Afficher le menu
Information and comments (0)
<<   <   1, 2   >>

[RP] Que venez-vous faire dans cette galère ?

Morelius
[Elle ma Nîmes]

Bien content tout de même que son rêve n'ait été que le fruit de son imagination débridée, Morelius partit dès l'aube à la recherche de Theolenn qui n'était déjà plus à l'auberge. Aurait-elle passée la nuit dehors ?

Étrange cité ruinée que cette Nîmes, où les pavés disjoints et les colonnes étêtées racontaient l'interminable agonie de l'Empire des Romains. Ici, une colonne effondrée, là, une inscription latine à moitié effacée, et partout des pierres et des gravures. Parfois une borne descellée rappelait quel ordre et quelle paix régnaient quand Rome gouvernait et que les barbares tremblaient sous sa tutelle. Et parfois, une dédicace effacée qui disait quel consul et quelle légion avait séjourné en ces lieux et gardé les chemins du commerce et de la civilisation.

Etiam periere ruinæ, les ruines elles-mêmes ont péri.

Il était tant d'approcher de nouveaux horizons. Demain ils reprendraient la route... enfin, s'il la retrouvait avant l'aube !

_________________
Theolenn
[Etape]

La Grande Bleue ce matin d'avril était grise
La terre et les cieux, ombres diffuses, en fondu
Oeuvraient au plaisir des promeneurs tourmentés
Un loup trempé et une mouette fatiguée s'épuisent
Glissent sur la poussière des chemins d'eau repus
Puis trouvent un abri dans une taverne du comté

Tandis que les yeux fermés, au repos, il pense
Elle goûte au délice d'un pain perdu retrouvé
Il émerge, elle lui sourit et d’une poire avance
Une lamelle de ce fruit joliment découpé

Madame la Tramontane, Messire Mistral
Il va vous falloir fourbir d'autres armes
Tous les nuages pluvieux que vous mettez au bal
Ne font qu'amplifier de l'aventure le charme


Petit bout de papier qu'elle plie en quatre et qu'elle ajoute au premier.
Mais le fond de sa poche est… vide!

_________________
Morelius
[Mon pellier est décousu...]

Dans la grisaille brumeuse de ce triste jour de printemps, le calme venteux des campagnes languedociennes a laissé la place aux mille bruits d'un immense travail. Les quais du port de Montpellier, dégagés par l'eau calmée par les digues paraissent plus allongés vers le ventre des grosses barcasses qui y sommeillent. Chacune est surchargée d'une double rangée de barriques que les marins cueillent une à une pour les descendre à quai. Au bout du quai, des traineaux à bœufs apportent leurs lourdes charges vers une grande halle couverte où une foule bigarrée de marchands les attend.

Le bruit des chèvres, ces treuils puissants capables de déplacer les grands tonneaux, couvre la cacophonie des acheteurs se disputant tel ou tel lot. Tout n'est bientôt plus que grincement de poulies, halètements et cris des hommes du port. Le sourd raclement des charges contre les coques ajoute son tambour d'orage lointain. Depuis les chèvres installées sur les quais, les gens du port descendent de gros filets de chanvre roux à ceux des navires qui y mettent les barriques quatre par quatre.

On pourrait croire que le jour descendant donne aux marins une énergie nouvelle. Pour la plupart cependant, si les bras restent durs, les visages demeurent gris, chiffonnés. Le vin spécial des auberges du port passe mal. Mais pas un seul ne veut faire figure de mauviette aux yeux de ses compagnons. Du reste, charrier des tonneaux est un travail facile pour ces hommes de mer rompus aux rudes efforts.

Morelius, quand à lui, ayant du contenu de son intestin bien repu les crabes scatophages du port, observe la Méditerranée depuis la terrasse de la taverne où ils font pause ce jour là. Elle a en ce jour de grisaille revêtu des couleurs ternes, et lui en semble tout affligé, tout meshaigné, en proie à de métaphysiques considérations sur cette étendue d'eau à laquelle il n'est guère familier, lui qui est un homme des bois et des collines.


- Est-ce la mer qui arrive sur la côte ? Ou la côte qui arrive sur la mer ? Est-ce la terre qui interrompt la masse de l'eau, ou l'eau qui limite la terre?

Il a bien vu Theolenn griffonner son bout de papier, et aurait déjà depuis longtemps été la taquiner à ce sujet s'il n'était pas angoissé à l'idée de s'embarquer une fois de plus sur toute cette eau, sur tout ce vide.

Il invoque finalement tous les benoits saincts et sainctes à son aide, proteste de se confesser en temps et lieu, puis se lève et se rapproche de sa compagne de voyage en grande haste, disant :


- Theolenn, mon amie, trouvons icelieu de quoi faire repue : j'ai maintenant le ventre vide et nous ne boirons tantôt que trop d'eau, à ce que je vois aux nuages qui s’amoncèlent. Plut au Très-Haut et à son benoist, digne et sacré prophète Aristote, que maintenant, je vous le dis tout à ceste heure, ce truc tout plat et plein d'eau nous nourrisse tout autant que cette bonne vieille terre ferme, et surtout que nous ne voyagions plus que sur cette dernière, j'en serai bien à mon aise !

