Anthoyne
Ou l'Enjou...
Il était une fois
les sentiments humains. Que sont-ils ? Doù viennent-ils ? Peu de personnes le savent. Mais quelquun le sait-il vraiment ? Ce qui est certain avec ces sentiments, cest quils vous vont faire détranges choses qui peuvent aller contre vos convictions. Un exemple : Le sentiment de sympathie, peut-être même amoureux, pour une personne peut faire venir une tierce personne, à ses risques et périls, dans un lieu, par exemple un duché, quil déteste par-dessus tout, peuplé par des personnes qui pensent lantithèse de ses convictions.
Le cur a ses raisons que la raison ne connaît point*, parait-il.
Citation:Fait à Saumur, le septième jour davril du lan mille quatre cents soixante,
A Elisabeth de Kermorial,
DAnthoyne de la Louveterie, Seigneur de Maillé
Ma chère Elisabeth,
Je suis bien arrivé à Saumur. Le voyage sest bien déroulé, sans encombre. Beaucoup de personnes ont été surpris par cela mais je n'y trouve rien détonnant. Dans tous les cas, ce fut larrivée qui fut la plus remarquable. Aujourdhui même, je fis un tour en taverne. Laccueil fut des plus chaleureux puisque je fus reçu avec un coup de poing. Je me souviendrai de Saumur. Javoue que je doutais déjà sur la durée de mon séjour mais cet évènement ne fait pas accroître lidée que je peux en avoir.
Une question me vient à lesprit. Votre sur est-elle au courant de ma venue ? Si oui, en connait-elle les raisons ?
Je vais arrêter de vous ennuyer avec ces banalités. Je vous ai reproduit derrière le parchemin le plan pour atteindre lauberge où je loge. Jai hâte de vous revoir. Faites vite.
Que le Très Haut vous protège,
Anthoyne
[HRP]* Citation de Blaise Pascal[/HRP]
Edit : correction fautes...
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Absent jusqu'au 26 août ou 2 septembre... Vous verrez bien !
Else
Lorsquenfin Anthoyne daigna ouvrir la porte, les nerfs dElsa lâchèrent, et sa voix claqua comme un coup de fouet :
- Je ne vous dérange pas, au moins ?
Comprenez la, pauvre petite
Sa conscience la harcèle, son orgueil la torture, sa poitrine enfin lui fait mal à crier
et voici que la cause de tout, lorigine, la racine du mal se permet de la faire attendre ! Dieu ! Les sentiments humains sont un tel fardeau ! Sans mentir : quelle sorte de masochiste peut bien vénérer cette sourde brûlure qui vous dévore les entrailles, à linstant dapercevoir
lamant ? Chut ! Attila nest déjà pas jouasse ; si elle vous entendait prononcer ce mot-là, je nose vous raconter la colère quelle piquerait.
Elle repoussa la porte derrière elle, et promena un regard agacé sur la chambre et son occupant. Lit au carré, tenue impeccable
La douloureuse obsession du Maillé pour lordre la frappa comme au premier jour, et eut pour effet dapaiser un peu son humeur. Peut-être, instinctivement, reconnaissait-elle dans cette manie son propre délire de maîtrise ; peut-être y retrouvait-elle ses ambitions perdues ; peut-être, sans doute, ne comprenait-elle pas.
Une excuse la tuerait. Mais lacier de ses yeux sadoucit, et une lueur dinquiétude y passa lorsquelle remarqua la première anicroche du méticuleux tableau : la contusion au visage dAnthoyne.
Quelque tort que la Louveterie ait eu pour elle, il fut aussitôt balayé. Elle glissa une paume sur sa mâchoire, et frôla du bout des doigts larête malmenée de son nez.
- Vous êtes un imprudent, souffla-t-elle. Et moi aussi. Allons, venez à la lumière, que je regarde ça.
La main dElsa glissa dans celle de son vis-à-vis, et elle lentraîna près de la fenêtre. Au passage, tandis quelle agrippait une chaise pour le faire asseoir, son regard trébucha sur la deuxième anicroche, la deuxième erreur dans limage, le deuxième accroc
mais elle ne sut pas lidentifier. Quelque chose la dérangeait. Quelque chose nétait pas à sa place. Quelque chose heurtait lharmonie du décor, bouleversait les lignes
Quoi ?
Elle se pencha à nouveau sur Anthoyne, qui à vrai dire navait pas dû souffrir beaucoup de sa rencontre avec le poing angevin. Cétait égal : la simple idée quon eût porté la main sur lui la révoltait.
- Jai failli ne pas croire votre lettre. Voyez où cela nous mène ! Vous, à vous battre dans les bouges angevins, et moi à vous courir après. Vous avez corrigé le drôle, au moins ?
Anthoyne, incarné par Else
La froideur de cette femme reste un mystère de ce monde. Comment pouvait-on posséder si peu de tact ? Mais en grattant un peu cette carapace, Anthoyne avait aperçu une lueur toute différente. Sous cette épaisse couche de glace, régnait un monde sentiments aussi bons les uns que les autres. Qui leut cru ? Pas Anthoyne au premier abord. Mais après avoir gratté, que dis-je, creusé, pioché cette banquise, de quelques fêlures séchappa une intense lumière. Toutefois, le moindre incident se référait à une tempête polaire refermant cette crevasse de lespoir.
