Afficher le menu
Information and comments (0)

Info:
Unfortunately no additional information has been added for this RP.

[RP] Du libre-arbitre aristotélicien

Scopolie
Que certains se roulent et s'amusent dans leur erreur comme des cochons dans la boue, au fond, peu m'importe. Ils iront dans l'Enfer Lunaire et serviront de divertissement aux démons. Ce qui me dérange, c'est lorsque ces pommes pourries contaminent le panier : tous ces idiots, tous ces hérétiques, ils fragilisent l'autorité de l’Église et éloignent notre royaume de la cité idéale. La première solution serait alors de les exclure de nos villages, mais ces animaux redevenus plus sauvages qu'auparavant nous causeraient d'avantage de tort, de même qu'ils se rebelleraient si on les tuait. Pour autant, les laisser libre d'agir est nuisible aux gens pensants qui perdent leur temps à les raisonner. Ainsi, il faut faire taire les idiots qui parlent trop et exploiter les plus silencieux comme du bétail.

Sorianne n'échappait pas à la règle. Elle m'était utile à divers tâche, mais aussi agaçante à chacune de ses contestations. A chaque opposition, je découvre que ce sont les fondements mêmes de son esprit qui sont corrompus par la bêtise. La contraindre à agir de la bonne façon, à défaut de la convaincre de le faire, n'apportant pas les effets escomptés, j'avais pris la décision, ne pouvant me résoudre à me débarrasser d'elle, d'amoindrir son âme pour mieux l'asservir aux desseins du Très-Haut. Les plantes pourraient sûrement m'y aider vu tout ce que les sorcières arrivent à faire avec, je partais donc consulter un spécialiste.


Je serai de retour ce soir.

La phrase est lâchée mollement. Je ne prends même plus la peine de glisser une menace dessous en représailles de si elle fait quoi que ce soit de répréhensible durant mon absence car je sais que cela l'encouragerait, au contraire. Je sais aussi que cela la ravit que je parte. Si elle savait ce que je lui réserve pour ce soir, elle déchanterait bien vite.

Marchant dans les ruelles de la ville au rythme régulier de ma crosse qui s'abat sur le sol, j'observais les boutiques et autres étalages, en découvrant certains que je n'avais jamais remarqué. Ce poissonnier là m'a l'air louche, peut-être aurait-il une huile de fruit de mer qui pourrait m'aider à arriver à mes fins ? Et cette vieille femme aux cheveux gris qui mendie, elle n'a pas une vieille recette de grand-mère ? Le mieux est encore de demander son chemin. J'entre dans une taverne pas très éclairée et dont le plancher moisi grince sous mon maigre poids. Les habitués me regardent, moi pas. Je vais directement vers le tavernier, me penchant sur le comptoir pour lui parler.


J'ai besoin des services d'un apothicaire, demandais-je en glissant trois pièces brillantes sur le bois noirci.
_________________
Aethys
Pièces qui disparurent aussi rapidement qu’elles n’étaient apparues. Mais étrangement, ce ne fut pas la paluche boursoufflée du tavernier qui s’y posa mais une main fine et dorée. Un tintement plus tard et les trois pièces rejoignirent leurs consœurs dans une bourse soigneusement dissimulée entre les jupons lie de vin. Le minois se releva alors, quittant les délicieuses vapeurs de son verre de vin et les purpurines humides s’étirèrent en un sourire amusé.

« Inutile de graisser la patte à cet homme-là. Il est si fait que vous donner son nom, lui serait impossible. Mon père… »

Les ambres étincelèrent d’un éclat malicieux et effronté alors que la crinière était repoussée des joues par la main chapardeuse. Le verre fut soigneusement reposé sur le comptoir crasseux et l’attention se porta entièrement sur l’homme qui se tenait debout près d’elle. Au milieu de cette taverne miteuse, il détonnait. La bure trahissant une pureté papiste déloyale, la crosse écrasant le sol, il semblait ne pas se rendre compte de son extravagance à se tenir là. La garce l’observa sans la moindre pudeur. Des jours qu’elle trainait son ennui dans les rues de la ville et voilà que le travail lui tombait dessus. Elle n’allait pas y cracher. Il fallait avouer que ce n’étaient pas la poignée d’herbes et le poison qu’elle avait vendus ces temps-ci qui allaient la faire devenir riche. Les temps étaient durs. Etre barbier ne payait plus et être garce ne ramenait plus d’amants intéressants. A croire que la ville perdait peu à peu son éclat de nouveauté pour un voile plus sordide. Heureusement que quelques curiosités la retenaient encore. Tout comme cet homme d'église dans une taverne. Apaisant ses pensées, la bouche s’ouvrit à nouveau.

