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[RP] L'Hôtel Castelmaure.

Charlemagne_vf




L'Hôtel Castelmaure, établi non loin de l'Hôtel de Royaumont et de l'Hôtel d'Albret, est situé à un endroit où le terrain s'abaisse par une pente telle que ni chevaux ni carrosses ne s'y aventurent avec aisance. Cette condition est favorable à un silence tout relatif, entre les rues serrées menant aux Halles ou bien à l'Hôtel de Bourgogne, le premier de ces deux monuments projetant des tons clairs sur la façade Est du lieu. Là, les pavés sont secs, les ruisseaux n'ont ni boue ni eau, l'herbe croit le long des murs, et le passage d'un char, d'un coche, sont des évènements, et nul ne peut douter à leur approche, l'on cherche à entrevoir le Sieur de l'endroit.
Le parisien habitué ne voit là qu'un ersatz de prison, une vieillesse qui meurt, un ennui désolant. Si les quartiers alentours sont connus et fréquentés, si le long des remparts, l'on court de l'Hôtel d'Orléans à celui de Bourgogne, puis au Louvre, l'Hôtel Castelmaure lui est un cadre de bronze, que le soleil évite, et que le lierre a déjà camouflé à sa vue.

La façade donne sur une cour ombragée, où règnent le chiendent, les pissenlits, et le lierre rose, encore, et qui ne laissent qu'à peine entrevoir une allée par laquelle on entre. On pénètre dans cette allée par une porte bâtarde et cochère, surmontée d'un écriteau sur lequel est écrit: "Hôtel Castelmaure", et plus bas, "Propriété de leurs Seigneuries Charles de Castelmaure, & de Lhise de Tapiolie."
Dans cette cour dévastée, une fontaine représentant Amour se noie dans ses propres eaux, vertes et vaseuses, et le soir venu, nul ne se demande d'où s'échappent les chants des amphibiens. Cette maison, autrefois luxueuse et vive, attire les yeux des passants les moins initiés, et offre à Paris un pittoresque rare.
Chacun des murs de la cour est tapissé d'espaliers, de glycines et de vignes, dont les fruits, violacés, savourent une vie pleine, sans crainte d'être cueillis.
Le long de chaque mur passe un étroit chemin qui mène à un couvert de feuillus, et entre les deux allées latérales est un carré de navets flanqué d'arbres fruitiers, et bordé d'oseille, de laitue ou de persil.

La façade, élevée de trois étages et surmontée de tourelles et de mansardes, est faite de ces pierres qui ornent tout Paris, et qui font l'admiration des nouveaux venus, quand ils dégoûtent les parisiens.
Derrière le bâtiment est une cour large où gît encore un vieux carrosse, et où une large place en attend un second, et au fond de laquelle, près d'un imposant portail, s'élève un hangar où le bois est vieux de décennies.
Cette cour a sur la rue une porte étroite par où la cuisinière - pour peu qu'il y en eut une - chasse les ordures de la maison en nettoyant cette sentine à grand renfort d'eau, sous peine de pestilence.

Destiné à la vie nobiliaire, mais citadine, le rez-de-chaussée se compose d'une première pièce éclairée par les deux croisées de la rue, et où l'on entre par une porte-fenêtre. Ce salon communique à une salle à manger qui est séparée de la cuisine par la cage d'un escalier dont les marches sont en pierre. Rien n'est plus triste à voir que ce salon meublé de fauteuils et de chaises en étoffe alternativement mates et luisantes. Au milieu se trouve une table ronde à dessus de bois de chêne massif. La tapisserie d'entre les croisées offre aux résidents le tableau du festin donné à Thyeste par Atrée. Sordide.
La cheminée en pierre, dont le foyer toujours propre atteste qu'il ne s'y est pas fait de feu depuis longtemps, est ornée de deux vases pleins de fleurs fanées, vieillies et sèches. Au sol, quelques pétales gisent.
Ce salon sent le renfermé, le moisi, le rance; elle donne froid, elle est humide au nez, elle pénètre les vêtements; elle a le goût d'une salle où l'on a dîné; elle pue le service, l'office, l'hospice.

Malgré ces plates horreurs, si vous le compariez à la salle à manger, qui lui est contiguë, vous trouveriez ce salon élégant et parfumé comme doit l'être un boudoir.
Ladite salle à manger est plaquée de buffets gluants sur lesquels sont des carafes échancrées, ternies, des ronds de moiré métallique. Dans un angle est placée une boite à cases numérotées qui sert à garder les serviettes, ou tachées ou vineuses. Il s'y rencontre de ces meubles indestructibles, proscrits partout, mais placés là comme le sont les débris de la civilisation aux Incurables. Pour expliquer combien ce mobilier est vieux, crevassé, pourri, tremblant, rongé, manchot, borgne, invalide, expirant, il faudrait en faire une description qui retarderait trop l'intérêt de cet écrit - en admettant qu'il en eut un - et que les gens pressés ne pardonneraient pas.

Enfin, là règne la misère sans poésie; une misère économe, concentrée, râpée. Si elle n'a pas de fange encore, elle a des taches; si elle n'a ni trous ni haillons, elle va tomber en pourriture.

Plus haut, suivant les colimaçons et les couloirs mornes, en suite des parquets grinçants et des pavés glacés : chambres, cabinets, études, antichambres et salons sont d'un délabrement semblable à tout le reste. La poussière offre aux lits leurs couvertures, aux bureaux leurs parchemins, aux sols leurs tapis.
Les insectes morts sont légions, et nul personnel ne fut vu ici depuis des lustres.

C'est dans cet Enfer que pénètre le Prince de Castelmaure, lorsqu'il se rend à Paris, comme un enfant de Fronde. C'est dans ce Tartare que vit l'Infant de France, lorsqu'il ne peut plus trouver sa chambre du Louvre.
Mais cette fois, revenu sans raisons, avec une suite confortable, Charlemagne, fils de Béatrice de France, fera renaître en ces lieux délaissés le lustre d'un rang qui est le sien.


