--Blichilde
[Dans un couvent occitan, par une journée pluvieuse de mai]
Vêtue de blanc de la tête aux pieds, une croix de fer au cou oscillant au rythme de ses pas, la novice avançait d'un pas lent et mesuré aux côtés de ses compagnes moniales. Elles revenaient de la chapelle où elles avaient chanté pour la troisième fois de la journée. À cette heure, elles s'en allaient toutes à la salle commune pour manger leur maigre repas composé de bouillie d'orge et de poisson séché. Ensuite, elles s'en iraient vaquer à leurs différentes tâches en silence. Cette routine se répétait pour Blichilde depuis aussi longtemps qu'elle pouvait se souvenir. Entrée au couvent comme pensionnaire à l'âge de cinq ans comme plusieurs jeunes filles issues de la noblesse, elle n'en était jamais ressortie. Existence morne, chaste et grise comme le ciel en ce matin de mai. Certes elle était instruite, nourrie, logée. Mais elle voulait plus. Elle avait toujours voulu plus.
À chaque occasion qui se présentait, la jeune femme prenait la poudre d'escampette. Vite remarquée parmi la foule, fantôme blanc au milieu d'une masse bigarrée, on la saisissait par le bras et la ramenait au couvent. Alors elle se faisait punir par la mère supérieure. C'était d'ailleurs ce qui allait arriver à nouveau aujourd'hui.
«Bouse! M'ont vue sortir de la cour ce matin... Saleté de robe blanche!» pensa-t-elle.
-Demoiselle Blichilde Lablanche? Veuillez aller rejoindre notre Mère. Elle vous attends. Lança la voix nasillarde de la soeur portière.
S'exécutant, la jeune femme marcha d'un pas rapide vers le bureau trop souvent visité. Poussant la lourde porte cloutée, elle pénétra dans la pièce éclairée par un soleil malade. Derrière un grand bureau de chêne trônait une femme grasse, engoncée dans sa robe de nonne.
-Vous voilà encore ici! Demoiselle, vous me décevez. Vous décevez aussi notre Seigneur! Désobéissante, menteuse, paresseuse! Qu'allons nous faire avec vous?
La matrone lui fit les gros yeux.
-D'abord, vous quittez nos murs sans demander la permission et ce, depuis des années malgré le fouet dont vous avez tâté plusieurs fois!
La jeune femme restait silencieuse, se retenant de rire au visage de la bonne femme. Le fouet. Elle avait presque toujours réussi à amadouer son bourreau à grands renforts de larmes et de supplications.
-Ensuite, second doigt levé, elle comptait sur sa main pour mettre l'accent sur les fautes commises par Blichilde. Ensuite, le bedeau vous a surpris en train d'embrasser le fils du garçon d'écurie! Ce dernier vous avait en plus offert de la bière! Honte à vous ma fille!
Profond soupir.
-Vous n'avez pas l'étoffe d'une religieuse, ma fille. Et vous commettrez bien plus de péchés en ces murs qu'à l'extérieur. Rentrez chez vous. J'ai écrit à votre soeur, la donà Exaltation. L'on viendra vous chercher pour vous ramener à Orléans. Maintenant, sortez.
[Quelques jours plus tard...]
C'était donc vrai. De bon matin, après Matine on était venue la quérir pour qu'elle rende toutes ses possessions religieuses: la robe de novice, la croix, le missel. Sur sa couche pareilles à la trentaine d'autres couches du dortoir était déposé une robe de laine écru. Sa première tenue laïque depuis son entrée au cloître. Ainsi donc, Blichilde n'était plus forcée de prononcer ses voeux, de se couper les cheveux et de vivre dans le silence pour le reste de ses jours? Oh joie, oh allégresse! Marchant d'un pas léger, elle descendit pour la dernière fois le large escalier de pierre grise qui menait à la porte principale. Dans la cour, deux chevaux attendaient. C'est avec l'excitation d'un enfant que la jeune femme accourut dehors. Elle reverrait son frère et ses soeurs dont elle gardait un très vague souvenir.
Exécutant une petite révérence à l'intention de l'homme près des chevaux, elle s'adressa à lui:
-Bonjorn messire. Ainsi, c'est donc vous qui me ramenez chez moi?
Sourire timide.
-J'en suis ravie.
Un dernier regard à sa prison et la jeune femme s'empressa d'accepter le bras de l'homme pour grimper sur le cheval.
