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[RP] À la Vie contre le Temps! À l'Infini qui nous attend!

Gorborenne
19ième de Septembre, Le Géant attendait, au pieds du rempart, de savoir si oui où non il patrouillerait ce soir. Kahhlan était repartie vers le nord, lui restait, à veiller face au port. Il n'osait prendre la route à la rencontre de Sashah de peur de la manquer, à cette heure, elle devait déjà être loin de Béziers, peut-être même arrivée... Même si jamais il ne l'aurait avouer, l'inquiétude avait déjà depuis longtemps fini de le ronger. Là, elle en était plutôt à le digérer...

Et puis, comme une goutte tombant du plafond peut briser le silence d'une crypte sans fond, l'alerte se fit entendre, voix nasillarde quelque part, faisant esclandre.


A l'aide, à l'aide, à moi, à elle, à nous ! Au secours ! Au secours !

Peu de secondes avant qu'il comprenne, non, qu'il sente en ses entrailles ce que ce cri annonce comme bataille.
Géant qui s'arrache de son appui au rempart, priant tous les saints qu'il ne soit pas trop tard.


Qu'est-ce que? Sashah!? Oh par la Grande Mère, Sashah!
Montjoie, elle va accoucher! Je vous en prie, venez m'aider!


Clopin clopant, bras devant, baton d'aveugle balayant, il s'élance à travers les rues,
Sans même vérifier si on le suit ou même s'il a été entendu...


He! Ho! Par Ici! SAASHAAH!
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Otis_lefol


He! Ho! Par Ici! SAASHAAH!

Un instant il resta coi. On criait plus fort que lui. Visiblement sa Maitresse était connue. Un soupir de soulagement il poussa, quand une masse, une sorte de montagne déboula vers lui à pas de géant. Il poussa un couinement de terreur très aigu, genre souris à qui on marche sur la queue et eut un mouvement de recul.
Un déplacement d'air se fit sentir quand on passa devant lui et il reprit un peu de son sang froid après cette frayeur. Courant derrière le molosse surement un garde du Prince, il essaya d'arriver à sa hauteur.
C'est qu'il était normal lui, il ne faisait pas 6 lieues en un pas.

- Attend...... ez ! Un pas de plus et il était déjà semé.

Comme s'il n'existait pas, l'homme se dirigeait vers une ruelle, mais il réussit à se maintenir à ses côtés et même le doubler pour lui faire face. Trottinant à reculons il parvint entre quelques enjambées à dire :

Première enjambée :

- Excusez moi de vous déranger en pleine partie de Colin-Maillard...

Course, doublage, retournement après seconde enjambée :

D'ailleurs si vous enleviez votre bandeau ça vous éviterait de foncer sur vos obstacles. Vous avez failli m'écraser.

Recourse, redoublage du colosse, troisième enjambée :

- Faudrait quérir le Prince vous savez celui de Dame Sashah... Votre patron quoi ! Vous m'écoutez à la fin ?

Dernière enjambée avant point de côté et perte de voix :

- Parce qu'elle est au bout de cette ruelle en train d'accoucher.


Gorborenne
Panique à bord!

Le phénomène de focalisation est une chose étrange à observer, surtout avec un œil extérieur à la scène. Même si d'un point de vue mental, le résultat est à peu près le même - à savoir l'abstraction totale de toute forme de pensée rationnelle - les stimuli pouvant conduire à cet état peuvent varier, un même stimulus pouvant également mener à des résultats opposés, parfois complémentaires.

Prenons pour exemple: un attelage dont le cheval de trait s'est emballé de panique, filant tout droit sur sa route. "Avancer, vite" résume de façon à peu près complète l'état d'esprit de l'animal. Il est a espérer que vous ne soyez pas au commandes de l'engin à cet instant, parce que tirer sur les rênes ne sert à rien, et sauter en marche présente toujours quelques risques quand on file grand train.

Contre exemple, et pourtant indissociable du premier: Sur la route, plus précisément sur la trajectoire de la carriole, un lapin, pétrifié. Son instinct lui fait pressentir le danger, pourtant, son corps se refuse à bouger. Vous pouvez faire ce que vous voulez, rien n'y fera, lapinou ne mouftera pas. Et pourtant, il sait que l'impact ne sera pas à son avantage, que le choc sera d'une violence sans précédent, et pourtant, il attend...

Première moitié de première enjambée... Géant même pas encore déconcentré, tout au plus l'impression d'un moustique lui tournant autour.
Deuxième moitié, la même enjambée... Une espèce de présence parasite qui se précise... Colin maillard? Non mais! Mais non, encore insuffisant, entre la charrette et le lapin, l'impact est imminent...
Deuxième enjambée, au pied levé...
Dame Sashah... Votre patron quoi !

BANG!

La voix qui ne lui parvient que comme un murmure mais lui perce les tympans, engendrant une série de réflexes entrainés dans son élan,
Dextre vers l'avant qui s'envole, se referme sur ce qui semble l'étoffe d'un col.


Je n'ai d'autres patrons que mon Roy! T'es qui toi?! Où est le Sang de mon Sang?! Parle où je t'émascule!

Si le Géant est toujours dans un état de focalisation intense, l'on constatera par contre que l'impact avec le lapin à quelque peu changé la donne. D'une masse compacte chargeant tout droit, il en est passé à une espèce d'hécatonchyre gesticulant à tout va. Nous voyons également ici qu'un même résultat peut être obtenu par des stimuli et des focalisation diamétralement différentes. Voyez, toute proportion gardée, l'état agité, proche de la névrose dont est présentement frappé l'Aveugle ressemble étrangement à celui qu'adoptent les jeunes personnes de sexe féminin en présence de l'un ou l'autre troubadour célèbre dont elles scandent le nom comme un cri de guerre. "Patriiick" par exemple à déjà été décliné à toutes les octaves possible et sur tous les timbres, mais ceci sera l'objet d'un autre exposé...

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Otis_lefol


Air qui lui manque et tête qui lui tourne. A cavaler comme ça il halète comme une femme qui accouche. Levant la tête devant le géant qui s'est arrêté, soudain il sent une poigne sur son collet. Il essaye de tousser. hhh.. hh..
Projeter en avant, à moitié décoller du sol, il se retrouve à la hauteur du visage de son agresseur. L'air qui tentait de passer se coince dans sa gorge et hhh.. hh.. il essaye d'agripper les doigts du malade qui veut l'estourbir. Parvenant à en déplacer un, à grand renfort de gesticulation, il sent l'air passer légèrement dans sa trachée, hhh.. hh.. Au ton de la voix de stentor qui tinte à ses oreilles, il se dit qu'il a du faire une bourde. Et son cerveau analyse les sons déformés que son esprit perçoit dans un brouillard asphyxiant.



Je n'ai d'autres patrons que mon Roy! T'es qui toi?! Où est le Sang de mon Sang?! Parle où je t'émascule!


