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[RP] Des lames d'aciers mais foutus obstinés

Casstiel
[Nuit du 13 au 14 décembre: Quand un ange déchu recouvre de ses ailes Blanche neige]

« Cette place est mauvaise
Nous nous regardons fixement dans l'insulte
Ce monde est abominable
Nous sommes la réponse »
(Killswitch Engage - Daylight Dies)


Ça faisait quelques jours que le jeune brun était aux anges. Comblé par la magie du hasard qui avait su lui apporter bien tant de choses dans sa vie de loup solitaire, de l'aventure à la découverte des sentiments, le trouble était présent dans sa tête, mais englouti par l'euphorie de la retrouver chaque jour à ses côtés. Les deux jeunes gens s'étaient rencontrés par un coup du sort, alors qu'à bout de forces, frigorifié par un vent polaire, il s'était réfugié dans la maison du Très-Haut, sans espérer le moindre espoir que Dieu lui tendrait la main et pourtant... Ce fut cette femme à la cape lourde et épaisse, qui le releva sans le connaitre, qui le guida sans rien attendre en retour, qui l'accompagna jusqu'à cette auberge pour qu'il puisse se réchauffer.

Sa vie se résumait d'une manière simple, des histoires de coucherie et de fuite à travers le Royaume, le goût du risque qui n'était qu'en réalité, une poussée d'adrénaline qui faisait vibrer son cœur. Ne jamais s'attacher à un lieu, à une femme, profiter de chaque jour qui passe, voilà qu'elle était la devise de Casstiel à travers toutes ses histoires. Pourtant, cette rencontre avait chamboulé tous ses principes, de la même manière qu'on balaye d'un revers de la main, le flot de chope vide sur une table. D'un simple regard, d'un sourire amusé, les deux compères jouèrent de leur charme naturel pour taquiner et faire plier l'autre avec toujours cette petite flamme de désir qui s'allumait dans leurs yeux. Ils n'étaient que compagnons de voyage, souvent autour d'un feu ardent avec un godet à la main pour s'imbiber le plus possible, lutter contre le froid hivernal.
Mais qui l'aurait cru ? Parié ? Sur ce rapprochement entre cet homme, un loup solitaire et elle, sa louve, à la fois dangereuse et attirante, prête à sortir ses griffes pour vous déchiqueter le corps si vous vous en approchez de trop près.
Fou, il faut être fou pour se jeter ainsi dans la gueule du loup, sa gueule à elle alors qu'une d'une main armée de sa dague, elle pouvait mettre un terme à son existence.
Fou, Casstiel l'était et c'est ainsi, poussé par une force invisible, qu'ils devinrent des amis-amants, un aimant qui les attirait l'un à l'autre, tantôt caché la journée pour préserver leur relation discrète, tantôt étalé la nuit tombée avec le risque de se faire surprendre à tout instant, lèvre contre lèvre, échangeant un baiser passionné.

Elle lui avait promis l'aventure et il n'était pas déçu. Ils avaient quitté Loches tard dans la nuit, un long voyage dont la destination était encore inconnue, fuir, fuir loin de la Touraine disait-elle, une contrée qui semblait périlleuse à l'entendre. Elle avait vécu ici, elle s'était donnée ici par des fonctions, du moins, c'est ce qu'il semblait avoir compris lorsque son attention était portée sur sa voix et non pas sur ses courbes appétissantes.
La gueule d'ange, comme elle aimait l'appeler ainsi, fermait la marche du petit groupe, trottant tranquillement au départ sur sa monture à la robe sombre, puis dans un rythme plus infernal, des sabots qui fracassaient le sol enneigé comme un tremblement de terre, soulevant la poudreuse derrière lui pour ne laisser paraitre qu'un nuage de pellicule blanc. Il galopait, la main ferme qui agrippait la crinière noire, les pieds qui talonnaient les flancs de l'animal pour le pousser dans ses limites, une cavalcade déchaînée à travers les bois où le brun resta en alerte. Le bruissement des buissons, les craquements de bois, il était sur ses gardes sur le moindre bruit suspect qui révèlerait une présence douteuse autour d'eux.
La Vilaine finit par lui bloquer le passage, un retournement soudain qui éveilla sa curiosité, une affaire à régler comme prétexte, lui et elle alors qu'à travers l'expression de son visage, il comprit que quelque chose n'allait pas. Il ne connaissait pas son passé, elle ne connaissait pas le sien néanmoins, il y avait des signes qui ne trahissaient pas le doute, la peur ou le dégoût.
Alors il la suivit à travers la forêt, son cheval soufflait une fumée chaude et blanche de ses naseaux à travers cette atmosphère glaciale alors qu'au loin, on pouvait entendre le bruit d'une chute d'eau. Peu importe la suite, peu importe la direction prise, tous les chemins mènent à Rome après tout.

Le lendemain, c'est au camp qu'il finit par comprendre le désastre des évènements, la vie tient parfois qu'à un fil, si fin et si fragile qu'il peut rompre à tout moment. Ce fut le cas ici lorsqu'une armée Tourangelle attaqua un groupe d'hommes et femmes, un groupe des Memento Mori. La Blanche était avec eux, une jeune fille généralement enjouée dont il put le remarquer à travers le peu de rencontres en sa compagnie, mais ce jour-là, jamais, jamais Casstiel n'oublierait ce visage abattu, marqué par une nouvelle désastreuse.
Il n'y avait rien de plus terrible que de voir la souffrance sur le visage d'une fille, lorsqu'on apprend que son Père était l'une des victimes de l'attaque.
Touraine, politique étrange que de s'en prendre à des gens du peuple alors que la force d'un Comté réside normalement sur l'union de son peuple.
L'ange déchu montra un signe de son côté bestial, un regard sombre comme si maintenant, il venait de trouver une raison de chasser, les crocs prêts à se planter sur une dépouille. Un loup solitaire qui finit au final par se trouver une meute, une meute à laquelle on ne devait pas toucher sans en subir derrière les conséquences.
Il observa Kahhlan et lui souffla à l'oreille :


N'aie crainte, jeune Blanche, nous te préserverons d'eux, oui avec nous, tu garderas l'image d'un monde aussi pure que la neige.

Malgré son corps d'adulte, la vision qu'il voyait d'elle restait celle d'une jeune enfant, pourquoi ? Ça, il ne le savait pas, peut-être qu'elle lui rappelait cette sœur perdue, comme un grand frère qui veillait sur la sécurité des siens.
L'ordure qu'il était, à en croire certains, avait tout de même un cœur, du moins il le montrait quand il éprouvait le besoin de le faire.
C'est ainsi qu'ils levèrent le camp, déterminés à escorter cette jeune fille innocente auprès de son Père blessé, le cœur remplit de rage, un goût amer dans la bouche qui sonne la vengeance.
Oui, le sang appelle le sang.
Falco.
Sur un cheval noir, au galop..
Falco!
Falcooo


Ptite Guen, j'ai déjà pris mes dispositions.
Le Maire a 250 écus à ta disposition.
Je dois partir..Ma Promise va sans doute m'attraper au vol..Si elle parviens à poser le sabots aux portes de la cité..
Que Déos chauffe tes pieds les froides nuits d'hivers.


