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[RP] The dark side of the moon

Gabrielle_blackney
(Traduction du titre : la face cachée de la lune – D’après les Pink Floyd évidemment)

[Remember, what happens in Vegas stays in Vegas.*]

Douleur. Souffrance. La tête prise dans un étau. Gabrielle est allongée, les yeux fermés et elle est réveillée par des coups de masse sur le crâne. Elle ne sent rien d’autre, fatiguée, le corps lourd, elle n’a pas envie d’ouvrir les yeux et de se lever. Elle gémit, pour que les coups s’arrêtent. En vain. Et ça pue. Ca pue le vomi, la pisse et le mauvais alcool. Pas l’odeur de sa chambre ça. Et son lit n’est pas aussi dur. Ouvrir les yeux, voilà ce qu’elle doit faire. Elle ouvre donc les paupières, avec quelques efforts. C’est flou. Mais Gabrielle ne s’inquiète pas, ça n’est pas la première cuite qu’elle prend, celle-ci est un juste un peu plus costaud que d’habitude. Une main vient frotter les yeux. Flou, toujours. Mais elle le sait, si elle reste immobile, les vapeurs d’alcool se dissiperont et tout sera plus clair.
Elle ne bouge pas donc. Mais c’est étrange, elle sent du bois sous ses mains. Tellement saoûle qu’elle n’a pas réussir à atteindre son lit. Pas la première fois non plus. Elle fixe le plafond.

Et m*erde ! Elle n’est pas dans sa chambre.
Gabrielle s’assoit d’un coup. Ce qui ne fait qu’accentuer son mal de crâne. Elle reste là, assise par terre, les jambes pliées, les yeux fermés et la tête entre les mains, juste le temps que ça se calme. Elle rouvre les yeux et baille.
Ses yeux fixent quelque chose d’inhabituelle. Sa chemise. Si elle est au bon endroit, ça n’est pas la sienne.
Et m*erde !
Le reste est là, ses braies, ses bottes. Son épée. S*hit** ! Son épée n’est pas là. Et ses écus ? Elle les planque toujours là où personne ne pensera à aller voir pour lui voler. Gabrielle se tâte et fouille. Et M… ! Manifestement, si, quelqu’un y a pensé.

Mais qu’est-ce qui s’est passé ? Gabrielle tente de rassembler ses souvenirs sur sa nuit. Rien. Un grand noir. Taverne de Traverse. Alcool. C’est tout ce qui lui revient. Ils sont allés ailleurs après. Ils devaient en tout cas. Pour jouer aux cartes. Mais impossible de se souvenir.
Elle regarde autour d’elle. Ca ressemble à une taverne de ramponneau mais pas tout à fait. Il n’y a pas de bar, juste des planches en bois posées sur des tonneaux. Il fait sombre aussi. Il fait nuit ? Non, Gabrielle n’aurait jamais dormi une journée entière. Non, il fait sombre parce qu’il n’y a pas de fenêtres, justes des lanternes dans lesquels des bougies achèvent de fondre.
Jamais vu cet endroit là de sa vie, pourtant, ça lui rappelle quelque chose.

La cale d’un bateau ! Gabrielle est dans la cale d’un bateau !
Elle se lève, tout tangue, et pas à cause des vagues. La chemise qu’elle porte menace de tomber aussi, bien trop grande pour son petit gabarit. La chemise d’un homme ? Gabrielle qu’as-tu fait de ta nuit ?
Elle n’en n’a pas la moindre idée et ressert les cordons. Mais la soirée a été agitée semble-t-il, des cadavres de bouteilles, des fonds de chope, des chaises renversées, des flaques de bière et d’autres choses.
Qu’est-ce que ça pue !
Gabrielle a besoin d’air frais. Elle avise l’échelle en bois qui monte vers le pont suppose-t-elle, elle avance et s’étale de tout son long. Ses pieds se sont pris dans quelque chose. Ou dans quelqu’un plutôt. Un corps qui a amorti sa chute et sur lequel elle se retrouve allongée. Une silhouette qu’elle connaît bien.


Mordric ?

