"Au regard du profil, qu'un petit habitant, lui faisait sous le nombril."
Renan Luce - La lettre.
Des lettres, des lettres, à n'en faire plus que cela de la journée. Les plus longues, destinées à Elisabeth. Les plus douces, destinées à Maureen. Et les autres, à Aubanne et à Désirée. Le point commun entre toutes ces femmes ? Chacune avait un petit habitant qui lui faisait sous le nombril. On pouvait dire que les situations entre Maureen-Elisabeth et Aubanne-Désirée avaient quelque chose de plutôt proches, bien que pas tout à fait similaires.
A votre Magnifiquence, mon aimé, mon Gautier.
De votre Reyne capricieuse.
Je ne peux que te donner raison, je suis étonnée, surprise, voir même colère. Je ne pensais pas un jour avoir a t'écrire une lettre et surtout pas alors que je suis enceinte. Tu me demande de ne pas voir ceci comme une trahison... Mais n'avais tu pas juré de ne jamais nous séparer ? Ne m'avais tu pas juré de ne jamais me laisser seule ? De ne pas m'abandonner ?
Alors soit, je ne vois pas ça comme une trahison... Mais plus comme un abandon. Je t'en veux. Je t'en veux d'être partit, de m'avoir laissée toute seule, encore. Je t'en veux énormément, même si je t'aime. J'aurais aimé pouvoir au moins te dire au revoir et me préparer a ton départ.
Quand a ta liberté, moi j'ai mis la mienne entre parenthèse pour être avec toi. Na!
Merci pour ce poème, finalement je t'en veux un peu moins... Tu me manque, dis moi ou tu es...
A toi, toute a toi !
M.
Ma Reyne,
Non, tout cela n'a aucun rapport. Vois plutôt mon "abandon" comme une simple balade. Et puis je ne t'ai pas abandonné puisque je t'ai laissé Acelin. D'ailleurs tu as du remarquer combien il peut se montrer collant et protecteur ? Je lui ai ordonné de ne pas te lâcher d'une semelle. Je m'en voudrais s'il t'arrivait malheur.
J'avais besoin de me rendre en Savoie pour une affaire avec l'ambassade. J'en profite en même temps pour étudier les lois Lotharingie. Si je suis parti sans te dire au revoir c'est pour deux raisons. La première, je ne t'ai pas vu. La seconde, tu aurais insisté pour partir avec moi. Et j'avais envie d'être seul. Seul pour la première fois depuis des mois. Ce qui ne signe absolument pas une trahison ni un manque d'amour. Je dirais même tu me manques et je n'ai pas su quoi serrer dans mes bras, cette nuit.
Et pour ton absence de liberté, tu te l'infliges toute seule, Mau. En plus ce n'est pas tout à fait vrai, étant donné que ces derniers temps, c'est moi qui t'ai suivi jusque chez toi, dans ta famille. En fait pourquoi dis tu que je t'ai encore laissé seule ? Ce n'était jamais arrivé, si ?
Le poème, c'est à moi de te remercier. Et sincèrement. J'ai essayé à nombreuses reprises de m'y remettre mais j'étais bloqué. J'aime beaucoup la poésie.
Ne fais pas de bêtise.
Je t'aime.
Gautier.
PS : Finalement je suis heureux de t'écrire à nouveau. J'ai encore quelques souvenirs de la dernière fois... Nous étions en Savoie.
Votre Magnifiquence,
Aucun rapport ? Et bien en moi, tout à un rapport. Acelin me colle tellement qu'il me fait peur... je ne peux aller nulle part sans qu'il soit coller a mes bottes. Comme si je pouvais mourrir a tout moment, j'ose espérer que tu ne lui a pas ordonné de tuer tout les types qui oserait m'approcher... Je m'ennuie comme un rat mort ici moi... Sans toi rien est interessant, Papa est partie avec les autres... Genève est un désert, il n'y a que Désirée.
Etudie bien alors, moi je couds... Je crois que je ne suis pas trop mauvaise, peut être tricoterais je, pour le bébé tu sais. Je demanderais a la dame de l'auberge de m'apprendre.
Tu vois tu le dis toi même tu ne veux pas de moi a tes cotés, et tu t'étonne que je me sente abandonnée. Tu es vilain de m'infliger ça... Et tu n'as pas sue quoi serrer dans tes bras ? Il doit bien y avoir une ou deux belle femmes a Annecy, aucune ne ronchonnerait a te rejoindre la nuit.
Si, tu oublie tes voyages à Paris pour les Dragons.
Je ne fais jamais de bêtise.
Je t'aime mais je t'en veux, dis moi quand tu rentre.
Tu me manque...
Ta Reyne
MdlL
Ma Reyne,
Tu es très perspicace ! Tu as tout de suite deviné ce que j'avais ordonné à Acelin ! Mais tu sais, même si tu n'as pas d'homme sous tes ordres pour me surveiller et pour tuer toutes les femmes qui m'approcheraient ou que j'approcherais, ce n'est pas pour cette raison que je vais combler quoi que ce soit par une autre que toi. J'espère que tu me fais au moins assez confiance pour croire cela.
Il me fallait juste un peu d'air, Genève peut se montrer oppressante. Il y a du monde par ici. Mais au final, c'était idiot car sans la perspective de t'y croiser, je ne me rends même pas en taverne. Je vais rentrer, j'ai trouvé les livres de lois et je les emmène avec moi. C'est drôle de parler de "rentrer" à Genève, qui n'est pas chez moi. Je m'y sens sans doute mieux qu'ailleurs. Tu salueras Désirée pour moi ?
J'ai vraiment envie de me dégourdir les jambes, de chevaucher, de changer un peu d'environnement, de passer l'été au bord de la Méditerranée. J'en profiterai pour rembourser de l'argent que je dois à un Blackney. Et puis je crois que c'est mieux pour nous trois, d'aller respirer autre chose.
Fais attention à toi,
Gautier.
Et oui, les pigeons volaient bien entre les deux zigotos. Maintenant au tour des grands voyageurs.
Aubanne, Vero, Florian, Thorvald, Sembre et tous ceux qui ont dépeuplé Genève,
J'espère que vous allez tous bien et que les nuages porteurs de chagrins vous épargnent. J'ai promis à Aubanne de lui écrire donc je prends plume. Flo ne doit certainement pas avoir le mal de mer. Il est peut être un peu pleurnichard mais je suis certain qu'il est quand même costaud !
De notre côté, tout se passe bien. Genève est vraiment très vide sans vous, j'espère qu'on en partira rapidement. Nous nous rendrons certainement en Provence avec Maureen, Prunille, son curé et Désirée avec Artur, si elle le souhaite.
En tous cas, ne vous inquiétez pas, je veille sur elles.
Avec ce temps, le voyage doit être bien agréable. Je ne sais pas si je pourrais rester bloqué sur un bateau des semaines durant mais il est certain que prendre le large me plairait bien. Surtout profitez bien de l'Espagne et contemplez l'art de la sieste.
Je ne sais pas quand nous nous reverrons mais portez vous bien d'ici là.
Gautier.