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[RP] À la Vie contre le Temps! À l'Infini qui nous attend!

Gorborenne
Quand l'Hiver enfin s'achève, se sème la Folie d'un Rêve

Bergerac, nuit de mars, calme et endormie. Bergerac, qu'un Aveugle laisse derrière lui... Laisse aussi ce vieux moulin, qui le temps d'un carrefour fut le sien. À ses lèvres encore soupçon d'Ibérie, soupçon de printemps qu'il emporte avec lui, à lui réchauffer sa route jusqu'en Albi.

L'air est froid, ce matin, sur les landes périgourdines, petite bise mordante qui glisse entre les collines. Silhouette se balançant au rythme de sa jument, se resserrent des pans de cape aux épaules du Géant. Quelque chose à son sourire qui respire la confiance. Jamais la Vie ne laisse de coïncidence... Sashah, garde encore la saveur de son baiser. Petite Muse, déjà à lui manquer. À peine s'entrouvre un chemin que déjà son combat commence. Face à la Peur, un feu de Rêves et d'Espérance.

Dragon des Saumons, au plus profond de l'essence, toujours debout, poursuivre l'errance, jusqu'au bout, à travers le silence...

Mais le silence se remplit de nouvelles musiques. Les chemins s'accélèrent, mais sans trace de panique. Non, le Géant avance serein, confiance, oui, confiance en demain.

Salmo Salar, un nom à la Conviction, brûlant semblable au feu des Dragons. La même soif de vivre en plein, peut être un peu de Féérie en moins... Carmin et Velours, les deux frangins qu'il laisse, et surtout Neige, son amour de nièce. Salmo Salar, famille qu'il s'est choisie parmi les Hommes, la seule qui en vaut la peine en somme. Un horizon qu'il s'était donné, une Cause qu'il avait choisi d'épouser. Quel que soit le courant, toujours le remonter... Un nom, son poids, et l'Honneur à le porter...

Sa rencontre avec Sashah sans tout bouleverser, avait bel et bien remué cet état de fait. Draconie déjà qui le rappelait. Mais la Famille comprendrait. Rien n'entrave la cendre quand le vent se met à souffler... Et la Cendre, c'est ce qu'il était. Gorborenne, voltigeur aux quatre vents, toujours à choisir son chemin librement, qui ne se pose que pour souffler de temps en temps...

Mais vole, vole aujourd'hui le Dragon, à l'âme un Balaguère des saisons. Aux lèvres qui se fredonnent, les accents d'une chanson...

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Sashah
Marmande en passant le pont levis

Elle quitta le vieux moulin qui laissait le vent agiter ses ailes doucement. Dernier regard sur cet abri, en scelle sur l'étalon de feu son mari. Direction la Guyenne, retour au bercail, pour un ou deux jours le temps de rassembler ses effets. Un sourire flottait sur son visage, une douceur qu'on ne lui avait pas vu depuis longtemps. Un goût sucré flirtait encore sur ses lèvres, empreinte d'un dragon quelle voulait garder. Une chemise trop grande qu'elle avait trouvé remplaçait son chemisier mutilé. Elle nageait autant dans le vêtement que dans un bonheur sans précédent.

Rien de tel en somme que d'apprendre à s'envoler. A tire d'ailes un jour elle partirait, elle la Muse aux ailes blessées.

Les remparts se profilaient au loin au petit matin, elle avait galopé toute la nuit épuisant sa monture. Il lui fallait se préparer, rendre dossiers, décrets et clefs. Trouver son parrain qui jouait les ombres, embrasser les amis et reprendre la route.

Au marché elle acheta de quoi se changer, prise d'une frénésie de coquetterie, puis prit le chemin de sa maison de la Boëtie.

Chez elle, elle se sentit étrangère, en partance déjà, un bain, grignoter du pain et à plat ventre sur son lit, elle ouvrit enfin le livre de la Graine de Folie...

Juste avait de se plonger dans la lecture, un constat se fit... Son Orion lui manquait !

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Gorborenne
en Cambrousse

Une souche, quelque part en bord de sentier. Un ancien chêne, sans doute, qu'ici s'était étiré. Géant qui trône à l'assise, une lame entre ses doigts qui s'aiguise. Il se souvient d'un autre bivouac, quand il se dirigeait vers, non qu'il partait de Bergerac.

Entre ses doigts alors, une autre épée qui s'était affûtée. Le fil de la Kabotine, il avait retrouvé. Plus qu'une arme, cette lame est une présence. La Conviction des Salar, toujours en battance. Mais Kabotine ce soir se repose au fourreau, autre lame qui sous la pierre trouve un chant nouveau.

Chuintements qui grincent loin dans la nuit, l'entour à l'écoute de l'acier qui revit. Des mains, il explore sa forme, son poids, son équilibre. Double tranchant en acier de Tolède, cinq pieds de long, une garde large, ouvragée à l'image d'ailes de dragon. Au pommeau, le poids d'une orbe d'argent, et la poignée, taillée à main de Géant. Une arme de guerre, qu'importe où le sang s'écoule et rougit. Qu'importent batailles, cette lame est faite pour lui.

