Johannes
[Rp ouvert.]
« V'là la priante d'Annecy et son parvis ! »
Le blond bigla sur le parvis que lui montrait le vieux, jonché de brenne comme si les oiseaux y avaient fait depuis un siècle. Il calcula en douce, à dix chiures le centimètre carré il en avait pour la semaine tout comptant. Déjà que le salaire était léger, voire aérien, il allait devoir brocanter avec le monde d'Aristote. Ça sera neuf écus qu'il dit. Le vieux rétorque que non, c'est cinq pour tous et personne n'ira sur la Lune. C'est déjà moins sûr qu'il répond le blond, mais cinq écus on les sent pas vraiment en poche, et sept ça serait mieux. Après quelques minutes le vieux n'en démord pas. Cinq écus alors.
A peine de le temps de dire oui que le blond a déjà le chiffon dans les mains et la cuvette de bois aux chevilles. Ils doivent manger gras les oiseaux d'Annecy pour pondre comme ça comme des anges sur les maisons des dieux. Pendant que le blond gratte le vieux reste à côté, sur une chaise à trois pieds, pour vérifier que le travail soit propre et pour ne rien faire aussi. Vrai que ça s'est bien incrusté à la pierre pendant des années, en coagulant par les temps de pluie et en séchant au soleil, en bref, c'est indécrottable. Il faut les mouiller d'abord dit le vieux. C'est que le blond n'est pas franchement ménagère.
Ça dure des heures. Parfois le vieux se lève et vient caresser la pierre conchiée avec des doigts amoureux. Ça va être joli tout ça, ça fait longtemps qu'il attendait un bon cur pour nettoyer tout ça. Un pigeon oui, que marmonne le blond. Un pigeon blond. Il en a sous les ongles maintenant, à force de gratter trop près de la pierre. De toute manière il pourrait en avoir jusqu'au menton, ça serait toujours cinq écus à la fin de la journée. Fort de cette considération, le blond se met un peu à épargner sa peine, et pour que ça se voye pas trop, il lance la causette.
« Y a des volumes là-dedans ? »
« Bah oui qu'y en a ! C't'une église ! »
« Y a des cartes dans les volumes ? »
« Des cartes ! Des cartes d'quoi ? »
« De la région. Voire plus. Faudrait que je coule ma bosse jusqu'Embrun. »
« Ah ! Les chemins. N'êtes pas vendangeur au moins ? »
« Non, non, sinon je paierais pas ma croûte en récurant les parvis. »
« C'pas faux ! Vous viendrez vers le soir, peut-être qu'y a, peut-être qu'y a pas. »
« C'est dit. »
« C'pour quoi qu'vous allez à l'Embrun ? »
« Heu... des affaires. Pêcher peut-être. »
« Et les tendrons hein... On en a des girondes ici. »
« Ah ? »
« Faites-y pas le corniaud, l'avez dû voir et mirer des mollets par-ci. »
« Non non. Je suis un ange. »
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« V'là la priante d'Annecy et son parvis ! »
Le blond bigla sur le parvis que lui montrait le vieux, jonché de brenne comme si les oiseaux y avaient fait depuis un siècle. Il calcula en douce, à dix chiures le centimètre carré il en avait pour la semaine tout comptant. Déjà que le salaire était léger, voire aérien, il allait devoir brocanter avec le monde d'Aristote. Ça sera neuf écus qu'il dit. Le vieux rétorque que non, c'est cinq pour tous et personne n'ira sur la Lune. C'est déjà moins sûr qu'il répond le blond, mais cinq écus on les sent pas vraiment en poche, et sept ça serait mieux. Après quelques minutes le vieux n'en démord pas. Cinq écus alors.
A peine de le temps de dire oui que le blond a déjà le chiffon dans les mains et la cuvette de bois aux chevilles. Ils doivent manger gras les oiseaux d'Annecy pour pondre comme ça comme des anges sur les maisons des dieux. Pendant que le blond gratte le vieux reste à côté, sur une chaise à trois pieds, pour vérifier que le travail soit propre et pour ne rien faire aussi. Vrai que ça s'est bien incrusté à la pierre pendant des années, en coagulant par les temps de pluie et en séchant au soleil, en bref, c'est indécrottable. Il faut les mouiller d'abord dit le vieux. C'est que le blond n'est pas franchement ménagère.
Ça dure des heures. Parfois le vieux se lève et vient caresser la pierre conchiée avec des doigts amoureux. Ça va être joli tout ça, ça fait longtemps qu'il attendait un bon cur pour nettoyer tout ça. Un pigeon oui, que marmonne le blond. Un pigeon blond. Il en a sous les ongles maintenant, à force de gratter trop près de la pierre. De toute manière il pourrait en avoir jusqu'au menton, ça serait toujours cinq écus à la fin de la journée. Fort de cette considération, le blond se met un peu à épargner sa peine, et pour que ça se voye pas trop, il lance la causette.
« Y a des volumes là-dedans ? »
« Bah oui qu'y en a ! C't'une église ! »
« Y a des cartes dans les volumes ? »
« Des cartes ! Des cartes d'quoi ? »
« De la région. Voire plus. Faudrait que je coule ma bosse jusqu'Embrun. »
« Ah ! Les chemins. N'êtes pas vendangeur au moins ? »
« Non, non, sinon je paierais pas ma croûte en récurant les parvis. »
« C'pas faux ! Vous viendrez vers le soir, peut-être qu'y a, peut-être qu'y a pas. »
« C'est dit. »
« C'pour quoi qu'vous allez à l'Embrun ? »
« Heu... des affaires. Pêcher peut-être. »
« Et les tendrons hein... On en a des girondes ici. »
« Ah ? »
« Faites-y pas le corniaud, l'avez dû voir et mirer des mollets par-ci. »
« Non non. Je suis un ange. »
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