« Pourquoi chercher un apothicaire mon père ? L’Eglise n’a-t-elle pas des stocks réservés aux soins ? Ou peut être cherchez vous quelque chose de moins disons…conventionnel…»

Le sourire s’étendit maculant les traits délicats. La Gasconne leva les yeux, croisant ses jambes fines, laissant apparaitre une cheville fragile et le début d'un mollet ciselé. Son effronterie transparaissait de tout son être, de son sourire charmeur, à l’éclat perturbant de son regard, jusqu’à son décolleté soigneusement baillant. Elle porta à nouveau son verre à ses lèvres, ne quittant pas l’homme de foy du regard. Le délicieux breuvage, un vin de cahors cette fois-ci, franchit la barrière de nacre, se répandant en des effluves sucrées dans sa gorge. Le reposant à nouveau, elle se leva, et inclina sagement la tête, dans un mouvement tout à fait outrageux.

« Mais il serait de meilleur gout de me présenter avant de vous poser de telles questions, non ? Je suis Aethys, barbier et apothicairesse de métier, mon père. »

Elle releva la tête dardant son regard miel dans le sien. Sa curiosité était désormais affutée et elle se demandait sérieusement ce qu’un prêtre pouvait bien chercher hors de son église. Un poison ? Non, un prêtre ça ne tuait jamais, ça faisait tuer par d’autres mains. Un anti-aphrodisiaque ? Non plus. D’après ce qui se disait, ils étaient loin de cracher sur les catins et les marmots, les prêtres. Une drogue peut être ? Pour s’approcher un peu plus du Très Haut. Le sourire de l’insolente s’étendit un peu plus avant de se fondre dans une moue aimable de façade.

« Peut être pourrais-je vous aider mon père… »

Un papiste cherchant l’aide d’un barbier réformé, en voilà un tableau charmant.
_________________
Scopolie
C'est tout mon corps qui se tourne vers ma voisine, me désintéressant totalement du tavernier. Une femme qui attrape l'argent aussi vite, ce n'est pas bon signe. Déjà que ce sont des créatures avides de richesses à l'origine, mais celle-ci semble particulièrement vorace. Je vais devoir être dur en affaires pour tailler un peu ses prix. Le seul bon point qu'elle marque, c'est de m’appeler "mon père". Je ne suis pas insensible à sa flatterie, mais je n'en oublie pas le but de ma venue. Mes yeux s'accrochent aux siens comme deux vulgaires morceaux de charbon au milieu d'une marée de doux miel. Ses charmes ne fonctionneront pas, je connais bien trop les succubes pour cela : plus elles sont belles, plus elles sont dangereuses.

Vous posez trop de questions, ma fille... Même des stocks ont parfois besoin d'être renfloués.

Une beauté pareille, dans cette taverne miteuse, cela n'avait rien d'honnête. Tout chez elle éveillait ma méfiance : sa gestuelle, son regard, son physique. Dans la nature, les choses les plus attractives sont des leurres pour mener la proie à son prédateur. Il en est de même pour les hommes. Ce ne sont ni ses longs cheveux, ni ses doigts fins, ni ses yeux ambrés, ni ses longues jambes fuselées qui me séduiront et qui me feront débourser le moindre écu supplémentaire que ce qui est nécessaire. Je lui réponds sèchement, en réponse à sa danse de séduction.

Père Scopolie de Carniole, curé de Craon. Vous pouvez m'aider si vous avez... Coup d’œil au tavernier pour s'assurer qu'il s'est vraiment trop fait pour comprendre la teneur des propos tenus... Une substance qui endort l'esprit, qui réduit la volonté mais sans être mortelle.

Mon regard ne quitte pas le sien. Nul intérêt pour sa cheville mise à nue, ni pour ses lèvres gourmandes. Rien de rien. Je suis chaste, moi. Et je ne mélange pas sexe et affaires.
_________________
Aethys
Le ton rugueux du curé lui arracha un nouveau sourire fugace. Qu’il tenait bien son rôle ! Droit et décidé. Son regard noir s’ancra en elle sans s’en détacher ne serait-ce qu’un instant. Pas le moindre cillement, pas la plus petite hésitation. Et cela plaisait à la Gasconne, acérant son esprit. La bataille entre eux deux n’en serait que plus piquante et distrayante.

Et il gagna encore des points lorsque sa demande fut soufflée, en toute discrétion. Un sourcil se haussa, interrogatif et les lèvres se plissèrent en une moue étonnée. Endormir l’esprit et réduire la volonté…voilà une demande des plus explicites et des plus dérangeantes pour un homme de foy. Ses sermons ne faisaient-ils pas leur office ? Avait-il besoin d’un peu d’aide pour prêcher la parole de l’Eglise aristotélicienne ? Les moutons gardaient-ils une part de loup trop importante pour qu’il pût l’accepter ? Les questions se bousculaient dans la tête de la brune, si bien qu’elle marqua un temps d’arrêt, y réfléchissant. Son regard se perdit dans des volutes lointaines, son minois se fit plus froid et distant un infime instant.

