[ Plusieurs jours avant le mariage, Ussac ]
Le printemps était bien là. Les vives effluves qui emplissaient les terres de sa cousine n'en étaient que la marque éclatante.
Du temps où ladolescent vivait encore auprès de son paternel, il aimait à passer son temps étendu sur les bords du lac longeant le petit manoir. Souvent, il se baignait, se délectant de la douce morsure de cette eau claire et inerte. On disait que la mer était, elle, emprise de violents remous, qui pouvaient jusqu'à rompre les démesurés vaisseaux que les Hommes érigeaient, et ces contes étaient de ceux qui l'effrayaient et le provoquaient à la fois, enchevêtrement des réflexions discordantes du Carsenac.
Outre la mer, Paris était un mystère, l'union sacrée du mariage était un mystère, et aux yeux du petit blond, toute une vie ne lui suffirait à révéler le monde et engorger son esprit de la lumière des sciences et de l'instruction. Et Ussac était, pour cela, le lieu idéal. Sa bibliothèque, en rien comparable à celle de son enfance, offrait au jeune homme tout le loisir de vaquer à la lecture et aux affres de la vérité.
Cela étant, ce voyage était donc pour lui l'occasion de s'affiner quant aux convenances et cérémonies des grandes gens, qu'il ne connaissait que peu. Et ce serait aussi l'occasion d'observer les jeunes demoiselles, et peut être que la relative répulsion qu'il avait pour le sexe opposé, à cause de feue sa mère, s'estomperait avec le temps.
Perché sur sa monture qu'il éperonna, il s'adressa à l'un des cochers en ces mots :
- En combien de jours devrions nous rejoindre la Capitale ?
C'est que lui était en scelle, et à n'en point douter, ses cuisses finiraient, au terme du voyage, flétries et douloureuses. Mais il n'en avait cure, lire et chevaucher, voila ce qu'il appréciait, et si la vie lui offrait l'occasion de choisir sa destinée, nul doute qu'il en ferait son occupation. La réponse du voiturier reçue, il talonna son cheval afin de prendre la tête du convoi, s'adonnant aux paysages qui s'étiraient devant eux...
[ Paris, quelques heures avant la cérémonie ]
La nuit avait été mille fois désirable, et jamais le blond n'avait tant aimé s'assoupir. Après une si longue chevauchée, Louis Arthur était entré en Paris tellement harassé et rompu qu'il ne prit pas le temps de visiter la ville qui, nonchalante, s'étalait plus que toute autre ville de France, belle et gracieuse.
Et c'est ouvrant les yeux sur une agitation manifeste qu'il quitta le Royaume des songes, se précipitant vers la première fenêtre qu'il aperçut pour s'émerveiller devant la grandeur découverte de la ville.
- Je sors, je ne serai pas loin ! lança-t-il à qui voulait bien l'entendre avant se vêtir avec hâte, sans prendre son épée -c'était interdit en une Eglise lui avait-on dit, et de dévaler les marches de la bâtisse, s'appropriant une pomme au passage.
Il y était enfin, Paris, la Grande, la Belle, grouillante dès les premières heures du jour, où nobles parures et glorieux étendards se pavanaient, exhibant fièrement un passé -et un futur- illustre et brillant. Il n'avait pas le temps d'aller bien loin, pour l'heure, mais une fois l'union scellée, il irait explorer les alentours de la Cathédrale.
Les autres le rejoignirent enfin et, riant et chipotant avec les fils de sa cousine, lÎle de la cité apparaissait, de l'autre côté du pont...
[ La Cathédrale, Notre-Dame de Paris ]
Accompagné de l'armée d'enfants qui gravitaient autour du Baron d'Ussac, le Carsenac resta un instant silencieux, émerveillé et ébloui par la grandeur de la maison de Dieu, la beauté des vitraux n'avait d'égale que la splendeur de la nef. Passé ces instants débahissement, Louis Arthur observait, intimidé, les personnes qui étaient déjà présentes.
Il y avait là des couronnes, des parures, des bijoux, et l'abondante richesse des manteaux et des robes devait dépasser celle de tout ce qu'il avait pu voir et côtoyer jusqu'à maintenant.
C'est un autre monde que voila, et cette pensée à l'esprit, son regard s'arrêta sur une adolescente à la longue chevelure noire, d'un noir profond, cernée d'un garçon qui devait être de son âge et d'un seigneur richement vêtu, le petit blond ne le savait peut-être pas lui même, mais il la trouvait belle, belle, tel est le mot, et c'est donc les pommettes rosées que le Carsenac s'enfouit à nouveau dans la masse des enfants d'Ussac, il ne fallait pas qu'on le voit ainsi...