Au fond de la poche de ses braies, sa main cherche désespérément un autre bout de papier sans le trouver...
_________________
Theolenn
- Morelius, imaginez que la mer n'est qu'un grand grand lac et vous aurez votre réponse… Si vous pouviez vous jucher suffisamment haut, vous en verriez l'autre côté. C'est comme une mare… pour peu que nous soyons deux fourmis.

Elle se réjouit en pensant au billet qu'elle lui a dérobé quelques minutes avant qu'il n'ouvre ses pensives paupières. Plus tard elle feindra d'avoir oublié de… pour le lire à l'aise à l'abri des regards. Que peut-il y raconter? Elle en frémit d'un plaisir anticipé car l'homme est plutôt doué quand il s'agit de narrer.

La question avec laquelle il enchaîne est bien plus terre à terre. Ainsi donc il pense que le mal qu'il endure en mer ne l'a pas touchée? Elle se tourne vers lui, son air est grave presque douloureux tant il craint que… C'est la première fois qu'il lui laisse entrevoir une faiblesse, et cet aveu sincère ne le rend que plus précieux à ses yeux. Pour le rassurer, pour qu'il sache que jamais elle ne voudrait qu'il soit malheureux de l'accompagner, elle s'empare d'une de ses mains, capte son regard et fait un serment:


- Je vous promets… plus jamais de bateau. Le teint livide ne vous sied guère, je vous préfère de loin les joues rosies par la bonne chair. Et d'ailleurs… j'ai faim!

Elle appelle l'aubergiste pour consulter le menu mais ... soudain s'inquiète:

- Diantre! J'ai oublié la bouteille de vin que je voulais vous faire goûter! Elle doit être dans la chambre contre le mur de la cheminée. Vous voulez bien aller nous la chercher? Le temps que l'aubergiste se mette en branle et ramène ses fesses à notre table…

Les talons du Morelius ont à peine dépassé la porte qu'elle déplie le mot volé…


Morelius a écrit:
"J'ai fait des gaudrioles et des calembredaines
J'ai quelques fois aussi maltraité des bedaines
J'ai percé des marquis et pourfendu des gueux
Bouté hors de Hongrie les Turcs trop fougueux

J'ai troué des cuirasses et chassé la canaille
J'ai tiré mon épée du jeu vaille que vaille
A quelques malandrins j'ai causé des ennuis,
Rendant dix hommes au Ciel en une seule nuit
Et pourtant mes bras tombent à voir sa joyeuse mine
Ne pouvant résister aux oeillades félines
Que quand je lui raconte elle a innocemment
Oh, ne voyez pas là coupable sentiment
Mais l'émotion réelle d'un pauvre mercenaire
Qui devant tant d'honneur ne sait plus que se taire
Les grades, les hauts rangs, privilèges de cour
Les faveurs d'un puissant qui souvent tournent court
Me laissent aussi froid que le coeur d'un vicomte
Argent, pouvoir? Nenni, pour moi rien plus ne compte
Que l'éclat d'son sourire enlaçant un «merci»
Et les écus sonnants des gens de par ici
N'égaleront jamais la pureté limpide
D'un gentil compliment, d'un éloge timide
Elle m'a applaudi, cette dame, en secret
J'en suis si bien charmé, et je lui en sais gré
Pour moi, ce secret là vaut bien une fortune
Moi qui dû travestir mes histoires importunes
Derrière les atours d'illusoires hauts faits
Je mentis pour cette dame, qui pourtant m'écoutait
Ce secret à jamais reste une plaie profonde
Vous comprendrez alors que grâce à elle je fonde
L'espoir que ce calvaire puisse aller décroissant
Que la plaie se referme, que s'apaise mon sang
Car les douleurs s'enfuient dès qu'une admiratrice
Fait d'un tendre regard comme une cicatrice."


… Et la petite voleuse, éblouie par son butin, reste là, pantelante…
De quoi peut-on se nourrir après un tel festin ?

_________________
Theolenn
[Choc au Lotophile lactique, Narbonne, Dimanche de Pâques]

Allongée dans le foin avec la lune pleine, bien pleine, pour témoin, elle n'arrivait pas à s'endormir. Ulysse pouvait-il l'aider?
Forfait commis elle se perdit entre Rome et Laudanum…
Voici :
"Theolenn au pays du sommeil" (Cliquez sur le lien)
_________________
Morelius
[Un jour dans la milice de Carcassonne]

Il pleuvait sur la cité fortifiée.

L'orage s'était accru avec une prudence insidieuse, débutant par quelques averses clairsemées, inoffensives échauffourées avant la charge finale, puis avait progressivement pris de l'assurance. Des nuages noirs étaient venus du large. Ils s'étaient rassemblés en masses menaçantes dérivant dans le ciel grisâtre. Le jour s'était assombri. Un grondement sourd avait fait vibrer les pavés, semblable à celui de quelque énorme animal s'éveillant au fond de sa caverne. Puis le premier éclair avait éclaboussé les rues de sa lumière éphémère et la pluie s'était mise à tomber.

Et n'avait plus cessé.