Il ressent encore le marteau, les vibrations, dans les veines de l'acier, l'art des maitres forgerons. Il soupèse la route quelle a déjà parcourue, toujours immaculée, songe au sang, qu’immanquablement elle aura à verser... Un moulinet pourtant lent, et déjà stride la glace d'un sifflement. Glace oui, de Neige offerte à la Cendre... un nom, qu'il faudra lui apprendre.

Déjà une chaleur à ses joues lui annonce un jour nouveau. L'heure de reprendre la route sonne toujours trop tôt. Pourtant l'obscurité de la sienne se teinte d'un sourire, pensées qui s'envolent à la Muse. À l'Infinie de la Vie, à l'assaut du Temps et de ses ruses. "Bientôt Kalliópê, bientôt tu comprendras. Bientôt tu saisiras le feu qui brûle au fond de toi. Qu'importe le comment et le pourquoi..."

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Sashah
Maison de la Boëtie, là où tout commence et tout fini

A mesure qu'elle lisait les larmes inondaient ses joues, elle n'eut pas la force de lire très longtemps et referma le livre dans un claquement. Elle s'était plongée dans l'histoire, tellement plongée dedans qu'elle la vivait intensément.

Des mots flottaient devant ses yeux.

Alors il accueilli l’astre du jour
Les yeux pleurant de lumière
Le cœur serein il devint pierre
D’aujourd’hui et pour toujours


- Ils sont morts tous les deux ! murmura-t-elle en s'essuyant les yeux.

la mélancolie l'étreignit, elle ne sut pourquoi mais à lire la mort de cette Reyne, elle se sentie triste. Mais morte elle ne l'était peut-être pas, l'Elfe allait la sauver.

Pleine de cette optimiste, elle faillit reprendre la lecture, mais elle avait tant à faire et la matinée avait filé à toute vitesse. Elle devait se rendre au palais, annoncé son départ aussi.

Là son cœur se serra à l'idée de laisser sa presque sœur Lona. Mais sa blonde confidente avait trouvé un amoureux et saurait se consoler. Du moins elle l’espérait.

Elle lui manquerait, bien sûr qu'elle allait cruellement lui manquer, mais rester elle ne pouvait déjà pas avant, à présent elle ne le pouvait simplement plus.

Laissant le livre sur son chevet, elle descendit les escaliers et regarda machinalement sur le rebord de la fenêtre. Nuls pigeons n'avaient de message à lui délivrer, son géant n'avait pas trouvé de moine à faire rougir sur son chemin, pourvu qu'il aille bien.

Elle chassa les nuages d’inquiétude, sourit et sortit en fredonnant "J'ai lâché la rose des vents pour te suivre, Et je sens tous tes signes sur moi, Plus que tu ne crois."
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Gorborenne
Albi,

C'est un beau jour aujourd'hui. Géant qui s'entre en ville par le pont-levis... Deux ans déjà, dernière fois qu'il est passé ici. C'était en d'autres temps, il quittait la Provence, et s'en allait embraser le sud de sa brigance. Il se souvient, Muret et Saint Bertrand. Bourrasque des hordes y déferlant. Une autre époque, une autre vie. Le Géant à promis d'être sage aujourd'hui...

Point du jour alors qu'il déambule à travers le marché. Entre lèves-tôt et noctambules, déjà un peu d'activité. Et même quelques bonnes affaires à négocier.


Qu'est-ce que tu en penses Dunamis? Avec ça, on devrait pouvoir égayer le temps en voyage, non?

Mfffrrrrrrt

T'en fais pas, je t'apprendrai comment on joue. J'ai déjà enseigné ce jeu à une Duchesse autrefois...


Mais temps pour lui déjà, d'aller d'abord rendre un vieux mandat, puis de se diriger aux remugles d'encens, à travers les venelles en direction du couvent. Malin plaisir qu'il prend à tambouriner dès avant que le coq ne chante. Tonsurés en réveil lui promettent surement mille Enfers en attente... Qu'importe au Dragon. Lui goutent les cavernes églisiennes, mais n'aime guère les curés, qu'à cela ne tienne... Lui faut un copiste ce matin! Une lettre à dicter, qui le précèdera sur le chemin! Un qui se pointe, se reniflent les poches sous les yeux... "Encore un qui a du passer la nuit à parler à Dieu."

Excusez-moi de vous déranger de si bonne heure, mais j'ai besoin de vos services pour envoyer un courrier qui doit partir sans délais.

Mais, messire, il est...

Cinq écus d'argent pour votre communauté s'il part avant midi, dix s'il part dans l'heure...

Digue Seigneur, entrez, entrez, je vous en prie. Pareille urgence ne saurait trainer...


Sourire en mine qui se profile, "ça ne rate jamais" se dit-il. Sans peine il suit le moine dans l'obscurité. Devine une maigre cellule à l'odeur de renfermé. Qu'importe l'endroit, ne compte que la dictée.





À Toi, Kalliópê, Muse Balaguère,
Ma très chère Sashah,

Si j'avais cru que quelqu'un viendrait si vite à me manquer. Je reprends la route dès ce soir pour venir te retrouver. Albi à le même parfum qu'autrefois. Quelque chose d'arrogant, et de triste à la fois. Mais est-ce la ville, ou n'est-ce que moi?