Un mouvement imperceptible de tête l’agita, chassant son étonnement ne laissant place qu’à une curiosité affutée. Un vague sourire effleura les purpurines et les doigts s’enroulèrent autour du collet de la bouteille de vin qui trônait près de sa coupe. Elle fit un signe au tavernier, qui bien que rond comme une queue de pelle, savait encore prendre des commandes. Posant une main délicate sur l’épaule de l’homme de foy, la Gasconne l’attira vers une table un peu en retrait. Elle y posa la bouteille, bientôt rejointe par deux coupes apportées par le tavernier. Dans une grâce insolente, elle s’assit, invitant son étrange client à faire de même.


« Vous ne devriez pas faire mention de tels produits aux oreilles de tous, mon père. On pourrait s’inquiéter de vos désirs. Ou pire vous accuser d’utiliser de la sorcellerie…»

Les ambres s’accrochèrent au visage de son opposé tandis que les mains fines servaient le vin. Elles repoussèrent une coupe vers lui et se saisirent d’une autre. Les lèvres gourmandes s’ouvrirent pour déguster une gorgée rubis avant d’esquisser un sourire amusé. Le verre fut reposé et les mains se croisèrent sur la table, presque sagement. Se basculant dans son siège, la garce observa un peu plus l’homme de foy. Sa curiosité la taraudait, elle ne pouvait pas l’ignorer. Elle pouvait l’aider, elle allait certainement le faire mais pourtant, les questions ne cessaient de se bousculer.

« Je pense avoir ce que vous cherchez, mon père. »

L’aveu fut fait. Après tout, n’était elle pas le meilleur barbier de ce royaume ? Le sourire s’étendit, devint hautain et brûlant. Les traits se parèrent d’un orgueil évident. Elle ne doutait jamais la Gasconne, jamais quand il s’agissait de ses compétences. Il fut un temps, lointain désormais où elle doutait d’elle, où chacun de ses mots la faisait douter, trembler, s’abaisser. Mais ce temps était passé et s’il la revoyait maintenant, il sourirait. Oui certainement…Les souvenirs de longue discussions dans une ville adorée s’effacèrent tendrement alors que la brune revenait à l’affaire qui la préoccupait.

« Cependant… »

Le regard devint plus sérieux et posé, l’attitude changeât imperceptiblement, passant d’un adorable abandon tout à fait calculé à un professionnalisme flagrant. L’histoire semblait intéressante et il serait idiot de la rater pour une histoire d’égo ou d’effronterie.

« Vous comprendrez aisément que ce genre de produit, pourrait me faire condamner au bûcher ou à pire sans la moindre hésitation. Alors si notre affaire se fait, au moment même où vous aurez ce que vous cherchez, vous oubliez tout de notre rencontre, vous oubliez mon nom et mon visage. Cela vous convient-il ? »

Les ambres s’hérissèrent une froideur mortelle. La belle avait appris à ces dépends depuis qu’elle avait quitté l’Amiral que la vie n’était pas toujours aisée pour une sorcière. Elle avait payé de sa chair et de son sang, des affaires divulguées, des noms échangés. Les paroles échangées n’étaient rien car bien nombreux étaient ceux qui se vantaient de posséder tel ou tel poison. Peu étaient ceux qui les vendaient réellement. Alors désormais, la brune prenait garde car même si, empoisonner ceux qui parlaient trop était devenu coutumier, le nombre de ses clients en pâtissait et elle préférait malgré tout les garder en vie le plus longtemps possible. Déformation professionnelle sans doute.
_________________
Scopolie
Ce sourire. Cet amusement. Cette provocation. Toute cette invulnérabilité qui se dégageait d'elle m'agaçait, comme si elle jouait avec la vie tandis que moi je suis obligé d'empoisonner ma suivante pour avoir la paix dans mon foyer. Je la dévisage froidement, tout le contraire de son regard de braise. A la façon dont elle essaie de sonder mon âme, je devine qu'elle essaie de connaitre mes intentions, mais qu'elle ne pose aucune question car c'est mauvais pour les affaires, ça fait fuir les clients. Je la laisse imaginer ce qu'elle veut. De toute façon, elle aura sa réponse bien assez tôt.

Je ne perds rien du spectacle qui se joue : ses doigts qui enlacent la bouteille, sa main qui me guide sans force mais avec douceur, sa croupe qui se balance. C'est loin de ce que je m'étais imaginé, c'est à dire une vieille sorcière dans sa cabane forestière qui attrape des rongeurs et autres animaux pour les servir en morceaux dans ses potions. Au moins, avec les femmes laides, il n'y aucun risque qu'elles nous fassent perdre le sens de la raison. Elle, elle essaiera sûrement de jouer sur mes sens pour obtenir d'avantage d'écus.