*Souviens-toi, ce qui se passe à Vegas reste à Vegas – Sid Garner dans le film The Hangover. La paternité de cette phrase demeure néammoins floue et fait partie du langage quotidien américain.
**M*erde

_________________
Mordric
[Une étrange mélodie qui résonne dans sa tête...]

Un arbre.
Il était devenu un arbre. Rien d'autre ne pouvait offrir à son esprit une explication aussi suffisante que celle là.
S'il sentait la dureté du bois sous sa joue, c'était parce qu'elle était devenue écorce.
S'il ne pouvait faire un seul mouvement, c'était parce que son corps s'était pétrifié en un tronc droit.
S'il se sentait tanguer, c'était parce que le vent faisait vaciller ses branches.
S'il entendait cette musique dans sa tête, c'était parce qu'un oiseau sifflait, perché sur sa cime.

À aucun moment le Chapeauté ne pouvait se rendre compte qu'il était ivre mort, allongé à fond de cale d'un bateau secoué par le rouli, la tête encore remplie de cet air entendu au cours de la nuit.
Non tout ça, il n'en avait pas conscience.
À cet instant il était simplement devenu un arbre. Un fier et puissant chêne qui se tenait immobile, contemplant la vie s'écouler autour de lui.
Il était fermement ancré dans le sol et rien ne pouvait le déraciner, non, rien ne pouvait troubler son immobilisme.
Bouger aurait été douloureux et comme il était un arbre, il ne pouvait pas le faire. C'était parfait.

Pourtant, à cet instant, sa paix fut troublée... Quelque chose de lourd tomba sur lui. Un bûcheron ? Quelqu'un voulait donc le faire choir ?
Quelqu'un qui en tout cas prononçait un nom qui ne lui était pas tout à fait inconnu. Mordric... Un prénom qui sonnait étrangement à son oreille...

Soudain, il reprit conscience de la réalité. Il n'était pas un arbre, il tenait simplement une belle cuite. La plus belle qu'il n'ait jamais connu même. Lentement il ouvrit les yeux, pour contempler une Blackney couchée sur lui.


Humpf... Drôle de Bûcheron...

Un regard autour d'eux, sans comprendre où ils étaient. Son crâne le faisait atrocement souffrir alors même qu'il n'avait fait que bouger les yeux.

On est où ? On a fait quoi ?

Doucement, il essaya de détailler l'endroit, lorsqu'il prit conscience que sous son mantel il ne portait plus de chemise et que ses pieds étaient nus. Mais qu'est ce que tout ça pouvait bien vouloir dire. Il n'avait presque aucun souvenirs de la nuit passée. Si ce n'est le sentiment d'avoir vidé les fûts de toutes les tavernes de la ville...

Et pourquoi je n'ai ni chemise, ni bottes ?
_________________
Gabrielle_blackney
[Dans le port de Saïgon
Est une jonque chinoise
Mystérieuse et sournoise
Dont on ne sait pas le nom*]


Mordric ? Mordric !
Il n’a pas l’air bien frais non plus. Et pourquoi parle-t-il de bûcheron ? Il doit être encore plus ivre qu’elle.
En attendant, Gabrielle est allongée sur lui et… Bloody Hell**, il ne porte pas de chemise ! Et elle est collée contre lui, avec ses mains qui…. Peu importe ! Elle lui sourit néammoins et le salue.


Bien le bonjour Mordric !


Puis elle se relève, le plus souplement possible vu son état, se plante au dessus de lui et le secoue du bout de sa botte.

J’aurais adoré rester langoureusement allongée contre toi, mais il faut qu’on sorte d’ici. Et ça serait pas mal qu’on retrouve tes bottes avant. Pour ta chemise… Je ne sais pas si celle que je porte est à toi, mais, même si c’est le cas, je la garde.

Gabrielle le regarde. Serait-il possible que ? La jeune femme chasse vite cette idée, là n’est pas la préoccupation du moment. Pour l’instant, il faut que Mordric soit capable de se tenir debout, qu’il récupère ses bottes qui sont Aristote seul sait où et qu’ils sortent de cette cale. Si elle ne prend pas vite une bonne bouffée d’air frais, Gabrielle a bien peur de ne pas retenir très longtemps le contenu de son estomac. Maudites nausées ! Elle ne se souvient pas de sa nuit, mais elle est prête à parier que toutes les tavernes de la ville sont à sec à cause d’elle. Quelle idée de boire autant ! Et surtout, pourquoi boire autant ? Ah oui, ça lui revient. Un manque à combler. Maudit Normand !