Ainsi il pris congé, en regrettant un peu de n'avoir pas l'occasion de le faire aussi envers d'autres personnes rencontrées en taverne.
Mais les rapports et copies de courriers l'obligent à sagement écouter le vent pour sauter en selle sans tarder sitot les jurons habituels de Calyce feront fondre le gel.

Le Mariage est pour bientôt à Montsoreau.
Mais pour cela il faut que ses os ne soient pas largués en fientes par les charognards.

Ainsi fut fait.
Guidé par une Dénéré, Cartel pris la route de Chinon.
De la ils attendirent un inévitable retardataire...Peut etre un peu impressionné par l'arrivée de l'Armée de Lexhor. Quand Orléans et Couronne couvent Touraine à ce point cela donne d'ailleur des idées marrantes.

Il s'offre le luxe de grimper au Donjon de Coudray.
Pour respirer les effluves passées et toucher quelques babioles moisissants sagement.

Ce sera de la qu'il recevra une singulière nouvelle.
De la que jailli un formidable Fou rire!


Ils ont sabré des gens d'armes de Namay?Ils l'auraient féri lui aussi? Ah!Ah!Ah!
Touraine tue mes ennemis! Uh!Uh!Uh!
Ils sont adorables!
Mouahahahahah!!!!



Il est tard dans Chinon quand son rire cascade des cieux .
Comme une poulie baryton torturée.
Sourire en essuyant ses larmes en songeant que quelques dents doivent grincer en soudainement peuplant leurs rêves d'un crâne joyeux.



Oh, Touraine, je rentre en terre de mon suzerain avec un de tes chevaux.
Tu glapies tes peurs par maintes affiches ou par la bouche de tes élus.
Tu crains à la fois le passé et le présent, mais te refuses à toute autre futur que le lent passage des saisons.
Déliquescence et disparition dans la litanie des Duchés insipides, toi qui fut phare, te voila vieille chandelle.

Puisse un peu de ta noblesse avoir courage et plaisir à venir à notre Pas d'Armes.
Ou tout du moins marcher dans Montsoreau pour piller les petits fours du Mariage..

Jolie terre de Touraine, à ce train la tu ne seras bientôt même plus un adversaire amusant..C'est fort triste.




Il dévale des escaliers qu'une personne voyante prendrai en se tenant aux murs.
Privilège d'en connaitre par Cœur point Navré chaque pierres.
En selle!
Il parait que le cheval est noir.
Et il a maintes invitations à envoyer!

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Linexiv
[Chinon, 27 décembre 1461]

Le miracle chaque année renouvelé de Noël n’avait pas pu décider Line à se rendre pour l’heure à l’Église, elle s’était contentée des habituelles prières, celles qu’on répétait sans plus y croire alors que son promis se reposait toujours chez les moines. À défaut de désespérer, Line s’était décidée à rejeter au loin les périlleuses affaires de canasson volé tournant en eau de boudin alors même qu’on aurait pu espérer un steak pour reprendre ses allers et venus coutumiers entre les villes tourangelles. Peu lui avait alors importé que les neiges rendent les chemins impraticables et que le seul ennemi croisé soit la pneumonie ; La Touraine savait si bien s’en fabriquer, aussi elle avait repris son vieil étendard. Après tout, la devise était claire et se devait de monter haut ; Point de carmin, cela aurait été de mauvais goût, mais un bel écarlate. Quittant Loches, il lui avait fallu gagner Tours puis Chinon, autant de randonnées vivifiantes qui avaient su lui remonter le moral malgré l’engouement pris par les agents du duché à lui faire parvenir les plis, missives et rapports quelque soit son lieu de garnison. Une belle efficacité qui lui donnait envie de quitter chaque matin la sécurité des remparts pour éviter d’être contaminé par le ridicule qui s’était emparé de la prévôté.

Fermer les frontières était une bonne chose, menacer des tourangeaux et vouloir foutre des blessés dans la neige en était une autre. Il paraissait même que les soldats de Tours se plaignaient d’engelures au motif que le connétable les avait obligés à rester un temps infini debout en plein vent sur les remparts. Bref, panade affligeante, agrémentée de la présence d’une Vilaine au tribunal et qui toucha le fond lorsqu’elle reçut des nouvelles d’un vil brigand nommé Namaycush qui accomplissait un ignoble crime de vente de pain en plein hiver. Les tarifs étaient peut-être un peu prohibitifs mais tout autant que le gite dans la ville de Loches. Sauf que l’ignorance complète du prévôt vis-à-vis de ce qui s’était passé à plus de vingt lieues de sa maisonnée durant les cinq dernières années était la goutte de trop. Elle s’empara d’un parchemin et se mit à lui rédiger une aimable réponse bien salée avant de concevoir qu’elle se trompait de destinataire. Il était plutôt temps d’avoir le courage de faire ce qui aurait dû l’être des mois auparavant. Dans un soupir, elle attrapa un autre parchemin et commença à choisir soigneusement ses mots. Son ouvrage terminé, elle chargea un soldat de porter la lettre en main-propre.



Citation:

A Namaycush, dict Carmin, Capitaine de la Memento Mori,
De Line de Gerfault, baronne de la Rochecorbon, Capitaine de Touraine,

J’ai longuement hésité à vous écrire, non pas tant en raison du dernier désagrément survenu aux portes de ma chère Loches que par votre séjour bien trop prolongé en terres berrichonnes. Autant convenir que cette présente lettre aurait dû être rédigée à l’époque où votre remontée vers le nord annonçait un passage en Touraine pour lequel j’aurai été ravie de vous croiser. Les nouvelles de votre accointance avec le félon Georges vous ayant précédé, l’accueil cordial menaçait de se transformer en piques acérées et j’ai préféré oublier cette affaire tant le goût de la trahison demeurait amer. Comprenez-moi, bien que servant le camp royaliste depuis des années, les triste figures se succédant sur le trône de notre regretté roi Levan ont depuis longtemps laissé glisser le respect de cette alliance du côté du simple devoir plutôt que de celui de la digne fierté du service. Dès lors, votre opposition à la couronne n’était pour moi qu’une affaire souriante, parfaitement dans l’ère de ces temps troublés qui voient les anciens héros disparaître en même temps que leur monde voué sur la justice arbitré par Deos.

Toutefois, la Touraine, autrefois si belle, ne survit que par l’alliance avec la couronne, fut-elle très mal portée, ce qui poussa notre duc à envisager un ordre aussi définitif et son Capitaine à l’appliquer. Il va de soi que je ne cherche pas à en décliner une quelconque responsabilité même si je regrette les circonstances ayant obligé le capitaine Jacq et moi de même à quérir quelque repos, laissant l’armée dans les mains d’un soldat certes fort valeureux mais peu habitué à discuter des ordres ou à s’inquiéter de leur éventuelle portée.