Il en a de bonne lui, il mourra asphyxié avant s'il continue à lui serrer le kiki comme ça. Alors dans un sursaut de désespoir il parvint à déplacer un second doigt. hhh.. hh.. ouf ! son corps se détend, l'air passe un peu mieux, il est sauvé, mais aphone pour plusieurs jours, la pomme d'adam à moitié écrasée. Il redit ce qu’il venait de dire d’une voix qui s’étouffe encore :

- Parce qu'elle est au bout de cette ruelle en train d'accoucher.

Le sang de son sang ? Lui a le sang qui semble lui monter à la tête et battre ses tempes. Il tente de comprendre, puis son cerveau trouve une trouée dans l’amalgame des mots. Ce serait lui le prince ? Misère, il est aussi grand qu’un mois sans sexe ! Tout était grand comme ça chez lui ? hhh.. hh.. hhh.. hh..
Gorborenne
Mais où donc s'est enfuie la logique?
Qu'est-il advenu de la rationalité pragmatique?
Abolies! Lois des hommes ou de la physique,
Une très-futur-père ne connaîtra jamais qu'un mot: "PANIQUE"

Oui, panique. Certains marchands prétendent que malaxer de petites balles emplies de sable peut aider à faire passer le stress. Et bien, malaxer pour malaxer, serrer de sa poigne une carotide n'arrive pas vraiment à l'aider. Rien ne semble pouvoir amenuiser la nervosité du Géant. Il serait moins facile de le calmer que d'abattre un Titan. Et rajouter la dessus une poussée d'adrénaline peut avoir quelques effets par trop conséquents...


- Parce qu'elle est au bout de cette ruelle en train d'accoucher.

Dans notre cas, ladite poussée d'adrénaline, provoqué par les suffocations agonisante de l'homme pris à l'étau des doigts du Géant, prend la position d'un vecteur factoriel dans l'équation. Déjà, les deux états psychiques fondamentalement instables s'additionnant tendent à croitre vers l'exponentielle, générant tout un tas de constantes comportementales éventuellement variables...

Tenant compte de tout ceci, en évaluant la vitesse de déplacement du Géant par un rapport de la masse corporelle sur la foule environnante, des déviation de trajectoire entrainées par une surcharge latérale - à savoir l'autre bougre qu'il traine derrière lui sans trop s'en rendre compte - nous pouvons aisément calculer que à un carrefour à quatre rues, la probabilité qu'un géant, aveugle, futur père et en pleine panique choisisse la bonne est d'à peu près.... une sur six.

Oui, il y a plus de probabilités que de ruelles, mais dans ce genre d'équation, c'est normal, le Géant serait bien capable de s'enfoncer sous l'une ou l'autre porte cochère...

C'est d'ailleurs une chance, car ce genre de calculs, au vues de sa complexité, est intrinsèquement soumis aux influences de la Vérité de Saint Murphy s'appliquant ici par corollaire:
"Si toutes les probabilités vous poussent dans une mauvaise direction mais qu'il en existe une bonne, aussi infime soit-elle, c'est celle-là que vous prendrez"...


De l'eau chaude, de l'eau chaude...

Ceci est ce qu'on appelle un garde-fou mathématique. Une phrase implantée dans le subconscient des futures pères depuis l'aube des temps. Un trait de génie, hypnotisant la focalisation sur un but précis, généralement celui de tenir éloigné le père qui ne ferait que gêner l'accouchement. Seulement, dans sa grande équité, Saint Murphy ne pourrait laisser les choses se passer ainsi. Car oui, la phrase à tellement été bien implantée que le Géant sans s'en rendre compte la détourne de lui...

Arrêt... Non, pas sur image. Juste l'Aveugle qui s'arrête, quelque chose, une présence qu'il reconnait, souffle faible, là tout près.


Sashah! mon amour, je suis là!

Et vous, restez pas planté là! allez me chercher de l'eau chaude!


Étreinte sur le cou de l'autre qui se relâche d'un coup, comme il se laisse lourdement tomber à genoux,
À tâtons s'avance, cherche une main au bout de sa présence...

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Sashah
Citation:
Sashah! mon amour, je suis là!

Et vous, restez pas planté là! allez me chercher de l'eau chaude!


Elle ne savait plus qu'elle émotion l'assaillit le plus fortement. Celle de revoir son Orion tant aimé, celle de le voir s'empresser à ses côtés, celle de voir son homme de confiance trainer comme un vulgaire chiffon par Gorborenne.

Entre les couinements de Maistre Otis, les contractions qui se faisaient de plus en plus rapprochées et la joie de le revoir, elle sentit que ses nerfs allaient lâcher.

Elle était trempée, elle avait froid, était au pied d'un arbre, avait le ventre qui semblait déchiré de l'intérieur et une peur, une peur... Ce bébé étant à terme, il lui semblait bien plus gros que prévu. Agrippant la main de Gorborenne, elle y planta les ongles et retint un gémissement de douleur. Certes ce n'était pas vraiment de cette façon qu'elle envisagea leurs retrouvailles, mais il avait tant tardé qu'arrivait à ce moment précis, ce qui devait arriver.

Dans l'énergie du désespoir, elle agrippa Gorborenne par une manche après lui avoir lâché la main et lui demanda au bord de la crise de nerfs :

- Mais où tu étais ? Pourquoi tu as tout ce temps pour me rejoindre ? Hein ?

Le ton était menaçant, aussi menaçant que pouvant l'être celui d'une femme dont le corps était torturé par la douleur. Mais elle n'eut pas loisir d'argumenter, une autre vague de souffrance s’insinuait en elle et elle se cramponna à lui. Malgré le froid qui la transperçait, elle commença à claquer des dents. Son bébé descendait, descendait doucement, elle sentait son poids descendre, se préparer à apparaitre au grand jour. Il lui semblait qu'il ne passerait jamais, où alors, qu'il allait écartelé son corps en forçant le passage.

- Je n'ai plus de force ! murmura-t-elle en pleurant, déjà complètement épuisée par son voyage.
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Otis_lefol


– hhh…. Hhhh hhh…. hhhh

De l’air, de l’air ! il l’avait enfin lâché, le trainant dans toute la ruelle, à un point tel qu’il avait eu peur de se manger un volet, tellement qu’ il rasait les murs. Il était fou lui, à le prendre part le colbac il avait du marcher en crabe. Voler en crabe même, il venait d’inventer le crabe volant. Il reprit sa respiration mains sur les cuisses, penchée en avant. C’est malin il avait l’air tout chiffonné à présent. Il lissait son gilet quand il remarqua le Prince accroupi près de l’encloquée, à tâtons manquant presque lui coller le doigt dans l’œil.

Non mais il peut pas enlever son bandeau là ?

A peine finit de penser qu’il lui aboya dessus :

Et vous, restez pas planté là! allez me chercher de l'eau chaude!