Je brûle de voler de concert avec toi. Je brûle de ces cieux qui nous tendent les bras. De me lover, aussi, tout contre toi. Mes mains aspirent à ta peau d'une seule voix, mes lèvres de te dévorer, te murmurer tout bas.

Peut-être, oui, que c'est moi que la Vie t'a envoyé réveiller ta Flamme...
Mais déjà, petite Muse, déjà, oui, elle inspire mon âme!

Je t'embrasse,


Orion,

Dictée en Albi la Toulousaine, à l'aube du Treizième de Mars 1460



L'Aveugle à question qui vient le préoccuper alors qu'il entend la plume se reposer. "Le moine est-il cramoisi comme promis?" Sourire à l'affiche, évite quand même de ricaner. Toujours taquin, mais n'ira quand même à manquer de respect.

Bien le merci à vous, voici pour votre peine.

Bourse qui se jette en tintant, déjà s'en retourne le Géant. N'aura jamais vu autant de moines que depuis qu'il est aveugle, paradoxalement... Dehors déjà s'envole Orcus le faucon, prince des crécerelles, s'en va livrer message, disparaissant à tire d'ailes. Gorborenne, tranquillement remonte en selle... Il en a fini ici, et la route et sa Muse, le rappellent...
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Sashah
Marmande, jour de départ,

Le temps lui avait paru long et pourtant la journée de la veille avait filé comme un éclair. A peine avait-elle rendu ses clefs du palais, qu'il lui avait fallu envoyer une kyrielle de missives pour se dégager de toutes ses fonctions. Féliciter avec retard une amie qui s'était mariée, écrire à son parrain qui tout comme au château semblait la bouder, enfin passer du temps avec sa presque sœur, qui allait tant lui manquer.

Mais elle partirait sereine. Des bleus à l'âme surement car on ne l'avait pas épargné, mais l'esprit en paix et le cœur épris. Car malgré toutes ses occupations Orion lui restait à l'esprit. Où qu'elle aille, quoiqu'elle fasse, il semblait être à ses côtés. Fallait-il qu'un géant l'est tant bouleversé !

Au petit matin un drôle de cri l'éveilla. La brume s'était installée sur la ville, mais le soleil ne tarderait pas à la percer. Elle se leva et son regard se porta sur la croisée. Posé sur le rebord un rapace d'une grande splendeur l'attendait. Elle ouvrit la travée un sourire aux lèvres, mais décrocher l'étui de cuir attaché à la patte de l'oiseau, lui posa quelques soucis. Un coup de bec atterrit sur sa main mais étrangement ne la blessa pas, comme si le volatile voulait prendre contact avec elle. Elle s'enhardit et peu à peu réussit à surmonter sa peur et s'emparer du pli.

L'écriture élégante lui fit penser à celle d'un moine copiste. Elle s'enivra des quelques lignes penchées sur le vélin.

Elle prit place à son écritoire, trempa sa plume dans l'encrier et écrivit :




De Kalliòpê à Orion
De petite Muse à son Dragon,

Marmande n’a plus la même saveur, ma maison même me semble étrangère, je me sens déjà appartenir à un ailleurs, comme si ma vie d’ici avait déjà un goût d’hier. Je ne pensais pas qu’un géant me manquerait tant.

Je garde sur moi la saveur de tes baisers, les mots que tu as gravés sur moi à la plume de tes doigts.

Il me tarde tant et j’ai pourtant encore tant à faire.

Je reprends mon chemin vers toi ce soir, je serai au vieux moulin demain. Sarlat attendra ma venue encore un peu, une ville à la fois, difficile de faire mieux.

Je suivrais les étoiles qui me guideront vers toi,

Je t’embrasse

Kalliòpê




Elle roula le petit billet, déposa quelques gouttes d’essence de fleur de lys, attacha le petit étui avec précaution au Faucon. L’oiseau domestiqué était docile et attendait sur le rebord de la fenêtre. Elle lui murmura, « va retrouver ton maître et ne te perds pas en chemin ». Une caresse sur le sommet du crâne du rapace et il prit son envol, elle le regarda s’éloigner en souriant.
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Gorborenne
Sur les routes...

Géant qui voyage, profite de souvenirs quand on ne peut admirer le paysage. Il repense au récit, à la Graine de Folie. Le livre de leur Histoire. Devinera-t-elle les enjeux qui s'y cachent? Saisira-t-elle des Dragons, leur legs et leur tâche? Il repense à sa fille, au loin... à elle aussi, leur héritage, mais pour l'éveil, n'est encore en âge. Il contemple en lui-même la route encore à parcourir. Celle des Hommes, et celle du Feu que les Dragons respirent, celle de cette sérénité à laquelle il aspire.

Inquiétudes? Non, même Aveugle, Orion tisse son chemin. Qu'importe la trame, tant qu'avance le point.

Kalliópê... Tant de certitudes et de doutes qui s'affrontent en lui. Tant de causes, de conséquences qu'il retourne malgré lui. "Appréhender la Vie dans toute sa splendeur"... c'est vite dit... Étrange que cette légèreté soit si lourde à porter. Étrange qu'il ait tant envie et si peur de l'aimer...

