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[RP] Les œufs à la coque

Johannes
Les gens riches à Paris demeurent ensemble, leurs quartiers, en bloc, forment une tranche de gâteau urbain dont la pointe vient toucher au Louvre, cependant que le rebord arrondi s'arrête aux arbres entre le Pont d'Auteuil et la Porte des Ternes. Voilà. C'est le bon morceau de la ville. Tout le reste n'est que peine et fumier.
L.-F. C.



Paris en fait c'est grand, mais c'est petit. Jour d'ouverture, trois trognes se pointent et se donnent déjà du monsieur entre elles, faut croire qu'il est verni comme un pot. La gueule d'ange sirote le vin servi, c'est râpeux, ça fera l'affaire. C'est bien alors. De toute manière on peut rien lui lire sur les traits, tout glisse autour et elle elle reste là, bien immuable, face au comptoir. Les clients qui ne laissent rien paraître c'est arrangeant quand on sert du mauvais vin, ça balaie la grande Culpabilité. Elle se plaint pas la danoise, elle fait même dans l'humour, elle pose sa question. Le blond se retient de se marrer, et la regarde net, comme s'il lui confiait de l'inavouable.

« Ceux qui ne tiennent pas, je les plante à l'arrière. A la fin de la semaine, ça fait des jolies fricassées. »

Et les billes noires cherchent un chiffon, s'agirait pas de se laisser distraire aussi facilement de sa noble de tâche. Écouter le client oui, mais faudrait pas lanterner sur le reste. Il passe un premier coup sur le rebord de l'âtre et deux siècles de poussière vont valser dans les airs, avant de retomber mollement au sol. Avec Johannes, la poussière s'envole. Il met du temps à émerger de sa nuée, et quand il réapparaît réapparaissaient l'impassible de danoise et les deux moineaux, qui sont pas sages là-bas, avec leurs mains. Tant qu'il ne la renverse pas sur la table pour faire la bête à deux dos, ça le dérange pas au blond.
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Humpty Dumpty sat on a wall.
Humpty Dumpty had a great fall.
All the king's horses and all the king's men
couldn't put Humpty together again.


L. Carroll
Astana
A l'arrière ? Genre, là, derrière cette porte au fond ? Ah. Une lueur passe dans les yeux gris bleus de la danoise. Le regard se fait rieur, l'espace d'une seconde, tandis que le reste ne bouge pas d'un pouce. Faudrait tout de même pas se montrer trop joyeuse, hein. Des fois que ce soit vrai et que le blond soit un taré qui planque des corps dans un réduit... Et tandis qu'il s'improvise bonne femme exemplaire avec son chiffon, Astana en profite pour se resservir un verre. Quand on a soif, on ne chipote pas. Elle fait comme chez elle, quoi. Un peu plus et elle s'assoirait presque sur le comptoir... mais non. La planche n'a pas l'air bien solide. Casser le matos à peine entrée, ça ferait mauvais genre.

A la place, la nordique zieute les deux zigues dans le coin. Collés comme des sangsues sur un hémophile. C'est mignon l'amour au début. Après ça vire aux cris, au meurtre, et c'est tout de suite moins joli. Fataliste ? Mais non. Du tout.

Le godet enquillé, la dextre se met à pianoter sur la boiserie. Légèrement. Pas impatiente pour un sou. Seulement pour le son que ça produit. Un détail, mais elle aime ça.


Vrai qu'ils auront eu l'temps de mariner un peu, vos gus.

Y'a toute une foule de questions qui trottinent dans la blonde caboche. Mais aucune ne franchit la barrière carmin de ses lèvres. Faut dire que c'est pas forcément le bon moment.
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Johannes
« Hum ? »

Feue tignasse dorée, maintenant cendrée, se repointe dans la causette. Les paluches de ménagère continuent à faire leur œuvre, patientes, parce qu'il en faut de la patience pour tout ça. Le gaucher soulève bouteille et verre le temps de passer un coup de chiffon qui sert à rien, c'est pour la forme, et puis ça c'est fait. Avise les moineaux, l'air amusé, puis la porte du réduit avant de répliquer.

« Sont trop tendres ceux-là, j'attends de la carne plus rude. Faudrait pas fricasser dans le vide. »

Et puis soudain, c'en est fini du ménage. Faudrait pas pousser mémé dans les orties, comme disait sa grand-mère. A croire que le blond aime bien quand l'air est pas clair, il sort une pipe de bois qui paie pas de mine, son amadou, une feuille pliée avec dedans des feuilles anciennes, sèches, cassées. Cueillette helvète. S'accoude à sa planche de comptoir, et sort un verre pour lui, pour partager l'enfer de la danoise.