– hhh…. Hhhh GRRRRRR hhh…. Hhhh GRRRR


Il s’éloigna en maugréant :

- De l’eau chaude voilà encore autre chose, il compte l’ébouillanter à la naissance cet enfant ? Je suis pas Merlin l’Enchanteur moi, je vais mettre mon doigt dans un seau tiré au puits et elle va bouillir peut-être.

– hhh…. Hhhh GRRRRR hhh…. Hhhh GRRRRRR

Haussement d’épaules… Il se mit à la recherche d’une auberge.
Gorborenne
L'effroi, comme un étau de glace... Mais cette étrange impression... pile comme si le monde avait changé de face... Instinct et raison en pleine bataille... toujours cette peur plantant racine dans ses entrailles. Mais pourtant, oui, l'étau se change de tenaille... Dans les méandres de son esprit, lentement, se récite une vieille litanie... "Je ne connaîtrai pas la peur car la peur tue l'esprit. La peur est la petite mort qui conduit à l'oblitération totale. J'affronterai ma peur. Je lui permettrai de passer sur moi, au travers de moi. Et lorsqu'elle sera passée, je tournerai mon œil intérieur sur son chemin. Et là où elle sera passée, il n'y aura plus rien. Rien que moi."(1)

Il est vrai, la peur n'est pas un adversaire que l'on peut abattre, dont on se débarrasse d'un coup d'épée où de quelques versets. Mais oui, on peut la laisser nous traverser sans lui laisser la moindre emprise... Toujours là, mais sans plus de poids... Pas plus qu'avant, le Géant n'a réellement maîtrise de lui-même, mais la violence panique a fait place à une espèce d'instinct méthodique. Un équilibre entre le geste et la pensée, oscillant sur le fil de l'épée...

Non qu'il n'ait entendu ses questions, mais quelque chose le bloque d'y répondre... Quoi qu'il dise ne fera que renvoyer l'image de son échec, d'avoir été par trop absent... Juste la main qui se libère, vient se poser à la joue de sa Muse d'un geste caressant... Moiteur sous ses doigts, sueur révélatrice de son état... À peine plus d'un murmure cette fois...


Tiens bon ma Kalliopé! Nous sommes deux pour naître notre enfant, et nous serons deux pour le voir grandir.

Un baiser à son front, l'autre à ses lèvres... chaleur... chaleur de fièvre... Quelque part au fond de son estomac, Dame Panique cherche à reprendre ses droits, pourtant, geste calme, des ailes au bout des bras... L'échine qui se redresse le temps d'ôter son mantel, de l'étaler au sol devant elle. Étrange, étrange rappel... l'habit de cuir épais, tout élimé... cadeau de Petite Mère, il y a combien d'années? Mantel qui avait déjà accueilli la naissance d'une autre enfant, il y a bien longtemps... Un sourire qui s'esquisse, pris d'une étrange sérénité... "Tu es là n'est-ce pas, Aelyce? toujours à nous veiller..." Une bulle, une aura qui semble se tisser autour d'eux en bouclier, les sens à fleur de peau, exacerbés, mais ne percevant rien d'autre que son Aimée.

Il sent sur elle les effluves de la fatigue et des routes, mélanges d'amour, de colère et de doutes, dans son souffle, ses gémissements, il pourrait presque entendre déjà crier leur enfant. Mais les enchevêtrements de vies, la source de l'instant, c'est du bout des doigts qu'il en perçoit les mouvements... Les mains posées à plat sur le ventre nu, palpent doucement la peau tendue. À l'affut, du bébé, des contractions, toujours à chercher le rythme avant la chanson.


Oh oui.... tu veux sortir hein petit Dragon, tu as sais qu'il est l'heure...

Une dernière caresse au visage de Sashah, hésite entre un "tout se passera bien" et "ne t'inquiète pas", mais non, non, il est des mots qui empêchent la chute sans pour autant vous relever. Il en est peu qui sont de force à donner...

Je suis là, Je t'aime.

Mais l'heure, oui, l'heure n'attends pas, les contractions s'allonge et montent en puissance, Muse qui souffre à encaisser la cadence... Trop de fatigues accumulées au cours des semaines, presque à flancher sur les dernières peines. Un éclair qui lui traverse l'esprit, cherche besace gitane à tâtons, la main qui y plonge, en quête d'un flacon, et lui installe la sacoche en oreiller contre le tronc. Quelques gouttes de l'élixir qu'il lui verse sur la langue, calmer un brin la douleur, rendre une régularité à la course de son cœur...

Tiens, avale ça, c'est la potion de Bru...

Le nom du tord-boyau lui avait échappé, mais non point ses effets. Pour elle, une demi lampée suffirait. Et pour lui, quand même, l'autre moitié, histoire de garder sa peur bien rangée... Au cas où, car étrangement, il sait ce qu'il lui reste à faire, ses mains qui retrouvent ancrées en elles les gestes d'un futur père. Posées, à plat, sur le haut du ventre, cherchant leur position, avant d'imprimer lentement une pression, synchronisant ses appui aux contractions.

Pousse.... maint'nant!.... maint'nant!

Peu à peu les mouvements s'inscrivent d'une certaine régularité, entre les vagues et le ressac avance la marée. Marée d'équinoxe, flots impétueux, Orion qui mène la barque de son mieux... Aux voiles gonflée du ventre de Sashah, il sent progresser un peu leur enfant à chaque pression de ses doigts.
Flamme qui sourde de Vie sous la coquille d'un oeuf de Dragon, là, toute proche, à l'envie de son éclosion...




(1) extrait de Dune - Frank Herbert

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Sashah
Les mots, ses mots qui rassurent alors que rassurée, elle ne l’est pas. Une mélange de souffrance, de colère d’avoir été esseulée, de ne plus avoir la force, de la foi en elle-même qui défaille, l’étreint, l’entraine vers un gouffre abyssal. La peur ? Elle ne la ressent plus, elle est en elle déjà à s’immiscer et lui égarer l’esprit. Comment mettre au monde cet enfant ? Voilà bien ce qui la paralyse, entre deux assauts de douleurs violentes et la fièvre qui veut les emporter.

Tiens bon ma Kalliopé! Nous sommes deux pour naître notre enfant, et nous serons deux pour le voir grandir.

Oui ils étaient deux, malgré la séparation, la distance, les vents contraires, ils avaient toujours été deux. Deux face à face, face au monde. Et nulle peur ne pouvait l’engloutir, pas quand le fruit de leur amour voulait voir le jour. Elle eut ce sursaut de lucidité.