J’aime encore à croire, peut-être à l’imitation d’un de vos plus vieux ennemis, que la fortune elle-même a décidé de cette funeste issue pour laquelle je conserve de nombreuses inquiétudes, n’ayant eu de vos nouvelles à l’exception des rapports plutôt fumeux de notre prévôt. Celui-ci s’agace, par ailleurs, de vous voir revendre du pain, crime par là capital pour lequel il aimerait vous trainer devant les tribunaux, incapable qu’il est de lire entre les lignes. Ce nouvel incident que je m’emploie à différer rendrait ridicule nos relations alors que ces dernières sont, pour l’heure, suffisamment conformes à l’usage entre gens de guerre pour espérer parvenir à un aplanissement du conflit, ceci bien entendu après la résolution de cette honorable querelle.

Et c’est présentement en ce point-ci que les nouvelles nous rattrapent puisque vous avez sûrement eu connaissance de l’organisation d’un pas d’armes pour les noces de Cartel et de Calyce de Dénéré durant lequel le manchot mettrait en jeu sa vicomté de Cravant que la Touraine lui réclame. L’évènement doit voir l’affrontement de deux camps mais s’il vous est impossible de soutenir votre ennemi contre un ancien allié devenu un ennemi, peut-être qu’un troisième parti pourrait être envisagé ? Jamais autant de gens aux prises à des querelles anciennes n’aura été réuni qu’en ce jour futur au château de Montsoreau sous l’égide de l’Archiduc et cela serait une occasion unique de débuter bien en avance un certain nettoyage de printemps alors même que la rumeur donne notre roitelet bien malade.

En espérant que l’envie vous prenne de pousser jusqu’à Montsoreau, je vous souhaite de ne conserver aucune séquelle et garde l’espérance que cette vilaine querelle puisse être résolue avant que la gangrène ne s’y porte, la Touraine reste orgueilleuse, même lorsqu’il ne demeure de ses anciens seigneurs que de pieuses reliques.

Line de Gerfault
(sceau Gerfault)

Linexiv
[Touraine, mi-janvier 1462 : chats, souris, poule]

Aucun conte sur la dureté de l’hiver, cette fois-ci, elle était en plein dedans, les sabots des chevaux enveloppés dans du tissu pour éviter les fractures. Parfois, il fallait descendre et boitiller devant eux, tout en songeant que les chemins gelés aux ornières piégeuses valaient bien les amas de neige poudreuse. La tournée était nécessaire puisque la dure saison amenait certains à s’attaquer aux voyageurs et Line était contente de pouvoir compter sur ses alliés, plus au nord pour l’aider dans cette rude démarche. Quittant la chaleur du fort Saint-Georges, elle s’était d’abord rendue à Loches pour effectuer la jonction avec Sarevok qui lui confirma qu’il ne faisait pas plus chaud au sud.

Elle retrouva une vilaine avec qui elle discuta d’abord d’un vieil ami commun, forcément mécontent et dès lors avide de vengeance si elle tenait compte de la lettre reçue en réponse à la sienne, dont elle connaissait encore les tournures.

Citation:

Très chère Line,

Le Prince que je suis ne sera plus jamais bon envers Touraine.

Touraine me doit le prix du sang des miens versé à Tours et à présent le mien, versé à Loches inutilement.

Bien que l’attention de m’écrire me touche, ne cherchez point, je vous prie humblement, de ne plus chercher quelque excuse qu’il soit à votre Touraine.

Au-delà des blessures physiques, qui vous auront certainement values les félicitations d’un roi dont vous êtes larbins, j’ai été fortement ébranlé par la souffrance morale qui m’a été infligé par des amis de toujours. Rien n’est jamais acquis. Il est intéressant de constater comment d’un ami on peut faire un ennemi féroce.

Demain, après-demain, ou dans les jours qui suivent, je me lèverai. Plus fort que jamais. Je vous rendrai la salamandre militaire.
L’insigne.
Pas le collier.

Il me servira à mettre au collet ou au gibet tous les régnants de Touraine à l’avenir.

Bonne chance et belle année, chère amie.

Carmin, Prince, chevaucheur de vent et surtout Homme.


Nessty avait tenté de la rassurer un peu, mais Line savait qu’une atteinte à l’honneur ne s’oubliait pas, ce qui laissait espérer un printemps éclatant. De là, elles en vinrent à discuter du procès en cours contre Carmin. Nonobstant le fait qu’il était assez contreproductif de mettre en procès la personne qu’on veut expulser de son sol, Line songeait que le motif était d’un tel ridicule qu’elle doutait que Namaycush se déplace. À moins que l’audience ne soit publique avec une vilaine comme avocate ?

Cette dernière lui confirma ensuite ce dont elle s’était elle-même rendue compte et qui lui avait valu les grognements de ses soldats, les étals étaient vides de toute denrée bien avant que ne retentisse la fin du marché. Bien que la nourriture servie par le cuistot de la compagnie soit peu variée, gras avec soupe pour noyer le pain gelé à défaut d’être rassis, les soldats étaient attachés à leurs habitudes. Surtout si on considérait le fait qu’ils devaient utiliser leurs propres écus pour se payer un repas en taverne et que cela était déduit automatiquement du nombre de chopines. Bref, la soirée s’annonçait morose et Line fut ravie de pouvoir palabrer avec Nessty, regrettant aussi de ne pas avoir croisé la géante nordique en vadrouille.

La situation devant être rapportée au duché, Line prit la route de Tours, ne passant qu’en coup de vent à la mairie de Loches du fait de la nécessité de partir avant la prochaine chute de neige. Et si le maire en profita pour l’interroger sur les impôts qu’elle n’avait pas pu payer avant de revenir dans sa ville de naissance, elle ne l’entendit pas, déjà préoccupée par le chemin à parcourir.

Comme il était connu que les urgences arrivent toujours en même temps, elle découvrit en passant devant la procure une plainte concernant Cartel que ses informateurs donnaient en train de roder près de son fief de Cravant. Si Line était partagée quant à la question de savoir qui devait s’occuper des paysans du fief situé entre Tours et Chinon, il n’en demeurait pas moins que les routes étaient gérées par le duché et non pas par Cartel. Dès lors, si taxe il devait y avoir, elle devait être prélevée par le duc. Bref, ce nouveau conflit de copropriété l’amena aux abords de Cravant, souriant malgré tout devant le paradoxe offert par la grève de la Procure à l’entendement lent. Ces malheureux offusqués lui permettaient de contempler un manoir tombant en ruine où seule la grande salle devait offrir un peu de confort si elle en jugeait la maigre fumée s’échappant de la cheminée.

Peu désireuse d’aller frapper, non pas par un manque quelconque de courage, mais parce que ce n’était pas à elle de s’avancer quand les torts étaient commis par un autre. Elle se rendit donc dans le hameau jouxtant la propriété et confia à un morveux un billet griffonné en hâte.


Citation:

A Falco de Cartel, il va sans dire que votre collecte des loyers indispose les autorités tourangelles. Je vous invite grandement à venir à ma rencontre pour discuter des termes d’un ultime accord pour nos deux partis. Sans quoi, je me verrai dans l’obligation de vous arrêter et il semble que vous êtes assez reconnaissable.

Line de Gerfault, Capitaine de Touraine.