Librement inspiré, adapté et revu, d'après Le Père Goriot, de Balzac. (1835)
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Le nez de Charles de Castelmaure, les mains de Jehanne de Cassagnes-Begonhès, la peau de Béatrice de Castelmaure, les yeux de Guise von Frayner, la grâce de Lhise de Tapiolie. Un être fait de tous ces autres, à la démarche fière d'un Implacable, allait dans cet univers macabre, linceul d'un passé illustre, faisant grincer sous ses pas les feuilles, et brisant sous ses chausses les brindilles déchues.
Deux éminences grises, aux cheveux blonds, suivies de deux Colosses, gris eux aussi, suivaient la silhouette la moins grande, mais qui les devançaient toutes.
Celui que l'on appelait "Altesse" s'arrêta, puis l'une de celles qui portaient robe et cape le contourna, obséquieuse, allant passer une lourde clé dans une large serrure, laquelle ouvrait sur une Entrée, damée, sombre, et vide. Les pas des arrivants dessinèrent, dans la poussière, une trace guerrière. Il faisait à peine jour, et les lourds rideaux de velours, noirs, étaient passés, mités : des lambeaux. Ils laissent avec souffrance les rayons du soleil brûler le sol, en les traversant.
Les murs, froids, aux tapisseries, aux oriflammes, aux tentures souvenirs de glorieux passés, antiques ou médiévaux, étaient les témoins agonisants du retour de l'héritier.

Des marches furent effleurées, des chambres furent visitées, des meubles furent caressés, et tôt, le fin index du Prince fut recouvert d'une fine couche de duvet grisâtre.
L'endroit était une ruine, un vestige qu'il était peut être trop tard pour sauver. Deux générations avaient suffi, par leur absence, à en faire cette place glaciale, musée d'artisanat ancien, où tout sentait la vieillesse.
La vie avait déserté depuis longtemps, et seul un tableau de la Vicomtesse de Chastellux, grand mère du présent Vicomte, soufflait à qui venait que l'on avait, autrefois, vécut ici.
Les courants d'air étaient désormais, avec quelques fantômes, les seuls seigneurs en cet Hôtel.


Lucille, je crois qu'il faut changer des choses, ici.

Oui, Votre Altesse.

Comment fait-on ?

Il vous faut écrire à Madame de Railly, votre tutrice, Votre Altesse, pour qu'elle utilise vos rentes. Mais peut-être sera-t-il mieux d'acquérir un autre Hôtel, Monseigneur.

Non. Ecrivez.

Pour que Castelmaure revive, il faudra que son nom reluise.
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A l'étage, un campement de fortune avait été établi. Des malles, l'on avait sorti divers tissus : fourrures de renards, laine de haute qualité, soies de Venise et de Damas, taffetas. Les formes et les coupes étaient variées : vestons, manteaux, chemises, mais aussi couvertures, ornements et parures nocturnes. Dans la plus vaste des chambres, où un feu avait été allumé, l'on entreposa les affaires du Prince, droit venues du Château de Nevers.
La pièce, large et boisée, aux rideaux de sinople, et dont les fenêtres donnaient sur la Cour, avait été soigneusement rendue vivable.
Une couche imposante côtoyait une table de travail, d'où l'on avait retirés les encriers séchés, les plumes inutilisables, et les parchemins vieillis jusqu'à la moisissure.
Les lieux ne brillaient pas, mais l'on commençait à y discerner un luxe possible, dans un avenir proche. Au mur, Charlemagne avait fait accrocher le portrait de sa mère, celui que l'on trouvait à Chablis, et que l'on avait fait copier.
Lucille, jeune suivante éduquée, avait écrit d'une main leste à la Duchesse d'Orléans, que l'on ne savait pas telle, dans les profondeurs de la Bourgogne.


Citation:
    A Madame de Railly,

    Madame,

    Par la demande de Son Altesse Royale, vous faisons savoir son désir de voir restaurer l'Hôtel Castelmaure, sis en Paris.
    En foi de quoi, vous mandons, soit de quoi nous permettre de enquérir de ladite restaurations, en écus sonnants ; soit de nous adresser maints artisans et de toutes confréries, que vous paierez sur les rentes de Son Altesse. Nous ne vous cachons pas l'ampleur de la tâche, mais Monseigneur tient à ceci.

    Vous informons que mondit Prince de Castelmaure loge ici en Paris, après un séjour aux côtés de ses gens en Nivernais. Monsieur son Frère l'a toutefois fait mander à Mâcon pour bientôt.

    Vous veille le Très Haut.

    Sous les consignes de Son Altesse Royale Charlemagne de Castelmaure,
    Lucille.


Repoussant la "bonne" après son oeuvre achevée, le Souverain de Bolchen demanda de l'encre et quelques vélins. Il voulait écrire.

Citation:
    A Son Altesse Impériale, Ingeburge von Ahlefeldt-Oldenbourg,

    Madame,

    Je n'ai pas eu de réponse à la missive que vous sembliez pourtant attendre de moi.
    Vous vouliez des nouvelles de ma tutelle en France, mais je suis préoccupé par ma tutelle en Empire. Le Duc de l'Aigle, je ne l'ai jamais vu, ou plus depuis le trépas de feu Père. Le Pair de Clérel est mort.
    L'Empire, dans sa Grande Stupidité, a refusé de m'allouer un autre tuteur, et chaque jour, je crains pour mes terres. Je refuse de retourner à Bolchen. Les Aigles survivants, je ne les aime pas.
    Je sais que vous avez des droits sur les rentes de mes Industries. Puisque je n'ai pas de tuteur, je ne sais si les voeux de mon Père sont honorés.
    Pourriez-vous m'aider, et administrer Bolchen, et Baudricourt, puisque je ne le puis, puisque nul ne le peut, et que je ne veux pas que l'Empire de Guise devienne une ruine.
    Je suis à Paris, et le Royaume de Béatrice est déjà en lambeaux. Je suis trop jeune et l'on ne me laisse rien faire. Tout le monde est occupé et je suis seul. Pourtant je comprends que tout déchoit.
    Madame d'Auxerre, en mémoire de ce jour où vous me promîtes fidélité, pour la mémoire de mon Père, je me rappelle à vous.

    Que l'On vous veille.

    S.A.R. Charlemagne Henri Lévan von Frayner-Castelmaure.


Et pensant, le jeune garçon gribouillait sur un autre vélin.

Citation:
Maman. Papa. Pfff. + Le Très Haut.
Blablabla.
ABCDEFGhIjKLMNOPQRstwxyZ
rosa, rosa, rosam, rosae, rosae, rosa, rosae, rosae, rosas, rosarum, rosis, rosis.
Carolus Magnus.
Rex Franciae. Habemus Regem.

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Bonjour Charlemagne.

Bonjour. Tu es qui ? Tu as une voix toute douce, plus que maman.

Je suis ce que tu voudras que je sois, Charlemagne, parce que je n'existe que dans ton esprit. Je suis ta création.

Alors c'est maman qui t'a envoyée ? Hein ? C'est elle ?

Oui petit Prince, si tu le souhaites, alors oui, c'est elle.

Où est-elle ? Pourquoi elle n'est pas venue ?