Quelque chose de fort s’insinua entre ses lèvres, la faisant tousser. Du grogguygnolet ! Elle sourit faiblement. Sentant sous sa robe les mains froides de son Orion lui explorer le ventre, caresser leur enfant, se poser, chercher. Son corps se cambrait sous les vagues déferlantes. Que faisait-il qu’elle ne pouvait faire elle-même ? Elle l’ignorait totalement. L’alcool la réchauffait lentement, le mantel de son Prince l’isolait du monde. Elle le regardait, non pas dans les yeux, il ne le voulait pas, mais elle détailla son visage, sentait leurs âmes en communion. Il avait ce don de percevoir ce qu’elle ne percevait pas. Un chant étrange tinta en son esprit, chanter naguère par le petit peuple.


Je suis la Mère bénie, gracieuse Dame de la récolte.
Je suis habillée dans la profondeur, dans l'émerveillement de la Terre et dans l'or des champs de céréales.
Je veille aux marées de la Terre; toutes les choses se concrétisent au fil de ma saison.
Je suis le refuge et la guérison.

Je suis la mère donnant la vie, merveilleusement fertile.
Je suis l'Ancienne, appel du cycle ininterrompu de mort et de renaissance.
Je suis la roue, l'ombre de la Lune.
Je régis les marées des océans, des femmes et des hommes.
Je donne la libération et le renouvellement aux âmes lasses.(*)



La muse se remémorait, portant en elle l’avenir des leurs, la mémoire du passé. Soudain elle sentit l’enfant bouger sous l’effort qu’il lui demandait de fournir. Sous les directives données par celui qui lui avait confié une vie à délivrer de ses entrailles, elle rassembla toutes ses forces.


Pousse.... maint'nant!.... maint'nant!

Et elle s’exécuta aider par les mains qui poussaient avec elle. Souffrance suprême qui lui arrachait des cris, comme pour donner raison à l’enfant, son corps ne lui laissait que peu de répit. Une après l’autre des lames de fond plus fulgurantes que les précédentes emportaient leur petit vers son père.

En sueur, le corps meurtri, à bout de force, elle sentit la délivrance proche et son enfant émerger doucement vers le monde des Hommes.


(*)Scott Cunningham
traduction: Lunia / le petit peuple

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Ingeburge
Si, si, elle a entendu, mais elle est restée comme qui dirait bloquée la Joie de Vivre parce que si elle peut se montrer altruiste, il ne faut pas non plus pousser Monmon dans le placenta. Car c'était bien cela la raison du blocage : une sordide histoire d'accouchement car aux yeux pâles et morts, un accouchement ne peut qu'être sordide. Prenez donc le sien : prises des douleurs de l'enfantement non loin du terme quand elle avait appris que son excommunié d'époux – qui n'était donc plus techniquement son époux – avait fini au bas d'une falaise, elle avait été conduite dare-dare en son château de Sainte-Anastasie-sur-Issole afin de mettre bas bien au chaud et entouré de suffisamment de matrones que pouvait s'offrir le comte de Cuneo pour que son ex-femme comtesse de Carpentras puisse lui donner l'héritier mâle tant attendu. C'était donc à peine veuve qu'elle était devenue mère et elle n'avait pas conservé de l'événement le meilleur des souvenirs. Beaucoup de cris, beaucoup de pleurs, beaucoup d'humeurs; et elle n'avait pas été responsable de la plupart des émissions en question.

Aussi regarda-t-elle le prince de Montreuil s'éloigner à grands pas et à grands cris, l'air un peu stupide. Le Salmo Salar l'avait rejointe quelques heures plus tôt, afin de prendre son tour de garde sur les remparts de Montpellier. Les rumeurs liées à la présence de groupes brigands plus ou moins organisés sur le sol languedocien et dans les comtés avoisinants avaient poussé Actarius d'Euphor à renforcer les défenses de la capitale. Ingeburge avait accepté de prendre la tête d'une lance, toujours dans son idée de soutenir le Phœnix jusqu'au bout de son mandat de feudataire bien qu'elle eût préféré se retrouver dans le même détachement que lui. Ainsi donc le prince de Montreuil s'éloignait sans même lui donner l'occasion de réagir et il fit plutôt bien car il fallait à la duchesse d'Auxerre le temps de se remettre et de peser le pour et le contre. Il fallait aussi indiquer aux autres membres du peloton de défense qu'elle devait les laisser. Voilà qu'elle avait décidé, finalement. Elle suivit donc les cris pour pouvoir tomber dans les humeurs car la silhouette massive de l'Aveugle lui était désormais invisible.

Comment fit-elle pour tomber sur le prince et sa compagne? Comme pour son propre accouchement, elle n'en conserverait que le désagréable : les cris donc, et cet homme croisé qui détalait, pressé, celui-là même à qui de l'eau chaude avait été commandée. Aussi vite qu'elle le put, Ingeburge avait tâché d'avancer dans les rues montpelliéraines et avait fini par trouver un arbre, un géant et une parturiente en plein travail. La première chose qui traversa l'esprit d'Ingeburge fut que Gorborenne n'avait certainement pas besoin d'elle. Penchée sur la femme allongée au pied de l'arbre, il distillait conseils et encouragements, accompagnait de ses gestes la progression du nourrisson en pleine évasion. Un instant, elle détourna les yeux car ce spectacle heurtait sa pudeur et sa délicatesse. Certes, elle avait compris qu'elle était vivante car un jour sa mère avait connu la situation de Sashah – draps propres, bassine d'eau chaude, cheminée où ronflait un feu vigoureux et une foule de servantes en plus – et elle-même y avait sacrifié pour mettre au monde sa fille unique mais tout ce bruit, tous ces halètements, toutes ces odeurs et tous ces liquides... Elle ne s'était pas rendu compte qu'elle-même avait pu ressembler à un animal blessé et sanguinolent et l'idée de son image dégradée ne lui était pas agréable.

Pourtant, elle s'approcha, lentement, mais elle s'approcha quand même. Elle dégrafa sa cape et à l'aide du canif qu'elle portait à la ceinture, divisa en deux parts inégales le solide vêtement coupé dans un drap de laine de prix. Chaque morceau fut plié, le plus grand servirait à couvrir la mère délivrée de son enfant, le plus petit à envelopper celui-ci. Puis, chargée de ces couvertures de fortune, elle s'agenouilla de l'autre côté de Sashah et déposa les étoffes repliées sur le sol. Sans un mot, penchant sa tête voilée de sombre vers la jeune femme, elle tamponna le front de celle-ci à l'aide d'un mouchoir immaculé. Se concentrer sur le visage de la mère plutôt que sur ce qui se passait entre ses jambes. Les yeux morts d'Ingeburge se focalisèrent sur les traits éprouvés de Sashah.