Quant le foyer est bourré, quand l'amadou a pris feu et que la première latte est brièvement tirée, il pique une lampée dans la vinasse noire. Réfléchit le temps que ça lui dévale dans le gosier. Foutrecul. C'est comme du pinot noir, sauf que c'en est pas. C'est râpeux, ça sent rien, mais ça se fait sentir descendre. Le blond grimace lentement avant de conclure.


« C'est moche. »
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L. Carroll
Astana
Ricanements étouffés.

La peau dure... ouais. Du moment qu'vous vous pétez pas les dents dessus...

Regard entendu. Ça tape la causette, sagement, faute de mieux. D'action. Mais personne ne crachera sur un peu de calme ; à petite dose ça peut pas faire de mal. Le fumeur incite à la consommation, il donne envie. Alors, à son tour la blondeur sort une pipe de son mantel, et la voilà qui exécute les mêmes gestes que son compagnon capillaire. Mais avec des produits parisiens, tout juste acquis. Un instant, elle se rapproche de l'âtre pour l'allumer, et tire une grande bouffée, souriant suite à la fumée inhalée. Ses coudes rejoignent la planche, les yeux lorgnent la bouteille entamée. Les verres sont resservis dans la seconde, même s'il n'a pas terminé le sien.

C'est moche, oui. Astana opine du chef, lentement, sans déloger les yeux de la porte du fond. Une nouvelle latte tirée masque son visage pâle.
La curiosité est un bien vilain défaut. Ça doit se voir comme le nez au milieu de la figure.


Bon. Un claquement de langue agacé. Et si on passait aux choses sérieuses ?
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Johannes
Les choses sérieuses. Le blond relève un sourcil, les choses sérieuses, ça peut être beaucoup de choses. Autant passer aux évidences, la danoise a raison. Il opine d'un clignement de chasses, et va vers la porte du fond. Une clef pour la porte, la sienne, c'est qu'il l'a chèrement payée. Il s'engouffre dans sa guérite, ressort avec une bouteille qui pend par le goulot dans sa main gauche. La pipe calée au bec, ressert sérieusement les verres. Ça coule rouge, rouge pour les papes.

« Vin d'Apt. »

Bouteille écartée, il amène de quoi poser son siège à hauteur de planche. Deux fumeurs en face ça fait purée de pois, et les fumées s'en vont baiser vers les poutres tandis que le blond renifle une odeur qui n'est pas la sienne. Ce qu'elle crache la pipe à la cliente, c'est pas du qu'il connaît. Ça flaire la plante, avec une note bousillée dedans, une trace un peu trop amère. Faudra qu'il se renseigne, pas pour la consommation, mais c'est qu'il aime bien être au courant.

Il touche pas à son vin. Il faut que ça s'aère, qu'on lui a dit, alors s'il faut...
Il attend que la blonde aère aussi. Que ça décante.

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L. Carroll
Astana
Il a une clef. C'est louche. Qui garderait des bouteilles derrière une porte verrouillée ? Elle plisse les yeux en penchant légèrement la tête sur le coté lorsqu'il revient chargé du vin, mais se reprend fissa. Il a forcément un truc douteux à cacher, mais elle dit rien. La blonde désormais appelée "Satanas" garde le museau scellé. Pour sûr qu'elle a pigé qu'il y a arnaque quelque part ; mais autant agir comme si de rien n'était. Ce gars, il est trop calme pour un tenancier ordinaire. Maintenant ça lui saute aux yeux. C'est trop beau pour être vrai, comme dirait l'autre.

Il touche pas à son verre.
Elle non plus. Même s'il a l'air nettement meilleur que son prédécesseur.

La carnivore attend qu'il boive, paisiblement accoudée sur la planche. Un peu plus et ils se regarderaient dans le blanc des yeux. Heureusement que la fumée est là pour dissimuler le tout. Les volutes de fumée s'échappent des pipes pour côtoyer les poutres régnantes, et Astana se perd un peu dans leur contemplation. La dextre, elle, continue de pianoter comme prise dans la spirale infernale du mouvement. Le chanvre commence à faire son effet, rien de méchant. Mais ça se sent. Elle se détend, la demoiselle.


Hum.

Les perles glaciales se posent sur l'homme, étudient le spécimen, font une fois encore le tour de la pièce en passant rapidement sur les tourtereaux enlacés, puis reviennent à lui.
Non... y'a vraiment un truc qui tourne pas rond, ici.