Parce que c'est impossible, Charlemagne. Tu sais bien que l'on ne revient pas d'où elle est. Mais tu pourras la rejoindre, toi, un jour. Si tu es un gentil garçon.
Les gentils garçons retrouvent toujours leurs mamans au Soleil.


Elle est au Soleil, Maman ?

Oui Charlemagne, parce que sa vie a été emplie de bonté et de générosité. Elle était pieuse et vertueuse.
L'es-tu, Charlemagne ?

C'est quoi pieux ?

C'est le respect des promesses que l'on fait à Dieu, et l'amour que l'on a pour lui.

Alors, il existe ?

Bien sur, Charlemagne. Qui aurait fait tout cela, sinon ?


Mon esprit, tu l'as dit.

C'est parce que Dieu est en chacun de nous.

Tu m'ennuies. Je veux que tu parles de maman, pas de Dieu. Sancte, il parle tout le temps de Dieu.
Elle fait quoi, maman, maintenant ?


Elle attend que le monde change, elle attend que changent les temps, elle attend que ce monde étrange se perde et que tournent les vents. Inexorablement, elle attend.
Et elle regarde des images et lit des histoires d'avant, d'honneur et de grands équipages, ou les bons sont habillés de blanc ; et elle s'invente des voyages d'eau de rose et de passion sage aussi purs que ces vieux romans, aussi grands que celui qu'elle attend.


Ah, elle m'attend. Et elle m'aime encore ?

Elle t'aimera toujours, petit Prince.

Et elle aime Franc, aussi ? Il me manque. Il était tout petit, je me souviens. Il est où, Franc ?

Où qu'il soit, elle l'aime toujours. Mais je ne peux pas te dire où elle est, parce que je ne sais que ce que toi aussi, tu sais. N'oublie pas, je suis une création de ton esprit.

J'aimerais bien être grand. Tu sais, quand on est petit, c'est dur. Les gens ne vous écoutent pas, et il faut toujours leur obéir, même quand on est Prince. C'est ennuyeux la petiteur. Je veux la grandeur. Tu peux ?

Je ne peux rien, Charlemagne. Juste te parler, le temps que tu t'endormes.

Je suis pas fatigué.

Alors je resterai là.

Promis ?

Promis.

Et Papa, il est où Papa ? Sur le Soleil avec maman, hein ? Pourquoi ils sont partis et que moi je reste. C'est ennuyeux, tout seul, Paris.
C'était bien avant, il y avait Papa et on allait tuer des bêtes avec les aigles, et maman elle nous faisait peindre, et Madame de Jegun elle nous grondait quand on mangeait des confitures, et Yolanda elle venait faire la grande.
J'aime pas Yolanda, mais c'était bien.

Eh bien, Charlemagne, pourquoi ne vas-tu pas retrouver Yolanda, Franc, Arutha, et Madame de Jegun ?

Il y a Sancte, et je l'aime bien. Il me fait comme avec les grands.

Mais ça ne t'amuse pas...

Bah non ! Je suis pas grand, alors c'est ennuyeux d'être comme les grands quand on est petit.

Dis lui, Charlemagne, ton frère n'est pas un bourreau.

Si. Je crois. Les gens ont peur de lui, alors moi aussi, des fois.

Tu es le fils de Guise et de Béatrice, ne laisse personne te faire peur. Jamais, jamais, jamais.

D'accord.
D'accord, Madame du Rêve...
D'accord, Mam...


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Merci J.J.Goldman.
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Ingeburge
La duchesse d'Auxerre, pour d'officielles et tout ce qu'il y a de plus sérieuses raisons, se trouvait en Languedoc. C'est en ce comté à moitié civilisé et à moitié sauvage que la lettre du rejeton guiséen la cueillit. Elle ne s'attendait pas à pareil courrier et c'est d'un air mi-circonspect, mi-inquiet, qu'elle le décacheta. Que pouvait motiver, si ce n'est une mauvaise nouvelle, pareille missive?

Quelques minutes plus tard, après une seconde relecture bien plus attentive que la première, elle reposa le parchemin et se prit à réfléchir, les yeux perdus dans le vague. Le Saint-Empire... Il serait toujours douloureux d'y penser et constater que d'autres y rencontraient autant de problèmes qu'elle ne consolait en rien.

Plume, encre, vélin :

Citation:




    A Charlemagne Henri Lévan von Frayner-Castelmaure, duc de Bolchen et du Nivernais, vicomte de Baudricourt et de Chastellux, baron de de Chablis, de Laignes et de Thuillières,

      De par Ingeburge von Ahlefeldt-Oldenbourg, duchesse d'Auxerre, baronne de Donzy, pair de France.


    Votre Altesse Royale,

    Nulle réponse, effectivement, votre précédente épître m'a trouvée en période de retrait et je n'ai eu le loisir d'y répondre sur-le-champ. Ensuite... ensuite, il a fallu combler le retard pris durant mon recueillement et je ne cacherai pas que mes charges étant pourvoyeuses d'un courrier volumineux, c'est plutôt celui-ci que j'ai traité avant mes affaires privées et à ce jour, il ne me semble pas avoir épuré tout mon passif, les mêmes charges faisant que les sollicitations épistolaires n'ont pas décru avec mon retour.

    Si j'ai été soulagée d'apprendre que vous vous trouvez à Nevers, je l'ai moins été en vous apprenant sous la coupe de celui qui se présente comme étant votre frère aîné. Cet homme, en dehors des bruits qui courent sur son compte, ne m'inspire pas confiance, je me souviens de son visage, de son allure, j'ai peine à accroire – d'ailleurs, je m'y refuse farouchement – que du sang de votre sensationnel père coule dans ses veines. Enfin, vous voyez vos terres et séjournez même à Paris, il ne peut y avoir du mauvais là-dedans. A propos de vos terres bourguignonnes, je ne m'enquérais pas de votre tutelle, je n'ai nul doute quant aux bons offices de votre vassale française, j'en ai même été témoin ayant recueilli durant un temps les serments des vassaux bourguignons, c'était plus votre personne, votre état d'esprit et votre santé qui m'intéressaient.

    En revanche, me voilà sérieusement alarmée quant à vos domaines lorrains. Je savais qu'aucun de vos tuteurs, soit par trépas, soit par acédie, n'était en mesure de s'occuper de vos intérêts mais j'ignorais que l'on refusait de vous désigner un tuteur remplaçant. J'accepte, bien évidemment, de vous prêter main forte dans l'administration de vos terres et je vais m'enquérir des textes héraldiques impériaux et réfléchir à ce qui pourrait être fait afin que les droits qui sont les vôtres soient effectivement respectés.


    Que le Très-Haut vous ait en Sa sainte garde.


    Donné en Languedoc.