Morelius avait profité des quartiers libres offerts par la dame de Montmélian pour se faire quelques écus en s'engageant dans la milice de Carcassonne.

Carcassonne sommeillait.

Morelius comatait.

La grande place était désertée. Spectacle surprenant s'il en fut. La foule glapissante qui la peuplait d'ordinaire, s'insultant et se foulant aux pieds mutuellement dans la plus belle tradition languedocienne s'était dispersée. Les gardes de la ville, eux-mêmes, avaient abandonné leurs postes, leur fidélité bornée mise à rude épreuve par les trombes d'eau qui s'abattaient sur leurs têtes, les gelant jusqu'à l'os. Une révolution populaire semblait hautement invraisemblable et une porte pouvait tout aussi bien être gardée de l'intérieur, n'est-ce-pas ? La bourgmestre avait sagement fermé les yeux et la cité avait un peu plus sombré dans l'atonie.

La pluie coulait entre les fissures des murs des riches demeures. Elle dégringolait le long des gouttières et des toits, emportant parfois quelques tuiles au passage, voire une cheminée trop fragile. Perchées sur les chéneaux du rempart, les gargouilles s'en donnaient à cœur joie, leurs grognements de plaisir couverts par le rugissement de l'orage. Des gésiers d'eau noire jaillissaient de leurs gueules pour s'écraser avec fracas vingt mètres plus bas. Les pavés des rues crissaient et se fendaient sous la pression inhabituelle.



Plaqué contre le socle d'une des nombreuses statues qui bordaient la grand place, les oreilles remplies d'eau et une pipe d'écume dégoulinante à la main, le milicien Morelius était un homme satisfait.

Satisfait d'avoir provisoirement le dos au sec, même si cela impliquait que le reste de son anatomie ruissela de pluie. Satisfait de sentir l'eau s'infiltrer à travers les minces semelles en carton de ses chausses et inonder petit à petit ses orteils frigorifiés. Satisfait de se trouver sur cette place, dans cette ville, par cette journée pluvieuse. Satisfait même à la pensée du savon mémorable qu'il essuierait, une fois rentré à l'auberge, quand Theolenn le verrait dans cet état.

Car la pluie était une alliée. Presque une amie.

Nul n'échappait à son étreinte. Et le métier de milicien en était rendu bien plus facile en ces jours pluvieux. Assassins et malfrats, préférant se fondre dans la foule par excellence, évitaient soigneusement de mettre le nez dehors. Les uns étaient trop inquiets de leur mise pour risquer leur précieux habits noirs sous la pluie battante et les autres trop occupés à écoper leurs demeures pour se soucier de dévaliser celle d'autrui. Les honnêtes gens, quant à eux, se livraient à la seule activité à laquelle aucun milicien d'aucune cité n'avait jamais rien pu trouver de répréhensible : le sommeil.

Il y avait des exceptions, bien sur.



Une charrette jaillit en bringuebalant d'une ruelle adjacente et évita au prix d'un virage hasardeux le bourbier qui avait jadis été la grande place. Elle passa dans une gerbe d'eau devant Morelius, maculant ses bottes et ses chausses au passage. Celui-ci entrevit la silhouette du conducteur, farouchement cramponné à son siège.


« J'te mords le cul, phylécastrope ! » brailla une voix quelque part dans les ténèbres.

Morelius sonda le rideau du pluie du regard, ses instincts de milicien éveillés, prés à alpaguer le premier venu, voire à le malmener légèrement avec un tact typiquement policier. Qui traînait dans les rues par un temps pareil et n'était ni un mendiant, ni un agent désoeuvré, nourrissait forcément des mauvaises intentions.

On jura.

Des bruits d'éclaboussures retentirent.

On jura plus énergiquement.

Quelque chose d'humide et poisseux se glissa entre ses jambes. Morelius abaissa les yeux sur ce qui ressemblait à s'y m'éprendre à un gros rat crevé. L'animal lui renvoya un regard maussade. Se gratta vigoureusement un tronçon d'oreille de la patte, pulvérisant un nuage de gouttelettes.

L'homme et le chien se fixèrent quelques secondes dans un silence interloqué.

Puis Morelius battit des paupières, et se détendit. Le civil isolé s'était éloigné, semblait-il, et il n'allait tout de même pas laisser ce pauvre petit corniaud sous la flotte… Poussé par un élan de solidarité inexplicable, il écarta légèrement les chevilles et tenta bravement de faire abstraction de l'odeur envahissante du cabot qui se pelotonnait entre ses bottes.

Les heures de sa journée dans la milice s'écoulèrent dans une agréable monotonie.

_________________
Theolenn
[Le marteau et les fossiles… ]

Morelius lui avait dit "Rien de tel pour connaître quelqu'un que de le voir de l'intérieur" aussi pour aborder Carcassonne, elle "visita" sa mine.

