lui ferait le même effet. Les gens entrent, s'asseyent et commandent à boire, s'abordant à coup de claques dans le dos, de rebuffades, de déconnades, de coup de poings en coup de gueule. Les verres se vident et éclaboussent les chemises sales et les décolletés débordant. Les rires gras se perdent dans le brouhaha général. On lui apporte un verre qu'elle vide sans même y penser, commandant le même immédiatement. Et le temps file doucement tandis que les clients s'estompent et laissent leur place aux nouveaux venus.
A travers la fenêtre, elle voit les nuages gris clairs envahir le ciel et le recouvrir complètement de leur froideur. Le soleil n'a plus la place de s'épanouir et laisse le mauvais temps tout envahir. Ainsi l'aurore devient crépuscule, l'après midi le minuit. La taverne s'assombrit davantage, éclairée principalement à la lueur des bougies.
Dans un coin, un feu ronronne joyeusement et dessine sur leurs faces un clair obscur effrayant. Un léger coup dil pour le verre apporté, sitôt vu, sitôt vidé. Elle se laisse choir contre le dossier de sa chaise et fixe d'un air absent la pinte vide. Du bout du doigt elle le pousse contre le rebord et le fait tomber dans le vide, sursautant lorsqu'il éclate au sol. La tavernière hurle à son attention, elle pose son regard clair sur elle et lui adresse son majeur.
Puis reporte son attention sur la table sale qui n'a pas du être nettoyée de la journée. Entre les miettes de pains, les tâches de graisses et de vin, les mouches cassent leur croûte alors qu'il n'est pas encore l'heure de bouffer. Lentement, ses doigts s'approchent de l'une d'elle. Doucement. Elle fixe ses ailes et guette l'instant où ladite bestiole prendra son envol. Mais trop concentrée qu'elle est sur son dîner, ne remarque pas les doigts se contracter et l'envoyer d'une pichenette valser.
Un soupire en coin de lèvre, elle repousse toutes les salopris devant elle du revers de sa manche, et sort de son sac un vélin, une plume et de l'encre. Son Corbeau ne lui a pas répondu. Et elle a à peine eu le temps de croiser Astana. Enfin l'air s'échappe de ses lèvres tandis qu'elle trempe l'embout dans le bleu nuit. Elle se penche, replace une mèche rousse derrière son oreille et fait crisser la plume sur le papier.
Elle trace les lettres tout nouvellement apprises encore et toujours, liant les mots un à un. La boucle sur le o s'évade et s'envole, flirtant avec le point mutin d'un i qui s'échappe et vient atterrir au pied d'un t. Le D manque d'air et se creuse en un B malintentionné qui voudrait happer entre ses bosses un e agité.
Les courbes se font moins hésitantes tandis qu'une goutte tombe sur la feuille, rependant l'encre en une petite flaque. Un doigt pour essuyer et l'exercice recommence. Jusqu'à ce que la feuille se fasse torchon, jusqu'à ce que son poignet douloureux cri grâce. Il est plus facile de manier la claque que de manier les mots.
Autours d'elle le monde semble mort, elle en oublie même l'odeur putride qui règne dans tous les coins. Celle de la graisse cuite, de la soupe à l'oignon, de transpirations et de soirées torrides. Morbides. Son nez semble comme bouché et seule l'effluve de l'encre fraye un chemin jusqu'à son cerveau. Elle laisse doucement s'échapper le nom de ceux qu'elle aime, traçant sans fin les quelques qui peuvent figurer sur la feuille. Ils sont nombreux. Elle les raye au fur et à mesure.
Le temps passe, le cur oublie, les douleurs s'effacent, elle est partie. N'en reste plus que quelques uns. A peine les doigts d'une main. Elle chiffonne le vélin et l'envoie valser, rageuse à travers la taverne.
Pour recommencer l'exercice, sans fin. Nouvelle feuille. Nouveau point.
Ne pas entamer le C. Rester à la pointe de celui ci et laisser l'encre faire un trou dans le papier. La plume se délie, se fait plus pressante et griffe sur la feuille un mot laisser là. Qu'elle rangera avec les autres. Qu'elle ne montrera pas.
La pièce pourrait aussi bien être vide que cela lui ferait le même effet. Les gens entrent, s'asseyent et commandent à boire, s'abordant à coup de claques dans le dos, de rebuffades, de déconnades, de coup de poings en coup de gueule. Les verres se vident et éclaboussent les chemises sales et les décolletés débordant. Les rires gras se perdent dans le brouhaha général. On lui apporte un verre qu'elle vide sans même y penser, commandant le même immédiatement. Et le temps file doucement tandis que les clients s'estompent et laissent leur place aux nouveaux venus.
A travers la fenêtre, elle voit les nuages gris clairs envahir le ciel et le recouvrir complètement de leur froideur. Le soleil n'a plus la place de s'épanouir et laisse le mauvais temps tout envahir. Ainsi l'aurore devient crépuscule, l'après midi le minuit. La taverne s'assombrit davantage, éclairée principalement à la lueur des bougies.