Elle s’astreignit à faire fondre un peu de scel, sachant que l’aveugle saurait reconnaitre le faucon du cachet et, pour plus de sûreté, elle obligea le gamin à apprendre une version réduite du message : « Tu dis à ton maître que Line de Gerfault l’attend, qu’il a jusqu’aux vêpres, sans quoi… Il devinera lui-même ». Inutile d’en rajouter, le gosse ne semblait pas plus dégourdi que les autres et puis, elle savait qu’il mentionnerait la troupe l’accompagnant et la couleur de l’étendard.

Puisse cela suffire, elle ne se sentait pas l’âme d’un exorciste et trouer un cadavre vivant la mettrait mal à l’aise. Dans un soupir, elle se décida de tuer le temps en recopiant le message pour l’accrocher à la porte du bouge du coin. L’endroit serait propice à une rencontre.

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[Loches: choisissez bien votre traitre]

Du haut du donjon, il était difficile de s’émerveiller de l’arrivée du printemps, sans doute du fait de la pluie fine qui s’obstinait à boucher l’horizon en cette fin de matinée. De quoi noircir l’humeur de Line lorsqu’une giboulée offrait l’apparence d’une purge. L’inactivité lui avait toujours pesé et la fin de l’hiver aggravait encore son sentiment. Quatre années auparavant, elle avait goûté chaque fleur naissante sur le chemin qui la ramenait vers sa Touraine adorée, escortant son suzerain et se languissant du retour de son aimé.

Elle n’aimait pas le printemps, pourtant on disait que celui-ci chassait les miasmes et elle espérait bien le voir rejeter loin de Touraine la pourriture qui l’avait rongée tout l’hiver, plongeant tout le monde dans une acédie que bientôt les murs des couvents ne suffiraient plus à contenir.

Line s’ennuyait, lassée encore, n’ayant pas la chance de Saint-Mars de recevoir une charmante visite. Chose qui pourrait apporter réponse à la Vilaine avec laquelle elle échangeait des missives. La Capitaine attendait un évènement quelconque pour troubler sa routine, à défaut du miracle qu’elle désespérait de connaître. Deux se produisirent. Le premier était étonnant, puisqu’on signalait la présence d’un pair de France en Touraine, sans doute bien égaré puisque le sacre du roi les appelait à Paris. Par ailleurs, il voyagerait avec une troupe bigarrée dont un privé d’un bras. L’espoir faisait vivre, celui d’une visite impromptue aurait suffit à distraire Line.

Une bonne nouvelle trimballe aussi parfois une ombre et la mi-journée débutait qu’un messager lui signalait une étrange mésaventure survenue à deux compères de fort mauvais aloi. Les gardes à la porte avaient vu revenir les deux quidams en piètre apparence. Ce qui aurait dû illuminer la journée de Line si cette dernière ne portait pas quelques soupçons.

Soupçons qu’une visite au campement de la Sempiterne suffit à transformer en certitudes, le couard avait quitté la ville à la nuitée fortement chargé. Quant à l’identité du butin perdu, Line en sentit immédiatement son cœur se glacer. Non pas du fait de l’avarice, mais simplement à la pensée d’une amie chère disparue dont le dernier geste avait été pour sa ville. Rien de pire ne marche sur terre que les parjures. La colère gagna, les spallières furent ajustées en hâte et les gantelets enfilés alors que les valets d’armes s’empressaient de lever le camp. Un seul châtiment pour les traîtres. Tant pis s’il faudrait user de la bonne vieille habitude militaire de poser les questions ensuite.

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[Tours : logis de la Sempiterne, à l’écart de la contagion, un matin morbide]

Dans l’âtre de la cheminée armoriée d’un lion tout neuf et surmontée d’une devise dont Line ne cessait de caresser des doigts les lettres, une bûche finissait de se consumer. Quelques braises à l’agonie semblaient implorer l’ajout de combustible mais la jeune femme persistait à les ignorer. Une fraîcheur familière s’insinuait de par les tessons de verres plombés de la fenêtre à meneaux, elle n’avait pas disposé les volets la veille et interdit aux serviteurs de la déranger. Même glaciale, la clarté de la lune en rappelait d’autres, celle des campements, celle des tentes qui claquaient dans le vent, celle qui rendait effrayant les contours du taureau plaqué sur la bannière du Val. Elle ne s’était guère reposée, le lourd lit qui encombrait la pièce avec ses surplus de rideaux l’étouffait et lui rappelait trop sa condition.

L’aube s’était doucement évaporée et le soleil ne tarderait pas à réchauffer les murs du logis turon, la rue débordait déjà de clameurs et l’on se bousculait pour courir place du marché. Line s’était préparée sous l’ombre de l’étendard qu’elle n’avait pas encore remisé dans le grand coffre trônant à l’opposée du lit. Elle avait enfilé une chemise propre, l’avait surmonté d’un pourpoint de velours noir auquel elle avait noué les aiguillettes de ses chausses de laines bouillies avant de se battre avec ses bottes. Joindre le ceinturon, l’épée et l’aumônière avait été plus aisé que de boutonner les boutons des manches, rien de tel pour noyer un esprit préoccupé.

Prête, elle était pourtant restée dans la chambre, rattrapée certainement par la bannière de la Sempiterne désormais retombée. Il avait été naïf de songer que le duc lui pardonnerait son soutien à la Vilaine au nom de la joie de la concurrence. Après tout, la concurrence n’est appréciée que lorsqu’elle n’est pas contre vous. Il était encore plus idiot de regretter un ancien poste qu’elle avait fort mal occupé. La perspective de cesser les patrouilles militaires à l’époque où elles redevenaient agréables ne donnait pas une explication suffisante. Elle avait détesté son incapacité, sa faiblesse, sa piètre prestation, sauf qu’à la vérité, acier et sang composaient sa vie depuis si longtemps que le désœuvrement était violent. Il lui paraissait perdre encore un peu plus Montlouis, le Val ne vivait que pour les chevauchées et la guerre, respectueux des serments qui permettaient un rang. Elle avait mal jugé Dorn, s’enthousiasmant du sang neuf sans voir qu’il possédait les mêmes aigreurs des autres ; le pouvoir, toujours lui, l’ambition au-delà de l’équilibre. Briller à en oublier que la vie la plus importante est celle d’après. Elle ne pouvait nier lui devoir beaucoup, aucun si ce n’était ses proches, n’avaient été en mesure de comprendre la dette qui la liait au manchot. Ceci au point de la considérer capable de s’abaisser à jouer Chateaurenault. L’humiliation avait été dure à porter pour son orgueil, la confiance de Dorn agréable à arborer. Pour autant, elle ne pouvait devenir l’une de ses obligées, elle était Val, sa maison fusse-t-elle déclinante, elle se devait de lui rester fidèle. Mourir plutôt que de se rendre. Maxime qui formait sa charge actuelle, déprimante au point d’en déserter le château alors même qu’une vilaine recherchait la procureure.