En guise de mine, ce fut une carrière de pierres à ciel ouvert qu'elle découvrit ce matin-là.
A la suite des autres travailleurs, tous muets comme des carpes, traversant un site en escalier aux marches monumentales où des pierres gigantesques semblaient avoir été posées ça et là par des titans, elle atterrit devant ce qui devait correspondre au chef du chantier.
Souriante, elle s'apprêtait à lui offrir un
"Bonjour" plein d'optimisme que l'homme lui lançait déjà un "Pelle ou pioche?" des plus pragmatiques.
- Tailleur? hasarda-t-elle et le rustre lui fit comprendre d'un geste agacé qu'il fallait qu'elle se mette sur le côté et qu'elle attende.
Au moins elle était prévenue, il n'y avait aucun risque de perdre son temps en bavardage inutile ce jour d'hui.

Les outils à peine distribués, il se fendit d'un signe de tête dans sa direction que la jeune femme traduisit par un probable "Suivez-moi". Ce qu'elle fit avec l'entrain d'un prisonnier que l'on mène aux travaux forcés. La joie à peine déguisée…
Chemin faisant, elle remercia mentalement ses parents de lui avoir légué une paire de jambes longues que l'amour de la marche avait musclées. Elles lui permirent de suivre son "guide" sans avoir l'air de trotter derrière lui tant son pas rapide trahissait son mécontentement de voir une femme s'inviter dans un monde pour lui réservé à la seule gent masculine. Elle se fit un devoir de tenir la cadence avec fierté et détermination. Pas même essoufflée, pauvre gnome!

Bientôt des bruits à la régularité cacophonique parvinrent à leurs oreilles…

TOCTOC…TOCTOCTOC…TOCTOC...TOCTOCTOCTOC…TOC
...pour devenir un concert assourdissant de marteaux en folie.

L'ours disparut pour laisser place à un petit homme sec doté d'un regard perçant qui, sans la moindre gêne, l'inspecta de la tête aux pieds.

- Modèle? hurla-t-il.
Theolenn hésita. S'il ne s'agissait que de prêter un bras, une jambe ou même son faciès à l'art pour en faire une œuvre admirée par les générations à venir, pourquoi pas? Mais le doute s'empara d'elle et heureusement s'insinua assez profondément pour renoncer à l'invitation occasionnelle. Elle se vit nue sous les regards trop brillants des artistes assis là et soudain, cette notoriété même anonyme ne fut plus si alléchante. L'instant fugace de tentation narcissique fondit comme neige au soleil.
Elle prit l'accent du lieu et sans ouvrir la bouche secoua la tête d'un côté à l'autre avant de montrer du menton les autres sculpteurs déjà à l'œuvre.

- Vraiment? s'étonna le maître et il l'installa à un poste où toute la journée, à califourchon sur des colonnes couchées, des bouchons de cire lui protégeant les oreilles, elle tailla la même feuille d'acanthe stylisée.

A part ça, l'orage éclata…

Et son voisin percussionniste, ému par la belle sous l'ondée, prêta à Theolenn une toile huilée qui pour le restant de la journée lui permit de conserver l'humidité dont ses vêtements étaient déjà bien trop imprégnés. Ne dit-on pas que c'est l'intention qui compte…

L'heure dix-huit sonna comme une libération.

De retour à l'auberge, c'est emmitouflée dans une couverture de laine, les doigts de pieds en éventail devant un feu crépitant, qu'elle accueillit le milicien, amusée que son allure ressembla si fort à la sienne à peine quelques minutes plus tôt.

- Allez changer de toge Ô Morelius Malicius, et venez bien vite vous réchauffer près de moi. J'ai la couenne encore humide et pourtant déjà je brûle de connaître ce qui anime cette cité.

A travers ses récits, le fait le plus anodin était transcendé et le geste que personne ne remarque jamais devenait prouesse héroïque quand il prenait la parole.
Cette faculté exceptionnelle enchantait la rêveuse éternelle qu'elle ne pouvait s'empêcher d'être. Une drogue n'aurait pas eu plus d'effet.

Sur la table cependant les attendaient du vin et du miel de Narbonne et tout ce qu'il fallait pour parer aux dégâts qu'une station trop prolongée sous un ciel d'averses pouvait occasionner.

- J'ai le haut du dos aussi noué qu'un tronc d'olivier bicentenaire ironisa-t-elle.
Je tuerais pour les bienfaits d'un massage salvateur.

_________________
Morelius
Devant la cheminée Morelius, ayant séché et raconté sa journée dans la milice à sa patronne-amie, se leva donc presque à regret de son perchoir, et renfila rapidement ses chausses. Il laissa toutefois la chemise qui séchait devant le feu de côté, jugeant sans doute inutile de s'alourdir plus qu'il ne l'était naturellement face à la grâce légère de la dame de Montmélian.

Voilà que maintenant elle voulait tâter de ses mains.

Il les mit donc à l'ouvrage et commença à lui masser les épaules. C'étaient des mains de soldat, des mains d'artisan, des mains étroites mais épaisses; des mains qui avaient embrassé la poignée de l'épée pour ne la quitter qu'au jour de la victoire ou de la défaite; des mains qui souvent avaient été mises en sang par les épines des ronces des forêts où il avait tant baroudé, qui avaient manié la rame sur les fleuves pour passer le sel en fraude; des mains de Jacques, de charbonnier, de simple soldat, de chef de bande; des mains dans lesquelles on lisait son curriculum vitae.