_________________
HS
Magalona_eufrasia
C'est un messager fourbu qui se présente aux portes de la demeure en cette fin de journée. Bien entendu, il aurait pu venir du Languedoc, mais c'était la Bourgogne qui l'hébergeait en temps normal. Toutefois, la missive qu'il portait sentait bon le sud. Normal, puisqu'elle avait été écrite de la main d'une comtesse languedocienne. Et ce ne sera qu'au destinataire qu'il la remettra cette lettre, repliée et scellée de rouge.

Citation:


Et donc, une fois remise à qui de droit - et sur ce point il ne transigera pas - puis dépliée, à quelques pliures près, cela donnait ceci :

Citation:
De moi, Magalona Eufrasia d'Alanha, humble comtesse du Gévaudan, baronne d'Alaigne, dame de Mireval & de Marmorières,

A vous, Charlemagne de Castelmaure-Frayner, Prince de France, Duc du Nivernais & de Bolchen, Vicomte de Chastellux & de Baudricourt, Baron de Chablis, de Laignes & de Thuillières,

Adissiatz !


Avant toute chose, je tiens à me présenter à Vous puisque nous n'avons eu l'heur de nous rencontrer.

Je suis la fille aînée de feue Sa Seigneurie Loïs Guilhem d'Alanha, dict Legueux, Pair de France & Roy d'Armes de France & de Paula Estèva d'Alanha, Comtes du Gévaudan, Barons d'Alaigne & Seigneurs de Mireval. Aînée & héritière de mes parents par le décès de ma sœur jumelle, qui était promise par votre Mère à son cousin, Aymeric de Saunhac, Vicomte de Randon, Baron d'Apcher & Seigneur de Giry & par la renonciation de Mère en ma faveur. Mais ce n'est point de cette promesse qui a lié nos familles que je souhaite m'entretenir avec Vous.


La demande qui m'anime pourra vous paraître hardie, incongrue, surtout venant d'une inconnue. Il vous faut savoir, avant toutes choses que j'ai toujours voué une admiration sans bornes à votre Mère, Sa Majesté Béatrice de Castelmaure-Von Frayner. Bien avant qu'elle soit Reyne de France d'ailleurs. Elle est, & restera toujours à mes yeux & dans mon cœur, la seule & unique Reyne de France qu'il ait pu y avoir. C'est cette admiration pour elle qui m'a fait choisir Nevers quand mon médicastre m'a conseillé de choisir la Bourgogne pour y établir ma demeure. & c'est cette admiration sans faille & sans borne qui motive ma demande.

Votre Royale Altesse, je vous demande officiellement par la présente l'autorisation de faire copier les plus simples des tenues de feue votre Mère afin que de les porter. Dans des matières qui siéront à mon rang bien évidemment, car il n'est nullement question de me faire passer pour ce que je ne suis pas. Feue Sa Majesté a toujours eu un goût sûr en la matière & il me serait un grand honneur, de lui rendre hommage ainsi, de faire perdurer sa mémoire d'une façon plus vivante qu'un simple souvenir. J'y vois également là un devoir de mémoire quant à la promesse faite entre nos deux familles.

J'ai l'espoir que ma demande soit accueillie avec bienveillance. & si vous souhaitiez me rencontrer avant de rendre décision, je me plierai à l'exercice de bonne grâce selon vos désirs.

Je ne veux point, cependant, abuser de votre temps. Je prierai donc le Très Haut afin qu'il vous garde ainsi que les vôtres.


Écrit & scellé de ma main, en Nevers, ce jour de la première moitié d'avril.
    Magalona Eufrasia d'Alanha

_________________
Ingeburge
[En Uzège]


L'attelage, au dehors, s'impatientait; elle pouvait l'entendre aux piaffements et hennissements qui lui parvenaient de l'extérieur alors qu'elle, toujours attablée, achevait une lettre sur laquelle venait de se former une galette de cire rouge. La lourde matrice de sceau, fermement, fut apposée dessus et s'incrusta dans la tâche cireuse andrinople le lion léopardé des von Ahlefeldt-Oldenbourg. Mais pour autant, elle n'en avait pas terminé, elle avait encore un billet à rédiger et c'est ce qu'elle fit savoir quand l'un de ses valets vint lui informer que le départ allait être donné. Elle hocha vaguement la tête et gratifia le domestique de quelques mots tout aussi indistincts. Sa plume se mit à nouveau à courir, agile et pressée, il fallait qu'elle termine cette communication-là, l'arrivée d'un messager du nord bien décidé à repartir au plus tôt était une aubaine. Elle avait d'ores et déjà chargé l'homme d'une dizaine de lettres, toutes à distribuer au-delà d'une ligne bordant le sud du Nivernais. Il y en avait pour la capitale, mais aussi pour Avallon, Auxerre bien sûr, Donzy, Paris et vers l'est du Royaume, même.

Le pli qu'elle venait d'achever en toute hâte voyagerait vers Nevers ou Chablis si la première approche était infructueuse et en désespoir de cause, finirait par atterrir en l'Hôtel Castalmaure, à Paris :

Citation:

    A Charlemagne Henri Lévan von Frayner-Castelmaure, duc de Bolchen et du Nivernais, vicomte de Baudricourt et de Chastellux, baron de de Chablis, de Laignes et de Thuillières,
    Salutations et dilection.


    Votre Altesse Royale,

    Vous pardonnerez je l'espère la forme plus que cavalière de mon billet mais le temps me presse, je dois reprendre la route dans les minutes à venir, si ce n'est que j'aurais dû déjà la reprendre et je cours le risque d'irriter le vicomte du Tournel, chef de l'expédition à laquelle j'ai pris part à traîner ainsi.

    Pour faire bref et intéressant, comme je vous l'ai promis, j'ai commencé à consulter quant à la question qui vous préoccupe, j'espère avoir la première réponse diligemment. Avez-vous, entre-temps et de votre côté, obtenu quelque communication quant à l'état de vos affaires lorraines? Le héraut local aurait-il songé à prendre langue avec vous? Je crains que vous me fassiez réponse négative mais celle-ci aura u moins le mérite de nous éclairer sur l'intérêt qui est porté en ce pays. Il faudra aussi me faire savoir si votre famille paternelle vous néglige toujours autant, hors celui qui se prétend du sang de votre extraordinaire père s'entend.

    Me voilà déjà contrainte de m'interrompre ici, je ne puis distraire davantage de temps au risque de me retrouver esseulée en cette contrée à laquelle je ne me fais guère.


    Que le Très-Haut vous ait en Sa sainte garde.


    IvAO.