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Johannes
C'est un jeu peut-être. A qui flanchera le premier – reste à savoir ce qu'il y perdra. Ça ne s'entend pas, mais ils viennent de passer aux choses sérieuses. Les clients qui viennent boire, juste boire, pour ce qu'il a pu observer, ne fixent pas comme ça. Sont plus éthérés, plus bavards ou plus tristes. Le blond ne se demande pas quand ils vont arrêter de s'aborgner comme des taupes ; le blond aime bien jouer. Il aime bien jouer sérieusement. Elle regarde un peu tout la cliente, comme si elle méditait sur la chose. Johannes lui, en bon chien de faïence, reluque ferme sur la danoise, les chasses noires à l'étude. Le remugle du chanvre prend le dessus, ça lui calme les veines sans qu'il comprenne.

Et puis il pige, elle flanchera pas, ou pas de suite. C'est pas une gourde en peau de vache, c'est une cornue, faut laisser distiller. Ses bouffées de cerfeuil et d'armérie viennent cracher le blanc dans ses poumons. En-dessous, une main vient vérifier que la clef est toujours à sa place. Elle remonte l'innocente de paluche, se saisir du vin d'Apt. Une gorgée, point trop n'en faut, à toute mesure mérite courage et patience est reine des vertus, ou autre chose dans le genre, les proverbes c'est pas son fort. Tant qu'il se fait comprendre. Quand il ne toise pas la cliente c'est pour surveiller les deux tables ; ils ont l'air girond les deux moineaux mais on ne sait jamais. Seconde gorgée.

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L. Carroll
Astana
C'est une petite victoire personnelle. Maintenant, il sait qu'elle sait, ou tout du moins qu'elle a de sérieux doutes. Elle l'a bien vue, cette main inquiète, descendre dans l'ombre pour tâter la clef du mystère. Mine de rien. Ils auraient pu continuer longtemps ce petit manège, parce qu'Astana apprécie le jeu autant qu'un bon verre. S'armer de patience lui était possible quand elle y trouvait de l'intérêt. Mais si une infime barrière était tombée, il semblait en rester de nombreuses encore en place. Le blond n'est pas du genre causant, et n'affiche aucun signe de réédition. Faut bosser pour gagner sa croûte, comme on dit. Elle empoigne donc son verre, les azurées toujours fixement posées sur le pochard, puis boit une gorgée. C'est savoureux, ça caresse le palais et descend agréablement dans la gorge. La danoise hoche la tête, plus pour elle-même qu'autre chose, avant de se replonger dans cette discussion silencieuse.

Flanchera, flanchera pas ?

Un bref coup d'oeil est jeté sur les deux mignons, mais pas un mot. A part le craquement du bois dans l'âtre, et des chuchots complices, on n'entend guère plus de bruit. Elle retourne à son étude de base. Une seconde gorgée vient flatter la gorge opaline, tandis que ses doigts se resserrent imperceptiblement autour du verre. Elle ne lui demandera pas à quel nom il répond, car il est évident qu'il énoncera le premier qui lui passera par la tête, voire qu'il maintiendra son bec clos. Plutôt du genre à n'offrir que le strict nécessaire à l'échange, et pas une syllabe de plus. Futé, le bougre. C'est criant de vérité quand on prend le temps de le regarder dans les yeux. Y'a cette étincelle roublarde qui réussit à tromper son monde. Donc pas de question. Non... Le verre est reposé et la pipe portée à la bouche. A la place, elle tire une latte qu'elle envoie finalement droit sur lui, et qui le frappe de plein fouet. Le buste féminin se redresse, et les grises sérieuses de venir happer son regard, une fois de plus.

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Johannes
Se prendre de la fumée dans les yeux, c'est pas agréable, ça pique le blanc, les cornées rougissent. En plein dans le nez qu'elle lui a envoyé, tout cru, bien exprès. Ça ne fait pas beaucoup de bruit son geste, mais ça parle. Elle veut lui chatouiller son calme. Non pas gredine ! Il restera marmoréen comme une statue païenne sculptée en fèces de chèvres et vernie à l'or pur. Mais c'est pas évident de rester marmoréen quand on a les yeux qui piquent, et le blond réunit ses forces pour battre lentement des paupières, juste une bonne fois, et pas plus, une fois que la fumée s'est barrée plus loin. Sa taffe à lui, il la souffle sur le côté, bien exprès. Son menton, il le cale sur une paume.

Le blond repense aux vieilles contines de gosses.