Après lélectrochoc dentrée, il laissa la blonde prendre place dans les lieux. Alors que la main du tourangeau allait rencontrer la porte pour la fermer, linitiative fut prise par la Kermorial. Il se dit que décidément, elle était de mauvaise humeur. Il la regarda pendant quelle contemplait la chambre et lorsquelle reposa ses yeux sur lui, il était prêt à entendre la sentence. Mais, ô miracle, ces contusions jouèrent en sa faveur et il fut innocenté aux yeux de la blonde. Aucune charge ne serait retenue contre lui. Cette décision le détendit légèrement et un léger sourire fit son apparition. Alors que la douce main bretonne parcourait son visage, Anthoyne laccompagna en effleurant le poignet. La réflexion accompagnée à ce geste fit sourire Maillé. Quiconque aurait pu être vexé de nêtre même pas remercié du déplacement mais même sils ne se côtoyaient pas depuis longtemps, lhomme comprit que cette remarque nétait rien dautre que le remerciement attendu.
Docile, il se laissa entraîner par Elisabeth puis prit place sur le siège quelle lui présenta. Il exécuta chaque « ordre » dAttila qui observait avec attention les dégâts de laccueil angevin. Les pupilles qui sétaient habituées à la lumière suivaient rigoureusement les yeux de la blonde. Le but ? Profiter mais également taquiner. Il avait espoir que cela agace son amante. Ne tendait-il pas le bâton pour se faire frapper ?
« Peut-être naurais-je pas dû venir en Anjou ? Quen pensez-vous ? »
Anthoyne posa de nouveau son regard dans celui de sa bienfaitrice cherchant des sentiments dans ses yeux. Inquiétude ? Joie ? Puis il détourna son visage comme sil souhaitait cacher cet hématome bien trop observé.
« Et je tiens à préciser que je ne me suis pas battu. Je ne suis pas de ce genre à me bagarrer dans une sombre taverne. Jai un honneur. Et LA drôle ma eu par surprise. Je nai pas répondu. Comme je lai dit, jai un honneur. Je nallais pas frapper une pauvre femme qui ne demandait que ça. Quaurais-je dû faire ? La frapper à mort ? Solution idiote. Il faut savoir rester digne. Et la dignité nest pas forcément de se montrer le plus fort. »
La Louveterie reporta son regard sur sa belle avant de se lever et de lui saisir délicatement les mains. Dun sourire, il reprit.
« Cest le passé. Oublions. Limportant est que nous puissions profiter dêtre ensemble, nest-ce pas ? Et vous, comment allez-vous ? Survivez-vous à lEnfer angevin ? »
Else
« Peut-être naurais-je pas dû venir en Anjou ? Quen pensez-vous ? »
Touché.
Linsolent. Le félon. Lenflure.
Daccord, il était là pour elle. Pour elle il avait bravé une périlleuse frontière. Pour elle il souffrait la compagnie des Angevins détestés. Soit : cétait grisant. Mais était-il obligé de retourner ainsi le couteau dans la plaie ?
Blondine dut bien savouer quà sa place, elle neût pas résisté à la boutade. Elle ne sen troubla que davantage, et fut soulagée lorsque La Louveterie lui présenta son meilleur profil. Au moins, elle naurait pas à affronter ce diable de regard qui en voit trop.
« Et je tiens à préciser que je ne me suis pas battu. Je ne suis pas de ce genre à me bagarrer dans une sombre taverne. Jai un honneur. Et LA drôle ma eu par surprise. Je nai pas répondu. Comme je lai dit, jai un honneur. Je nallais pas frapper une pauvre femme qui ne demandait que ça. Quaurais-je dû faire ? La frapper à mort ? Solution idiote. Il faut savoir rester digne. Et la dignité nest pas forcément de se montrer le plus fort. »
La Kermorial leva les yeux au ciel. Ces Français et leurs simagrées
Elle voulut rétorquer une contre-vérité de son cru, et expliquer à ce délicat ce quelle tenait de lhonneur et des hommes « honorables »
Mais la suite lui coupa lherbe sous le pied :
« Cest le passé. Oublions. Limportant est que nous puissions profiter dêtre ensemble, nest-ce pas ? Et vous, comment allez-vous ? Survivez-vous à lEnfer angevin ? »
Ensemble
Ensemble
Un sourire idiot poignit à ses lèvres, quelle mordit avec force. Lamour lui va si mal
« Je survis à tout » rétorqua-t-elle, levant le menton vers Anthoyne dun air de défi.
Il la dépassait dune tête
Mais aucune considération altitudinaire ne lavait jamais empêchée de toiser qui que ce fut. Puisque le joli-cur avait lancé les hostilités, elle riposterait : nest pas Kermorial qui sescampe devant un combat. Surtout quelle a une réputation denquiquineuse à défendre, ah mais.
« Notez que les démons locaux sont bénins. Je vous en protégerai, sil faut. Ainsi éviterez-vous peut-être à une autre femme d'amocher votre deuxième profil. »
Else
La Louveterie neut jamais loccasion de riposter. Avant que la moindre réplique natteignît ses lèvres, la porte souvrait avec fracas pour révéler la deuxième jumelle Kermorial, telle lange sauveur moyen. En pétard, cela va de soi.
Cest ici que sarrêtera le récit, votre serviteur ayant courageusement mis les bouts avant que néclate lorage. faut pas pousser le narrateur dans les orties quand même ; sa paie ne couvrirait pas les frais dhôpital.
Une bonne heure et quelques hurlements plus tard, deux blondes furibardes retraversaient la ville en sens inverse, réveillant au passage quatre artisans, deux bébés et un vieillard. Jamais encore elles ne s'étaient disputées. Sans doute ne le feraient-elles jamais plus, car elles terminèrent en larmes dans les bras l'une de l'autre. Quant à l'Anthoyne, moins chanceux, il resta pantelant dans sa chambre d'auberge. Sans doute finit-il par aller se coucher, priant pour ne plus croiser Marie, pour voir à nouveau Elsa, se demandant peut-être, aussi, ce qu'il venait faire dans cette galère. Le cur a ses raisons, dit-on. Souvent sans savoir ce que cela signifie.