Merci.

Un remerciement de politesse, rien de plus. Rien de chaleureux, rien de sincère. Du vin. Après avoir essayer avec son corps, elle essaie de me piéger avec de l'alcool. Ça aurait été avec plaisir que j'aurais bu sans modération plusieurs litrons si je n'étais pas en affaire. Je lève le verre à portée de mes lèvres qui se baignent, goûtent mais n'engloutissent pas. Une petite gorgée, en retenant sa respiration pour ne pas avoir la Raison embrumée par les vapeurs avinées. Dire que je n'aurais peut-être pas l'occasion de le finir, quel gâchis.

L'important n'est pas le produit, mais ce qu'on en fait et qui le demande. Pour le premier point, je n'ai pas dit que c'était pour un humain, ou un fidèle -vous seriez surprise des procédés utilisés à l'Inquisition. Pour le second point, qui irait accuser un prêtre ? Nous sommes en Anjou mais tout de même. Enfin, si on allait le raconter, qui croirait un des soudards ici présents ?

On pourrait m'accuser de tellement pire en sortant les squelettes de mon placard. A commencer par la dague cachée dans ma manche. Je ne quitte pas des yeux la jeune femme qui me fait face. Je suis de nature prudente, mais elle ? Son métier l'exige, pourtant avec une beauté pareille, elle ne doit pas se fondre facilement dans la masse. A son passage, ce sont des dizaines d'hommes en ruts qui songent à leurs braies. Légèrement taquin, j'ajoute :

On pourrait aussi m'accuser de ne pas respecter mon vœu de chasteté. Je suis curé mais je reste un homme, et je vous vois en dehors d'un confessionnal où vous me parleriez de votre goût pour la luxure et le vin. Cela aussi, c'est dangereux.

Mais puisqu'elle a ce que je demande, je n'irai pas jusqu'à lui demander si son goût pour la dépravation ne vient pas de son père qui la violait ou de sa mère qui la forçait à voir des villageois dans sa chambre. Pour une fois, je ne dirai rien qui puisse être vexant, surtout vu le service supplémentaire que j'ai à lui demander.

Je prends autant de risques que vous. Mais j'aurais du mal à vous oublier car je compte administrer régulièrement votre drogue à mon amie, il faudra bien que je revienne en chercher.

Quelques informations sont lâchées deci deçà, pour mieux amener le sujet sur la table par la suite.

Je ne vous amènerai aucun client, si c'est cela que vous craignez. Au pire, je servirai d'intermédiaire, et je prendrai une commission. Vous pouvez me faire confiance ; mais puis-je vous faire confiance, à vous ?

La question est laissée en suspend un instant. Mon regard se fait dur, presque menaçant. Elle est piquée dans son orgueil, je suis sûr qu'elle n'aimera pas ça, c'est pourquoi je poursuis aussitôt :

Vous, vous n'avez que votre baluchon à prendre pour fuir. Moi, j'ai des charges, une famille, un nom connu. Je ne peux prendre aucun risque. Aussi, vous administrerez vous-même la première dose pour que je puisse en observer ses effets. Si cela me plait, j'en prendrai une quantité non négligeable pour votre petit commerce, et à un bon prix. De plus, vous aurez gagné un client régulier sans prendre aucun risque, la jeune femme est extrêmement naïve et ne comprendra rien de ce qui lui arrive.

La proposition est tombée. Droit sur ma chaise, je scrute sa réaction tel un juge, supérieur et distant. Elle va essayer de négocier, ou prendre peur. Peur ? Elle semble aimer jouer. Elle va accepter. Je suis sûr que ce ne serait pas la première fois qu'elle empoisonne quelqu'un.

_________________
Aethys
Le regard ambré plongé dans les volutes rubis du vin de cahors, suivit la coupe qu’il prit, effleura les lèvres masculines, s’y attardant un court instant avant de rejoindre les charbons. Ainsi, il buvait. Peu, certes mais il buvait. Non pas que les curés n’avaient pas la réputation de pochtrons finis mais cet homme là semblait si sec et concentré que la Gasconne avait douté un instant qu’il pût prendre ne serait-ce qu’une gorgée de cette liqueur merveilleuse. L’effluve d’un sourire amusé la parcourut à nouveau avant de disparaitre sous sa réponse. Il avait juste le papiste. Qui irait s’opposer à la toute puissance de l’Eglise aristotélicienne ? Même ici en Anjou, terre de tolérance lui avait on dit. Peu de gens…peu d’âmes braves…quelques poignées de réformés et encore, seuls ceux qui en avaient la carrure osaient porter ostensiblement leur symbole de foy, cette minuscule croix qui était enserrée dans son corsage.