- Selon vos désirs, ma dame, ne tuez personne...

Morelius endurait mille tourments pour garder sa concentration, et tenir son esprit loin de cette scène pourtant fort chaste. Il essayait de penser à des choses ragoutantes: la peste, le choléra, une cérémonie d'hommage, la tarte à la rhubarbe ou une baignade dans une fosse à purin. C'est qu'il n'avait guère habitude de tirlipoter ainsi les gentes dames, le spadassin... Filles de salle et naïves bergères étaient bien plus son quotidien. Tout cela lui donnait fortes émotions.

Car il fallait bien avouer que c'était essentiellement vers le siège de ses émois les moins avouables que se faisaient sentir les effets de cette séance de massage. Il sentait naitre au fur et à mesure que ses doigts perdaient de l'altitude le long du dos Theolennien une manifestation outrancière de sa virilité. S'il lui était aisé de voiler les secrets de son âme en si digne présence, croyez bien qu'il lui était assurément moins commode de dissimuler les effets évidents d'un désir naissant...

Ah ! Combien il comprenait en cet instant les tourments endurés par les cloîtrés ! Dire que toute la force d'une sainte âme se trouvait confrontée, non sans faillir parfois, à la légèreté et au despotisme d'un mâle appendice... Elles semblaient ignorer avec une véritable inconscience, ces élues de la Tempérance qu'étaient les femmes, la puissance de ces démons qui harcelaient sans cesse le sexe fort. D'ailleurs il ne connaissait dans ses histoires nul héros martial qui demeurerait sans appétence et tout de mollesse face aux attraits sinueux d'une dame ainsi offerte. Ne fallait-il pas appartenir à la race des saints, ou des morts, ou bien à celle des inversés pour ne point succomber au venin de ces créatures qui tentaient malgré elles cette moitié de l'humanité qu'il représentait ?

Mais la dame de Montmélian lui avait fait confiance. C'était une dame vertueuse et il était hors de question que Morelius démérite de cette confiance en lui laissant entrevoir la bête en lui, alors qu'il avait mis si longtemps à obtenir ce sourire détendu qu'elle arborait à présent, à commencer à "l'apprivoiser". Il allégea donc légèrement ses frictions, et porta son regard au plafond en se replongeant dans ses pensées apocalyptiques, espérant qu'elles lui refroidiraient les humeurs.

Peste soit des femmes innocentes, grommela silencieusement le mercenaire. A moins que chez celle là ce ne soit que poudre aux yeux, auquel cas elle cachait divinement son jeu.

_________________
Theolenn
Une drogue n'aurait pas eu plus d'effet que les paroles de Morelius quand il lui offrait ses histoires fantastiques, certes, mais c'était sans compter sur le pouvoir de ses mains qui, par leurs bienfaits, chamboulèrent instantanément les résultats pour prendre, avec une sérieuse avance, la tête du classement. L'expression "Homme de mains" prit dès lors tout son sens au pluriel et s'il fut une chose qu'elle regretta dès leur contact, c'est de n'avoir pas fréquenté une fichue mine de pierres bien plus tôt!

Assurément ce n'était pas là mains de femme, mais une certaine rugosité alliée à cette dextérité sans faille dont il fit démonstration, ne firent qu'enrichir et amplifier le panel des émotions qu'elles procurèrent à l'"innocente victime" sur laquelle elles oeuvraient si ... efficacement.

Au bout d'un moment - est-il raisonnable de préciser qu'il fut très bref? - son dos ne lui causa plus aucun tourment. Pfffuiiit, plus aucune douleur. Oubliés le froid et la pluie, les courbatures dues aux mouvements répétitifs du bras tenant le marteau. Disparus aussi les effets néfastes des soubresauts, des coups et des vibrations supportés par sa main gauche. Parties les démangeaisons occasionnées par les griffures des petits éclats de pierre qui volaient à chaque entame… Même la fatigue se fit la malle dès que le magicien-spadassin-mercenaire-marin-et-Dieu-sait-quoi-d'autre-encore posa ses paluches sur la peau claire de la fausse madone à la vertu si particulière.

Même si au départ les intentions de Theolenn furent totalement pures, même si sa demande fut réellement spontanée tant son dos était noué par cette journée laborieuse et physiquement douloureuse, il n'en reste pas moins qu'elle y prit plus que goût dès que le bien-être auquel elle pouvait s'attendre se transforma en toute autre chose.

Qui l'eut crue ...?... si elle avait avoué qu'aucun homme n'avait réussi à la toucher depuis plus de deux ans?
Un choix? Non… Un savant mélange de circonstances …et de trahison.

Alors qu'est-ce qui faisait qu'aujourd'hui, sans la moindre préméditation (quoi j'insiste?), elle s'était laissée approcher de la sorte par un homme avec un tel pedigree?
Quelle était la raison qui justifiait le fait qu'elle dormait d'un sommeil profond depuis des nuits et des nuits auprès de cet homme pratiquement inconnu? Et ce où qu'ils soient, sur terre ou sur mer, qu'il pleuve, qu'il vente, qu'il neige ou que le soleil la darde de ses cuisants rayons?
Quel était ce prodige qui permettait à une femme de son rang - mais de quel rang au juste? - de confier à un mercenaire peut-être sanguinaire et à l'allure peu ordinaire, sa vie, ses biens et à présent, une partie de ses vertèbres cervico-lombaires?