Elle aussi, elle le fait décanter. Il n'a pas l'habitude, les gens ne le creusent pas et c'est tant mieux. Mais la danoise elle sent, trop regardante, et si elle sait renifler ça, c'est qu'elle a eu des affaires salées. Il l'aurait pas parié. Pendant qu'il pense il lâche rien sur la fixette, parce que lâcher maintenant ça serait plus grave qu'il y a quelques secondes. A se regarder en chiens de faïence, les deux avaient atteint un point de non-retour. C'était tordu, mais ils pigeaient. Les pipes rendaient ça pas respirable, mais il sentait qu'elle n'allait pas lâcher le morceau pour un remugle.

Le blond laisse percer une gueule d'amusement, pas évidente, mais les billes luisent davantage.
Il ressert.

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L. Carroll
Astana
On y voit que dalle, dans c'rade. Mais ça fait rien. Les prunelles charbon percent à coeur le brouillard et c'est suffisant. Et Astana de sentir une lente euphorie se distiller en ses veines. Intérieurement, ça cause beaucoup, c'est le tumulte des voix pernicieuses. Extérieurement, la danoise reste de marbre. Elle a tout son temps. Vraiment. Bien habituée à ce jeu qui consiste à pousser l'adversaire dans ses retranchements, à tirer sur la corde raide pour mieux éclater par la suite. Alors voilà, ils continuent à s'enluminer la trogne, dans l'attente qu'un des deux cède. Les lattes s'enchaînent et se ressemblent toutes, le chanvre étouffe les tensions dans leur berceau. Partis comme ils sont partis, ça risque de durer un sacré bout de temps. En réalité, dans ce jeu, ils sont quatre. Les blonds, et leurs égos respectifs.

La mine séditieuse l'emporte. La voilà qui lève discrètement son verre dans sa direction, les grises déterminées, et qui noie un sourire dans le pivois.
Elle lui cède au moins ça : un sourire avorté.

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Johannes
Singulier, de fixer un visage aussi longtemps. Ça donne le temps de s'attarder sur les machins qu'on aurait pas noté. Même si le vin et les pipes font tourner, ne pas tomber dans la grisaille. Ne pas se laisser avoir. C'est mignon le gris, c'est la couleur des ciels d'hiver, c'est aussi la couleur de la faucheuse qui te tombe sur la nuque. Le blond décale le menton sur sa paume, elle vient de lui offrir une demi-lune de sourire qu'a sombré dans le verre. Presque pas, mais quand même, il avance le museau vers la danoise.

T'as peut-être une gueule à tutoyer les anges, mais non.

Il le dit pas, mais c'est ça que ça veut dire. Ça lui râpe dans le gosier, il verse ce qui reste du foyer dans un verre vide, pose la pipe sur le côté, ramène senestre sous son menton. Il a posé son arme, maintenant il a les pattes libres. Et puis il fait un truc vicieux, ouvre le bec à peine pour prendre une respiration, donne l'air qu'il va causer, enfin, et referme net son clapet. C'est vrai qu'ils sont quatre avec leurs égos – mais ils sont pas bénis, parce qu'il sont gros les égos. Tout gonflés.

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L. Carroll
Astana
Té !

Le geste est tellement odieux et bien amené que ça lui en boucherait presque un coin. Lentement, elle retire la pipe de son logement pour poser un coude sur la planche. La danoise toise son compagnon de jeu, le calumet toujours en main, et reste figée ainsi quelques secondes, suivant le fil décousu de ses reflexions. S'il s'est improvisé maitre dans l'art de la feinte, faut avouer qu'elle est plutôt douée aussi. Du tout au tout. Les sourcils quasi blancs se froncent au dessus des mirettes grises, la mâchoire se crispe faussement, et elle esquisse un geste typiquement féminin : faire mine de croiser les bras. Manquerait plus que la lippe insolente en guise de moue et le tableau serait parfait. Sauf que non. Y'a pas de bras croisés, pas plus que cet air boudeur ne fait long feu. Au lieu de ça, Astana remonte les manches de son mantel jusqu'aux coudes. 'Fait sacrément chaud, en fait. La dextre passe ensuite sur sa nuque préalablement dégagée, avant de faire craquer cette dernière. Lors, c'est tout un visage qui s'illumine et retrouve de sa superbe.

« J'ai tout mon temps »

C'est ce qu'on peut en déduire. Ce qu'il manque ? Un foutu dossier pour y caller son dos.
Mais elle est pas pante, la danoise. Hors de question qu'elle bouge les quilles pour se trouver un siège. Autant rester debout.