Engluée dans ses serments, Line avait parfois l’impression de marcher dans une tombe, un monde neuf s’était élevé et l’ancien s’effaçait, entrainant avec lui les noms glorieux que les enfants n’apprenaient plus à prononcer. Personne ne savait ce que signifiait être Touraine et pourtant tous rêvaient de s’asseoir sur le trône. Crâneuse Touraine, jardin défraichi au milieu d’un dernier printemps et elle qui demeurait à attendre que les portes d’un couvent s’ouvrent et que la pudeur s’efface pour recevoir enfin des nouvelles dont l’absence lui rongeait l’estomac. Malgré sa lassitude, elle s’était astreinte à rappeler sur le papier le serment des soldats de l’Ost, rayant à la suite de Saint-Mars les mots si étranges comme « liberté » et « peuple ». Ces deux traits de plume représentaient parfaitement la séparation entre son monde et celui des courtisans ; où pour le seul plaisir d’être honoré, il était possible de servir plusieurs maîtres, au plus offrant, possible de se gargariser à des confessions dites philosophiques qui n’étaient que vomi abscons aux relents du Sans-Nom. Dès lors, même la traitrise la plus ignoble, le vol de l’argent d’une morte trouvait sa justification dans la bouche du véreux.

L’épidémie demeurait en Touraine et fuir les vieux murs ne servaient à rien, chacun transportait les miasmes sous ses semelles quand ce n’était pas dans sa bile, une infâme colbertude qui rendait honorable la simple chiasse.

Et pour l’heure, Line s’apprêtait à rejoindre le château ducal, sans savoir qu’une première victime y gisait.

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Joachim_
[Tours, aux approches de Sempiterne, Pour que les cendres deviennent gisant]

Un matin froid pour un mois d'avril, Fargot avait fait le trajet depuis Chinon avant de partir loin de Touraine. Puisque le Duché décline, il faut au moins que son gisant demeure éternel.
Alors que d'autres guerres font rage, Saint-Mars avait rangé son épée dans son fourreau, espérant l'en sortir à nouveau un jour pour ses terres qu'il aimerait moins malades. Approchant du lieu où il savait Line retranchée, car il la connaissant maintenant suffisamment bien pour connaitre ses sombres sentiments, il cherchait comment amener la chose. Les propres reproches de la Baronne alimentaient cet esprit que nul comprenait. Mais même s'il ne les vivait pas, le Vicomte appréhendait au moins leur puissance malsaine.
Fusse-t-il avoir une idée plutôt intéressante, il ne pouvait la construire seul. Encore moins penser à toutes les subtilités, n'ayant pas l'habitude de ce genre de choses et encore moins de talent de scribe.

Arrivé devant la porte le séparant de Line, il hésita à frapper. Les serviteurs lui avaient signalé qu'elle ne voulait être déranger. Une main sur la porte, l'autre, le point serré prêt à se choquer sur le bois, il restait là quelques secondes, le temps que l'idée lui travers l'esprit une dizaine de fois. Puis comme prit d'un élan salutaire, il fit résonner les fibres végétales et tapant deux fois rapidement, et entra sans attendre de réponse.


Baronne, je te sais réveillée, pourtant tu t'endors sur un sort qui ne t'appartient pas. Allons, Line ! sortons d'ici ! accompagnes moi ! profitons de ces éclaircies ! Allons prendre l'air ! et je te parlerais de mon idée...
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Linexiv
[Tours, logis de la Sempiterne, quand demeure l'ami]

Aux deux coups sur la porte frappés, Line avait sursauté, tirée trop vite de ses sombres pensées, sa main avait frôlé la dague qui attendait d’être ajustée à la tenue, avant que la voix entendue ne la rassure.

Peu aurait osé outrepasser sa volonté et s’introduire chez elle, et ceux dont elle pouvait accepter l’intrusion se comptaient sur les doigts d’une main. Line n’était pas du genre à s’apprêter des heures entières ou à user d’artifices pour colorer les joues, la vie militaire excluant d’avance ce genre de caprice tout autant qu’une enfance passée près d’une armurerie. En revanche, elle estimait de son devoir de présenter un visage impassible, délivré autant que cela soit possible des tourments, se forger lui était devenu inconscient. De là, elle détestait être prise au dépourvu et ses réactions catégoriques. Sauf que l’intrus n’en était pas un et que Saint-Mars était l’un des seuls devant lequel elle se permettait d’être faible.

Lui le savait parfaitement, d’où sa venue, son désir de l’extirper loin de son bel étendard mort. Sa voix résonna, claire et enjouée, comme si le printemps s’avançant méritait encore quelques espérances. Elle avait besoin d’y croire, de le croire.


Baronne, je te sais réveillée, pourtant tu t'endors sur un sort qui ne t'appartient pas. Allons, Line ! sortons d'ici ! accompagnes moi ! profitons de ces éclaircies ! Allons prendre l'air ! et je te parlerais de mon idée...

Elle se calle sur son intonation, la sienne est légèrement surjouée, tant pis, il ne s’en offusquera pas.

Voyons Vicomte, qui pourrait encore dormir en une si belle matinée ? Plus grave,
La fortune est bien trop joueuse pour parvenir à être apprivoisée… Pourtant tu n’y renonces pas non plus. Le dernier mot résonna et percuta les autres dans son esprit.

Un nouveau projet nécessitant l’appui du soleil ? Elle en sourit presque, je te remercie d’être venue me tirer de mes mauvaises pensées, Joachim et je t’accompagnerai où tu veux, surtout si je peux revoir ta chère fiancée, tout sera mieux que ce nid de vipères malfaisantes !

Et la Baronne de joindre les gestes à la parole et d’accrocher sa dague à la ceinture avant de suivre Saint-Mars au dehors.
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Joachim_
Un sourire à Line, et le voilà qui tourne le dos pour ouvrir la porte. puis, passant le moitié de son corps, il fit signe au premier serviteur qui apparut.

Faite préparer le cheval de la Baronne, elle m'accompagne !

Quoi de mieux pour se remettre l'esprit en place que d'aller en dehors des remparts de Tours ? Bien qu'il ne savait pas encore quelle direction ils prendraient, il fallait en, son sens, voir autre chose... Moi où ? une idée, puis deux... Bof, si c'est pour se peler au milieu de nul part... Une virée en Anjou ? pourquoi pas, mais à deux... un peu trop risqué lors que l'on escorte la Connétable.
Puis lui vint une idée. pas bien particulière, mais juste une sorte de rappel aux source, pour le Vicomte en tout cas, et surtout, une jolie entrée en matière pour son exposé.


Tu ne seras pas contre une petite virée équestre, j'en suis sûr.

Puis, d'un geste, l'invite à l'accompagner vers l’écurie.

[...]droit de réponse[...]

Les deux soldats arrivaient près de l'écurie où un jeune pas amenait les deux chevaux. S'adressant au garçon, il lui donna pour mission d'aller avertir la jeune Valten que son aimé la demandait.
Tu la trouveras peut-être à Candès, au château.
et pour le remercier, lui donna un écus tout en lui chuchotant le lieu de rendez-vous.

Tu me suis ? demanda t-il à Line.
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Linexiv
Un escalier descendu et la promenade sur les pavés souillés à éviter les pots de chambre matinaux se transforme en une bonne excursion à cheval. Rien de tel pour dérouiller les articulations et vérifier que les blessures hivernales n’ont laissé que peu de séquelles. Une cicatrice supplémentaire que personne ne verra, une jambe sur laquelle elle veillait encore à ne pas trop s’appuyer. Elle ne pouvait que s’enthousiasmer devant l’idée de Joachim, ni même s’offusquer de le voir débaucher l’un des pages, déjà prête à monter en selle.