La promesse de gages juteux?
Il fallait être bien naïf pour penser que ce seul attrait puisse mettre qui que ce soit à l'abri de toute menace concernant ce genre de contrat de service.
Quel être un minimum clairvoyant ne se serait-il pas découragé depuis belle lurette en constatant qu'aucune avance pécuniaire n'était jamais faite?

Non…
La seule chose capable de produire ce miracle, c'était la confiance.
Une confiance absolue, ou presque, qui était née un de ces matins où la vie vous montre une autre de ses surprenantes facettes et vous laisse à croire qu'elle vaut la peine qu'on s'y débatte. Morelius c'était ça pour Theolenn, une renaissance qui avait vu le jour sur un "malentendu", qui s'était épicée par la persévérance dans un mensonge originel trop bien cultivé, dont les circonvolutions prenaient allure de nœud gordien mais dont la saveur était telle que…

Son corps fut parcouru par une véritable onde de choc dont le point d'entrée n'avait rien de dorsal. A l'origine du monde… une boule de chaleur intense… une vague la propage et répand son feu dans chaque particule du vibrant édifice. L'intérieur est brûlant mais tout autour frissonne… Paradoxal délice d'être une femme sous les mains d'un homme qui se donne sans le percevoir à travers de savantes palpations phalangiennes.

Mais contrairement à Morelius, Theolenn possédait la faculté de simuler son degré d'affectation physique, même si l'exercice du jour allait totalement à contresens.
Le mérite serait-il au moins à la hauteur de la frustration encourue?
La perspective de s'abandonner à… d'autres pétrissages ne fit pas que lui effleurer l'esprit et si ses yeux fermés et son sourire détendu parodièrent un bien-être pur et chaste, des manifestations beaucoup plus intimes trahirent pour elle seule l'état réel de son désir. Dieu, pourquoi les femmes s'interdisaient-elles un plaisir si simple quand les hommes, pragmatiques, consommaient sans se poser de question?

Son soupir put être interprété de mille façons…

Morelius jugeant probablement que ses gestes commençaient à porter leurs fruits, allégea la pression de ses doigts, juste au moment où le ventre vide de sa patiente qui s'alanguissait dangereusement se mit à gémir… de faim.

Theolenn avala sa salive, comprit in extremis que le jeu devenait périlleux et mue par une volonté aussi stupide qu'imbécile, s'arracha à l'Eden entraperçu. Son appétit ce soir-là promettait d'être hors norme s'il s'agissait de compenser l'autre faim, celle qu'elle n'avait pas osé assouvir par peur d'être jugée trop facile par un homme qu'elle estimait bien plus qu'il ne l'imaginerait jamais.


- Mangeons en ville parvint-elle à articuler en se redressant.
Il parait qu'une taverne propose un cassoulet ravageur… ?… rassurant… ra… ssasiant! Ce sera pour vous plaire, j'en suis certaine, et je suis toute prête, moi aussi, à lui faire grandement honneur…maintenant que mon dos se porte à nouveau comme une fleur.

Avant de se parer d'une tenue plus adéquate à l'occupation proposée, histoire de s'occuper les mains et l'esprit, elle déboucha le vin, en remplit deux gobelets à ras bord. Elle réussit même à faire déborder le second sans y prêter la moindre attention et le but à grands traits.

La mine, la poussière, tout ça…

_________________
Morelius
Ils parcouraient les tortueux replis des artères de Carcassonne depuis deux heures environ, à la recherche du fameux cassoulet, et les ombres dansantes qui hantaient les rues jointes aux stupéfiantes sensations de la séance de massage enfiévraient l'esprit de Morelius, quand un son familier qui sourdait du plus profond de la ténèbre arracha de sa poitrine pantelante un glaçant couinement d'effroi. Il venait de reconnaître cette chose maudite qui le poursuivait avec un acharnement de Vampire depuis tant et tant d'années.

Oui, Morelius venait d'entendre déchirer l'espace et le temps à nouveau, au plus obscur de cette cité paisible, là où il s'y serait le moins attendu, les sinistres et redoutables pas glissés de cet être de mort, dont maintes occurrences avaient déjà prouvé que parmi tous les noms d'oiseau dont on eût pu baptiser le détenteur, ne figurait certainement pas celui d'Orphée. Car cette créature mal définie, et toujours reléguée dans l'ombre, cette chose terrible qui inspirait désormais au mercenaire une terreur métaphysique, c'était, n'en doutez pas, le remord et les âmes vengeresses de ses victimes passées.

Morelius éteignit la flamme blême et résineuse de la torche qui grésillait et aplatit Theolenn contre la muraille, lui faisant signe de se taire. Un voile de crêpe s'étendit sur le vide funèbre. Sueurs froides, souffle haché, poils hérissés, il était résolu à ne pas bouger de là que la chose n'eût disparu, dûrent-ils tout deux vitrifier sur place et attendre le Jugement Dernier qu'on les délivrât de leur gangue minérale. Il se retint d'éternuer : ce n'était pas le moment de jouer de la trompette !