Une impression qui lui chatouille la brulure dorsale... Pourtant, n'y ressent rien qu'une froidure Glaciale. "Que m'arrive-t-il Petite Mère? Pourquoi ais-je l'impression de sentir à nouveau les Neufs Terres?" - "Ce n'est qu'un souvenir mon Enfant. N'oublie pas ce que tu en as appris, et accepte le à présent. N'oublie pas que tu es et reste Orion. N'oublie pas ce qui fait de toi un Dragon."

Le poids d'un Nom... Quel autre aurait-il pu porter que celui d'Orion? En Chasseur, et en Géant, ainsi avait-il commencé son cheminement. Chasseur d'hommes et de démons. Principalement celui de ses propres tréfonds. Surt le Brûleur... Cette part de lui, de sa haine et sa terreur. Vaincue au prix de combien de pleurs? Comme s'il revit l'époque où son regard se partageait entre l'émeraude et le rubis... ne reste aux yeux que le noir du jais aujourd'hui... De leur ultime combat, le cœur qui saigne encore, versé d'âme à défaut de sang et d'ichor. "Relève le cœur, Orion. Vaincre Surt ne t'as pas fait perdre une part de ce que tu as été. Au contraire, c'est une vide que tu as comblé. Le Temps est ton ennemi, mais il effacera ce qui te blesse. Et là Vie est d'aujourd'hui, et elle t'offre d'autres promesses... Écoute ce chant au ciel!"

Une réclame... de crécerelle! Orcus déjà qui s'en revient de vélocité fauconique à tracer le chemin. Bras tendu en perchoir, triple note sifflée en appel, et rapace en pierre qui choit du ciel, s'arrête net, demi-effort des ailes. Serres au poignet, l'Aveugle se met à tâtonner, trouve un bout de vélin, enroulé. Comme un parfum qui vient le taquiner...

Qu'il les maudit sa cécité et son idée solitaire de voyager. Personne pour lui faire lecture. Que n'a-t-il pris le temps de lui apprendre "l'autre" écriture. La langues des nœuds que ses doigts lui suffisent à déchiffrer, celle dont il use avec sa fille et sa nièce pour communiquer. Qu'importe, il attendra escale ou rencontre, puis cette discrète fragrance en dit plus que le papier ne montrent. Le Printemps, il n'y a pas d'autre mot. Son soleil léger, son vent déjà chaud. Une essence si ténue de parfum, qui pourtant lui chasse ses doutes. L'envie d'une fleur, lui fait accélérer sa route...

Qu'importe oui, finalement, que ces yeux ne s'ouvrent que sur le néant. Qu'importe qu'il soit aveugle, à présent. Car peut être enfin, qu'il comprend. Au cœur de la tempête où personne ne voit des larmes couler, Orion, peut-être, les entendra tomber...

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Sashah
Départ imminent. ...


Ses malles étaient prêtes et elle aussi. Quelque part au delà de cette frontière sa vie avait changer. Une étoile dans ses ténèbres s'était mise à briller, la poétesse prenait son envol.

Elle passa dans son atelier et ramassa ses effets. Rouleaux de parchemins, encriers, pinceaux et plumes furent rangés. Son livre de poésies en court d’illustration atterit dans ses bagages, elle emportait ses lambeaux de vie, plus rien ne la retenait ici.

Quelque part sur la grand place ça beuglait, les élections animaient un peu la populace. C'était presque un sourire amusé qu'elle les écouta la fenêtre ouverte, le temps qu'elle ramasse ses affaires.

Fallait-il que seules les querelles les animent ?

A chercher les poux dans la tête de son voisin,
on en oubli les siens.

Voilà que la Kalliòpê se divertissait de la zizanie ambiante, ça lui rappelait l’histoire d’un village d'irréductibles gaulois, quoique dans ce village là, la légende disait que les habitants y étaient solidaires, ce qui n'était pas du tout le cas ici.

Entre sa maison de Marmande, son atelier, elle accumulait les trousseaux, mais elle avait laissé celui du palais, sur le bureau du Duc, son parrain, étaient posées ses clefs.

Un sourire triste en pensant à lui s'installa sur ses traits. Elle partirait avec un étrange sentiment, qui mettrait longtemps à se dissiper, mais Lona lui avait murmuré, "pars ne te retourne pas, ta vie t'attends là-bas, envoles-toi".

Elles s'étaient épaulées toutes deux, murissant ensemble à mesure qu'un monde nouveau s'ouvrait à elles. L'une avait volé dans un poste municipal, l'autre vers un ducal, mais sans le vieux capitaine, son mécène, elles n'y seraient pas arrivées.

Elle sortit une clef pour refermer cet atelier. Passé de plumes qui lui avait offert un avenir. C'était drôle comme finalement on ne grandissait pas vraiment, on restait toujours la même au fond de soi. Elle était arrivée un matin de mars avec un mari tout neuf et une plume, elle repartait un an plus tard avec une autre mais… seule. Dans ses bagages un deuil, un second mariage raté, mais sa poésie était là en elle, c’était sa force de vie.

La porte fut verrouillée, elle rangea la clef dans une malle et partit vers... Orion.

Une autre vie l’attendait, elle l’appréhendait avec joie et peur à la fois.

