Alix_ann
- C'était un beau jour aujourd'hui, après avoir fait halte à une auberge du bord de la frontière, la petite escorte de la jeune Montfort se leva doucement, elle traînait un peu des pieds. Pas pressée d'aller en Languedoc? Elle se tâtait, de savoir si il fallait y aller. Qu'est-ce qu'elle aimerait changer, partir d'Anjou, être un peu moins seule dans cette étrange vie qu'elle mène. Une dame s'affaire, autour d'elle, c'est la nourrice chargée de garder la mioche. Elle la nourrit, la change, la borde le soir, la sort quand elle le désire et lui brosse ses cheveux un par un. Dans la chambre à coté les gardes et le coche s'entasse. Forcement, elle avait la chambre, la plus grande, où veillait la nourrice. C'était d'une logique. Le petit bout d'héritière bretonne paresse dans son lit, on est pas pressé, d'abord.
-« Alix Ann! »
-« Je veux pas aller ! Mamm'm bo ket! »*
-« Mais enfin! Demoiselle Alix! Vous... »
-« Mais... »
-« Avec tout le respect que je dois à votre rang, si ne vous sortez pas du lit, on ne peut pas partir! »
-« Pas grav-veuh. »
-« Demoiiiii-... »
A ce stade de la conversation, la nourrice était inaudible pour la mioche réfugiée sous les lourdes couvertures. Carapatée ainsi il serait bien inconvenant de venir déranger la Buze. L'espère blonde se débat, exprimant ainsi son mécontentement. La tête, les jambes, les bras, les coudes, les talons jusqu'aux orteils, toute la musculature sous développé de la mioche qui venait de sortir de son état de larve s'anima. Puis d'un coup tout redevient plus calme : le courroux d'Alix fulminante armée d'aussi peu de muscle et du fait que non, le matin, personne n'avait de l'énergie.
Elle sort une, deux, pleins! de boucles blonde, montrant prudemment le bout de son nez. N'était-elle pas d'une sagesse à toute épreuve d'habitude?
-« Il me faut Noz. »
Elle revient quelques minutes plus tard, la poupée en terre cuite à la main, lui lançant un regard plein de reproches qui signifient que faire retarder le départ franchement, pas top. Alix l'avait appelé Noz, cette poupée, comme la nuit en breton. Quand Alix sera grande et aura un amoureux, avec qui elle aura des bébés, elle appellera sa fille Noz, elle n'aura que des filles, les garçons sont pénibles. En attendant son heureuse grossesse elle relève ses yeux apeurés sur la jeune nourrice en alerte. Que lui arrive t-il? Etait-elle simplement émue par les retrouvailles avec son bout de poterie? Elle s'était fait dessus au lit? Une mauvaise fièvre? Le bord supérieur des tresses qu'elle avait passé deux heures à faire hier s'était défait? Ou pire, elle en voulait désormais des nettes en épis!
-« Tu peux écrire lettre de moi pour mon amie? »
Citation:
A Marzina de Montfort-Penthièvre, Princesse de la Bretagne toute entière et Baronne de baie-des-ronces,
De votre plus estimée filleule, Alix Ann de Montfort puis de Kermorial un peu aussi,
De votre plus estimée filleule, Alix Ann de Montfort puis de Kermorial un peu aussi,
- Demat, comme on dit, nous, en Breizh,
Comme tu es ma marraine, il fallait que je t'écrive pour montrer que j'étais toujours en vie et que je tenais à toi. Hier, je suis parti en cheval pour le début d'un long voyage, avec moi il y a un garde, brun, avec des grands trous dans l'n... *rature* des grandes narines, il a les yeux très bleu, comme la pluie qui tombe en Breizh, et un garde blond avec des pieds deux fois plus grands que les tiens encore, un autre garde et brun, mais avec des yeux marrons plutôt clair. Nous nous sommes ensuite arrêtés dans une auberge avec les gardes et le coche (qui a les cheveux oranges) et la nourrice (c'est moi).
Maman n'était pas très contente que je parte, comme moi je n'étais pas contente quand on est partie de Breizh sans Papa dans nos valises. J'aurais bien aimé que Maman et Papa arrêtent de se disputer et qu'on puisse repartir tous à Cucé ou tous aller en France. On était en Anjou avec Maman, chez un vicomte qui est un nouvel ami pour elle (une Dame m'a dit que les amoureux et les amis étaient différents, je suis rassurée de savoir que Maman n'a toujours pas de nouvel amoureux).
- Alix laissa glisser ses prunelles sur le vélin, curieuse de voir l'aspect d'une écriture, une vraie. Elle espère que l'écriture de la nourrice qui veille sur elle sera plaire à sa Marraine.
-« Et à la fin dire que c'est de moi. »
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« L'homme n'amène pas son propre malheur, et si nous souffrons, c'est par la volonté de Dieu, bien que je n'arrive pas à comprendre pourquoi il se croit obligé de tellement en remettre. »