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[RP] Si mon âme avait un nom…

Odenaiss
… elle s’appellerait Tourmente.


    [ Quelque part en Alençon - une âme troublée ]

D’une rumeur était née l’envie. Une envie qui avait germée au fond de son esprit après qu’elle eut surpris une conversation près d’une arche sombre alors qu’elle errait dans les venelles alençonnaises pour se distraire d’un mal-être oppressant. Et elle l’avait cherché longtemps le fameux bouge. Celui qui d’après certains « on dit », se cache encore, comme honteuse de son existence, tenant à l’abri de bien des regards un de ces lieu clandestin proposant quelques paradis artificiels et susceptibles de répondre à ses vices nouveaux… De ces vices qui permettent d’oublier les maux de l‘esprits qui assaille, des maux que l‘on pense résorbés, que l‘on croit oubliés, mais qui ressurgissent, incontrôlables…

A première vue, rien ne laissait deviner que l’on puisse découvrir quelconque trésor derrière ces murs. Il n’y paraissait rien de plus au vu de la sobre façade que l’établissement offrait, qu’une banale auberge parmi tant d’autres.
La porte de cette dernière s’était alors ouverte sur un genre de tripot mal famé et l’ombre qu’elle était, et qui n’avait fait que se fondre dans la masse des badauds arpentant la ruelle, s’y était glissée sans même se soucier de savoir si on l’y avait vu pénétrer.
Les deux pieds dans l‘établissement, elle fit quelques pas rejoignant le comptoir sur lequel elle se pencha légèrement échangeant quelques fugaces paroles, et ce avant de tirer un tabouret et de s’y abandonner. Dans l’attente de voir venir à elle ce dont elle avait fait demande, le regard court les tables, dévisage les occupants. Les doigts, quant à eux, tapotent dans un geste devenu nerveux, le plan du comptoir.
La patience ce soir n’est pas de mise. Elle a soif du juste, du subtil et du puissant*. De ce qui, au cœur du pauvre comme du riche, pour les blessures qui ne se cicatriseront jamais et pour les angoisses qui induisent l’esprit en rébellion, apportes un baume adoucissant.
Ce soir encore l’ivresse sera sa meilleure amie.

Et pour commencer, les lèvres viennent embrasser les pourtours d’un verre à vin corolle avant de s’imbiber d’un blanc liquoreux.
Et le verre se pose pour répondre à la venue d’un homme dont la face reste cachée tandis que ses mains s’affairent à libérer l’escarcelle qui pend à sa ceinture et de l’abandonner dans le creux d’une main qui se tend derrière le comptoir.



" Si du rêves tu veux avoir… paie ! "
" C’est par là… Suivez-moi "


Et la Brune de s’exécuter, se retournant une dernière fois sur l’homme du comptoir qui déjà s’occupe à répondre à d’autres demandes et de suivre le chemin qu’on l’invite à prendre.
Après une traversée de la salle, ils avaient rejoint une porte qui s’était ouverte sur un long corridor à peine éclairé. Derrière eux, la porte refermée, on pouvait encore entendre s’élever les voix et les rires des habitués qui progressivement, au fur et à mesure qu’elle s’enfonçait dans la profondeur du couloir, disparaissaient.
Arrivée au bout de ce dernier, elle avait eu cette étrange sensation de descendre, comme si les caves de l’établissement allaient être refuge à l’ivresse de ses songes. Et sur sa fin, venait se dresser devant eux un épais rideau fait de rouge et d’or. La main de l’accompagnateur repoussa d’un revers cette porte imaginaire et invita d’un geste gracieux la Brune à pénétrer les lieux et pendant qu’elle s’y engouffrait, une odeur d’opiacé venait déjà à sa rencontre. Elle continue d’avancer. Soudain son regard se porte sur un homme qui se trouve penché au dessus d’une lampe, allumant une pipe longue et fine. A son tour elle s’abandonne sur l’épaisseur soyeuse d’un matelas.



    Opium.
    Ô douce ivresse,
    divine paresse,
    fait moi oublier,
    même pour un instant
    ces enfers qui ont fait ma vie
    et mène moi aux portes de ton paradis.