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Gorborenne
Un peu plus loin, mais pas tant que ça...

Toujours cette chevauche solitaire, mais s'en va retrouver un Printemps, pour sortir de l'hiver. Doutes et tourments, pourtant sourire dans l'air. L'humeur qui vagabonde de l'avenir au passé. De ce qu'il veut offrir, de ceux qui l'ont blessés. "Ma Kalliópê, tu me manques tant, comme aux ailes manque le vent." Vrai, cette impression de certitude absolue... Depuis qu'il l'a laissée, il ne la ressent plus. Bruit qui l'alerte, quelque part dans son dos. Palefroi rapide, le rattrape au grand galop. Ami? Ennemi?


Vous messer! À l'Arraché d'Argent!

Bien à lui qu'on en veut, mais le timbre est plus essoufflé que belliqueux. Géant qui intime l'arrêt à sa monture, le temps à l'autre de calmer son aventure.

hhh, hhhh, Pardonnez-moi, vous êtes bien messer Gorborenne Salmo Salar?

Il s'agit bien de moi en effet. Que me voulez vous?

hhh, hhhh, un pli messer, hhh, hhh, de sa Grâce le Duc de Guyenne...

De Guyenne? Vous êtes bien loin de chez vous mon brave. Mais... vous savez lire j'espère. Parce que j'aurai moi-même bien du mal...


Coursier à l'avise du bandeau lui couvrant les yeux, opine, d'un coup, bien silencieux. Géant qui lui tend autre vélin qu'il tenait sous sa chemise, s'embaume au passage d'un parfum de fleur de Lys.

Et tant que vous y êtes, vous me lirez celui-ci également. Et puis, je vous en dicterai un autre. Mais je vous en prie, buvez un coup avant de rendre l'âme...

Quelques déglutis liquides, suivi d'une lecture précise et rapide. Pour être sur d'avoir bien compris, lui demande de relire. Encore une fois celle de Sashah, pour le plaisir... Est-il possible d'étirer autant un sourire? "Vrai Petit Muse, tu m'inspires!" Réponse qui se dicte... et cette fois sans frais, puisque sa Grâce le Duc a eu l'obligeance de lui prêter un coursier...






Petite Muse,


Il est étrange comme le passé me rattrape alors que nous attendent les chemins de l'avenir. Il y a beaucoup de doutes que j'ai pu surmonter, mais me blesse encore une large plaie. Je sais qu'il me reste encore une chose à faire pour enfin en finir. N'aie crainte, comme promis, je te rejoins. Ce voyage qui nous attends, j'aurai besoin de ta main. J'aurai besoin de toi, pour faire ce que je dois.

Ce coursier qui te retrouve m'a porté un pli de ton parrain. Il parle de "perle" et "d'une des plus précieuse". Tu es tout cela ma Kalliópê, et bien plus encore. Ta voix est un chant que je veux entendre, encore et encore...

Le Soleil poursuit sa course, mais je le rattrape! Je te retrouve bientôt, au bord du lac.

Je t'embrasse,

Orion



Géant qui retend son outre de vin, un petit coup de courage pour le chemin.

Rentrez en Guyenne, mais en passant par Bergerac. Cherchez une fleur d'Andalousie répondant au nom de Sashah Del Castillo. Vous lui remettrez le courrier.

Messer, je ne suis pas sur si je peux...

Mais si, mais si, vous pouvez. Sa Grâce le Duc saura vous remercier, vous n'aurez qu'à lui raconter.


Palefroi qui s'envole au vent, laisse embrun de poussière tourbillonnant. Que n'est-il lui même le message, il pourrait la sentir contre lui, sentir ses doigts au bout des pages..
_________________
Sashah
Sur la route de Bergerac... à la nuit tombée

Voilà elle avait fini par partir, quitter ces terres de Guyenne, en embrassant sa blonde Lona, la seule où presque qui ne voulait pas la voir s'en aller sans un au revoir. Son parrain ne lui avait pas écrit, pas parlé, le silence dont il l'avait enveloppé laissait en elle une plaie.

Une de plus au final, mais que serait une poétesse sans vague à l'âme ?

Un froid l'envahissait à mesure qu'elle s'éloignait de Marmande, une peur viscérale l'éperonnait, elle ignorait pourquoi, sa nouvelle vie sans doute encore si flou pour elle, l'angoisse d'aimer à nouveau surement aussi. Aimer lui avait toujours fait peur, peur de souffrir, peur de ne pas savoir l'aimer, peur de ne pas être celle qu'il espérait. Mais cette peur n'était pas nouvelle, n'était-elle pas celle qui avait déclinés 5 mariages ?

Elle devait chasser au loin les nuages, la mélancolie ne lui allait pas au teint, mais elle laissait derrière elle tant de joie et de peine, qu'elle était sujette à toutes les terreurs à cet instant précis.

Au loin dans la nuit un vieux phare abandonné abritait un Dragonet qui lui s'était tu depuis plusieurs mois. A Bordeaux un médicastre venait de perdre à jamais son épouse qui s'en allait rejoindre un Dragon dont il ignorait le nom et jusqu'à l'existence. L'ombrière ne verrait plus une poétesse arpenter ses longs couloirs cheveux défaits et doigts tachés d'encre. Le bureau du conseil régional fermerait ses portes comme elle l'avait ordonné et emmurerait tout son travail à jamais.