Elle passe ses mains sur son visage. Désaoûler maintenant,vite, se remettre les idées claires. Elle tente de se souvenir. Quelques flashs lui reviennent. Mais rien de bien différent d’une soirée en taverne ordinaire. Elle n’arrive pas à fixer les images assez longtemps dans son esprit pour reconstituer le fil de sa nuit.
Et ça tangue, il lui faut de l’air.
Elle regarde Mordric, un peu pâle, et se dirige vers l’échelle. Mais son estomac se révolte, avant qu’elle ne l’atteigne, et vient répandre ce qu’il contient à ses pieds, éclaboussant ses bottes. Gabrielle grimace et soupire. Elle tenait mieux l’alcool avant, elle ne vomissait jamais, elle n’est pourtant pas si vieille qu’elle ne puisse plus supporter une nuit d’excès.


Je t’attends sur le pont, je dois vraiment m’aérer…

Ce que Gabrielle ne lui dit pas c’est qu’elle s’inquiète d’une chose. Elle tente de gagner le pont pour en avoir le cœur net. Enfin ! De l’air ! Gabrielle respire à fond, essayant de calmer ses crampes abdominales, elle plisse les yeux sous le soleil du sud et tente de se rassurer.

Pourvu que le bateau soit encore à quai, s’il vous plait, faites que nous ne voguions pas vers le large…


*Jacques Dutronc
**Interjection intraduisible purement britannique mais dans ce contexte c’est plus ou moins l’équivalent de «bordel de m*erde »

_________________
Mordric
[You spin my head right round, right round
When you go down, when you go down down*]


Un visage d'ange défraîchi le regardait.
La situation aurait pu être plaisante si l'on retirait l'odeur infecte, le mal de crâne, le plancher collant et l'impression que la nuit lui avait coûté cher.
Une fois débarrassé du poids de la jeune Blackney, il se redressa, s'asseyant avec la désagréable sensation que sa tête n'allait pas tenir tant elle était alourdie par la douleur.


Humpff...

Grognement étouffé alors que la cale dansait autour de lui, l'espace d'un instant tout devint flou et son mal de crâne s'intensifia. Que s'était -il donc passé cette nuit ? Ce n'était pas une simple cuite. Même s'ils avaient vidé toutes les tavernes de la nuit, ça ne pulserait pas comme ça dans son crâne. Non, pas possible... Il y avait autre chose. Il en était sûr.
Fermant les yeux il essayait de se souvenir, se rappeler.
Quelques images traversaient son esprit sans qu'il ne put vraiment les fixer assez longtemps pour comprendre. Seule, celle d'un corps féminin dénudé retint assez longtemps son attention. Gabrielle ? Nue ? Non... Sûrement pas. Pas le moment de penser à ça.

Imbécilement, il secoua la tête violemment pour chasser cette idée, déclenchant une explosion derrière ses yeux, au moment même ou sa comparse rendait ses tripes derrière lui.

Je t’attends sur le pont, je dois vraiment m’aérer…

Fais... Vis ta vie... Moi je vais décéder gentiment ici.

Les yeux clos, le coeur au bord des lèvres, il se concentrait pour ne pas hurler sa douleur. Pour ne pas vomir sa nuit.
Il s’efforçait de respirer lentement, de faire le point.


Mes bottes. Me faut mes bottes.

Lentement il entrouvrit les yeux, balayant la cale, à la recherche du carmin de ses fameuses chaussures. Rien... Aucune trace de ce qui lui appartenait.

Et m.erde.

Grognant, après quelques secondes d'hésitation, il entreprit de se lever, priant un Dieu a qui il avait tourné le dos depuis longtemps pour que la douleur cesse vite. Et comme les salopards sont vite exaucés, il parvint à se tenir debout sans trop de difficultés.
D'un pas mal assuré, il se dirigea alors l'échelle, évitant au passage la flaque laissée par Gabrielle et pieds nus, gagna le pont, les yeux à moitié clos pour accueillir la lumière du jour. Quelques secondes plus tard, respirant l'iode à pleins poumons, l'esprit à peine plus clair il se tenait debout, au côté de Gabrielle, la touchant presque.


Bon, au moins on est encore à Montpellier. Mais tu as une idée de ce qu'on a pu foutre cette nuit ?

Je n'ai plus de chemise, de bottes, de bourse et regarde l'état de mon chapeau. On croirait que quelqu'un a essayer de le bouffer.

Et d'illustrer son propos en lui montrant le galurin, a moitié mâchouillé qu'il venait de ramasser sur le pont du navire.
Et de jeter un coup d'oeil sur la chemise que portait Gabrielle.