Vêtue de blanc de la tête aux pieds, une croix de fer au cou oscillant au rythme de ses pas, la novice avançait d'un pas lent et mesuré aux côtés de ses compagnes moniales. Elles revenaient de la chapelle où elles avaient chanté pour la troisième fois de la journée. À cette heure, elles s'en allaient toutes à la salle commune pour manger leur maigre repas composé de bouillie d'orge et de poisson séché. Ensuite, elles s'en iraient vaquer à leurs différentes tâches en silence. Cette routine se répétait pour Blichilde depuis aussi longtemps qu'elle pouvait se souvenir. Entrée au couvent comme pensionnaire à l'âge de cinq ans comme plusieurs jeunes filles issues de la noblesse, elle n'en était jamais ressortie. Existence morne, chaste et grise comme le ciel en ce matin de mai. Certes elle était instruite, nourrie, logée. Mais elle voulait plus. Elle avait toujours voulu plus.
À chaque occasion qui se présentait, la jeune femme prenait la poudre d'escampette. Vite remarquée parmi la foule, fantôme blanc au milieu d'une masse bigarrée, on la saisissait par le bras et la ramenait au couvent. Alors elle se faisait punir par la mère supérieure. C'était d'ailleurs ce qui allait arriver à nouveau aujourd'hui.
«Bouse! M'ont vue sortir de la cour ce matin... Saleté de robe blanche!» pensa-t-elle.
-Demoiselle Blichilde Lablanche? Veuillez aller rejoindre notre Mère. Elle vous attends. Lança la voix nasillarde de la soeur portière.
S'exécutant, la jeune femme marcha d'un pas rapide vers le bureau trop souvent visité. Poussant la lourde porte cloutée, elle pénétra dans la pièce éclairée par un soleil malade. Derrière un grand bureau de chêne trônait une femme grasse, engoncée dans sa robe de nonne.
-Vous voilà encore ici! Demoiselle, vous me décevez. Vous décevez aussi notre Seigneur! Désobéissante, menteuse, paresseuse! Qu'allons nous faire avec vous?
La matrone lui fit les gros yeux.
-D'abord, vous quittez nos murs sans demander la permission et ce, depuis des années malgré le fouet dont vous avez tâté plusieurs fois!
La jeune femme restait silencieuse, se retenant de rire au visage de la bonne femme. Le fouet. Elle avait presque toujours réussi à amadouer son bourreau à grands renforts de larmes et de supplications.
-Ensuite, second doigt levé, elle comptait sur sa main pour mettre l'accent sur les fautes commises par Blichilde. Ensuite, le bedeau vous a surpris en train d'embrasser le fils du garçon d'écurie! Ce dernier vous avait en plus offert de la bière! Honte à vous ma fille!
Profond soupir.
-Vous n'avez pas l'étoffe d'une religieuse, ma fille. Et vous commettrez bien plus de péchés en ces murs qu'à l'extérieur. Rentrez chez vous. J'ai écrit à votre soeur, la donà Exaltation. L'on viendra vous chercher pour vous ramener à Orléans. Maintenant, sortez.
[Quelques jours plus tard...]
C'était donc vrai. De bon matin, après Matine on était venue la quérir pour qu'elle rende toutes ses possessions religieuses: la robe de novice, la croix, le missel. Sur sa couche pareilles à la trentaine d'autres couches du dortoir était déposé une robe de laine écru. Sa première tenue laïque depuis son entrée au cloître. Ainsi donc, Blichilde n'était plus forcée de prononcer ses voeux, de se couper les cheveux et de vivre dans le silence pour le reste de ses jours? Oh joie, oh allégresse! Marchant d'un pas léger, elle descendit pour la dernière fois le large escalier de pierre grise qui menait à la porte principale. Dans la cour, deux chevaux attendaient. C'est avec l'excitation d'un enfant que la jeune femme accourut dehors. Elle reverrait son frère et ses soeurs dont elle gardait un très vague souvenir.
Exécutant une petite révérence à l'intention de l'homme près des chevaux, elle s'adressa à lui:
-Bonjorn messire. Ainsi, c'est donc vous qui me ramenez chez moi?
Sourire timide.
-J'en suis ravie.
Un dernier regard à sa prison et la jeune femme s'empressa d'accepter le bras de l'homme pour grimper sur le cheval.