Sebelia
[Castres, à l'échancrure d'un rempart, Porte Sud en contrebas]
Souffle puissant d'un galop effréné comme emporté, hors d'haleine. Martèlement des sabots d'un cheval sur le sol poussiéreux puis du fer sur le pavé. Elle se penche, plisse les yeux, aperçoit plus bas encore que l'ombre du mur, la teste et le poitrail de l'équidé à la lueur des braseros qui illuminent la haute muraille. Un cavalier qui s'engouffre par les grandes portes de la ville. Elle devine plutost qu'elle distingue les traits de l'homme chevelé. Elle n'est point prise sans vert. Vous baiserez le cul de la vieille Julian !* Acaprissat comme ce n'est point permis, Sebelia ne veut rien esgourdir et se prépare à la confrontation, narines pincées, maschoires contractées, le dos roide. Elle change de position, creuse ses fresles épaules, ramène ses genoux vers sa maigre poitrine et bascule vers l'avant. Il a franchi les dernières marches de l'escalier. Elle baisse le rideau de ses longs cils et reconnaist son pas, reste silencieuse l'émail mordant le pétale vermeil. Il l'observe. Elle peut sentir le poids de son regard pesé sur sa petite personne.
Elle se ramentevoit les yeux perlés de poussière d'or de cette serada et de ce baise main. Elle sursaute, opalines noisette ourlées des prémices lacrymales. Elle ne sentait ni le froid ni l'humidité de la nuit mais la chaleur de ses mains enserrant la sienne. Face à cet homme agenouillé, elle est destourbée, se mord violentement la lèvre dont la pulpe sapine et endolorie dilue dans sa bouche une note métallique. Caresse de ses tympans lorsqu'il prononça son prénom mais l'autorité qu'elle crut déceler dans ses amandes rompit le charmement qui opérait peu à peu sur la damoiselle de doute et de grasce. Toutefois, elle ne chercha point à dégager sa sénestre du carcan de ses doigts.
L'amitié...
Que savez vous de l'amitié Julian ? Non point de cette amitié aristotélicienne... pré-requis indispensable pour accéder au bonheur... l'amitié vertueuse.
Lueur amusée au fond de ses prunelles mordorées, elle songeait à ses moult provocations aux commençailles par l'usance de salutations aristotéliciennes dans sa correspondance épistolaire avec le prévost, son manque de respect, sa cuisterie, son infatuation... Sa convocation par le prévost lors de son passage à Castres. Ses velléités de tenir la dragée haute à Bouchenbiais aguerrie aux joutes verbales ! Elle voulait faire trembler les murailles de la ville. Certes, elles avaient tremblé mais elle avait senti le vent souffler sur sa teste. Les deux personnes qui avaient tenté alors de franchir la porte de la taverne ce soir là avaient été priées de quitter les lieux le temps de la rastelée. Il avait fait preuve d'autorité et elle s'en était émerveillée. Depuis son regard sur luy avait changé. Il y avait bien eu l'épisode du bunga bunga naïvement elle n'en avait compris le sens que bien plus tard mais il avait présenté des excuses publiques pour ce moment d'égarement.
Ma chère amie...
Une amitié se trempe dans une querelle pour en ressortir plus fort. Un véritable ami à les épaules humides de vos pleurs, il est toujours là pour vous, il commence par vous écoutez, il continue pour vous comprendre puis il vous répond. Il ne vous juge pas. Il ne vous abandonne pas quand vous avez besoin de son soutien.
La voix de la jeune femme en grand émeuvement déraille.
On ne choisit pas sa famille mais on choisit ses amis Julian.
Lorsque Bouche a perdu sa compagne je ne me suis point autorisée à me rendre à ses funérailles à cause de ces rumeurs, de ces maudites rumeurs qui voulaient que mon supérieur me mette au montoire. Je ne voulais point que ma présence fasse les choux gras de ces chapons maubecs. Ô comme je conchie ad vitam eternam** ces engeances de catin dont je tairai le nom eu égard à la mémoire de Madrigal.
Paume alanguie entre les mains de Julian, elle ne donne aucun mouvement à ses doigts, ni aucune pression. Un battement d'ailes attire son regard qui envisage un voyageur emplumé. Une nouvelle missive chut. Elle s'extirpe de la niche d'un mouvement souple des reins, ramasse le vélin et prend cognassance des quelques lignes écrites. Elle n'y répondra point. Elle ne se rendra point à la dicte convocation.
Chef oui chef... Comme vous allez me manquer...
Elle se murmure alors à elle-mesme visage tourné vers les cieux.
Macte, nova virtute, puer, sic itur ad astra*** !