Là bas à Marmande une blonde sœur, le cœur gros se lançait dans une bataille politique qui semblait saignante...

Sur les bords de l'estuaire reposait en terre, un procureur Helvète qui l'avait épousé à Sion.

Elle eut un sourire bordé de larmes quand elle se souvint du billet étrange qu'elle avait reçu un jour à Blaye. "Je suis fou de vous, rejoignez moi au port, prenez l'escalier qui s'élève au dessus du grand entrepôt, poussez la porte et attendez-moi, signé un admirateur".

Elle avait suivi les instructions curieuse de connaitre cet inconnu et finalement s'était retrouvée dans les bras de son Helvète d'époux qui voulait pimenter leur couple en lui donnant des rendez-vous comme l'aurait fait un amant.

La nostalgie prenait racine en elle, mais pour rien au monde elle aurait fait demi-tour.

Elle prit une rasade d'eau à sa gourde de cuir, non pas parce qu'elle avait soif mais pour dissiper sa tristesse, quand soudain le bruit d'un galop interrompit son geste.

Un cavalier à vive allure déboulait derrière elle. Dans sa course effrénée l'homme semblait ne plus contrôler grand chose. Son étalon devint nerveux, autant qu'elle à cet instant précis. Brigand ? La route en était infestée. Voyageur ? Son cœur bondissait à mesure que la terreur s'infiltrait en elle, l'inconnu arriva à sa hauteur sans maitriser sa monture et les frôla, avant même qu'elle ne réalisa, son cheval paniqué se cabra.

La chute fut inévitable, juste au moment où elle entendait son nom :

- Mademoiselle Sashah, vous êtes Mademoiselle Del Castillo ?

Et puis ce fut le trou noir...
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Sashah
Bergerac dans une auberge à midi au clocher

Des bourdonnements dans la tête et des voix qui chuchotent. Une raideur dans la nuque et une douleur qui se réveille. Une odeur acide qui lui brûle les narines, main qui se porte au front. Son qui lui parvient enfin moins déformé, elle entend :

- Elle se réveille ! Mon Dieu j'ai failli tuer la fillotte du Duc. ! J...

Un chutttt intimé et une main fraiche qui se pose sur sa joue. De l'eau arrive sur ses lèvres, elle essaye de lever la tête, mais l'étourdissement la prend.

- Doucement, doucement, vous êtes encore secouée, là buvez lentement, cette décoction soulagera vos douleurs.

Voix calme et rassurante, elle cligne des yeux, la lumière la blesse.

- Que... Que s'est-il passé ?

Sa voix lui parvint rauque et mal assurée. Elle avale le contenu de la timbale, mi-sucré mi-amer, puis retombe sur des oreillers de plume.

- Haa ma tête !

La douleur est intense comme si elle avait le crâne broyé, elle a du mal à réaliser où elle est et pourquoi elle souffre autant.

Peu à peu les souvenirs lui reviennent, un cavalier qui l'a assommé. Non... le hennissement de son cheval apeuré... Ho elle ne savait plus vraiment.

- Lisez lui ce pli, puisque vous êtes venu le lui délivrer.


Un homme s'approche, à mesure qu'il se meut à ses côtés, elle se recule, comme si sa vue faisait loupe.

Pas si près vous l'affolez là.

La voix est calme mais ferme, l'homme qui la soigne semble énergique. Elle sort des brumes, commence à souffrir moins, observe les deux hommes et ouvre grands les yeux.

- Mais... mais vous êtes un coursier du palais !

Elle l'avait déjà croisé plusieurs fois, ne le connaissant pas vraiment. Il se passait quelque chose pour qu'il soit à son chevet, soudain la terreur se lut sur son visage.

- N'ayez pas peur Damoiselle, c'est un aveugle qui m'envoie du nom de...

Tourne le pli qu'il tient en tout sens, tandis qu'elle se relève lentement et s'adosse à ses oreillers.

- Gorborenne de Salmo Salar. J'étais venu vous l'apporter mais votre cheval s'est effrayé et vous êtes tombées. Vous... vous... vous voulez que je vous la lise ?

Regard courroucé de celui qui la soigne et geste agacé :

- Oui lisez la lui au moins, c'est la moindre des choses non ? Si vous n'aviez perdu le contrôle de votre monture nous n'en serions pas là et ne niez pas, j'étais derrière vous j'ai tout vu, chance que je sois médicastre.

Rougeur qui s'installe sur son front à mesure que lecture se fait. Ainsi son parrain avait écrit à Orion, alors qu'il l'ignorait ! Main qui se pose sur la sienne, le médicastre, plus tout jeune au visage jovial de bon père de famille, vient la rassurer.

- Ne vous inquiétez pas vous n'avez rien de grave, par chance les hautes herbes ont amorti votre chute. Vous aurez mal à la tête encore un peu et mal partout surtout aussi, mais dans quelques jours il n'y paraitra plus. Je vais vous donner des potions, vous les prendrez et garderez le repos tout rentrera dans l'ordre bientôt, vous verrez.