La chose s'approcha d'eux. On entendait se préciser son pas trainant. Lent, appuyé, inexorable, resserrant sur eux les fines mailles de sa nasse, par degrés, comme si elle eût voulu leur faire vivre cent fois leur mort avant de les étouffer, façon boa constricteur. Une longue traque de pêcheur qui ménage son plaisir et ses effets en ne tuant pas sa proie tout de suite, l'amorçant, la laissant tout à loisir flairer l'appât, jouer avec, l'emporter du coin de la gueule en donnant du mou à la ligne ; puis, lorsqu'il sait l'hameçon avalé au-delà de la hampe, la ferre d'un coup sec et la tire hors de l'eau.

À deux mètres d'eux la chose cessa de marcher, toujours cachée par le coin d'un mur. Morelius se raidit contre Theolenn comme une planche, et son cœur battit si fort qu'il craignit que l'autre ne détectât sa présence. Ça sentait la bête. L'instinct pur. L'acide animal. Elle les avait repérés, il en était sûr, la chose, peut-être un insecte géant, avant qu'elle se décidât à leur planter son dard d'acier froid dans l'abdomen et leur pourrir le sang.

Mais le moment n'était pas encore venu pour Morelius de payer ses crimes, sembla-t-il, de boire le bouillon de onze heures, car la chose reprit sa route et passa le coin de la rue, se dévoilant à leur vue: un dodu bourgeois carcassonais qui essayait de regagner discrètement sa demeure. Découvrant le couple dans cette position certes ambiguë, Morelius plaquant toujours Theolenn contre la muraille, le promeneur nocturne passa en marmonnant:


- Scrogneugneu ! Où faudra-t-il donc m'aller pour faire une promenade au frais sans tomber sur des coupes-bourses sans pitié ou des fornicateurs sans pudeur ? Scrogneugneu !

Morelius se dégagea aussitôt avec un sourire désolé à l'intention de sa patronne...
_________________
Theolenn
Il y a dans la vie d'un homme un nombre impressionnant de jours qui se ressemblent à peu de choses près. Et parfois, juste pour vous faire mentir, ou pour tromper l'impression de vivre pour pas grand-chose, il y a des journées qui à elles seules rattrapent la mornitude de toutes celles qui inconsciemment vous usent.
Cette journée-là avait toutes les aptitudes pour figurer dans cette dernière catégorie.

Fébrile…
La tête bourdonnant d'idées contradictoires, les pieds en mode dociles, obéissant aux injonctions farfelues qui les faisaient aller de-ci de-là sans aucune certitude comme le prouvait le peu d'efficacité quant à la direction qu'on leur donnait, Theolenn désespérait de trouver cet endroit cassoulet dont l'adresse lui avait échappé.
Morelius, bon prince, ne râlait même pas et pourtant, il y aurait eu de quoi…
Et plus le temps passait en de vaines recherches et plus elle s'en voulait de lui avoir promis un festin qui s'avérait à présent hautement hypothétique.

Interdite…
Un cri sinistre de souris qui, surprise, comprend qu'elle va vivre son dernier instant et plus étrange encore, Morelius éteignant la flamme du jour artificiel … avant de s'abattre sur Theolenn et de la coincer contre le mur! Moment d'effarement total, perte de repères et tentative de maîtrise, elle s'apprêtait à le repousser et à lui expliquer vertement l'art et la manière de… quand d'un doigt posé sur ses lèvres, il lui évita le ridicule d'une méprise. L'hirondelle et le faucon. Tandis que son esprit féminin se repaissait encore d'obscurs signaux hormonaux qui, même résiduels et contre toute volonté, l'enchantaient encore, lui, toujours aux aguets, avait flairé un danger imminent.

Songeuse…
La sensibilité de la jeune femme s'exacerba sur le champ. Le silence intimé dans cette situation particulière l'aida à décortiquer les bruits environnants avec une acuité qu'elle ne soupçonnait point. D'office elle écarta de son panorama sonore le brouhaha de la place qu'ils venaient de quitter, un volet mal ajusté que le vent faisait jouer à quelques maisons de là claqua dans le soir, deux matous qui crachent et feulent pour s'intimider parcoururent la ruelle le dos rond et l'échine hérissée et enfin, un bruit de pas… lourds, lents, de plus en plus présents. Était-ce cet outrage à l'esprit léger du printemps qui avait mis la puce à l'oreille de son chaleureux protecteur? Comment le savoir sans pouvoir émettre le moindre son? Sans pouvoir échanger du regard quand parfois les yeux en disent bien plus long qu'un discours, si seulement il y avait eu un peu plus de clarté…
Histoire d'affiner ce qui pouvait l'être et puisqu'il n'y avait aucun moyen d'échanger de visu, elle puisa dans d'autres possibilités en fermant ses mirettes. Et alors qu'elle croyait avoir fait le tour de la situation, peu à peu s'insinua un élément supplémentaire, des sons sourds, proches et lointains à la fois, rapides et réguliers comme des battements de tambour. C'était troublant, différent de tous les autres bruits, d'une nature et d'une origine totalement inconnues.