_________________
Lieutenant de prévosté au barri de Castres, conseiller militaire (IG), archiviste judiciaire aux Archives Royales
Souffle puissant d'un galop effréné comme emporté, hors d'haleine. Martèlement des sabots d'un cheval sur le sol poussiéreux puis du fer sur le pavé. Elle se penche, plisse les yeux, aperçoit plus bas encore que l'ombre du mur, la teste et le poitrail de l'équidé à la lueur des braseros qui illuminent la haute muraille. Un cavalier qui s'engouffre par les grandes portes de la ville. Elle devine plutost qu'elle distingue les traits de l'homme chevelé. Elle n'est point prise sans vert. Vous baiserez le cul de la vieille Julian !* Acaprissat comme ce n'est point permis, Sebelia ne veut rien esgourdir et se prépare à la confrontation, narines pincées, maschoires contractées, le dos roide. Elle change de position, creuse ses fresles épaules, ramène ses genoux vers sa maigre poitrine et bascule vers l'avant. Il a franchi les dernières marches de l'escalier. Elle baisse le rideau de ses longs cils et reconnaist son pas, reste silencieuse l'émail mordant le pétale vermeil. Il l'observe. Elle peut sentir le poids de son regard pesé sur sa petite personne.
Elle se ramentevoit les yeux perlés de poussière d'or de cette serada et de ce baise main. Elle sursaute, opalines noisette ourlées des prémices lacrymales. Elle ne sentait ni le froid ni l'humidité de la nuit mais la chaleur de ses mains enserrant la sienne. Face à cet homme agenouillé, elle est destourbée, se mord violentement la lèvre dont la pulpe sapine et endolorie dilue dans sa bouche une note métallique. Caresse de ses tympans lorsqu'il prononça son prénom mais l'autorité qu'elle crut déceler dans ses amandes rompit le charmement qui opérait peu à peu sur la damoiselle de doute et de grasce. Toutefois, elle ne chercha point à dégager sa sénestre du carcan de ses doigts.
L'amitié...
Que savez vous de l'amitié Julian ? Non point de cette amitié aristotélicienne... pré-requis indispensable pour accéder au bonheur... l'amitié vertueuse.
Lueur amusée au fond de ses prunelles mordorées, elle songeait à ses moult provocations aux commençailles par l'usance de salutations aristotéliciennes dans sa correspondance épistolaire avec le prévost, son manque de respect, sa cuisterie, son infatuation... Sa convocation par le prévost lors de son passage à Castres. Ses velléités de tenir la dragée haute à Bouchenbiais aguerrie aux joutes verbales ! Elle voulait faire trembler les murailles de la ville. Certes, elles avaient tremblé mais elle avait senti le vent souffler sur sa teste. Les deux personnes qui avaient tenté alors de franchir la porte de la taverne ce soir là avaient été priées de quitter les lieux le temps de la rastelée. Il avait fait preuve d'autorité et elle s'en était émerveillée. Depuis son regard sur luy avait changé. Il y avait bien eu l'épisode du bunga bunga naïvement elle n'en avait compris le sens que bien plus tard mais il avait présenté des excuses publiques pour ce moment d'égarement.
Ma chère amie...
Une amitié se trempe dans une querelle pour en ressortir plus fort. Un véritable ami à les épaules humides de vos pleurs, il est toujours là pour vous, il commence par vous écoutez, il continue pour vous comprendre puis il vous répond. Il ne vous juge pas. Il ne vous abandonne pas quand vous avez besoin de son soutien.
La voix de la jeune femme en grand émeuvement déraille.
On ne choisit pas sa famille mais on choisit ses amis Julian.
Lorsque Bouche a perdu sa compagne je ne me suis point autorisée à me rendre à ses funérailles à cause de ces rumeurs, de ces maudites rumeurs qui voulaient que mon supérieur me mette au montoire. Je ne voulais point que ma présence fasse les choux gras de ces chapons maubecs. Ô comme je conchie ad vitam eternam** ces engeances de catin dont je tairai le nom eu égard à la mémoire de Madrigal.
Paume alanguie entre les mains de Julian, elle ne donne aucun mouvement à ses doigts, ni aucune pression. Un battement d'ailes attire son regard qui envisage un voyageur emplumé. Une nouvelle missive chut. Elle s'extirpe de la niche d'un mouvement souple des reins, ramasse le vélin et prend cognassance des quelques lignes écrites. Elle n'y répondra point. Elle ne se rendra point à la dicte convocation.
Chef oui chef... Comme vous allez me manquer...
Elle se murmure alors à elle-mesme visage tourné vers les cieux.
Macte, nova virtute, puer, sic itur ad astra*** !
*Revenir bredouille
**Jusqu'à la fin des jours
***Courage, enfant, c'est ainsi que l'on arrive vers les étoiles !
**Jusqu'à la fin des jours
***Courage, enfant, c'est ainsi que l'on arrive vers les étoiles !
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Lieutenant de prévosté au barri de Castres, conseiller militaire (IG), archiviste judiciaire aux Archives Royales