Elianor_de_vergy
La poupée reposa délicatement sa coupe, songeant que les vins de Bourgogne n'étaient pas mauvais au fond, bien que plus légers que les productions médoquines auxquelles elle était habituée. Et que son chauvinisme exacerbé lui faisait de toute façon préférer à tout autre bien sûr.
Mais ces considérations alcooliques n'étaient pas les seuls objets des ruminations ducales. Ainsi donc, elle se retrouvait chargée de veiller sur des terres dont elle ignorait tout. Et, largement plus compliqué, de réussir à faire sceller à son époux une renonciation en bonne et due forme à une tutelle dont il devait au fond se ficher assez éperdument _ sinon pourquoi l'aurait-il délaissée ainsi? _ mais à laquelle il risquait fort de s'accrocher tout de même par fierté mal placée et désir de contrarier sa poupée de femme. Autant dire qu'elle se préparait des nuits blanches, des migraines, des nervousses brékdones comme on dirait un de ces jours*...
Sur cette peu réjouissante perspective, elle reprit une gorgée de vin. Et comme à l'habitude, cet aimable breuvage colora l'avenir de plus riante façon, et ses joues pâles de deux tâches rougissantes. Après tout gérer des terres, elle savait faire. La Lorraine ne l'effrayait pas, le tout était simplement de se renseigner avant d'oeuvrer. Quant à affronter son époux... Si ca n'était pas sur cette histoire de tutelle, ce serait sur autre chose puisqu'aussi bien, ils n'étaient jamais d'accord sur rien.
Ainsi ragaillardie intérieurement, elle leva les yeux sur le jeune prince qui était venu se placer près d'elle. Et qui, du haut de sa dizaine d'années, lui offrait le plus sérieusement du monde son appui.
Altesse, j'ai un profond respect pour votre famille. Votre mère, que le Très Haut la garde, fut la plus digne et capable des souveraines. Si modeste et futile que puisse sembler le poste d'Intendante aux Menus Plaisirs, c'était pour moi un grand honneur que de le tenir sous son règne. Et il me sera tout autant à honneur d'assister son héritier dans toute la mesure de mes moyens. Et puisque vous me faites la grâce de me le proposer, j'ose donc vous soumettre une requête. M'autoriseriez-vous, à l'occasion, à vous présenter mon jeune demi-frère? Orphelin de père et de mère depuis son plus jeune âge, Faran a lui aussi vu sa tutelle quelque peu négligée. J'étais hélas trop jeune moi-même pour y remédier et je crains qu'il n'ait pris, au cours des années, de mauvaises habitudes de négligence et d'indifférence à l'égard de ses devoirs. Votre exemple, Altesse, pourrait lui être bénéfique, si vous acceptiez de le lui offrir.
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Mais ces considérations alcooliques n'étaient pas les seuls objets des ruminations ducales. Ainsi donc, elle se retrouvait chargée de veiller sur des terres dont elle ignorait tout. Et, largement plus compliqué, de réussir à faire sceller à son époux une renonciation en bonne et due forme à une tutelle dont il devait au fond se ficher assez éperdument _ sinon pourquoi l'aurait-il délaissée ainsi? _ mais à laquelle il risquait fort de s'accrocher tout de même par fierté mal placée et désir de contrarier sa poupée de femme. Autant dire qu'elle se préparait des nuits blanches, des migraines, des nervousses brékdones comme on dirait un de ces jours*...
Sur cette peu réjouissante perspective, elle reprit une gorgée de vin. Et comme à l'habitude, cet aimable breuvage colora l'avenir de plus riante façon, et ses joues pâles de deux tâches rougissantes. Après tout gérer des terres, elle savait faire. La Lorraine ne l'effrayait pas, le tout était simplement de se renseigner avant d'oeuvrer. Quant à affronter son époux... Si ca n'était pas sur cette histoire de tutelle, ce serait sur autre chose puisqu'aussi bien, ils n'étaient jamais d'accord sur rien.
Ainsi ragaillardie intérieurement, elle leva les yeux sur le jeune prince qui était venu se placer près d'elle. Et qui, du haut de sa dizaine d'années, lui offrait le plus sérieusement du monde son appui.
Altesse, j'ai un profond respect pour votre famille. Votre mère, que le Très Haut la garde, fut la plus digne et capable des souveraines. Si modeste et futile que puisse sembler le poste d'Intendante aux Menus Plaisirs, c'était pour moi un grand honneur que de le tenir sous son règne. Et il me sera tout autant à honneur d'assister son héritier dans toute la mesure de mes moyens. Et puisque vous me faites la grâce de me le proposer, j'ose donc vous soumettre une requête. M'autoriseriez-vous, à l'occasion, à vous présenter mon jeune demi-frère? Orphelin de père et de mère depuis son plus jeune âge, Faran a lui aussi vu sa tutelle quelque peu négligée. J'étais hélas trop jeune moi-même pour y remédier et je crains qu'il n'ait pris, au cours des années, de mauvaises habitudes de négligence et d'indifférence à l'égard de ses devoirs. Votre exemple, Altesse, pourrait lui être bénéfique, si vous acceptiez de le lui offrir.
* Citation adaptée d'un dialogue de Michel Audiard
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