Aimbaud
Il court il court, le sanglier, le sanglier Josselinière ! Il a les neurones qui se vrillent à la recherche d'une échappatoire. Pas de lettre, pas d'issue ! Ici, le chiot princier lui court après. Là il est poussé dans ses retranchements. Enfin il est acculé, ficelé, prit à pleine pattes dans le trictrac des amusements royaux, la langue pendante et le cerveau vide. Il faut distraire le Prince. Il faut savoir faire de l'esprit.
Il a le front chaud et la chemise humide, maintenant. Son genou sautille sans y penser, irrépressible et comme sur ressort. Ah qu'il est malheureux ! Ah qu'il se trouve en peine, là, dans ce salon mondain avec une grosse-tête d'adolescent pour seule compagnie. Pourquoi n'est-ce pas plutôt un bibelot, posé là à la place de ce petit maigrelet ? Un renard empaillé par exemple. Un BEAU renard taxidermisé la patte en l'air, le regard creux en billes de verres. Avec de petites canines souriantes. Une chose qui ne réfléchit pas, parce qu'elle a du foin à la place du cerveau, et qui ne cherche pas à piéger vilement son prochain ! Ou alors une chose qui ne dit pas "Parlez." mais qui parlerait, elle. Une fille par exemple. Mettez une fille à la place de ce foutu fils de Reine couleur lavabo. Mais non ! Forcément. Il faut que ce soit autrement ! Eh bien je dis : même pas drôle.
Aimbaud avait donc l'espace entre les omoplates plutôt mouillé, à l'heure où je vous parle. Il se questionnait d'ailleurs sur l'imperméabilité de ses vêtements. NON ! Il se questionnait sur la bibliographie qu'il devait faire à Charlemagne. Mais peut-être se questionnait-il aussi sur la frange du tapis qui était près de sa botte, était-elle bel et bien en soie, cette frange ? NON ! Il se questionnait uniquement sur ce qu'il devait diiiire, raconter sa viiiie. Oh. Oooh. Ohh. Oh le beau tableau. NON ! Réfléchir. Penser. Introduction. Développement. Conclusion ! Bon.
Ben.
Toussotement. Faux départ.
Pour ce qui est de Decize, c'est mon épouse qui observe les dépenses. Elle préfère s'occuper elle-même de la bien-tenue du domaine et des doléances. J'apporte ma contribution en conseils... Mais je n'ai encore passé que trop peu de temps dans cette seigneurie pour en connaître bien la conduite.
En vérité je partage le plus clair de mon temps entre Corbigny et Nemours, dont je sais mieux les ressorts et tenants pour le premier, et dont j'apprends peu à peu le maniement pour ce qui est du second, avec les bonnes grâces de Clémence... Mais c'est sans dire que lorsqu'on a pas besoin de moi, je suis plutôt à la chasse et aux jeux. Je fréquente peu la cour... Et concernant mes fréquentations, j'ignore ce qu'on a pu vous dire. Ma foi, je les choisis... distrayantes !
Il apposa là une mimique de point final, presque un peu grimaçant. Fallait-il dire d'autres banalités ?
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Il a le front chaud et la chemise humide, maintenant. Son genou sautille sans y penser, irrépressible et comme sur ressort. Ah qu'il est malheureux ! Ah qu'il se trouve en peine, là, dans ce salon mondain avec une grosse-tête d'adolescent pour seule compagnie. Pourquoi n'est-ce pas plutôt un bibelot, posé là à la place de ce petit maigrelet ? Un renard empaillé par exemple. Un BEAU renard taxidermisé la patte en l'air, le regard creux en billes de verres. Avec de petites canines souriantes. Une chose qui ne réfléchit pas, parce qu'elle a du foin à la place du cerveau, et qui ne cherche pas à piéger vilement son prochain ! Ou alors une chose qui ne dit pas "Parlez." mais qui parlerait, elle. Une fille par exemple. Mettez une fille à la place de ce foutu fils de Reine couleur lavabo. Mais non ! Forcément. Il faut que ce soit autrement ! Eh bien je dis : même pas drôle.
Aimbaud avait donc l'espace entre les omoplates plutôt mouillé, à l'heure où je vous parle. Il se questionnait d'ailleurs sur l'imperméabilité de ses vêtements. NON ! Il se questionnait sur la bibliographie qu'il devait faire à Charlemagne. Mais peut-être se questionnait-il aussi sur la frange du tapis qui était près de sa botte, était-elle bel et bien en soie, cette frange ? NON ! Il se questionnait uniquement sur ce qu'il devait diiiire, raconter sa viiiie. Oh. Oooh. Ohh. Oh le beau tableau. NON ! Réfléchir. Penser. Introduction. Développement. Conclusion ! Bon.
Ben.
Toussotement. Faux départ.
Pour ce qui est de Decize, c'est mon épouse qui observe les dépenses. Elle préfère s'occuper elle-même de la bien-tenue du domaine et des doléances. J'apporte ma contribution en conseils... Mais je n'ai encore passé que trop peu de temps dans cette seigneurie pour en connaître bien la conduite.
En vérité je partage le plus clair de mon temps entre Corbigny et Nemours, dont je sais mieux les ressorts et tenants pour le premier, et dont j'apprends peu à peu le maniement pour ce qui est du second, avec les bonnes grâces de Clémence... Mais c'est sans dire que lorsqu'on a pas besoin de moi, je suis plutôt à la chasse et aux jeux. Je fréquente peu la cour... Et concernant mes fréquentations, j'ignore ce qu'on a pu vous dire. Ma foi, je les choisis... distrayantes !
Il apposa là une mimique de point final, presque un peu grimaçant. Fallait-il dire d'autres banalités ?
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