Devrai-je m’inquiéter de la longueur de la balade ? Je crois qu’il serait bien que je songe à passer tout de même au château ducal, peut-être qu’un bouclier se sera enfui… Légère amertume devant l’étendue de sa nouvelle tâche, même si elle n’était pas totalement franche, le Connétable a de l’ouvrage à abattre avec le Prévôt. À condition de le supporter, évidemment. Elle ne désirait pas plus se rendre dans les vilaines bâtisses montées à la hâte parce que sa majesté ne supportait pas l’odeur de ses prédécesseurs. Non plus par ailleurs ceux qui pensaient à la Touraine avant elle, Saint-Mars aussi avait ses raisons pour préférer chevaucher hors des murs.

Je te suis ! Quitter cette ville si fétide ne saura être que favorable, et puis, tu m’intrigues…
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Joachim_
[en dehors des murs de Tour]

Alors que les chevaux avaient traversés la ville au petit galop, Joachim fit ralentir sa monture et profita ainsi de la vue de la campagne reprenant vie. En quittant Tour, ils quittaient l'esprit malade qui régnait en Touraine.

Je t’emmène sur mes terres de Fargot, Line. Tu te souviens a qui elles appartiennent ? qui mle les a confiées ?
Zebra me manque. Depuis qu'il ne quitte plus son domaine, j'ai l'impression d'être orphelin.
Mais je travailles. Je reste sur la ligné de ses actes le mieux possible. Je donne ce que je peux pour le bien de la Touraine. Mais j'ai l'impression d'être seul... Alors tu vois, Line. Je sais. Je te comprends. Je ne peux qu'attendre un jour où la famille du Val de Loire sera réunie à nouveau. Et pour toi, avoir un mari, pour moi, un grand frère, ou un père.


La balade s’arrêta enfin sous des arbres fruitiers. Un peu plus loin, s'élevait un petit manoir, et plus loin, en fond, un château.

La Touraine est mal en point, hein ? Ce que faisait d'elle un adversaire redouté, est devenu de l'histoire. Une anecdote.

Joachim descendit de cheval et contempla la vue des arbres en fleurs.

Quand j'entends certains nous insulter de croutons, j'ai juste envie de leur enfoncer le noms de nos morts et de nos disparus au plus profond de leur crâne jusqu'à ce qu'il explosent par le contenu. Leur tête ne pourrait tenir autant d'informations.
Soit disant que l'on a pas évolué avec le monde qui nous entoure...

il ricana.
Moi ! à 26 ans je suis un crouton !

il se tourna vers Line.

Tu sais, voici un moment que je regarde, que j'observe. Et en réécrivant les livres de la bibliothèque de la caserne, je me suis aperçu d'une chose: ce n'est pas nous qui n'avons pas évolués ! Comment serions nous restés inertes alors que nous avons, pour la plupart d'entre nous, des fonctions plus grandes que celles à l'échelle d'un duché ? Nous avons évolué avec le monde qui nous entoure, mais nous avons une vision plus importante que celle qui nous mènera à demain. Grace à notre histoire, grâce à notre vécu, nous sommes encore l'avenir et le passé.

Regardes ce château et regardes le manoir. L'un est vieux, l'autre n'a que quelques années. Pourtant, ils sont là, cote à cote, et l'un est son maître, l'autre son vassal. IL y a du respect et de la compréhension. Il y a de l'amour et de l'admiration. L'un donne l'exemple, l'autre l'imite, à l'image de ses pierres blanches et légèrement vermoulues.

Ce n'est pas nous qui n'avons pas changés, Line, ce sont juste une armée absente et des Duc qui ne savent pas ce qu'est la Touraine. Ce sont des grandes gueules qui se croient meilleurs et qui empirent la situation. Ce sont des personnes qui se croient plus intelligentes que tout le monde depuis qu'ils ont le titre de seigneur ou Dame. Ce sont des petits freluquets qui ont découvert qu'ils savaient réfléchir, mais qui ne savent pas comment et encore moins pourquoi !

Tu as vu les prochaines listes ?

Dis-moi ? que comptes-tu faire ces deux prochains mois ?

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[Fargot, en pèlerinage sur les terres saintes]

La balade avait déridé Line, ci-tôt les remparts de Tours franchis et les quémandeurs laissés aux portes, la vision des champs semés effaçait les vieilles rancœurs. Sans doute la joie de chevaucher, comme autrefois, alors que chaque sortie du duc de Montlouis entrainait la formation d’un convoi et l’étalage des belles bannières aujourd’hui rangées. Pourtant, ce n’était pas une promenade champêtre que lui offrait Joachim, la destination lui tenait visiblement trop à cœur pour la Line n’en remarque que les fleurs s’ouvrant.

Elle l’écouta parler du retrait de son suzerain sans dissimuler sa tristesse soudain à nue quand à l’accoutumée ils savaient décerner à la bonne société assurance et indifférence. Joachim devait beaucoup à Zebracolor et savait ne pas l’oublier lui. Elle affecta de fixer ses rênes, non pas gênée que rattrapée aussi. La guerre avait forgé Saint-Mars, seigneur en ses terres et pourtant si jeune encore, plus qu’elle, mais pas de beaucoup. Elle se mordit les lèvres à ses dernières paroles. Sa propre peine l’avait aveuglé, la lassitude presque consumée et noyée par l’égoïsme, elle en avait oublié qu’elle n’était pas la seule à souffrir.

Comment pourrai-je oublier ce jour ? L’honneur était si mérité… Bien plus que pour beaucoup se vantant de ce rang. Sa phrase était jolie, convenable et protocolaire. Elle lui donna l’impression d’être morte. Pourtant, malgré ses errances, Joachim se trouvait toujours à ses côtés.

… Je … Je suis désolée… Je n’ai rien vu. Enfin si, je connais ton dévouement, la qualité de ton service, pour le Roi, la Touraine, le Val. Toujours les grands mots, pourtant, une certaine fragilité transparaissait dans le ton. Je suis désolée, je t’ai laissé faire et je suis restée à pleurer sur mon sort, finissant par considérer normal de te voir agir ainsi sans m’imaginer tes propres tourments… Et là encore, Joachim trouvait le moyen de mettre en avant le mariage de Line alors qu’il aurait dû s’affairer pour préparer le sien. Mon mariage dis-tu ? Mon mariage… Une belle attente… dans laquelle je me complais… Le Val ne peut m’attendre. Mais il t’a toi, si apte à porter ses couleurs, si prêt à convoler. Je ne t’ai même pas questionné, à croire que, malgré moi, je jalouse tes futures épousailles… Je suis si désolée Joachim… Tu m’épaules depuis si longtemps, j’espère juste parvenir à le faire aussi… Nous sommes orphelins mais adultes…

Bientôt les pas de leurs chevaux les mènent jusque sous des arbres fruitiers, bien entretenus à l’image de leur propriétaire, espace encore inviolé au milieu d’une Touraine vouée à la pourriture. Ils descendirent de cheval. Le parallèle de la comparaison n’échappa à Joachim qui enchaîna sur la situation de leur beau duché.