Le messager se vit lester d'un parchemin supplémentaire et de quelques écus, ainsi que d'une lettre de change à présenter à l'intendant Auxerre afin de toucher l'autre part du défraiement promis.
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HS
Charlemagne_vf
Par un malheur regrettable, et parce qu'en ces temps, il était bien heureux celui qui trouvait son destinataire là où il l'attendait, les lettres à destination du Prince furent largement retardées.
Après un séjour parisien où les travaux de l'Hôtel avaient trouvé un engagement satisfaisant, Charlemagne Henri Lévan avait été invité à rejoindre la Bourgogne, et Mâcon, où le retrouverait le Resplendissant.
Le suite se trouva d'abord en Nivernais, où, dans le Château de Nevers, fut laissée la garde Princière, et c'est accompagné d'une unique gouvernante que le cortège, discret, gagna le Mâconnais, d'où un équipage plus vaste et mené par Sancte von Frayner partit pour le Bourbonnais-Auvergne.

C'est à Montbrisson plus exactement que l'Aiglon, persuadé par un Cours de Géographie du Royaume de France que la Baronnie de Randon, et son Frère puîné, n'étaient qu'à peu de jours du campement, que la Royale Altesse faussa compagnie à son ravisseur et proche parent.
Après diverses péripéties propres à tout voyage clandestin, le cap fut atteint, et Charlemagne, aidé de sa gouvernante, furent accueillis en Languedoc.

Ce n'est qu'après avoir fait mander sa garde auprès de lui que le Prince put recevoir avec elle les nouvelles du Monde. Deux missives attendaient réponses, et dans le confort de la Baronnie de son cousin, il s'attela à apporter satisfaction à ses correspondants.
Le retour en Languedoc, aux odeurs de lavande, sentait le Louvre. Madame d'Alquines, Salvaire bien sûr, Franc, mais aussi la Josselinière, le jeune et détestable Jahen. Une Cour réduite, que le Prince souhaitait ardemment faire sienne.
Aussi, c'est en presque roi qu'il prit la plume, à son secrétaire, qu'il s'amusait parfois à prendre pour le coeur de son Cabinet Royal.


Citation:
A Magalona Eufrasia d'Alanha, comtesse du Gévaudan, baronne d'Alaigne, dame de Mireval & de Marmorières,

Comtesse,

Je consent à votre demande, que je trouve tout de même bien étrange. C'est pour cela que j'y opposerai une unique condition. Vous me faites rapport d'une promesse donnée par feue Sa Majesté ma mère, et qui n'a pas été tenue.

Honorez sa mémoire en respectant ses voeux, et consentez à unir les maisons de Randon et du Gévaudan, alors je ferai savoir à celle qui possède la garde-robe de ma mère que copies des pièces peuvent être faites à votre nom.
Si vous l'acceptez, je sommerai mon cousin le Baron de Randon de consentir aussi.

Et puisque vous êtes en Nevers, je ferai savoir que vous êtes la bienvenue en notre Château Ducal du Nivernais, enclavé en la bonne ville.

L'On vous veille.

S.A.R. Charlemagne Henri Lévan de Castelmaure.


Celle-ci partit donc pour le Nivernais, et à défaut, irait en Gévaudan.

Citation:
A Son Altesse Impériale, Ingeburge Magnudotter von Ahlefeldt-Oldenbourg, Duchesse d'Auxerre.

Votre Altesse Impériale, égale à moi-même, alors.

Je pardonne la forme cavalière, puisque le fond me satisfait.
Je vous envoie ma reconnaissance à la fois grande et profonde pour votre rapidité à traiter de mes affaires.
Je sais que vous gérez maintes choses, mais que vous le faites bien.

J'ai quelques nouvelles des Intendants de mes terres Lorraines, mais très peu. Je sais que nulle administration n'en est faite, et que parfois, un cortège d'Aigles se rendent au Conseil Familial de Bolchen, mais de moins en moins.
J'avais demandé au Héraut de Lorraine état de mes terres vassales et de leur occupation par les souhaits de mon père. Je n'ai eu qu'une promesse de réponse, non tenue, et depuis le silence.
La Poursuivante de Lorraine a aussi voulu des patentes de mon père que je ne possède pas, prétextant que l'on pourrait me contester Bolchen. Mais je ne crois pas qu'ils oseraient. C'était il y a longtemps.
Les Impériaux sont étranges, et ne semblent pas posséder plus de connaissances que l'enfant que je suis ; ils n'aiment pas non plus que l'on leur apprenne la moindre chose, et demandent que l'on se taise, alors.

Ma famille paternelle ne prend guère inquiétude de moi, et j'ai quitté Monsieur Mon Frère en catimini, pour rejoindre Randon en Languedoc, où le Baron, mon cousin, me reçoit et prend soin de moi. Il s'occupe de Franc Claude Volpone, aussi, et sa maison n'est pas si petite.

Les autres, je ne les aime pas.
Celui nommé Ludwig a souhaité devenir Dauphin de ma famille, et a dit que je n'étais rien pour notre nom, et qu'être fils de l'Implacable ne me donnait nul pouvoir supérieur au sien.
Ils sont bêtes, et je ne crois pas qu'ils se soucient de mon patrimoine, duquel ils ne peuvent rien tirer.
Peut-être que Madame de Remiremont a voulu de mes nouvelles. Je sais qu'elle avait écrit à Monsieur mon Frère, mais il n'a pas répondu, et je n'ai pas lu sa lettre. Elle est présidente de la Noblesse en Lorraine, je crois.

Je vous dis merci encore, Madame, puisque vous honorez vos promesses. Vous êtes chère.

L'On vous veille.

S.A.R. C.d.C.


Et de signer en évitant soigneusement de mentionner à côté du nom de Castelmaure celui de ceux qui lui faisaient tant honte, et dont le noble sang semblait s'être éteint avec Guise.
Cette seconde lettre fut envoyée au Tournel, puis si elle n'y trouvait pas le Duchesse d'Auxerre, c'est en les terres de celle-ci qu'elle l'irait trouver.

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Charlemagne_vf
Citation:
A Sa Grâce, la Duchesse de l'Aigle.

Duchesse,

Votre époux détient la tutelle de mes terres d'Empire. Mon cousin, le Duc de l'Aigle, est un bien laconique tuteur, et un bien piètre précepteur. Sans l'action d'autres parents, je serais encore babillant à douze ans, tétant le sein de quelques nourrices en mal d'enfant.
Il nous faut parler.

Si vous le souhaitez, nous vous recevrons en l'Hôtel Castelmaure, sis en Paris, que vous trouverez non loin de celui de Royaumont et de celui d'Albret. Mais peut-être savez-vous déjà où le trouver.

L'On vous veille.

S.A.R. Charlemagne de Castelmaure-Frayner.