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Ingeborg aka Ingeburge aka Montjoie aka chuipavotlarbin.
Armes qui seront refaites, un jour.
Roi d'Armes de France, duchesse d'Auxerre, bla bla bla bla bla.
HS.
Gorborenne
Combien de temps étaient-ils restés ainsi à tanguer au gré de la houle? Orion ne pourrait le dire. Il n'y avait que le mouvement, résonance culminant sur les vagues qui s'étirent. Les mains toujours en pression sur le ventre de Sashah, à pousser, pousser de concert, mener lentement leur enfant à ses premiers cris au grand air. Sa présence se rapproche peu à peu, il peut la sentir, comme lorsque l'on allume un feu, qu'on le regarde grandir. Les émotions s'anesthésient à la fatigue qui peu à peu l'étreint, mais sa pensée demeure accrochée au bout de ses doigts, guidant leur enfant sur son tout premier chemin.

À l'orée de ses sens, l'impression que la bulle furtivement se perce, quelque chose qui s'approche, un présence qui la traverse. Une présence qui s'agenouille à ses côté, présence qu'il reconnait. Ingeburge, Montjoie la redoutée... Mais au cœur du Géant, à jamais, la "Prinzessin de Marmorée"... Tout ceci c'est déjà produit, tout ceci se reproduira... C'était en Provence, là-bas, autrefois... D'autres souffrances, qui s'étalaient sous le tapis, souvenir d'autres instants, ressemblant vaguement à ceux-ci...


Merci...

Il n'aurait pu articuler autre chose, quand bien même il l'aurait voulu. Et puis, l'aurait-il vraiment fallu? Sans jamais avoir vraiment été proches, l'un et l'autre se connaissaient, bien au-delà de Montjoie, ou de la Principauté... Étrange ce que le sort nous réserve, comment la Vie parfois, nous taquine de sa verve. Aux routes, une nouvelle façon de se croiser, carrefour en quête de lumière, plutôt que de l'éternelle obscurité. Entre l'espoir et la douleur, entre le feu et la glace, l'impression oui, que tout est à sa place... C'était dans la peur et l'instinct, que c'est à elle qu'il avait demandé, et pourtant, oui, pourtant, qui de mieux qu'elle, en cet instant, pour les aider? Un hochement de tête, sourire esquissé. Peut-être était-ce à cause de ce passé, prouver que si rien vraiment ne change, que les chose, oui, les choses peuvent évoluer...

D'un revers, temps à autre, le Géant essuie sa propre sueur, perlant à son visage. Remarque-il son bandeau d'aveugle qui tombe à peu plus à chaque passage? Jusqu'à découvrir les gouffres d'encrier, de ses yeux obscurcis de cécité... Non, la chose encore lui échappe, pour l'instant... il est une conscience que l'on ne récupère qu'à son temps... Ses mains se sont déplacées, en berceau accueillant, dernier effort, doucement, recevoir en leur creux le fruit de leurs sangs. "La peur est la petite mort qui conduit à l'oblitération totale"... mais l'amour d'une petite vie peut avoir sur l'esprit un effet bien plus fatal. Là! entre ses doigts, un petit être qui remue, larmes qui s'évadent des yeux du Géant, sans retenue.


Oh, tu es là!... Regarde Sashah, mon amour! c'est notre enfant, c'est notre fils!

Une étérnité, oui, instant de tant d'intensité... il le tient, là, entre ses bras, encore brulant de l’œuf d'où il s'est arraché. Flammes de Draconie, se cherchant un autre héritier... Un pleur! le premier qui jaillit, comme une fontaine, à l'appel des joie et des douleurs de la Vie! Orion est là, béat, qui lui sourit, l'impression d'une brume qui s'estompe, au large de son âme et de son esprit... comme un regard qui chercherait à réveiller le sien, plonger dans l'encrier, pour en refaire le dessin, le dessein...

Doucement, l'étoffe vient envelopper le nouveau-né, sans qu'il se rende vraiment compte si c'est Montjoie qui la lui a tendue où lui qui l'a ramassée, ni comment l'ombilical a été coupé et proprement noué. Mais jamais il ne pourrait oublier, sur ses genoux, se déplacer, déposer leur fils entre les ailes fatiguées de Kalliopé, et au coin de ses lèvres, la tendresse baiser... Contre le tronc, il s'affale à leurs côté, leur passe un bras autour, les protéger, toujours sourire, un peu éreinté, tout au plaisir... de les regarder? Sans en avoir conscience, peut-être une étincelle... tellement là chose, en l'instant, lui paraît naturelle... Les regarder oui, Sashah, sa chevelure trempée par l'effort de l'accouchement, son visage, cette grâce que rien ne serait effacer pas même le Temps. Pour la première fois se noyer à l'océan de ses yeux, éclair fugace où s'inscrivent mille vœux silencieux.


Je t'aime mon Amour! Regarde comme il est beau! Bienvenu dans le monde des Hommes, petit Dragon, bienvenu à toi, mon fils...

Un doigt, presque tremblant, s'attarde en caresse à la joue de leur enfant, un soupir refluant la marée, sourire d'un père, d'amour exalté... Sensation d'une autre étoffe, douce tiédeur qui vient entourer la mère et son bébé. Mais ce n'est qu'en relevant les yeux vers Ingeburge et son visage voilé qu'il se rend compte de la levée de celui de sa cécité... balaye un instant l'alentour, la mine effarée. la ramure de l'arbre, les toits le la ville, le regard sautant de l'un à l'autre, presque fébrile. Le bras, doucement, autour de sa Muse, à se resserrer. Mais les yeux de Sable écaillé se raccrochent aux opalines de la Prinzessin, comme à retrouver une croisée, interrompue il y a longtemps. Entre le Ciel et la Terre, il y a le Royaume des Vents... Mais à peine, l'espace d'un court instant, car toute sa contemplation revient vers les premiers gazouillis de son enfant.

Montjoie, je vous présente Salvelinus Salmo Salar, second du nom, mais premier fils né de mon sang.

Quelque chose de plus calme dans la voix, encore essoufflée, déjà rassurée... Un long soupir qui se lâche, comme revient quelque sérénité... reflue lentement, la tempête et les marées...
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Sashah
La délivrance, cette délivrance de l’enfant, de la torture infligée à son corps, arriva enfin. Elle en avait perdu la notion du temps, de l’espace aussi. Jusqu’à ce qu’une femme apparaisse à ses côtés. Faible sourire de reconnaissance qui lui fut adressé, le temps d’une accalmie quand elle sentit son front être tamponné avec douceur. Elle se sentit si désœuvrée, si nue devant cette femme habillée et apprêtée avec élégance que l’espace d’un instant elle sentit les larmes l’assaillir. Mais, elle n’eut pas le temps de s’apitoyer, de se sentir gênée de sa posture, des souillures de l’enfantement, car il lui avait fallu fournir le reste de ses forces. Tout ce qu’elle pouvait encore aller puiser, et même plus encore, même s’il ne lui restait plus rien. Vaincre ou périr telle était sa devise en mer, lorsqu’ils affrontaient la colère des fils d’Eos et d’Astréos.