Un rictus macula les purpurines, rictus qui s’accentua lorsqu’il évoqua les méthodes de l’Inquisition. Oh, elle les connaissait…elle les connaissait si bien qu’elle les avait à tout jamais dans la peau désormais. Une fleur de lys, symbole des catins, inscrit dans sa chair, boursoufflant son bas ventre. Si Gueule d’Ange n’avait pas été là à cet instant, la brunette ne se tiendrait certainement pas à cette table, son air insolent sur le minois. Le barbier secoua très légèrement la tête, comme un tic involontaire, chassant ses souvenirs sordides de son esprit. Les lèvres du curé s’agitèrent à nouveau, dessinant des mots tels que luxure et vin. Le sourire de la belle revint sur ses lèvres, amusé une nouvelle fois. Ce curé regorgeait de surprise il semblerait et sa verve était acide à souhait. Absolument plaisant.


« Allons, quel danger y a-t-il à discuter avec moi, mon père ? Une pauvre enfant sans naissance face à la puissance de l’Eglise aristotélicienne… »

Les purpurines s’étirèrent un peu plus dissimulant sous un sourire charmeur une pointe d’ironie teintée d’insolence. Imperturbable, la brune croisa les jambes sous la table et se saisit à nouveau de son verre. De toute manière, il ne l’aurait jamais croisé en confession, le curé. Alors autant discuter ici.

Les lèvres se posèrent sur le bord de la coupe et le parfum du vin se répandit en elle. Mais avant qu’elle n’ait pu l’avaler, sa remarque suivante la fit hausser un sourcil et reposer le verre. Comment ça, régulièrement ? Le fait que ce soit une amie à lui qu’il tentait d’empoisonner ne la gênait pas. Mais un empoisonnement à long terme ? La mine du barbier se fit un infime instant soucieuse. Que voulait-il donc ce curé à la fin ? Asservir une âme à sa cause ? La religion ne le lui permettait pas déjà ? Un pli lui barra le front peu à peu, s’accentuant au fur et à mesure de ses confidences. Il n’était pas net ce curé à n’en plus douter. Son histoire prenait des reflets sordides désormais. La lippe se fit hésitante un court moment. Ce n’est pas qu’empoisonner lui posait problème bien au contraire, mais le fait qu’un homme de foy ait besoin de ces méthodes pour asservir quelqu’un la dérangeait quelque peu. Sa propre foy freinait son acceptation trop rapide, instillant un léger doute. L’esprit tourmenté, la Gasconne ouvrit néanmoins la bouche, brisant le silence qui s’était installé entre eux, l’empêchant de la juger comme il le souhaitait.


« La confiance est une chose fragile et de longue haleine mon père. Surtout pour les gens tels que moi. »

Le sourire revint sur les purpurines, dissimulant l’intense réflexion qui se déroulait encore en elle. Les doigts jouèrent le long de la coupe, le regard s’y abaissant pour mieux retrouver les charbons.

« Cependant, une affaire est une affaire et je saurais la respecter. Nous serons dépendants l’un de l’autre car un mot de vous saurait me faire brûler et un geste de ma part pourrait vous tuer. Alors si vous tenez votre place, je tiendrais la mienne. »

Un hochement de tête conclut la phase confiance. Venait maintenant le cœur de cette affaire.

« Ce que vous m’avouez là, mon père, me déplait, je ne vous le cacherai pas. Déjà car, je n’aime pas me faire la main exécutrice de mes clients. Trop de contact, trop de risques d’erreurs. Dans votre cas, comment imaginez vous que je puisse administrer cette drogue à votre amie sans qu’elle ne se doute de rien. Même si elle est si naïve que vous le dites, elle s’inquiètera du seul fait de ma présence, non ? A moins que nous trouvions une excuse valable à ma venue auprès d’elle. Ensuite, un empoisonnement à long terme n’est pas la même chose qu’un empoisonnement ponctuel. Qui plus est sur une femme. Je devrais donc surveiller son état pour adapter les doses et vérifier ces réactions. Si bien sur vous ne voulez pas la tuer. Ce n’est pas une simple besogne que vous me proposez là. Et loin d'être sans risques pour moi, comme vous semblez le pensez. Enfin, vous qui parlez de prix, outre le poison, si je me déplace, il faudra compter mes heures. »

Le sourire s’était effacé au cours de la tirade. L’histoire ne lui plaisait pas. Du moins, si, mais ce n’était pas un simple empoisonnement, pas une simple vente. Cela devenait nettement plus intéressant.
_________________
Scopolie
Le sarcasme. Voilà l'un des principaux motifs de cet empoisonnement. Ma patience a été usé par les incessantes provocations de ma suivante. Heureusement pour l'apothicaire, elle ne dépasse pas le stade de la légère ironie et son sourire charmeur est bien plus plaisant à voir qu'un regard défiant mon autorité. Peut-être est-ce ses flatteries ou le fait que cela fait bien trop longtemps que je n'ai pas croisé quelqu'un me respectant vraiment pour ma fonction, je prends un peu plus confiance et me risque à une nouvelle gorgée de vin. Point trop non plus, je tiens à garder mon esprit alerte pour ce qui allait se dérouler malgré la confiance légère qui s'est installée entre nous : si l'un tombe, il entraine l'autre dans sa chute.