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Elianor_de_vergy
L'hôtel de Castelmaure n'était guère éloigné de Barbette. Si peu même qu'on aurait pu le qualifier de voisin, ce qui expliquait que même une mauvaise marcheuse comme la quintefeuille puisse s'y rendre à pied. C'est donc appuyée au bras de Josiane et escortée du fidèle Goalhard que la claudicante Elianor s'aventura dans les rues de la capitale. Profitant de ce court trajet, elle se remémorait les termes de la missive reçue. Les tutelles déficientes seraient-elles devenues le nouveau sujet de conversation à la mode? Qu'Archybald soit venu la trouver pour évoquer les carences de celle de son demi-frère, c'était naturel: les décès et disparitions des parents, frères et sœur avaient fait d'elle le dernier interlocuteur vivant en la matière, et elle idolâtrait trop Faran pour se désintéresser de ses affaires. Mais les Von Frayner? Elle n'avait jamais eu aucun contact avec sa belle-famille, encore moins avec les Castelmaure. Alors que diable allait-elle faire dans cette galère? Ma foi, son devoir, quoi d'autre? Car n'est-ce pas le devoir des épouses dévouées que de pallier aux inconséquences de leurs époux? Et la quintefeuille était une épouse dévouée. Qu'elle détestât son mari du plus profond de son âme n'entrait pas en ligne de compte: la duchesse de l'Aigle ne pouvait pas rester sans réagir lorsque les affaires du duc étaient en cause. Et puis, plus prosaïquement, il faut bien avouer que cette missive avait piqué sa curiosité et que le meilleur moyen de la satisfaire était de répondre à l'invitation. Voilà donc pourquoi notre quintefeuille se retrouvait maintenant à l'entrée de l'hôtel Castelmaure, se présentant au cerbère du lieu.

Holà mon brave! Je suis la duchesse de l'Aigle, conviée par Son Altesse Charlemagne de Castelmaure-Frayner.
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Charlemagne_vf
Le jeune Castelmaure, en séjour à Paris pour diverses raisons sans importance, avait souhaité donner à l'une d'entre elles une signification particulière. Apprenant le retour à Barbette de sa cousine - à quelques degrés près - qu'il n'avait au demeurant pas vue depuis des temps lointains où - lui dans ses langes, elle dans une tenue d'Intendante aux menus plaisirs - le Louvre résonnait de leurs pas, Charlemagne avait invité Elianor von Frayner, épouse de Chlodwig du même nom, et à l'origine de quelques menus tourments en l'esprit du Prince.
L'intérêt était double. Il s'agissait certes d'éclairer le mystère de sa tutelle impériale, laissée en friche avec les jardins de Bolchen et de Baudricourt, mais aussi d'agir en légitime héritier d'un Guise pas encore déclinant. Après avoir reçu Jade de Sparte, veuve de Flavien, il avait honoré Uriel de Réaumont, veuf de Sybille. Maintenant, il prévenait avant de guérir, et l'Aiglon rencontrerait Elianor, avant même son veuvage, du moins officiellement.
Le Duc de l'Aigle était une énigme. Depuis le trépas de Guise, nul n'avait eu de ses nouvelles. Parfois, une allégeance avait été rendue en Empire. Parfois, non. Une ombre insaisissable et difficile à localiser.
L'idée de solliciter son épouse avait titillé l'Infant des mois durant, soutenue par Ingeburge von Ahlefeldt même, mais jamais il ne s'était laissé le temps de la mettre en oeuvre. Et puis, si elle était comme son blond de mari ? Lointaine et volatile ? Alors à quoi bon ?
Mais elle était apparue, et alors qu'il s'essayait à une version grecque, le Prince fut interrompu. L'on annonçait la Duchesse de l'Aigle.

Elle dut patienter un peu. L'on vêtit Charlemagne de noir. L'on fit mener l'invitée dans un salon aux allures gothiques, venues d'un orient germain.

L'Aiglon rejoignit la Quintefeuille.

Duchesse. Merci d'être venue.

Etait-il bien utile de demander si le voyage s'était passé sans encombre ? Certes les rues de Paris sont parfois plus mortelles sur une lieue que la traversée de la France, mais l'idée qu'une lame traîne entre l'Hôtel Barbette et l'Hôtel Castelmaure ne vint pas à l'esprit du Duc du Nivernais.

Si nous nous sommes rencontrés un jour, j'étais enfant, et je n'en ai pas souvenance.

Plus enfant encore que maintenant, donc.

Mais vous êtes ma parente, et l'épouse de celui qui a suscité les plus vives attentes de la Maison Frayner. La Maison Castelmaure même a compté sur son épaule. Il a déçu deux illustres noms, et l'alliance des deux que je représente.
Où est Chlodwig ?


Il fut des entrées en matière plus diplomates, mais à douze ans, que connait-on du tact, et de la douleur des relations matrimoniales d'un couple uni par la raison et un contrat capable d'annihiler tout amour ?
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Elianor_de_vergy
En un autre lieu et en d'autres temps, l'attente aurait irrité la quintefeuille. Mais le moyen de s'offusquer d'un menu délai lorsqu'on débarque sans se faire annoncer chez une altesse? La duqueseta se contenta donc de tromper son impatience en examinant le décor et en se demandant duquel de ses parents le jeune prince tenait davantage. Question au demeurant parfaitement oiseuse puisqu'elle avait assez peu connu Béatritz et quasiment pas Guise. Mais que voulez-vous, il fallait bien passer le temps en attendant son hôte.

Hôte qui fit enfin son entrée, vêtu de noir et la mine sérieuse, vivante image de l'orphelin de haut lignage qui s'efforce d'être à la hauteur de son rang. Une attitude familière au fond, songea la quintefeuille en inclinant la tête pour saluer l'Aiglon.


Mais je vous en prie Altesse.... Ne pas venir eût été un impardonnable affront...

Et l'on offensait pas un prince sans raison valable, surtout lorsqu'il était plus ou moins de la famille.

Je conçois fort bien que vous n'ayez pas gardé mémoire de moi Altesse. Mon passage à la Cour fut somme toute fort bref, et vous étiez encore enfançon.

Un très légère pointe de regret accompagna ces mots tandis que la jeune fille se rémémorait l'époque où le Louvre abritait la Cour d'une digne reine, et non la valetaille du roi Pétaud. Mais elle n'eut guère le temps de s'appesantir sur ses nostalgiques souvenirs car déjà, tranchante comme une lame, fusait la question qui devait expliquer sa présence en ces lieux.

Où est Chlodwig ?