Au moins, je sais où est ma chemise...


*Right Round (Histoire de coller au thème).
Trad : Tu me fais tourner la tête, quand tu descends, quand tu descends plus bas. (Très approximatif).

_________________
Gabrielle_blackney
[But I had
A taste of you
Unfamiliar
Surroundings
Left me wanting
Something new
Physical
Ain't even my type
But you're one
Of a kind*]


Gabrielle lâche un soupir de soulagement. Ils sont encore à quai. Et il lui semble bien reconnaître le port de Montpellier.
Une bonne chose déjà. Si seulement ca pouvait arrêter de cogner aussi fort dans sa tête, et si son estomac voulait bien se faire oublier, ça serait presqu’un lendemain de cuite normal. Et puis ce noir dans son esprit. Gabrielle ferme les yeux pour tenter de se souvenir. Des bouteilles. Flash. Des rires. Flash. Des visages inconnus. Flash. Une ruelle. Flash. De la musique. Flash. Des cartes. Flash. Mordric qui enlève sa chemise. Flash. Elle debout sur une table. Flash. Un… Hey ! Retour en arrière. Mordric qui enlève sa chemise ?
Elle se souvient d’autre chose aussi. Pas quelquechose de bien dramatique en soi, même si la morale aristotélicienne trouverait sûrement à redire au fait qu’une langue se soit fourrée dans sa bouche. Mais par contre, elle est bien incapable de savoir à qui appartient cette langue. Elle n’a que le souvenir de la sensation et d’une haleine alcoolisée.
Elle rouvre les yeux en soupirant. Et son estomac qui vrille et se tord. Elle répond à la question de Mordric qui est arrivé à ses côtés.

Non, aucune idée… Vraiment aucune.

Elle jette un œil au chapeau. Elle ne peut s’empêcher de sourire en voyant les traces de dents. C’est toujours rassurant de savoir qu’ils ne sont pas les seuls à avoir passé une nuit agitée. Rassurant ou pas ceci dit si on y pense.

Au moins, je sais où est ma chemise...


Et m*erde ! Elle regarde Mordric. Sérieusement ? Sa chemise ? Elle vérifie que la sienne n’est pas en dessous, des fois que son taux d’alcoolémie lui ait fait rater ce détail. Mais non. Dessous, elle ne porte rien. Gabrielle ne sait pas comment ni pourquoi mais elle est maintenant certaine d’une chose. Non, de deux choses. La première c’est que ses seins ne sont plus un mystère pour un nombre inconnu de personnes tout aussi inconnues.. La deuxième c’est qu’elle préfèrerait crever sous la torture que de raconter à Enzo cette nuit passée.
Elle se fait aussi la promesse de ne plus jamais boire autant. Plus jamais. Promesse d’alcoolique ou pas, ça sera à voir.
Nouveau regard. Et un ton faussement détaché.


Je ne veux même pas savoir comment cette chemise est passée de ton corps au mien. Bon, on débarque ou tu cherches encore tes bottes ?

Gabrielle jette un regard circulaire autour d’elle.
C’est bizarre quand même… On dirait qu’il n’y a personne. Ils sont passés où les autres ?


Hep vous ! Vous deux là !


Gabrielle se retourne et instinctivement s’accroche à Mordric, une main venant s’agripper au mantel. Elle cherche d’où vient la voix et regarde l’homme à laquelle elle appartient s’approcher. Elle murmure :


Je crois que tu viens de retrouver tes bottes…


*Mais j’ai eu
Un goût de toi
Inhabituel
L'environnement
M'a fait vouloir
Quelque chose de nouveau
Physiquement
Tu n'es même pas mon type
Mais tu es
Unique en ton genre
(Amy Winehouse)

_________________
--Wolf_le_ventre_a_rhum


[Il y a des jours où vous pensez avoir de la chance...]

... puis le lendemain vous le regrettez.