Elle grimaça en retour, la Touraine avait été si grande que son déclin en était encore plus horrible à vivre, surtout pour ceux s’en souvenant… Elle pris la peine de se remémorer les noms passés, ceux des siens bien-sûr, mais aussi les autres défenseurs, les grands stratèges qui l’avait un jour menée jusqu’à Poitiers. Joachim partageait le même état d’esprit…
Les morts sont morts et bien morts, hélas. Reviendraient-ils que personne ne les écouterait… Étaient-ils vraiment restés figés ?
Tu es effectivement bien conservé pour quelqu’un qui passe autant de temps à compulser les histoires anciennes ! Mais que veux-tu, les gens sont précoces dans ce nouveau monde, ils occupent des charges avant leur majorité et négligent l’apprentissage des textes anciens.

Triste constat que Line avait fini par faire sien, s’estimant figée au milieu des vieilles bannières et n’ayant, de toute façon, aucune envie d’y être délogée tant elle avait l’impression qu’elles la raccrochaient à Montlouis ou même au souvenir de son cher suzerain, le duc d’Azay. Toutefois, elle était prête à entendre le raisonnement de son ami et rapidement les mots prononcés se transformèrent en flèches plantées au beau milieu de ses atermoiements.

Le futur et le passé en même temps, n’est-ce pas la meilleure stratégie pour appréhender le présent ? Joignant le geste à la parole de Joachim, elle contempla le château dominant le petit manoir. La comparaison était bien balancée, elle appuyait précisément ses propres convictions à ceci prêt qu’elle leur donnait un avenir. Il s’énerva, elle hocha la tête.

« Trois rangs à occuper sous l’égide de Deos, les premiers prient, les seconds combattent et les derniers travaillent. » Récita-t-elle. Le monde qui s’étend est nouveau parce que tous ont oublié cette tradition, tu as bien raison. C’est un monde d’ambitieux et de vipères, rapide à trahir et non pas à servir. Et à être incapable de tenir leur maison et leur rang, comment peut-on s’attendre à ce qu’ils hissent la Touraine ? Leur parole est vaine car elle porte les miasmes de leur corruption… Elle soupira avant de reprendre.
J’ai vu les prochaines listes… Je sais quoi en attendre. Vois-tu, Joachim, je ne pourrai dire du mal du Capitaine Madfly mis à part quelques incorrections au niveau de la préséance et de l’étiquette, mais rien qui ne soit corrigeable. Je n’étais plus digne de rester Capitaine, j’ai trop respiré pour la Touraine pour supporter sa déchéance et pire encore, celle-ci a alimenté ma lassitude comme je l’alimentais en retour ! Elle étouffa un léger rire… A vrai dire, je finis par penser qu’à défaut d’avoir pu épouser Pierre, j’ai épousé la Touraine, un beau mariage, plein d’espérances, qui se révèle décevant, que ce soit par les enfants ou la tenue du ménage…

Je ne saurai choisir cette fois-ci entre le moins pire des deux maux. Je vais être franche avec toi : je ne sais pas si j’aurai la force de m’en éloigner, on dit que, parfois, même battue, une épouse arrive à aimer son mari… Mais j’ai promis de te soutenir et je promets déjà d’écouter ton premier conseil et de voir le Val relevé de son caveau plutôt que les fantômes du passé. Cela sera difficile, mais j’aimerai être digne de ton amitié et te suivre. Si tu le veux, sur n’importe quel chemin que tu prendras car je te dois bien cela.
Un sourire en coin, cette fois, d’ailleurs, je suis certaine que tu as déjà une idée en tête ?
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[Août 1462, Amère Touraine]

La guerre, une fois de plus, avait repoussé les belles résolutions pour adjuger au corps et à l’âme une routine recherchée. Les douces terres de Loire avaient été quittées pour chasser plus loin la vile menace jamais complètement effacée. Une mauvaise graine qui s’obstinait à pousser au lieu de pourrir ou, pour le moins, de n’affecter que le Berry. Saint-Mars, comme elle, avait apprécié de relever les bannières de manière à prouver au roi Jean au Saint-Turban que la Touraine savait encore chasser. Les morts-vivants s’étaient levés et Line avait gardé par devers-elle la réponse de Joachim. Elle le suivrait.

La campagne berrichonne s’avéra satisfaisante pour les objectifs et lassante par d’autres biais. Sa fin, en particulier, vengea définitivement Cartel.


[Châteauroux, le trou creusé est toujours le sien]

L’impatience nuisait toujours à celui qui en abuse. Line n’ignorait rien de l’aimable sentence, pour autant la perspective de rester allongée dans l’attente du tombeau ne lui plaisait guère. L’armée tourangelle avait investi Châteauroux et, surnageant au milieu des fourmillements, elle se devait de conserver la ville-forte jusqu’à ce que le roi ait pu mener sa campagne au bout.
Au-delà des remparts, des fosses avaient été creusées, sans guère d’espoir de voir ceux qui y étaient jetés se relever. Le deuil était commun mais non partagé, et les chariots de ravitaillements repartaient chargés des cadavres assez estimés pour reposer en terre tourangelle. Des petits seigneurs, un ou deux chefs de monte ou bien un écuyer regretté : seules les dames auraient le privilège de pleurer un mouchoir sur le nez. Aux autres une simple bourse tendue, quelques mots et le doux égarement au fond des cœurs des mères leur laissant espérer années après années le retour du fils impétueux. Le sergent en charge du convoi pesta davantage qu’à l’aller, car lui qui avait espéré un train plus tranquille, se retrouvait obligé de redoubler de célérité. Le vinaigre ne coulait pas à en remplir des tonneaux et aucun capitaine ne déciderait d’user de ceux emplis de vin alors que les soldats victorieux réclamaient à grands cris leur perçage. La concession se devant d’être encadrée de manière à limiter les pillages, les bourgeois de Châteauroux seraient épargnés puisque la bête frappée ne mangeait dans la main que dans l’attente du moment propice pour l’arracher. Et le bon roi Jean entendait ramener son autorité sur ces terres félonnes, décapitant les têtes de l’hydre par nécessité mais soignant les petites gens. La simple question du pragmatisme s’en trouvait, par ailleurs, dépassée. Après tout, le paysan se moquait bien de l’identité de la personne prélevant l’impôt tant que celle-ci tenait ses chiens en laisse.