"Au Diable Vauvert et qu'il y reste, bon débarras!" fut la première réponse qui vint à l'esprit de l'épouse dévouée de l'absent. Mais bien que cette réponse offrît l'avantage de la plus parfaite sincérité, il n'était évidemment pas question de la livrer à l'infant. Il y fallait un peu plus de diplomatie et, disons le mot, d'hypocrisie.

Mon époux est reclus depuis de longs mois en un monastère bordelais, Altesse. Sa santé affaiblie a nécessité cette retraite, ne lui laissant hélas pas le loisir de remplir ses occupations.

Car il faut bien avouer qu'être défoncé à l'opium la majeure partie du temps ne facilite guère le traitement des affaires. Une vérité de plus qui n'était pas bonne à dire.

Je suis navrée que son brusque repli loin du monde vous ait causé tort et déception, Altesse. Puis-je, de quelque manière, réparer ce tort?
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Charlemagne_vf
Alors que parlait la Duchesse de Bellesme, un valet en livrée déposa deux hanaps sur la table, et sans même demander à l'invitée vers quel nectar allait sa préférence, l'on remplit les deux coupes d'un vin de Chablis. Les rideaux pourpres, ouverts, laissèrent passer une fine lumière dans le salon lorsqu'un nuage s'en fut pour découvrir le soleil. L'ambiance se fit autre soudain, et au dessus du foyer, le portrait de Charles de Castelmaure fut porté à la vue de chacun.
Charlemagne n'avait pas grand chose de son grand père. Ses yeux : ceux de Guise. Ses mains : celles de Béatrice. Son nez : celui de Lhise. Son menton et le jais de ses cheveux en revanche étaient bien de Castelmaure, quoi que Guise les eut aussi noirs.
Observant les mèches frisées de son aïeul un instant, le Prince constata la pâleur du crin de sa cousine, et se souvint, à son tour nostalgique, de sa mère constatant que l'on était aussi blond à l'Aigle que l'on était brun à Bolchen. Il sourit, se remémorant le visage diaphane de son cousin, entrevu alors qu'il jouait avec son Implacable père.

Mais voilà qu'il fallait répondre à l'hôte et pour cause, l'on avait voulu la faire parler, alors il fallait assumer.
Peu bavard pourtant, l'Héritier aime à s'imposer en chef de famille incontestable et incontesté : pour cela, il faut du charisme, de la verve, de la prestance. Si son jeune âge ne lui ôte rien de cela, il en réduit notablement la portée. Mais un Prince ne considère ni ne mesure sa hauteur : il en est persuadé, par nature.

Sa réclusion ne m'avait échappé. On le disait devenu fou, et plus proche du Sans Nom que d'un monastère de Dieu.
Je suis curieux de savoir son mal, si vous le connaissez. Le Dauphin de France n'avait pas la santé fragile avant que ne partent mes parents.

Il eut été aisé de mettre l'affaiblissement de Chlodwig sur le dos de l'abattement.

J'ai perdu un père, et pourtant je suis là.
Vous n'êtes pas fautive alors ne soyez pas navrée pour lui. Et je ne sais comment vous pouvez réparer ses torts. J'avais pensé que vous pourriez prendre en charge ma tutelle impériale, et contrôler la tenue de mes terres lorraines par mes métayers et intendants. Après tout, par alliance, vous êtes Archichancelière de Bolchen.
Mais...

Parce qu'il y a toujours un "mais".

Les Impériaux sont pour la plupart de sombres dégénérés consanguins. L'on dit qu'en Alsace, les Frères ont des fils avec leurs Soeurs. Et les savoyards sont tous des nains, selon père.

Et chacun sait qu'être nain n'est pas une situation enviable.

Le Testament de mon père fait de mon cousin le chef de famille, et le bénéficiaire de quelques unes des rentes de mes industries. Je ne sais pas si votre maison a touché celles-ci. Je n'y entends pas grand chose.
Je sais, par contre, qu'après le constat de son absence, même aux funérailles de Père et Mère, le triumvirat imposé par mon père pour régenter la famille en cas d'incapacité ou de "flemme aiguë" de Chlodwig s'est déchiré pour la tête de la famille. On m'a même refusé un héritage du sang. Les Von Frayner ne sont plus qu'un pâle et lointain souvenir, et je crains que lui-même, s'il devait guérir, puisse y faire quoi que ce fut.


Un silence. Léger, le silence.

Je crois que le tort, irréparable, de votre époux, est d'avoir brisé l'oeuvre de Guise von Frayner en ne la perpétuant pas. Et cela, vous n'y pouvez rien.
En revanche, il est une chose qui pourrait adoucir quelque peu ce mal. Il me doit encore cette tutelle ratée.
Il serait bienvenu que les dernières volontés de mon père me concernant soit respectées, ou, le cas échéant, différée. L'Empire ne reconnaîtra nul autre tuteur que votre époux sans que lui même n'y ait pas renoncé.


Ce discours, le Prince se l'était répété maintes fois, comme à chaque fois qu'il devait prendre la parole pendant plus d'une minute. Rhéteur en herbe, il aimait à organiser son propos, le répétant avant de dormir, en préparation d'une occasion particulière.
Parfois, il s'imaginait des dialogues avec tel ou tel défunt, tel ou tel Roi de pacotille, se prenant pour un adulte, et se disant : Voilà ce que je lui dirais, ou ce que je lui aurais dit.
Et là aussi, il y avait toujours un mais...

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Elianor_de_vergy
Le sérieux et l'application de l'Aiglon à se montrer mûr, posé, convaincant, en deux mots adulte et princier, aurait pu prêter à sourire. Mais la poupée savait d'expérience à quel point il est vexant, lorsqu'on s'essaie à jouer dans la cour des grands, de ne récolter en retour que sourires condescendants et mines amusées. Elle se garda donc bien d'afficher le moindre signe de taquinerie et s'appliqua à répondre à son hôte avec un sérieux égal au sien.

Pour être franche, Altesse, je ne saurais vous dire de quoi souffre exactement mon époux. Les plus savants médicastres eux-mêmes sont restés perplexes face à cette défaillance, c'est pourquoi il a choisi de se tourner, en dernier recours, vers le Très Haut et la prière pour en obtenir secours. Quant à pactiser avec le Sans-Nom..... Ce ne sont là que rumeurs...

Son époux avait certes bien des défauts, mais fricoter avec les démons n'en faisait pas _ pas encore? _ partie. Étonnamment, il aurait plutôt eu tendance à la piété inquiète qu'au blasphème sentant le souffre. N'empêche que quelle qu'en soit la raison, son absence commençait à poser de sérieux problèmes dont le moindre n'était pas celui auquel elle était confrontée à l'instant même: une tutelle défaillante sur des terres lointaines et peu engageantes si elle en croyait les propos de Charlemagne. Description qui , presque malgré elle, la fit sourire.