Je commençais à bien vous estimer, tâchez que cela perdure. Gardez pour vous vos jugements personnels, c'est mauvais pour les affaires ; à moins que seuls les écus ne puissent faire taire la petite voix de votre conscience d'empoisonneuse ?

Car s'il y a bien un point commun entre les Inquisiteurs et les sorcières, c'est que tous deux ont sacrifié leur conscience sur l'autel de leur foi, quelle qu'elle soit. Tous deux ne reculent devant rien pour arriver à leurs fins : brûler des villageois protégeant un groupuscule hérétique ou empoisonner l'eau du puits parce qu'ils deviennent menaçants, quelle différence ? Hommes, femmes et enfants, sans distinction, peuvent représenter une menace. Alors, une femme, seule, inconnue et banale, il n'y a pas de problème de conscience, seulement d'argent pour être sur la même longueur de pensée.

Laissez moi les mensonges et les boniments, occupez vous du produit et du dosage. Je vous ferai passer pour une voyageuse victime d'un pillage que j'ai recueilli. Vous cuisinerez pour payer le loyer, car ni elle ni moi ne savons nous nourrir convenablement, et vous en profiterez pour mettre le produit dans son plat. Elle n'y verra que du feu, avant de sombrer.

Je la voyais venir, avec ses visites régulières. Elle veut un client très régulier, vivre avec la pension que je lui verserai. Mais on ne me berne pas comme ça. Pour avoir ses seuls services d'empoisonneuse, sans pouvoir profiter du reste, c'est trop cher. Me grattant la pilosité faciale, je fais mine de réfléchir.

Vous me donnerez un autre ordre d'idée, pour les doses. Je me chargerai de les lui administrer pour les jours et les années à suivre. Si elle va bien, je les augmenterai. Si elle va mal, je les diminuerai. Si elle va très mal, je les arrêterai et je l’emmènerai voir un médicastre. Cela ne doit pas être sorcier d'empoisonner quelqu'un.

Le jeu de mot est volontaire. Qui a dit que je n'avais pas d'humour ? Si je ne souris qu'un peu, c'est parce que je réfléchis intensément. Je ne dois rien laisser au hasard, il en va de l'équilibre de ce nouveau rapport de force que je vais instaurer entre ma suivante et moi.

Vous me donnez le nom du produit, ou du moins de quoi il est extrait, au cas où vous ne décidiez de partir ou qu'il vous arrive un malheur et que j'ai besoin de m'approvisionner. De même, est-il préférable de lui administrer pendant le repas ou avant ? Enfin, il va de soit que si quelqu'un vous dénonçait, je serai là pour assurer vos arrières auprès de la justice de l’Église. N'oubliez pas cela lorsque vous me donnerez vos honoraires.

L'affaire est conclue, le verre de vin est abandonné là. Je m'appuie sur ma crosse pour me lever avant de passer ma main sur ma robe de bure pour enlever les plis. Je ne lui sers pas la main pour sceller notre pacte, j'aurais trop peur qu'il existe des résidus de poison dessus.

Allez chercher le produit, je vous attends devant la taverne. Faîtes attention en chemin : à cette heure, les soudards ont été jeté de chez eux par leur bonne femme, donc ils cherchent de la chair fraiche pour accueillir la leur, pourrie jusqu'à l'os.
_________________
Aethys
Le sourire de la Gasconne s’intensifia quelque peu. Il l’estimait lui ? Elle n’aurait pas été en affaire qu’elle aurait éclaté de rire à n’en pas douter. Un curé papiste estimant une garce et barbier réformée. Voilà qui était une chose des plus amusantes. La lippe frémit légèrement trahissant un court instant le rire qui lui chatouillait la gorge. Ses ambres se mirent à pétiller et elle quitta son regard. Cet homme de foy était distrayant et intéressant. Son histoire d’empoisonnement semblait sordide certes mais son esprit était rugueux et vif. Pas un de ces hypocrites mièvres qui préféraient se fondre dans la masse beuglante du reste du monde. Non, il avait ses propres buts, ses motivations intimes, déplaisants certainement mais lui appartenant malgré tout.