- Quelques jours de repos ? Mais c'est impossible je suis attendue à Sarlat demain.

Les mots moururent dans sa gorge, elle était si fatiguée que la tête lui tournait.

- Donnez moi une plume et de l'encre, que je lui réponde, je...

Les forces lui manquaient, elle avait tenté de se lever mais retomba sur ses oreilles, tandis que les deux hommes semblaient enfin vouloir quitter sa chambre. On ne lui apporta ni plume, ni encrier, la décoction faisait son effet et elle s'endormit.

- Faites porter un message à l'homme qui lui a écrit visiblement vous le trouverez à Sarlat, dites lui ce que vous voulez mais rassurez-le au moins qu'il n'aille pas faire une imprudence, vous avez déjà assez fait de dégâts pour l'heure. Je repasserais la voir ce soir, laissons la se reposer.

Ainsi un message fut envoyé par le coursier du Duc de Guyenne qui avec tout le tact dont il était incapable, disait ceci :



A Messer Gorborenne Salmo Salar,

Votre pli est bien parvenu à Dame Sashah Del Castillo. Elle ne pourra y répondre pour le moment et risque de ne pas vous rejoindre comme prévu.

Dans la nuit elle a été victime d'une chute de cheval et est alitée pour l'instant.
Toutefois elle est saine et sauve.

Signé Grégoire, coursier du Duc Kronembourg


Ce qu'il ignorait ce coursier, c'est que quelques heures plus tard, Sashah serait groguie, fourbue, migraineuse, mais debout et en selle pour le rejoindre comme prévu.

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Gorborenne
Quelque part non loin de Cahors,
Quand de nostalgie s’enfuient les remords…


Dernière fois avant longtemps qu’il bivouaque en solitude. À demain, l’espoir d’un Dragon à partager son altitude. Salaison de brochet qui se cuit doucement, prédateur vaincu il n’y a pas si longtemps. C’était en bord de Loire, à Chinon, un duel de poissons qu’avait remporté le Saumon ! Dents qui se plantent, en plein dans la chair dégoulinante, s’y attaquent à rage dévorante.

Demain, à Sarlat, pour un nouveau départ. Tant de choses qui se préparent. Un petit rayon d’après-midi lui ramène le calme qui manquait. L’âme toujours lourde, mais le cœur en paix. Un dernier pas qui doit encore être fait. Pour Cédalia qui autrefois l’illuminait, pour Kalliopê qu’il aime désormais.

Les nuages ont laissé s'enfuir la pluie
Les fleurs se perdent dans les racines des arbres
Et je garde mes larmes pour d'autres peines

Les blés sèment leurs épis
Les rivières s'endorment dans leurs lits
Et mes yeux se ferment de douleur

L'océan a noyé les poissons
L'herbe des prairies se couche sous le vent
Et mes poings se resserrent

Les glaces ont fondu le Soleil
Les montagnes effondrent les vallées
Et mon cœur se déchire

L'encre efface les livres
Les religions perdent la foi
Et j'éclate en sanglots

Les étoiles chantent le vol des oiseaux
La graine du jasmin a fleuri
Un jour, je renaîtrai

Des mots, couchés il y a si longtemps, qui lui reviennent l’espace d’un instant, qui se répètent une fois de plus comme roule le Temps. Combien de fois renaître pour être enfin vivant ? Étrange que vouloir libérer Kalliópê des chaines lui ait rappelé le poids des siennes. "Pourtant tu es libre mon Enfant. Libre de tes doutes, de tes tourments. N’oublie jamais rien, mais garde ton regard tourné droit devant ! C’était ton propre choix, de vivre pleinement."

Pourquoi tourne-t-il la tête comme pour jeter un regard alentours ? Aucune lumière à ses yeux, aucun jour. Et pourtant au loin de ses ténèbres, comme un éclair, un éclat dans la nuit, une distorsion de lumière…


Sashah !

Déjà debout, affaires emportées dans l'élan claque de la langue, s’ébroue la jument, déjà cavalier s’en repart galopant, à grande allure vers le couchant. Un pressentiment qui le vrille, quelque chose, surement c’est produit, quelque part, la flamme oscille.

Haro Dunamis, j’ai besoin du meilleur de toi ! Ramène-moi à Sarlat !
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Gorborenne
Sarlat, le Lac des Espoirs,

Se penche l’ombre d’un regard,
Silhouette en tangence au bord du miroir,
Reflet qui se perd dans ces yeux noirs…

Toute la nuit durant, au grand galop chevauchant, Dunamis l’avait mené en écumant, à travers bois, à travers champs. Elle l’avait mené au bord du lac, au lieu de rencontre, s’était arrêtée juste avant que le soleil ne se montre. Géant avait sauté à terre, était rester un moment, à humer l’air. S’était penché au bord de l’eau, des yeux avait retiré le bandeau. Se rafraichir le visage après longue cavalcade, se redresser de l’impression d’un ailleurs en dérobade, silence rompu d’un murmure en tirade…


J’arrive à l’aube où mes ailes se pardonnent d’une nouvelle errance. Je sens aux fragrances qui flottent entre les étoiles fuyantes avec la nuit que s’ouvrent les premières fleurs d’une nouvelle saison. À son poids, j’entends l’écho du Monde qui résonne de la folie des Hommes, mais je vois parmi les ombres que recule l’obscurité. J’identifie à l’arabesque des vents le souffle d’où renait toute chose, le parfum d’un Lys qui traverse l’existence.