Je ne redoute pas les nains Altesse. J'aurais même tendance à éprouver une certaine affection pour eux: ils sont quasiment les seuls que ma petite taille me permet de toiser hautainement avec efficacité. L'inceste quant à lui semble être la dernière activité à la mode, même hors d'Alsace. Et pour ce qui est des dégénérés consanguins, je vis en Guyenne depuis de longues années, alors....

Alors comparée à la Guyenne "pire bordel qu'en Provence même" aux dires d'une de ses relations, n'importe quelle contrée faisait figure de havre de paix.

Vous me pardonnerez j'espère ces légères gausseries? Ceci était simplement pour vous dire que je suis toute disposée, si cela vous agrée, à reprendre en main la gestion de vos terres lorraines. Au moins le temps qu'il vous faudra pour trouver une autre solution, plus acceptable, si tel est votre désir.

En revanche, je crains en effet de ne pouvoir vous être d'aucune aide pour ce qui est de votre famille. L'on aurait tôt fait de me rétorquer, point tout à fait à tort, que je ne suis pas une Von Frayner et que je n'ai pas à me mêler de ce qui ne me regarde pas.

Et c'est alors que l'infant évoqua une renonciation à la tutelle, idée qui aurait le mérite de lui éviter d'avoir à remplacer un époux défaillant. Encore fallait-il obtenir le consentement dudit époux. Pour des raisons de commodité personnelle, elle avait certes songé plusieurs fois déjà à forger de faux documents lui permettant de récupérer officiellement tous pouvoirs sur ses propres terres. Après tout, en connaissant les bonnes personnes, n'est-ce pas.... Mais elle n'avait jamais osé franchir ce pas et n'allait certainement pas faire son coup d'essai avec des documents destinés à une hérauderie dont elle ignorait tout. Rien ne pourrait donc se faire sans l'accord du reclus. Et là était le problème.

Une renonciation à la tutelle? J'entends bien que l'obtenir vous libèrerait de ces soucis.... Le monastère où Chlodwig s'est retiré applique la règle de clôture avec rigueur, mais pas au point que je ne puisse lui faire parvenir un document à sceller, voire aller le lui présenter moi-même. Néanmoins.... Je vous dois la vérité: autant je puis aisément m'engager à lui soumettre le document, autant il m'est impossible de vous assurer qu'il l'acceptera...

S'accoissant, elle saisit le hanap qu'on avait disposé devant elle et dégusta une gorgée de vin, observant par-dessus la coupe la réaction de l'Aiglon.
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Charlemagne_vf
La coupe du Prince était pleine. Il n'avait pas un instant saisi le hanap, laissant le nectar décanter lentement. Sa main n'avait pas frôlé le précieux métal qui formait le calice. Il l'observait, jouant avec son reflet.
L'or était aussi brillant que les cheveux de la Duchesse lorsqu'un rayon du soleil s'arrêtait sur ses mèches.
Il l'appréciait. Elle semblait droite et franche, mais sans le regard Médusien de la Prinzessin von Ahlefeldt, sans l'ébène sombre de la Sublimissime. Et pourtant, Charlemagne appréciait l'obscurité.
Lui qui souriait peu se laisse même aller à un tressaillement des lèvres lorsqu'elle évoqua la Guyenne et ses consanguins, ainsi que son affection pour les nains. Lui, qui n'était pas encore si grand qu'elle, ne la trouvait pas particulièrement petite. Mais si elle l'affirmait, alors il prierait pour un jour être plus grand qu'elle. Et pour cela, il lui faudra manger de la soupe.

Il ne répondit pas sur l'état de Chlodwig. Son cousin avait cessé de l'inquiéter il y a longtemps. Son seul intérêt était nobiliaire et financier, voire nostalgique, et encore.
Son épouse avait plus d'un Aigle que lui-même, en cet instant, et Charlemagne se laissa aller à un soupir lorsqu'elle dédaigna les affaires familiales. Lui aussi s'était fait rétorquer qu'à son jeune âge, il ne valait rien, ni n'avait rien à imposer à une volée d'oiseaux de mauvais augures. Alors, il la comprit un peu, mais ne compatit pas, l'esprit floué par la Loi de son Père : nulle autre épouse que la Matriarche, Béatrice, n'avait mis les pieds au Conseil de Famille depuis des lustres. Il ne changerait rien à cela, l'ombre des femelles Sparte tâchant allègrement l'arbre généalogique des Von Frayner.
L'Infant agréa néanmoins le reste.

Je n'attendais rien de moins de votre part, Madame. J'accepte que vous portiez un oeil sur mes terres de Lorraine. Je ferai savoir à Bolchen, Baudricourt et Thuillières que toutes portes doivent vous être ouvertes pour les affaires courantes.
Quant à la tutelle...

Charlemagne aussi avait pensé à créer un faux. Dieu que oui. Il savait la Hérauderie Impériale gangrenée au coeur, et ses membres bêtes à bouffer du foin. L'oeuvre d'Erine de Sparte. Une Institution travaillant pour un clan, dédaignant les autres, mais capable de valider un document sans sceau.
Pire, il avait imaginé attester sa majorité en Empire, quand la France le verrait encore mineur. Nul n'aurait vérifié la vérité de son âge. Il aurait feint de n'avoir guère grandi durant l'enfance. L'une de ses cousines avait agi ainsi, et nul n'avait compris le stratagème pourtant énorme.
Ingeburge l'en ayant dissuadé, il s'était résolu, mais la Duchesse de Bellesme serait peut-être l'initiatrice d'une voie moins honnête et plus pratique.

...je m'en remets à vous, Duchesse. Je savais que seule vous pourriez encore susurrer quelques mots à l'oreille sourde de mon cousin. Faites, alors, et tant pis s'il s'avère têtu. Il aura achevé de me décevoir.

Parce que ce serait s'attacher à des chimères que de ne pas libérer le Prince de sa tutelle.

Peu m'importe qui serait mon nouveau tuteur. Vous. La Duchesse d'Auxerre, ou encore la Duchesse de Remiremont. Il m'importe seulement que l'on ne fasse pas de la mémoire de mon Père une ruine.

Et l'Aiglon prit son envol. Ses pas le menèrent plus près de la blonde.

Madame. J'en ai terminé. Je veux maintenant savoir quelles sont vos dispositions quant à notre famille et notre Couronne.
Vous êtes ma parente, de facto. Vous trouverez mon soutien en toute occasion.

Pour peu que le soutien d'un môme, tout Prince fut-il, vaille quelque chose.

Demandez. Je vous offre.
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