Et elle avait passé outre ses peurs, outre la douleur, outre l’inconfort du lieu où elle mettait au monde son enfant, pour le délivrer enfin, les délivrer tous deux. La douleur reflua alors, comme pour aller ailleurs, ne laissant en elle qu’un enfançon qui lui donna plus une sensation d’inconfort qu’une douleur véritable. Comment pouvait-elle se sentir si diminuée, si terrassée et à la fois si forte quand Gorborenne lui posa leur enfant au berceau de bras. Alors le flot d’une mer salée se déversa sur ses joues, l’aveuglant presque et tombant en fines gouttelettes sur l’étoffe chaude et douce qui enveloppait leur fils.

Pâle, si pâle qu’elle devait en être effrayante, lasse si lasse qu’elle n’aurait jamais la force de se lever, elle portait son enfant, le regardait avec un amour incommensurable et sentit les ailes de son Orion se refermer sur eux deux. Il était là, il les protégeait, le visage ému, les yeux que le bandeau avait quitté sombres mais qui lui semblèrent si expressifs. Pourquoi ? Elle ne le réalisa pas. Combien de fois leurs âmes avaient communiqué, s’étaient enlacés sans que jamais leurs regards ne se croisèrent ?


Citation:
Je t'aime mon Amour ! Regarde comme il est beau! Bienvenu dans le monde des Hommes, petit Dragon, bienvenu à toi, mon fils...

Montjoie, je vous présente Salvelinus Salmo Salar, second du nom, mais premier fils né de mon sang.


Montjoie ? Elle avait bien entendu Montjoie ? Un nom qui sonnait palais royal à son oreille, cérémonie, mais elle n’y prêta plus vraiment attention, elle avait à ses côtés une femme qui était venue les soutenir et assister à la naissance de leur fils.

Merci infiniment...

Murmura-t-elle en resserrant l’étoffe douce et chaude qui l’enveloppait. L’heure n’était pas aux présentations, mais au repos, au refuge d’un lieu propre, chauffé, confortable enfin. A l’allitement de la mère et du nouveau né pour qu’ils récupèrent tous deux de cette épreuve. Se lovant contre son Prince, caressant le front de leur fils, ils affronteraient le monde à trois dorénavant, contre vents, tempêtes, marées vers l’Infini contre le temps…

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Otis_lefol


Courir comme un perdu de si bon matin à travers les rues. Quelle vie il menait. Trouvant enfin une taverne ouverte, même plusieurs parce que ces idiots installaient leurs boutiques dans la même rue il entra et se dirigea vers le comptoir. Quelques poivrots cuvaient dans un coin, ça sentait le feu de cheminée éteint et la sciure qu’on avait jetée sur le pavé. Une boniche d’ailleurs balayait et il fit un écart pour épargner ses bottes.

Bonjour tout le monde, ma maitresse accouche et je voudrais un seau d’eau chaude s’il-vous-plait.
Bonjour, votre maitresse accouche ? Son mari est au courant, pis vous z’avez pas d’eau chaude chez vous ? On sert pas d’ça ici, on en a besoin pour laver le pavé tout’façon.
Rhoo mais c’est pas ma maitresse dans ce sens là voyons !Soufflement à fendre l’âme. C’est ma maitresse parce que je suis son… comment dire… son employé, son homme de confiance si vous préférez et on habite pas ici, donc non nous n’avons pas d’eau chaude.
Un homme de confiance ? C’est quoi encore c’truc là ? Z’êtes valet donc et tout’façon on sert pas les étrangers en eau chaude. Z’auriez été Montpelliérain encore j’dis pas, mais là étranger.
Non mais c’est pas possible, je peux pas dire ça au frère du Roy, déjà qu’il a failli m’étrangler.
Se dandine d’un pied sur l’autre, suivit du regard par l’aubergiste moustachu qui fait deux fois sa taille, en largeur.
Mais arrêtez de gigoter comme ça, vous me donnez le tournis. C’est qui encore celui-là ? Un frère du Roy, je croyais que vous vouliez de l’eau chaude pour une bonne femme moi ?
S’arrête de se dandiner des fois qu’en plus il se prendrait une baffe.
Bah oui mais la bonne femme qui accouche c’est sa femme au Prince… le frère du Roy. Et c’est pas une bonne femme d’abord, c’est sa promise. En descendant de cheval, les douleurs l’on prise, elle est sur la place là derrière au pied d’un sapin.
J’y comprends rien moi à vot’ histoire. Mais j’veux pas avoir des problèmes avec le Prince, son frère, sa bonne femme et tout le tintouin.
Se penche par-dessus le comptoir et interpelle la boniche.
Va donc chercher un seau d’eau chaude toi, pis demande à ma bergère de rappliquer, moi les histoires de marmots j’y connais rien. J’vous sers une bière en attendant ? Ca fera 3 écus avec le seau d’eau. C’est qu’on va la puiser l’eau, ça coûte de la peine.
Soupir, ce qu’il fallait pas entendre. Par chance la bergère était plus avenante et elle revint avec un seau d’eau fumante.
Tenez mon bon brave. Alors comme ça vous êtes valet de confiance qu’elle m’a dit la gamine. Bah dis donc ! Vous direz à la bonne Dame que si elle veut je lui prépare une chambre chauffée pis des langes pour son bébé. Allez filez, faudrait pas la faire attendre.
Ca pour filer, il avait pas demandé son reste. Tous des rustres dans ce patelin. A peine au détour de la rue qu’un cheval faillit le heurter. Il maugréa, les bottes trempées d’eau chaude, un truc à gameller le seau. Vivement qu’ils partent d’ici. Quand il arriva sur la place, le Prince était assis près de Dame Sashah, une inconnue était près d’eux et il entendit le malotru lire une annonce.


Citation:
Par Ordre du Roy chef suprême des Force Armées Royales,

De nous, Atalante, connétable de France

A tous ceux qui le présent écrit liront ou se feront lire, annonçons la nomination de Gorborenne Salmo Salar Prince de Montreuil au poste d'Amiral de France.

Que cela soit su de tous et toutes,

vive le roi, vive la France

Fait le dix-neuvième jour de Septembre de l'an 1460 sous le règne de sa majesté Vonafred en la connétablie royale

Atalante
Connetable de France
Sashah
[Quand la douleur s'installe...]

Prendre son enfant et fuir, voilà bien ce qui lui traversa l'esprit quand elle lut les mots écrits par son père. Bien sûr qu'elle s'était attendue à cette réaction, plus ou moins virulente, mais elle l'avait repoussé de son esprit. Et puis au petit matin la missive était arrivée, l'anéantissant complètement.
Citation:

...votre pére qui vous aime, mais qui s'interroge sur l'amour de celui qui est issu de votre chair et de votre sang, mais qui n'est pas venu au monde de mes mains, de mon nom et hors mariage...


