Une fois le sol dégagé de ses débris, Nwaarlunn laissa là son ouvrage, celui-ci ayant bien avancé.
Il passa dans la pièce commune de sa demeure, raviva le feu sous le chaudron noirci par l'usage et vérifia qu'il était bien empli d'eau.
Il alla se chercher des vêtures propres , plaça au centre de la pièce une grand baquet à moitié rempli d'eau et s'installa sur le porche, le temps que l'eau du chaudron se mettent à bouillir.
La rue était, comme à son habitude, calme, pas un passant, ceux-ci étant soit déjà rentrés en leurs chaumières, soit en taverne ou encore au travail.
Le soleil descendait déjà à l'horizon, les ombres s'allongeait, l'air était relativement doux en cette fin d'hiver.
Après un moment de rêverie, notre compère rentra et trouvant l'eau bouillante, la versa dans la bassine, se déshabilla et plongea avec délice dedans.
On ne pouvait dire qu'il était bel homme, trop maigre, sec comme un sarment de vigne, tout en longueur, même le membre viril ne compensait que très faiblement par la taille sa finesse.
S'il n'était beau, il avait un charme, pas de quoi faire tomber en pâmoison les garcellettes, mais quand même, il émanait de lui une forme d'élégance naturelle qui compensait la sécheresse du corps.
Une fois son bain pris, il se sécha devant le feu, l'eau faisait luire sa peau recuite par le dur labeur des champs sous le soleil, ses cheveux noirs ailes de corbeau, brillaient à la lueur de l'âtre.
Il frissonna, alla prendre chemise, braies et bottes et s'habilla calmement, il était rompu et ne savait encore si il allait passer à l'auberge ce soir.
Il se coupa une tranche de pain à l'aide de son grand couteau et se dirigea vers l'arrière de sa maison.
Un vieil arbre noueux, plus très beau, plus très vaillant mais bien assez encore pour lui faire de l'ombre dans les chaleurs de l'été lui servait de coin repos.
Il s'assit à son pied, appuya le dos sur le tronc et ferma légèrement les yeux en mastiquant son pain.
La température fraîchissait au fur et à mesure de l'arrivée du crépuscule.
C'était un moment que Nwaarlunn affectionnait particulièrement, moment de détente, de songerie ou de lecture.
Aujourd'hui, il passait et repassait en tête les diverses étapes qu'il aurait à traverser pour que la salle de fête soit telle qu'il l'imaginait.
Il avait le bois pour un beau plancher, les poutres pour la charpente et les murs, il lui faudrait réunir la paille pour le remplissage des murs et la chaume pour le toit.
Rien de bien difficile à trouver, ses champs lui fournissant tout ceci en abondance.
Fallait juste espérer qu'il avait suffisamment de bon bois sec.
Il en était là de ses pensées, lorsqu'il entendit le bêlement de ses moutons, étrange à cette heure, ils ont mangés et normalement devraient se tenir les uns contre les autres dans l'attente de la nuit.
Nwaarlunn se leva et se dirigea vers son champ situé à une trentaine de pied seulement, au passage , il ramassa un lourd et bon bâton.
C'est que voyez vous, des bandes de gueux sillonnaient de temps à autre la région, chassés de leurs villages par les famines et devenus des bêtes sauvages à force de sauvagerie, devenus prédateurs à force d'être chassés, devenus voraces à force d'entendre gémir leurs ventres creux.
C'est que voyez-vous, les temps n'étaient guère facile pour les mal-nés.
Notre ami arriva à la clôture et ne vit rien de suspect.
Mais qu'avait donc les bêtes ? Celles-ci s'étaient regroupées dans le coin est du pré, debout et faisant face au sud ouest.
Nwaarlunn regarda par là et ne vit rien, sinon, une tache noir dans les hautes herbes.
Un loup ? Peu probable, celui-ci se serait déjà retiré par peur de l'Homme.
Le patichon s'avança et vit alors qu'il s'agissait d'un chien, enfin, chien, si l'on peut dire cela de cet animal, maigre comme squelette sorti du tombeau, un poil noir, long et ébouriffé.
Les yeux de la bête luisait doucement dans la nuit tombante, mais d'une lueur qui ne semblait pas inamicale à notre paysan.
Nwaarlunn s'assit dans l'herbe à bonne distance, croisa les bras sur ses genoux et se mit à chanter doucement une berceuse venue de sa lointaine enfance.
L'animal dressa l'oreille, mais ne broncha pas, semblant simplement écouter et prendre plaisir à la douce voix humaine.
Il était relativement grand d'après se que put en voir Nwaarlunn, il devait quasiment arriver aux genoux, une fois levé.
On distinguait une tache claire sur son poitrail, le reste du pelage étant comme on l'a vu, noir, du même noir que les cheveux de Nwaar.
Celui-ci se leva, tout en continuant son doux chant et s'approcha, s'arrêtant à quelques pas de l'animal.
Il s'accroupit et sourit à la bête et , vous ne le croirez peut être pas, mais le chien sembla faire un rictus ressemblant très fort à un sourire.
Sa queue se mit même à frétiller doucement.
Homme et bête restèrent ainsi un long moment, puis le paysan se leva, tapa sur sa jambe et dis " Viens ! ".
Sans même vérifier si l'animal suivait, il rentra vers sa demeure, plantant à chaque pas son bâton dans la belle terre qui était la sienne.
Nwaarlunn rentra et s'assit devant l'âtre encore fumante, jeta une bûche qui s'enflamma aussitôt, et le chien vint, comme si il était là depuis toujours , se coucher devant le feu.