Néanmoins, le sourire s’effaça rapidement alors qu’il poursuivait. Un jugement de valeur. La crinière s’agita sous un mouvement de tête négatif. Non, elle ne se le permettrait pas. Après tout, il devait avoir ses raisons et elle serait malvenue de le juger. Non, elle n’exprimait là que les faits, les complications possibles qu’il n’avait peut être pas entrevues, du fait qu’il ne connaissait certainement pas les poisons et leur utilisation. Pourtant les lèvres rondes s’ouvrirent en un discours plus piquant, ne cherchant pas à s’expliquer.


« Mon père, souhaitez vous réellement découvrir tous mes vices en une rencontre ? »

Le sourire insolent macula les traits fins et les ambres s’ancrèrent effrontées dans son regard. L’attention se tendit à nouveau pourtant, écoutant ses propositions. Oui, passer pour une voyageuse pillée, elle pouvait. Faire la cuisine aussi d’ailleurs, même si elle s’obstinerait à ne faire que le strict nécessaire. La brune n’allait tout de même pas bien les nourrir en plus. Il ne manquerait plus que cela ! Elle hocha alors la tête, délicatement, acquiesçant à ses dires, n'ajoutant rien de plus. Le trait d’humour la fit cependant sourire. Il pouvait donc être drôle. Ou du moins, tenter de l’être. C’était adorable. Il ne manquait plus de le voir rire, déridant sa peau tendue de papiste. Pourtant, il sourit, très légèrement, mais il sourit et les ambres rigolèrent à ce sourire. Mais l’esprit restait entièrement tourné vers cette sombre affaire.

« Nous ferons comme cela, mais si elle se mettait à aller mal, ne l’amenez pas à un quelconque médicastre. Les traces du poison se retrouveraient trop facilement. Amenez la moi, je vous la remettrais sur pieds. Ou trouvez vous une personne qui saura tenir sa langue. »

La suite s’enchaina rapidement. Il semblait pressé le curé de placer son amie sous son joug. A croire qu’elle devait lui poser de sacrés problèmes. Les dernières instructions furent livrées et déjà il se levait. La Gasconne l’accompagna dans son mouvement. Ses jupons ondulèrent autour de ses jambes ciselées et la cascade brune s’écoula dans son dos. Avec regret les verres furent abandonnés sans avoir été finis et les ambres se ternirent un infime instant. Quel dommage…un si bon vin. Le curé ne lui tendit pas la main, chose habituelle pour clôturer une affaire et cela arracha un sourire en coin à la belle. Aurait-il peur d’un quelconque poison, trainant sur ses mimines ? A n’en pas douter. Les purpurines s’étendirent un peu plus et elle hocha la tête.

Sans attendre un mot de plus et sans répondre à ses questions sur l’administration du produit qu’elle lui montrerait à n’en pas douter, ni à l’évocation sordide qui termina leur discussion, le barbier se retira de sa démarche savamment chaloupée. Les regards se tournèrent irrémédiablement vers ses formes alléchantes avant qu’elle ne disparût par la porte. Cela ne devrait pas lui prendre longtemps.


[Quelques instants plus tard, dans la ruelle devant la taverne]

Aethys traversait les rues désormais sombres. De part et d’autres, les gens rentraient chez eux, se dirigeaient vers les tavernes. A quelques recoins, des gémissements équivoques trahissaient la catin qui gagnait son pain comme elle pouvait. La garce eut une mimique dégoutée, s’imaginant un court instant à devoir trousser ses jupons dans une ruelle telle que celle qu’elle venait de croiser. Un fiel acide lui monta à la gorge et elle détourna le regard. Se faire entretenir par un homme riche à ne plus savoir quoi en faire oui, mais se faire fouiller par le premier gueux venu… La belle secoua sa crinière et poursuivit son chemin. La taverne n’était plus loin. D’ailleurs n’était-ce pas là le regard charbonneux de son client.

Elle s’approcha de lui d’une ondulation de hanche et vint presque contre lui. Avec délicatesse mais une certaine fermeté, une main sur son épaule, elle l’éloigna de la porte, les engloutissant dans l’ombre. Là, dans cette pénombre, personne ne les distingueraient, les prenant à coup sur pour un couple d’une nuit. La promiscuité des corps distillait une douce chaleur entre eux d’eux. Baissant le regard, il devait avoir une vue imprenable sur les rondeurs féminines qu’elle offrait dans une chemise outrageusement bâillante. Pourtant, les ambres étaient sérieuses, les traits sereins mais affutés. Une fiole apparut rapidement entre ses doigts fins et elle la montra au curé.