Dans un coin, un feu ronronne joyeusement et dessine sur leurs faces un clair obscur effrayant. Un léger coup dil pour le verre apporté, sitôt vu, sitôt vidé. Elle se laisse choir contre le dossier de sa chaise et fixe d'un air absent la pinte vide. Du bout du doigt elle le pousse contre le rebord et le fait tomber dans le vide, sursautant lorsqu'il éclate au sol. La tavernière hurle à son attention, elle pose son regard clair sur elle et lui adresse son majeur.
Puis reporte son attention sur la table sale qui n'a pas du être nettoyée de la journée. Entre les miettes de pains, les tâches de graisses et de vin, les mouches cassent leur croûte alors qu'il n'est pas encore l'heure de bouffer. Lentement, ses doigts s'approchent de l'une d'elle. Doucement. Elle fixe ses ailes et guette l'instant où ladite bestiole prendra son envol. Mais trop concentrée qu'elle est sur son dîner, ne remarque pas les doigts se contracter et l'envoyer d'une pichenette valser.
Un soupire en coin de lèvre, elle repousse toutes les salopris devant elle du revers de sa manche, et sort de son sac un vélin, une plume et de l'encre. Son Corbeau ne lui a pas répondu. Et elle a à peine eu le temps de croiser Astana. Enfin l'air s'échappe de ses lèvres tandis qu'elle trempe l'embout dans le bleu nuit. Elle se penche, replace une mèche rousse derrière son oreille et fait crisser la plume sur le papier.
Elle trace les lettres tout nouvellement apprises encore et toujours, liant les mots un à un. La boucle sur le o s'évade et s'envole, flirtant avec le point mutin d'un i qui s'échappe et vient atterrir au pied d'un t. Le D manque d'air et se creuse en un B malintentionné qui voudrait happer entre ses bosses un e agité.
Les courbes se font moins hésitantes tandis qu'une goutte tombe sur la feuille, rependant l'encre en une petite flaque. Un doigt pour essuyer et l'exercice recommence. Jusqu'à ce que la feuille se fasse torchon, jusqu'à ce que son poignet douloureux cri grâce. Il est plus facile de manier la claque que de manier les mots.
Autours d'elle le monde semble mort, elle en oublie même l'odeur putride qui règne dans tous les coins. Celle de la graisse cuite, de la soupe à l'oignon, de transpirations et de soirées torrides. Morbides. Son nez semble comme bouché et seule l'effluve de l'encre fraye un chemin jusqu'à son cerveau. Elle laisse doucement s'échapper le nom de ceux qu'elle aime, traçant sans fin les quelques qui peuvent figurer sur la feuille. Ils sont nombreux. Elle les raye au fur et à mesure.
Le temps passe, le cur oublie, les douleurs s'effacent, elle est partie. N'en reste plus que quelques uns. A peine les doigts d'une main. Elle chiffonne le vélin et l'envoie valser, rageuse à travers la taverne.
Pour recommencer l'exercice, sans fin. Nouvelle feuille. Nouveau point.
Ne pas entamer le C. Rester à la pointe de celui ci et laisser l'encre faire un trou dans le papier. La plume se délie, se fait plus pressante et griffe sur la feuille un mot laisser là. Qu'elle rangera avec les autres. Qu'elle ne montrera pas.
Citation:
Charivarit...
Pourquoi es tu encore là.
Pourquoi es tu encore là.
Un léger sourire fou glisse sur ses lèvres tandis qu'elle se redresse et laisse son visage s'échouer sur sa nuque, ses yeux caressant avec amour les poutres qu'elle compte, recompte à l'infini. D'un geste elle défait son chignon et laisse ses cheveux pendre dans le vide, avant de fermer les yeux. Son visage sur ses rétines chasse le toit de bois. Elle grogne et rouvre les paupières. Il n'est pas dit qu'elle ne surmonterait pas ça non plus.
Elle avait tant vu. Vécue. Elle était rodée. R.O.D.E.E.
Elle se redresse et écrit ce mot à la suite des autres.
Citation:
Rodée. Plus rien ne peut toucher Lhyra.
Tu entends ça? Pas même toi.
N'oublies jamais ça. Je t'ai tué.
Tu entends ça? Pas même toi.
N'oublies jamais ça. Je t'ai tué.
Sur la feuille le "elle" est remplacé allégrement par le "je" car personne ne l'entend. Elle frappe sur la table et commande un autre verre. Incapable grosse vache que voilà, elle peut pas se manier et servir à boire? Elle ne la paye pas à ne rien foutre non plus! Un rictus sur les lèvres avant que la pinte apportée ne soit vidée à son tour et envoyer s'échouer contre un mur. Le même vagissement, le même doigt.
Retours à l'envoyeur, hey, Vilaine.
Se concentre, replace une mèche, et poursuit.
Citation:
Je t'ai tué.
Tué.
TUE.
Je t'ai tué.
Tué.
TUE.
Puis d'un geste rageur envoie tout promener, et l'encre se disperse sur le sol, éclaboussant quelques hommes trop éméchés pour en tenir cas. Un haussement d'épaules, léger. Puis une main sur son visage, ses doigts sur ses tempes qu'elle masse lentement. Elle n'avait que ça à faire en ce moment. Boire les verres et vider les fûts des tavernes. Guettant une porte qui s'ouvre sur quelqu'un. Quelqu'un qui....
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