Tel ce finissait le courrier et elle sentit le peu de patience qui lui restait s'effondrer. Elle regarda son fils et s'en détourna l'espace d'une seconde. Il était à la fois un bonheur complet mais lui rappelait son échec. Il était né hors mariage, il était un bâtard de la couronne et elle n'avait rien fait pour qu'il porte son nom. En avait-elle eu le choix ? Non à vrai dire non et elle revoyait Gorborenne triomphant porter son enfant en clamant :

Citation:
Montjoie, je vous présente Salvelinus Salmo Salar, second du nom, mais premier fils né de mon sang.


Elle ne doutait pas que son père aurait fait pareil s'il avait eu un enfant hors mariage, mais il avait raison, cet enfant en l'état actuel n'était et ne serait jamais un Castelcerf.

Elle se pencha au dessus du couffin, emmaillota l'enfant, se couvrit chaudement, puis le prit dans ses bras. Fuir elle y pensait juste là, à cet instant tant la honte qui la couvrait lui devenait insupportable.

Elle laissa la missive de son père sur la petite table avant de sortir, elle voulait s'éloigner pour réfléchir, elle avait besoin de recul, elle devait faire le point sur sa vie. Sur cette course folle que Gorborenne leur imposait, sur leur mariage tant annoncé qui n'arrivait jamais, sur le Roy qui n'avait strictement rien fait pour les aider, sur la famille Salmo Salar qui l'ignorait, sur sa solitude imposée coupée de sa famille, sur cet enfant enfin qui finalement n'avait pas son nom...

Sur l'attaque de son père qu'on lui avait caché !

Citation:
...Concernant l'attaque à Blaye, si nous avons été attaqué, cela ne m'a guère réveillé, je l'ai bien été à l'aller en venant au Poitou,où l’on à tenté de me détrousser de quelques milliers d’écus après que vous soyez parti sans moi ,mais j'ai survécu, et le maraud est parti penaud, mais bien sur nul ne s'en soucis.


Elle griffonna pour son Orion :





Mon Orion,

Ne m'en veut pas, je m'éloigne un peu.
Je me sens perdue, ma patience s'effondre, lit la missive de mon père, tu comprendras la peine que je lui fais et la honte qui me recouvre telle une chape de plomb.

Je t'aime mais je suis à bout de force, de notre voyage qui n'en finis pas, de l'attaque que mon père a subi seul dans l'indifférence totale, de ce qui pourrait m'être caché et qui m'arracherait le cœur. Je dois m'isoler pour retrouver mes forces et croire que nous porterons un jour mon fils et moi le même nom, de croire que notre mariage un jour verra le jour.

Je vais prendre une chambre dans une auberge voisine. Je ne te le cache pas, je ne veux pas que tu penses que je veux rompre, ni que j'enlève ton enfant, j'ai juste besoin de temps et surtout de beaucoup d'espoir...

Je t'aime Sashah


Elle sortit les larmes aux yeux. Que pouvait-elle lui donner de plus qu'elle n'avait déjà fait ? Pour lui elle avait tout abandonné, vécut dans le péché, renoncé à avoir un toit, lui donné un héritier et enfin déshonoré son père. Tenterait-il de la ramener de lui redonner confiance en eux, de la reconquérir ? Prendrait-il ce recul comme une rupture ? Quelle guerre allait-elle déclencher ?

Elle ne le savait pas, mais elle voulait juste reprendre sa plume, redevenir femme, poétesse, épouser son prince, ne plus avoir honte et enfin devenir digne de porter le nom de Castelcerf...
_________________
Gorborenne
Toulouse, carrefour de tant de choses,
Toulouse, où l'Envie lentement se décompose,
Toulouse, où l'Espoir par six pieds repose,
Toujours, une étincelle suffit pour que la Vie explose...

Tout avait commencé, quelques semaines plus tôt, à Montpellier, cette ville qui resterait à ces yeux celle où son fils est né. Il se souvient encore, comment il en était à le veiller, pour sa première nuit, lorsqu'un messager essoufflé vint lui remettre un pli. Héméra, sur le rebord de la fenêtre, haletant tant et tant qu'il craignait pour son être, craignant aussi le funeste d'une nouvelle qui aurait pu à ce point presser la crécerelle. Ronea, quelque part aux abords de Toulouse, blessée, s'était faite arrêtée par les soudards d'une armée... Les dents du Géant s'en étaient serrées qu'on les entendait distinctement grincer. Grincer oui, car il savait le comment du pourquoi, il savait qui était responsable de ce choix.

Il avait loué un entrepôt sur le port, y laisser à l'abri ses avoirs, les routes n'étaient guère sûres dans la région, et il tenait à se déplacer rapidement, et sans se faire voir. Une carriole discrète, une allure limite paysanne, tirant vaguement sur le bourgeois, rien de plus qu'une famille, se déplaçant loin des combats. Ou plutôt, droit dans leur direction, et il leur avait fallu redoubler de discrétion. Il se souvient, comment ils avaient passé les portes sans encombres, comment ils s'étaient trouvé une auberge reculée, plus ou moins à l'abri des humeurs sombres de la cité.

Et son errance, à travers les rues et les avenues, d'auberge en taverne, s'arrêtant à chaque boutique, chaque poterne. Il tâtonnait à travers la foule et les gens, sans y voir, jusqu'à ce qu'un cri brise le silence en une fontaine d'espoir.


PAPA!

Entre mille, qu'importe le tumulte et le chaos, rien jamais ne l'empêchera de reconnaître cette voix, de se retourner en sa direction, de lui ouvrir les bras!

Ronea! Ma fille!

En pas dix jours, pour la seconde fois, le Monde s'était arrêté, ne laissant plus que l'instant, et son intensité. Combien, combien de saisons et d'années? Combien de temps à attendre, à espérer, s'inquiéter...Combien de fois, à méditer sur la justesse de son choix... ébranlé par un "au secours" exprimé à demi-voix. L'impression de sentir son cœur s'arracher à force de bondir, un fils nouveau-né, sa fille retrouvée, Sashah, son aimée, tant et tant d'amour que son poids lui donne l'impression de voler... Ronea, sa fille, qui était comme une Reyne ici. Sans même avoir dix ans, empilait les égards reçus des "grands". Est-il de plus vaste Royaume que le sourire d'un enfant?

Ce soir-là, il avait cette certitude, cette foi que rien ne pourrait l'arrêter,

Mais à quoi donc sert une certitude, sinon à s'ébranler...

Et quoi de plus efficace pour effondrer les montagnes, qu'un peu d'encre sur du papier...

En rentrant à l'auberge, il avait tout de suite compris à sa respiration saccadée que le Fol avait quelque chose à cacher. Est-ce à cause de la façon dont l'Aveugle l'avait reniflé? Même pas eu besoin cette fois de question pour qu'il se mette à tout déballer... enfin, tout... du moins, avec un certain flou...