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Johannes
Craquement de nuque, le blond analyse le geste en penchant son crâne sur le côté. Elle causera pas. La feinte a pas prise, c'est foutu de ce côté là. Belle paire de diables à se lorgner, ça doit être marrant à voir. Il y songe pas, c'est à son tour de répondre en silence, et puis il veut voir comment qu'elle tient la danoise. Elle s'est arrangé les nippes pour endurer dans le tête-à-tête, manches relevées comme préparée à semer des torgnoles. Elle est peut-être coriace, mais ça reste une femme. Il peut gêner une femme. Mieux, l'agacer.

La lueur amusée perce une dernière fois, bien nette. Alors elle veut jouer à ça ? Il redevient tout grave.

La bec immobile comme soudé, il descend les noires jusqu'aux genoux de la danoise, et les remontent pour juger de la viande. C'est plus dans les yeux qu'il la fixe, il a calé son point de fuite près de la nuque, là où elle peut pas trop savoir où il regarde. Et il reluque méchant, concentré sur un minuscule point de chair pâle, il borgne, il mate. Les sourcils dorés se relèvent un poil, comme pour souligner une appréciation toute personnelle. Bonne bête ça.

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L. Carroll
--Holopherne





Tout à coup, une ombre obscurcit le bouge qui ose se faire appeler "taverne" dont l'odeur nauséabonde flaire la clientèle peu regardante sur la qualité inférieure de l'endroit, donc une clientèle du genre d'Holopherne. Gaillards braillards, tord-boyau bon marché, boustifaille fruste et tenancière à la gorge pleine et à la cuisse légère. Voilà ce qui plait à notre Holopherne. Pas bien compliqué de le contenter, bordel!


Beuh non. T'cheu dalle. L'allure de cette taverne avait, semble-t-il, tromper notre gonze. À la place, qu'avons-nous là? Un couple beaux comme le jour et amoureux comme euh... des albatros? Et puis c'est pas tout! Une donzelle frêle et délicate, et un tenancier ramolli par cette dernière. Un peu plus, et cela sentirait la rose et la pivoine là-dedans. Holopherne se gratte le paquet, racle l'intérieur de sa narine avec un ongle crasseux et inspire profondément en inspectant les lieux de ses petits yeux enfoncés.


Ho! Là! Tavernier! J'ai grand'faim, et grand'soif par ce jour!

Se tapote le bide.

C'est quoi qu'on graille et qu'on pictanche ici-bas? J'ai trois sous et un rat mort dans ma besace, si tu peux le griller et me donner un godet bien secos avec ces trois sous, ce serait pas du luxe! Pis si y a une sauce avec, évite de la saler... J'préfère pas m'risquer à de mauvaises surprises...

Aussitôt dit, aussitôt déballer. Holopherne balance tout de go rongeur et ferraille sur le comptoir.
Astana
Là, elle a comme l'impression d'être prise pour un morceau de barbaque. C'est qu'il doit chercher un moyen de la décontenancer et de faire tomber le masque. Mais elle laisse faire, elle cille pas, et ne cherche pas à s'emmitoufler dans ses frusques. Mieux encore : la blonde se prend au jeu. S'il est sérieux, Astana le sera deux fois plus encore. Voir jusqu'où il peut aller comme ça. Faut accepter les règles quand on est joueur. Alors elle glisse deux doigts, l'air de rien, au creux de son cou. Là où la peau est plus fine que d'ordinaire ; plus sensible aussi. Ils effleurent brièvement l'endroit, pendant qu'elle guette une réaction de sa part, voir s'il a capté, suivi le mouvement, ou pas.

C'est retors, comme méthode. Carrément barré.
Pile tu gagnes, face tu perds.

Ça prend de la place, un égo démesuré. Sauf qu'une fois les crocs plantés dans quelque chose, difficile de lui faire lâcher prise, à la danoise. Une ultime gorgée de vin d'Ast vient abréger les souffrances d'une gorge déshydratée, sans lésiner sur la fixette. Puis y'a la lourde qui claque d'un coup. Dans un premier temps, pas un regard ne converge dans cette direction. Les mignons devaient en avoir ras le bol de la joute silencieuse, et basta. Sauf que non. Retentit une voix rauque - et avinée ? - qui lui échauffe les esgourdes. Le dilemne est de taille. C'est encore plus sérieux que sérieux. Flancher, ou pas ? Nenni ! Elle zieute pas le nouveau zig arrivé à ses cotés, non. La nordique préfère que le patron capitule en premier.

C'est pour le principe.

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