« Opium, cigüe et mandragore. Illusion de son petit nom. Une dose, une fiole. Soixante écus la fiole, quatre-vingt pour la première. Ne cherchez pas à négocier où je disparais. Et personne ne saura vous refaire ce mélange. Il est bien trop subtil pour être apprivoiser en quelques essais. Si vous deviez faire affaire avec quelqu’un je vous permets de lui donner les noms mais pas le produit. C’est ma création, vous comprenez ? »

Le regard miel se reposa dans celui opaque du curé. La voix s’était faite souffle, brûlant et expéditif. Elle savait être incisive la brunette quand elle le voulait.
_________________
Scopolie
Découvrir ses vices. Je ne doutais pas un seul instant qu'ils pouvaient à tout instant déborder de tous les orifices de son corps comme la pus d'une plaie qui pourrait paraitre finement cicatrisée. Découvrir tous ses vices. Même pas au bout de la trente-deuxième rencontre. J'en ai assez avec ceux des gens que je côtoie au quotidien. Je ne tenterai pas le Sans Nom en rétorquant que plus aucun péché ne m'impressionne, je ne tiens pas à subir une démonstration dont j'ai un aperçu lorsque tous les regards avinés et vitreux se tournent vers elle, comme des charognards vers un animal blessé ; car un homme qui est entrain de pécher est transformé, pendant la durée de son sacrilège, en une bête. Et plus il se transforme régulièrement, plus cette transformation est irréversible, si bien que certains ont pris le nom de "Lions de Juda", abordant en signe de leurs péchés un poisson.

Le dernier conseil est gravé dans ma mémoire. Tant que le poison ne lui donne pas des yeux jaunes et de l'écume aux lèvres, je devrais être capable de trouver un médicastre un peu charlatan qui ne découvrira rien de mon stratagème. Nous sommes sortis de la taverne et je lève la main pour la saluer. Maintenue entre le pouce et l'index, la ficelle d'une bourse bedonnante qui promet de faire des petits. Et tandis que la silhouette de l'empoisonneuse disparaissait, je m'emmitouflais dans ma robe de bure : les mains dans les manches pour éviter le gel des extrémités, le nez dans le col pour m'épargner les odeurs nauséabondes d'un ivrogne qui avait régurgité non loin, j'attendais, impatient, que mon plan se mette en marche.

Bientôt, elle revint à moi, attirée par l'appât du gain. Ma main tendue pour examiner la fiole fut repoussée par une hanche vive qui s'aventurait trop près de moi à mon goût, et cette main profane qui me touche sans y avoir été invité. Je haïs les contacts physiques spontanés, peut-être parce que toute ma vie j'ai subi les faiblesses de ce corps frêle. Sa main tente de me guider, mon corps répond en se raidissant. Je ne me suis pas fait emmener de force depuis bien longtemps, trop de mauvais souvenirs, dont un tatoué autour de mon cou.


Oui.

Mes yeux s'illuminent d'une lueur nouvelle. Même un corset lâche et une proximité trop forte n'aurait pas détourner mon attention de cette fiole : le pouvoir de dominer l'âme d'un homme dans un si petit récipient. Cela pourrait s'avérer très pratique pour obtenir des aveux de la part d'hérétiques endurcis. Mais commençons par une septique bornée.

J'achète.

Je me recule, plus que nécessaire, pour glisser ma main dans les replis de ma bure et en sortir trois bourses. En tout, il y en a pour deux-cents écus, car j'aime les chiffres ronds et que ses rondeurs à elle me gênent et troublent ma vue mieux que du vin.

Suivez-moi, ma fille. Vous avez du pain sur la planche.

Inutile de s'attarder dans la ruelle sombre, je ne m'y sens pas à mon aise. Sûrement à cause de la présence d'une empoisonneuse qui pourrait aisément me trancher la gorge tandis que la tête plongée dans sa poitrine. Je pointe une vague direction du bout de ma crosse pour lui indiquer où nous nous rendons, l'auberge où je partage la même chambre que ma suivante. Je n'étais pas très bavard durant tout le chemin. Je commençais à envisager dans ma tête tous les scénarios possibles, à prévoir chaque solution à chaque problème. Si Sorianne insistait pour cuisiner, si elle n'avait pas faim, si le poison ne faisait pas effet. La vie est une partie d'échec où il faut avoir plusieurs coups d'avance sur son adversaire, voir ses adversaires.

Bienvenue chez moi, dis-je d'un ton teinté d'ironie tandis que nous traversions le hall, sous le regard curieux du tenancier.

J'ouvrais la marche dans les escaliers grinçants, jusqu'à la petite porte que j'ouvris d'un simple mouvement de la poignée. Pourquoi fermer à clés alors que je sais qu'elle rouvrirait derrière moi, ne voulant pas se sentir enfermée. Mais bientôt, cela changerait. Bientôt, elle sera à ma merci. Pas plus tard que ce soir.


Sorianne ?! J'amène une invitée !
criai-je en jetant un coup d'oeil à l'empoisonneuse. Vois le visage de ta victime.
_________________
See the RP information
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)