* citation reprise à Ch. Baudelaire
Odenaiss
[... Pauvre Muse, hélas ! Qu'as-tu donc ce matin ?
Tes yeux creux sont peuplés de visions nocturnes,
Et je vois tour à tour réfléchis sur ton teint
La folie et l’horreur, froides et taciturnes. * ]


Son corps étendu là, elle s'enivre des effluves opiacés, effluves d'extase éternelles embaumées. A ses côtés, deux êtres en proie à un état de stupeur mortelle.
A son tour d'aspirer avec force sur le tuyau d'une pipe qu'une silhouette aux courbes filiformes s'était empressée venir allumer. Elle tire de longues bouffées épaisses, protégeant de sa frêle main le fourneau et ravive une lueur rougeâtre qui se reflète sur son visage et laisse voir les traits tirés qui l'accable. Brièvement son regard était venu se perdre dans celui de la donzelle venue s'installer près d'elle et dont le bras, doucement, fendait l'air, armé d'un éventail.
Elle s'installe sur le dos, avec en tête l'ombre de ses songes qui s'insinue et se déroule en pensées au plafond et ce avant de fermer les yeux.

Ô bonnes heures de sommeil ! Comme elle les aimait, tant elles avaient matière à lui faire oublier, ne serait ce qu'un instant les mauvais souvenirs d'une vie passée... Comme elles savaient tout autant la reposer de ses dernières nuits blanches et du martyr de son attente. Et qu'attendait-elle au juste ? Que ses craintes funestes l'abandonnent. Qu'enfin, elle puisse chasser ces vieux fantômes qui la hantent depuis toutes ces années. Vivre de meilleurs lendemains sans se faire bouffer par cette crainte qui la ronge.

Venant ici, elle sait l'exutoire fugace et que cette mort heureuse dans laquelle elle semble déjà s'abimer lui échappera bien vite et la ramènera aux dures réalités de la vie.
Et quelles réalités pour vouloir ainsi se laisser aller au poison qui s'insinue ?

Celle d'une enfance douloureuse marquée par l'absence d'une mère, les violences d'un père à l'alcool mauvais et que le trop plein d'excès aura emporté. Oublier les années passées au sein d'un couvent et la noirceur humaine qui l'aura entourée. Une histoire somme toute banale dans sa cruauté. Celle de la chute d'un agneau entre les griffes acérées d'un vieux loup, et dont l'existence semblait encore et toujours la hanter, menaçant la mordre un grand coup.
L'agneau avait fuit. Traque avait été lancée. Longtemps les menaces avaient persisté. Puis le silence. Quelques rumeurs courraient que l'investigateur de la chasse avait rendu l'âme. Mais n'étais-ce pas là dans l'unique but de la tromper ?
Quoi qu'il en soit, l'ombre de son tortionnaire planait encore au dessus d'elle... Lui... ses sbires... Son enfer...



*Ch. Baudelaire : Les Fleurs du Mal - La Muse Malade
Odenaiss
Une autre. Une dernière de ces bouffées de volupté qui doucement la font sombrer davantage.
Une fois encore, elle aspire une longue bouffée, ne rejetant la fumée qu'après avoir reposé la pipe sur le plateau et appuyé sa tête sur l'oreiller, et à mesure que les vapeurs d'opiacés qui planaient et qui la remplissait l'emportait, une pâleur surprenante altérait son visage et creusait ses traits.


    Ô drogue divine, toi seule sait suffire à apaiser ma douleur, plus fort que l'ambre d'une liqueur d'Écosse, qu'un rubis tiré du fruit des vignes et de la main des hommes...


Elle plonge dans les abyme de l'oubli.

Oublier la noirceur humaine... Oublier ce passé maudit et se laisser aller en paix à se faire tuer doucement par ces tendres poisons. S'enivrer jusqu'à crever et ne plus jamais avoir à songer au déviances de cet homme qui se complaisait dans une vie dissolue et dans ses vices au milieu d'une petite cours d'amis qui cultivaient l'art de jouir en toute impunité de leurs délires.

Oublier ses 14 ans, sa fraîcheur candide déjà porteuse d'appâts féminins trahissant son âge nubile et ces innombrables soirées entre amis. Soirées... Un terme bien poli pour désigner en réalité des débauches orgiaques ou aucun tabou ne semblait pouvoir exister.

Oublier les interminables années, l'innocence et sa candeur arrachées.
Oublier sa rancoeur quant à son insouciance volée...


Mais la mort est encore loin, pas encore prête à l'emporter. Sur le plafond qui se dérobe, elle ouvre les yeux, tourne légèrement la tête et fixe cette silhouette qui se dessine près d'elle. Elle la regarde ? Non. Elle ne fait que regardait en sa direction. Elle regarde en son travers, comme un fantôme.

Pour un temps son âme tourmentée s'en est allée.
Pour un temps...
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