Madame est sortie avec votre fils.

Et pourquoi êtes vous ici alors? Il me semble que vous étiez chargé de ne pas la quitter d'une semelle en mon absence!

Elle m'a ordonné de rester... c'est que... elle a laissé un mot...

Et bien, qu'attendez vous pour me le lire? Si vous êtes son homme de confiance, je me doute que vous n'ignorez rien de son contenu...

C'est que,... je pense que,....

Lisez vous dis-je! C'est un ordre!


Et pourtant cet ordre, peut-être regrettera-t-il toute sa vie de l'avoir donner... Une phrase, huit mots, pour fendre le roc, plus qu'il n'en faut... Il y avait, surgissant d'une ombre quelque part en lui, un ancien rire qui tonna sans bruit. Il n'y avait d'un seul coup plus l'image que de la douleur, et de l'errance, la peur de perdre sa raison, son essence.

Donnez-moi cette lettre, poussez vous!

Sans ménagement il bouscula le valet pour lui arracher la lettre, s'allant quérir dernières lueurs du jour à la fenêtre. Geste rageur qui arrache le bandeau de ses yeux, vélin entre ses mains, tremblant plus qu'un peu.

Mais, Monsieur, comment espérez-vous lire dans votre état?

Ses yeux, ses yeux d'Aveugle oui, étaient encore si intensément noirs, mais au fond d'eux brulait, rageait peur et fureur dans le même regard. Une flamme oui, grandissant d'intensité, s'arrête à peine sur la silhouette du Fol, se concentre sur les mots tracés. Réapprendre à lire, entre la crainte et le doute, déchiffrer chaque lettre et chaque phrase coute que coute. Si tant qu'il lui faut lire et relire chaque passage, enfin comprendre la teneur du message. Des messages... Otis, silencieux comme une souris avait déjà ramené l'autre courrier d'un pas de chat, et le tendait au Géant, du bout des doigts.

Qu'est-ce que c'est que cette histoire! Otis!, passez-moi,... Mmm? ah, euh, merci.

À nouveau, le Géant ausculte le Fol d'un reniflement, mais, cette fois, comment dire, moins dénigrant. Presque étonné, l'homme serait donc un brin prévenant. Mais plus tard que ces considérations, déjà il se replonge dans l'examen d'un second courrier, bien plus long. Écriture calligraphique, assez fine, et pourtant, s'y reconnait le tranchant et la verve masculine.

Non mais! C'est... Rhaaaa! Je ne trouve pas les mots! Et c'est bien la première fois!

Tragédique, Monsieur?

Tragédique? Quoi? hein? qu'est-ce que j'en sais moi? Écrivez, tout est encore trop entrain de danser pour que je puisse tenir la plume.





De Nous, Son Prétendant,
À Vous, son Père,

Triste saluts,


Ce soir, alors que j'espérais serrer dans mes bras ma Promise et notre enfant, je ne trouve qu'un mot d'elle, une lettre de vous, et un silence pesant.
Un silence aux échos douloureux de mes échecs, de mes défaites, un silence à l'attente de promesses qui ont été faites.

Je sais qu'il y a bien longtemps que j'aurais du vous écrire, vous contacter. Peut-être avais-je encore cette peur de nos Noms, et de ce qu'ils ont partagé par le passé.
Et pourtant! Et pourtant! Je n'ai de vœu plus cher que de pouvoir crier au monde leur Union, d'aujourd'hui à toujours. Peut-être pour le symbole, certainement par Amour.

De vœux, oui, déjà, je lui ai offert les miens. Par la Flamme et le Sang, la Terre, la Mer et le Vent m'en sont témoins.
Qu'est-ce qui importe le plus? La sincérité d'un serment où l'instant lui servant d'écrin?
Que m'importe l'avis des Hommes pour l'aimer Elle! C'est pourtant pour leur tranquillité d'esprit que je l'épouserai devant l'Éternel.

Je comprends vos doutes, votre position, et ce que l'Amour d'être père engendre comme Conviction.
À dire vrai, j'eusse espéré que mon fils à sa naissance porte déjà nos deux Noms.

Mais vous connaissez comme moi les méandres des Lois Héraldiques, et le poids d'un serment d'Allégeance,
Et par tout cela, le Temps qui s'acharne contre notre volonté, et n'avons à y opposer que notre patience...

La seule chose que je veux que vous sachiez, c'est que malgré tout ce qui pourrait nous opposer, dans la quête du bonheur de votre fille, je ne serai jamais votre ennemi.
Et je sais d'elle également, que peu lui importe une chaumière ou un palais de marbre blanc. Les piliers, les fondations de sa vie, ce qui lui tient lieu d'unique foyer, c'est sa famille.
En tant que promis, bientôt en tant qu'époux je l'espère, je puis la protéger, faire meilleur rempart que la pierre. Mais elle a aussi besoin de vous, de votre fierté, pour qu'y baigne la lumière.

Venez nous rejoindre à Toulouse, venez saluer votre petit fils. Qu'importe qu'il soit né roy ou bâtard. Il porte l'héritage de Castelcerf, autant que Salmo Salar.


Avec tout mon respect,

Dictée et scellée en Toulouse, ce Premier d'Octobre 1460



Ô naïf idéaliste qui croit que tout s'obtient à force d'espoir, que la Foi, la Conviction le guideront comme l'Étoile du Soir. Du Soir, du Matin, peu importe la lumière. Peu importe au Dragon d'affronter Mikael ou Lucifer. Le Nexus profilant de son maelström, encore une fois, qu'importe oui, d'être Aveugle où nul ne voit, mener le navire à la tempête, sans peur et tout droit, à travers les ténèbres, en quête d'une Voix.

Otis, faites porter cette lettre à Blaye, en Guyenne, que le messager parte sur l'heure. Et après, hum... faites nous cuisiner quelque chose! Voilà! Madame aura sans doute faim.

Monsieur voudrait peut-être que je l'aide à retrouver Madame.

Non, vous envoyer le message, et vous revenez ici. Sait-on jamais qu'elle revienne ou que se pointe ma fille. Pourrez pas la manquer, elle se promène avec son oie.


Pas le temps de lui expliquer ce qu'une fille de Prince fait à gambader avec une oie. Les choses sont déjà assez compliquées comme ça. Quatre à quatre, le Géant dévale les escaliers et sort au dehors, quelques rayons de soleil se glissent encore, le frappent au visage d'une brulure éblouissante, les yeux qui clignent, larmant de perles scintillantes. Droit vers la lumière, sans trop savoir, à l'instinct, il sait, il sait qu'il la retrouvera bien, qu'importe la distance, le tout et le rien, il est des montagnes qui s'effondrent, avant que ne brisent certain liens.

"Tu es murmure, à travers le Vent et la Pluie,
La voix qui m'appelle sans un bruit
Tu es le chant du Printemps qui fleurit"

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