J’ai longtemps cherché les sentiers du monde, Toujours je me suis consolé à la chaleur des miens et au Feu des souvenirs, alors que Toi, tu incarnes la Flamme, l’incandescence de l’avenir…

Je suis la Terre, tu es le Printemps…


Dragon qui incante les chants de la Vie, Orion qui attend un signe de Kalliópê. Est-ce une monture qui s’approche en bord de rive ? Une impression de trajectoire en dérive… Le Géant se retourne à l'expecte en tendant l'oreille. "Est-ce toi? Petite Muse de mes merveilles?"
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Sashah
[Sarlat au petit jour...]

Un jeune homme très jeune encore, porteur d'un message cherchait un aveugle. L'esprit à penser à sa voisine, la jolie Ondaline, il en oublia presque la description. Pas le nom, ça non, c'était celui du comte, mais les détails qui lui échappaient à mesure que son cœur s'enflammait.

Un aveugle il en trouva un, car ce n'était point chose rare. Le vieillard édenté, un peu sénile répondit Oui quand on lui posa main sur l'épaule et qu'il entendit "Messer Gorborenne Salmo Salar ?". Le message lui fut délivré et le vieil homme sourit de toutes ses dents en murmurant "Tu es bien gentil mon garçon".

Mission accomplie pensa le jeune paysan et il retrouva son père sur la place du marché. Le jour se levait...


[Quelques heures plus tôt]

Son réveil avait été pénible et douloureux, mais quand le soleil déclinait, elle posa pied à terre. Avec une énergie qui lui était coutumière elle réclama un bain et donna quelques écus à la chambrière pour qu'elle lui acheta des remèdes. Plus tard quand l'eau du bain fut prête, elle y versa une fiole d'huile de millepertuis et se baigna longuement.

Une fois habillée, sa potion avalée et qu'elle eut respirée au dessus d'une écuelle d'eau bouillante, quelques herbes préparées par l'herboriste de la ville, elle fit sceller son cheval et malgré les douleurs qui lui tiraient quelques gémissements, elle monta en selle et prit la route pour Sarlat.

Les premiers instants furent pénibles, mais doucement l'inhalation chaude de chanvre bâtard qu'elle avait faite, la mit dans un état second, les douleurs se dissipèrent et son esprit vagabonda.

Si un jour mon regard venait à se voiler
Obscurcissant mon ciel de ses aurores boréales
Je saurai m'apaiser en tendres pensées
Pour éclairer ma route d’une odyssée d’étoiles

Et si dans le silence de mes souffrances muettes
Perlaient mes larmes lunaires en cristaux déposés
Mon esprit m’emmènerait en ces contrées secrètes
Où ne règnent que bonheur et ivresse partagées

Je suis de ces femmes qui ne perdent pas la passion
Quand bien même mon âme se voile parfois de deuil
Mes pas me guideront vers ta maison Orion
Guidés par les bougies que tu as éparpillées sur son seuil.


Au petit jour, juste quand le soleil montre enfin ses rayons, elle entra dans Sarlat. Les sabots de son étalon résonnaient sur les pavés, elle traversa au pas la ville et se dirigea vers l'est. Monture et cavalière débouchèrent enfin sur le lac qui se nichait au cœur d'une clairière boisée. Il était là son Orion, un sourire flotta sur son visage, tandis qu'elle avançait à sa rencontre.

Son cheval renâcla puis enfin s'arrêta. Quand elle descendit de sa selle, son pas se fit incertain, plus lourd aussi. Les courbatures avaient endolories à nouveau son corps. Une fois à terre, elle murmura :

- Je suis là Orion, je suis là...
et s'approcha de lui en tanguant légèrement.
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Gorborenne
Ce timbre qui murmure, cette voix, le cœur qui manque un bond, sourire qui s'étire déjà. Un seul mot à l'esprit lui vient... "ma Kalliópê! Enfin!" Non qu'il ait attendu longtemps, plutôt qu'il était impatient. Mais quelque chose au rythme de son pas qui lui rappelle les navires, tanguent sous la houle et chavirent. Mains ouvertes en avant, le Géant s'approche d'un pas, à la cueillir aux creux de ses bras.

Kalliópê, ma Sashah, tu m'as manqué... Il n'y avait pas de goût à voler sans toi.

Il est vrai, fille du Balaguère,
Tu es la Muse de mes nuits claires.
Ta voix est comme un baume guérisseur,
Guidant à travers mes ténèbres des vagues de couleurs,
D'où que vienne les soleil, je n'écoute que le vent,
Et dans chaque bourrasque, il me rappelle ton chant...

Mais quelque chose en elle qui lui semble si frêle, repense à son trouble de la veille en sensations qui se mêlent.
Un doigts à l'effleure de sa joue qui va se perdre en chevelure, un baiser volé précédant murmure.


Tout va bien? Il t'es arrivé quelque chose?

Voix qui trille, déjà à l'imagine du pire, torsion d'inquiétude qui lui rive le sourire.
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