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[RP] Acte II - « Se souvenir, c'est s'écorcher. »*

Grimoald

[Premier jour...]

ne rangée de lit à baldaquins rouge, alignés sur la longueur de l'immense salle haute de plafond.
Les lits, pour plus d'intimité, étaient fermés par un épais voile de soie rouge ouvert seulement sur la salle de sorte que l'on ne puisse voir ni son voisin de derrière, ni son voisin de devant.
Les draps était blanc et frais, et la couverture était douce et de ce même rouge que les tentures formant les murs et le plafond de la petite cage douillette. Point un rouge criard. Non, un rouge sobre, terne, presque chaleureux.
A côté de chaque lit, une petite table de chevet et un siège. Le reste de la grande salle était vide et dallée, éclairée par la lueur du jours qui pénétrait par les haute et large fenêtre.
Mais de tout cela, le jeune nain à bouclettes blondes ne voyait rien...
Il ne pouvait bouger, il ne pouvait voir... Peut-être pouvait-il entendre ?
Son corps était inerte... Mais ses lèvres remuait cependant pour laisser quelques bribes de mots s'évader, sur un ton monocorde, de son esprit...

-"Sserpent... Catin... Le Borgne veut se venger, le Borgne veut me tuer...

...Non, il était plongé dans un sommeil profond, un sommeil dont il n'était jamais vraiment sorti depuis que son crâne vint percuter le sol dur, crasseux et parsemé de lourdes chaînes dans cette forge secrète et souterraine de Bourges...

-"...Où suis-je ?... Pas le fer... Pitié, pas le fer ! Non, pas le fer ! ..."

...Pas un sourcil ne se leva depuis, il gardait sur son doux visage d'ange-enfant d'où les traces de coups s’effaçaient déjà cet placidité déconcertante. Ses traits n'était point tirés... et Dieu sait s'il devait souffrir en ce moment même.
Il était là, le corps entièrement couvert de bandages sous les draps encore repassés...

-"...Traitresse... Non, ne partez pas ! ... Je ne savais pas... Maman... Pardonne-moi... Je ne veux pas Alienor, non ! ... Dis Elisabeth, pourquoi chuchotent-ils ?"

...Et puis le silence reprenait ses droits quelques minutes, parfois quelques heures...
Et puis ces paroles revenait... toujours les mêmes...
Et il était inconscient...
Il était en vie, il avait survécut à l'opération... Mais c'était comme si la vie n'était point encore arrivée...

*Françoise Giroud
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Khy

Et le siège, lui, est occupé.
Une jeune fille, plus tout à fait enfant & pas tout à fait femme, qui fixe le nain délirant sans que son visage n'exprime la moindre émotion.
Les yeux ternes, d'un vert sombre, n'ont pas l'éclat mutin qui les rend agréables. Le teint clair habituel a laissé place à une blancheur inquiétante, & les mèches brunes & bouclés ne sont plus attachées, mais tombent nonchalamment sur les épaules couvertes d'une fine chemise. Les genoux recouverts du lin rêche de ses braies sont encerclés par deux bras fins, & les pieds calés sur le bord du siège.
La posture n'est pas des plus agréables, mais l'empêche de trop sentir la gerbe qu'elle a aux lèvres & le ventre qui gronde de ne pas être nourri.

Car Khy, depuis que Grimoald a été déposé sur ce lit, n'a pas bougé d'un pouce. L'épée lui a - enfin - été retirée sans même qu'elle ne cille, & les infirmiers s'affairent sans même qu'on la remarque.
Elle se contente de le fixer, immobile & silencieuse, déchirée par son état, par les mots qu'il répète sans cesse, par les larmes qui voudraient couler mais qu'elle retient fermement.

Traîtresse. C'est ce mot, qui la torture & qui l'empêche de réagir.
Il délire, certes, mais il l'affirme, le répète, l'assure ce "traîtresse" qui, incompris au début, s'éclaire à mesure qu'il est prononcé.
Traîtresse. C'est elle, qu'il traite ainsi, sans aucun doute. Et ça la ronge, parce qu'elle voudrait lui faire comprendre, lui expliquer, à demi-maux, à mots entiers, combien elle ne l'a pas trahi, & combien elle regrette.

Mais les sons ne franchissent pas ses lèvres rougies par les nacres qui s'y pressent.
Et qu'importe, après tout, qu'elle puisse lui parler. Il délire, mourant, & quand bien même crierait-elle, qu'il ne l'entendrait pas.
Alors elle fixe, & il délire, & l'on ne saurait dire qui des deux se veut le plus mourant.
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Acte II - « Se souvenir, c'est s'écorcher. »*