Ses considérations nouvelles n’aidaient pas Line à accepter son oisiveté forcée, l’immobilité étant une torture idéale pour ressasser sans trêve la même litanie. De ses espoirs dilués, à Saint-Mars préoccupé, le tout sous l’affreux sourire. L’impatience est mauvaise conseillère. Elle n’était rien devant la folie impérieuse, celle qui s’emparait des corps et poussait à agir en dépit de la certitude ressentie de l’erreur commise. Si juger sa jambe rétablie de par les bandages la soutenant était une sottise, placer sur ses épaules un mantel sombre, dénué d’armoiries et sortir seule tâter l’atmosphère en ville répondait d’une aliénation complète. Un papillon, oublieux de la chenille, insouciant se précipitant vers la lumière. Sauf que lui ignorait qu’il y avait là matière à se brûler les ailes et rejoindre les vers. Ce n’était pas le cas de Line. Pourtant, davantage que la compagnie du manchot, elle s’entêtait de sa plongée en enfers, au milieu de remugles valant ceux des charniers, nonobstant l’âpreté de la fumée tardant à se dissiper. Elle glissait, ombre déambulant entre les ruelles d’une ville morte, passait devant les portes barrées à double-tour sans que le couvre-feu imposé n’y soit la principale explication. Elle évita les rares attroupements des patrouilleurs, épées au côté et plis soucieux en travers du front. Eux redoutaient d’avoir à calmer des débordements provoqués par leurs frères plutôt que par des citadins étourdis. De même, elle contourna le quartier des bouges, peu désireuse de contempler les auteurs des cris paillards et les roucoulements de celles pour qui l’emblème arboré sur le tabard n’avait pas d’importance. Tous se ressemblaient une fois montés.

La griserie de la balade ne suffisait pas à dissiper les avertissements ne cessant de résonner à ses oreilles. Trop d’années passées à les écouter, à tenir un rang et toujours se surveiller. Elle s’efforça de les chasser plus loin en argumentant en silence autour de sa recherche potentielle du dénommé Veher afin de reprendre en main sa lance maintenant que son chef était tombé. L’action serait salutaire puisque le soldat promu faute de mieux n’avait pas les qualités adéquates. Régler ce souci l’ôterait des pattes du Capitaine Madfly, ceci alors qu’il avait certainement d’autres chats à fouetter.

La résolution éloignait le calvaire, pourtant Line aurait dû savoir qu’elle n’y suffirait pas et que les légers pas de danse esquissés du fait de la faiblesse de sa jambe la guidaient doucement vers le macabre. Se décider à revivre, pleinement bercé par les espoirs des autres, ne suffisait pas à repousser le tombeau. Morte et vivante à la fois, un pied dans le passé qui l’aspirait de plus en plus, au point d’en refuser le présent, pour des épousailles en définitive aussi traitres que les réelles. Des années durant, elle avait respectée une des premières maximes de l’ost tourangeau, en dépit de sa bêtise ponctuelle et des inconvénients redondants, il n’était sans doute que justice qu’elle en découvre à son tour la malignité. Frapper puis s’enquérir de l’identité. Où qu’il soit, elle savait que le manchot aurait trouvé à s’en étouffer de rire.

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La Bourdaisière, décembre 1462

Au cœur de l’été, au moment même où les herbes frémissaient devant leur mort prochaine, jaunies, sèches sous des ombres tâchées de rouille, Line s’était retirée. Sa propre bêtise lui avait ôté la dernière familiarité réchauffant son cœur. Les belles bannières flottant au vent ne lui procuraient plus de joie, elles ne lui rappelaient plus les jours aimés sous l’égide de son suzerain, elles claquaient de douleur. Une souffrance physique et solitaire, nulle gloire à partager lorsqu’on revient chez soi en voiture.

Elle s’était relevée, bien sûr ; elle s’était obligée à ne pas songer à l’avis qu’aurait-eu son promis quant à ses marques nouvelles, certaines plaies suintent toujours. Elle s’imaginait encore, parfois, passer les doigts sur les siennes, naïve idiote incapable de comprendre que la peau marquée cachait des séquelles repoussées. Un rat patient, grattant les tendons, rongeant les articulations, creusant les os pour une guérison si lente que les moines eux-mêmes finissaient par l’espérer pour le monde suivant.

Line demeurait elle, droite devant les portes closes, l’âme desséchée flottant autour d’un cœur rouillé de larmes que le gel cueillerait au creux de l’hiver s’annonçant. Elle tirait de moins en moins de satisfaction de son seul mariage consommé à de si multiples reprises, nul enfant à chérir, quelques soldats qui s’en allaient mourir. Voilà tout, assez de Raison pour servir encore, auprès de Joachim, pour sa maison et son duché. Assez de rancune pour s’esquiver devant le nouveau capitaine, égale à elle-même en fait, prompte, en conséquence, à attendre, attendre, attendre, une nouvelle, un miracle voire même un signe en provenance de l’enfer.

Pour une amitié dont les atermoiements lui convenaient à merveille, de joute en joute, acier contre acier : une vie sanglante, mais l’unique choisie. Avait-elle pour autant le droit de sourire en entendant les gens murmurer à propos d’un raid de buses ? Pas de quoi casser trois pattes à un canard, quoique, à l’orange ou rôti, il paraissait pourtant que cela agrémentait la noël. Dommage que le dernier abattu se soit avéré trop pourri pour être seulement enterré.

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[Chinon proche, dernières heures de 1462]


Les retraites les plus monotones n'étaient jamais les plus isolées, fort heureusement pour Line. A vrai dire, elle en était pour quelque chose puisqu'elle aimait à se tenir au courant des évènements, histoire de rester dans l'air du temps... L'imbécile rentrant de Tours avait viré au marron, chose déplaisante qui tranchait avec le blanc déposé par l'hiver.

Pour autant, c'était l'effroi qui avait gelé l'idiot davantage que la bise et Line eut du mal à tirer deux mots de la gueule balbutiante de Burchard. Il contait avoir croisé la mort ou du moins son disciple, un squelette ambulant qui de par sa seule proclamation ouvrait les portes de l'enfer à la frontière tourangelle.

Quelques démêlés plus tard, un sourire sur les lèvres, Line avait la certitude du lieu où passer la nouvelle année, quoi de plus naturel après tout que de venir contempler la Loire et la Vienne par la même occasion?

Bien entendu, pareil voyage ne pouvait s'envisager seule et Line ne fut pas surprise de voir son intention doublée par celle de son amie Othilie. Inutile de procéder à moult échanges de courriers, un unique avait suffit pour voir Line préparer son équipement et partir pour Chinon.

Il restait simplement à respecter les convenances, de vassal à suzerain, ce que Line s'empressa de réaliser sur son plus beau vélin.




Citation:
A sa grâce Antonio de Licors, ci-devant de Duc Touraine
De Line de Gerfault, Baronne de la Rochecorbon,
De Othilie, Dame d’Oiseau-Mesle, d’Ingrandes et de Feubrun

Cette missive pour vous annoncer notre attention de profiter de la nouvelle année pour renouer avec nos aimables voisins butors. Vous connaissez certainement la charité qui anime la dame d’Oiseau-Mesle, dès lors, il lui semble primordial d’aller porter la bonne parole plus à l’ouest et les terres angevines sont hélas bien éloignées de la parole aristotélicienne. Et cela d’autant plus qu’elles abritent de célèbres mécréants. Ne pouvant laisser mon amie seule, j’ai décidé de l’escorter et de l’assister dans cette délicate mission.
Nous profiterons de nos déplacements pour vous apporter moult précisions quant au climat angevin, qu’on annonce par ailleurs plutôt vif en ces derniers jours de l’année.

Fait à Loches, le 30 décembre 1462

(sceau Gerfault)


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