C'est un peu ce qu'il se passa dans le cas de ce vieux briscard de Wolf. Wolf l'édenté, dit ventre à rhum au grand coeur, pour être plus précis. S'il était marin ? un peu mon n'veu ! Et pas qu'un peu. Des choses curieuses, il en avait vu défiler sous ses yeux toute sa vie. Pour sûr qu'il en avait de l'expérience, celui-là. Et qu'il connaissait des histoires à dormir debout, autant qu'à vous hérisser le poil. Mais il les réservait pour les grandes occasions ; aussi était-il ardu d'assister à l'un de ces contes... puisqu'ayant tout vu ou presque, il ne trouvait plus que les occasions étaient exceptionnelles. Certains disaient même qu'il avait été pirate dans une autre vie, mais ça, c'était une autre histoire. Wolf l'édenté dit ventre à rhum au grand coeur n'était pas totalement barge... et il était parfaitement conscient que s'il ouvrait trop la bouche, on finirait par le jeter par dessus bord un beau jour. Il se contentait donc de faire profiter les privilégiés de son expérience faussée, une main sur son tricorne, l'autre accrochée à une bouteille de tort-boyaux. Jusqu'à cette nuit-là. La veille.

Alors qu'il était de garde sur le pont pendant que les matelots se saoulaient en ville, un raffut du diable s'était fait entendre dans la cale. Il était donc parti jeter un coup d'oeil là-bas, convaincu qu'un mousse était rentré beurré… ou bien qu'un de ces rats énormes - vous n'imaginez pas leur taille - creusait encore son trou dans les sacs de provision. Mais nenni. Au lieu de ça, un étrange couple chahutait en lançant des élucubrations bizarres. Qui disait couple impliquait femme, et… oh morbleu ! Mauvaise idée. Très mauvaise idée. Une femme sur le bâtiment ! Ça portait malheur, ces machins-là. Nul n'est censé ignorer que les marins - de même que les pirates, corsaires et autres écumeurs du large - sont très portés sur la superstition. Et v'la qu'ils avaient entamé son stock de rack, en plus ! La boisson c'était sacré. L'équipage pouvait manquer de nourriture... mais de rhum ?! Jamais ! C'en était suivie une négociation houleuse, ponctuée par des menaces concernant les dieux des sept mers et l'équipage sanguinaire qui les égorgeraient vifs s'ils ne mettaient pas les voiles rapidement. Puis finalement, un compromis :


- « Yarr, donne moi tes belles bottes marin d'eau douce ! et j'vous laisse cuver ici »

Plus qu'un compromis, il s'agissait surtout d'une arnaque en bonne et due forme. Tant pis si le bâtiment portait désormais la marque de la malédiction pour avoir laissé une donzelle à bord : il avait de nouvelles bottes ! Et ça, ça valait bien l'enfer et la damnation. Rappel de couleur : le rouge. Il était donc reparti, les bottes sous le bras. Et ce matin... en voulant essayer celles qui deviendraient ses fidèles esclaves, il s'était avéré qu'elles étaient trop petites. Ni une ni deux, Wolf l'édenté était parti à leur recherche, les Rouges chaussées, le pas lourd et la démarche aussi à l'aise qu'un noble à qui on aurait collé une torgnole. Il les trouva sur le pont.

- « Hep vous ! Vous deux là ! »

Il cracha à terre avant d'avaler une goulée supplémentaire de rhum. Puis adressa un regard torve à Mordric en faisant claquer le talon des bottes sur le bois.

- « Ecrevisse de rempart ! Z'avez sabordé mes plans d'avenir ! Yarr ! ... vos bot' sont point à mi taille. Comprenez ? »

Il leva un index crochu dans sa direction, puis vint perdre celui-ci dans sa barbe clairsemée et jaunie à certains endroits.

- « C'est qu'va falloir trouver une compensation... autr'ment… vous goût'rez au chat à neuf têtes !* Vous »

Les bottes, ou la vie ? Puis, il glissa un retard luisant sur Gabrielle. Et la grand voile de monter immédiatement**. Ah ! C'est qu'elle était bien mieux formée à la lumière du jour qu'dans l'fond d'une cale à la lueur de bougies en fin de vie. Il sortit son arme fatale : un sourire édenté des plus vicieux. Et se mit de fait à imaginer quelles sublimes formes pouvaient bien se cacher sous cette chemise... d'homme.

- « J'avions dis d'vous faire discrète ! Non point d'vous travestir. Z'avez des formes qu'vous pourriez point planquer. Kr kr kr »

Le rire gras, limite salace... tout Wolf l'édenté, ça. Et le bois-sans-soif d'écluser une nouvelle rasade, ne loupant pas un rot des plus ignobles.

*Fouet servant à châtier **En gros : subir une forte poussée d'attirance physique pour une femme
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