Déterminée…
Morelius se raidit davantage et par réflexe Theolenn se serra contre lui comme si son seul but à présent était de réduire le volume qu'ils représentaient ainsi réunis, quitte à devenir si concentrés et si petits que plus rien ne pourrait les atteindre. Toutes les tactiques valent qu'on les essaye quand on est acculé, non?
C'est en posant le menton contre le haut de la poitrine de son compagnon d'infortune que Theolenn résolut une partie de l'énigme. Son cœur! C'était le cœur de Morelius qui battait si fort que par l'étroit contact physique, elle le ressentait plus intensément que le sien! Fallait-il que les choses soient graves pour que la peur l'envahisse de pareille façon. Theolenn raffermit sa position, crispa même les paupières et il ne fallut pas longtemps pour que son toquant personnel prenne le même tempo: Prestissimo.

Le pas s'arrêta… le temps aussi.
Dans une impasse de Carcassonne, il y eut ce soir-là une moule accrochée férocement à son rocher et qui, à la limite de la déshydratation, priait avec ferveur le retour de la marée montante.


…fornicateurs sans pudeur!

Quand Morelius s'écarta brusquement, Theolenn vacilla un peu… mais finalement tint bon. Soutenue par le mur, la chemise marquée au dos par une traînée de sueur aussi froide qu'elle avait eu chaud, elle reprit des couleurs et se mit à rire, et son rire prit tant d'ampleur qu'elle en eut les larmes aux yeux …et mal aux joues.
Morelius, penaud, restait là, indécis, semblant ne pas savoir sur quel pied danser.
La "patronne", les yeux brillants et la mèche rebelle collée au front, l'air atrocement heureux de celle qui revient de loin, attrapa Morelius par le col de sa chemise et sans aucune pitié pour cette dernière, la froissa allègrement en attirant à elle le serviteur confus qu'un baiser rapide, mais pleine bouche et plein d'ardeur, ne risquait pas de remettre sitôt d'aplomb.
L'audace de son propre geste, si spontané après des semaines de maîtrise, la dérouta probablement autant que lui, aussi crut-elle bon de tenter de le justifier:


- C'est pour m'avoir rappelé tout au long de cette soirée que je suis bien vivante…



- Et aussi parce que je me souviens à présent que… Hum… le cassoulet… c'est Castelnaudary, pas Carcassonne…

Il faut savoir profiter des moments particuliers pour se délivrer de certains aveux embarrassants. Ça passe souvent plus facilement ...

Il lui restait à faire dîner la bête, le Morelius Devoratus étant assez facile à sustenter pourvu qu'on ne le fit point trop attendre. Une taverne, de la cochonnaille et du vin à partager pour couronner cette journée haute en saveurs, que demander de plus?

Plus tard, quand elle prit le temps d'y réfléchir à tête reposée, l'idée que la menace à laquelle ils venaient d'échapper n'était peut-être pas si anodine qu'il n'y paraissait, fit son chemin. Plus tard…

_________________
Morelius
Ce baiser surprenant eut quelque chose de divin. L'attaque promptement menée par Theolenn ne rencontra aucune résistance et l'assailli ferma même un instant les yeux un fois touché, comme pour mieux savourer, et ses lèvres entrouvertes retinrent un moment en suspend la douceur de ces autres lèvres qui le transcendaient, l'emportaient à milles lieux qu'il ne puisse expliquer. Plus rien ne compta soudain dans cette ruelle sombre que ce baiser à la douceur suave.

Que lui arrivait-il ? Une faiblesse ? Voilà qui contrevenait à toutes ses règles de survie. Et le pire, c'est qu'il aimait ça. Essayant de reprendre contenance tant bien que mal, Morelius haussa les épaules et se dit que ce qui n’était point gagné en légende, l’était en plaisir !


- Hmmm... Castel Naudary, vous dîtes... je ne connais point ce Naudary là, ma dame. Mais faute de cassoulet, je me contenterai d'une demi-poularde et de quelques navets au jus, tant ces émotions m'ont ouvert l'appétit.

Défroissant sa belle chemise jaune d'une main légèrement tremblante, il hésita un moment puis finalement ajouta à voix basse:

- A ce propos... ne croyez pas que je sois du genre à m'affoler pour un rien. Cette cité a beau tout avoir d'une garce splendide, corsetée en ses remparts dentelés, cambrée de toutes ses tours et de toutes ses églises, serrée dans ses jupons de pierre et ses corsages de marbre, c'est une croqueuse d'hommes... Il y flotte des clameurs de haine et des odeurs de mort qui ne me plaisent guère. Hors de question qu'on y crève pour complaire à sa coquetterie. Nous devrions songer à reprendre notre route, Theolenn...
_________________
Theolenn
- Mais nous y songeons… dit-elle rêveuse, l'esprit en altitude et les sens encore en émoi.

Quelques liaisons synaptiques plus tard, les mots prononcés plus avant revinrent au devant de la scène avec un sens, elle haussa les sourcils, étonnée…

- Morelius, jamais je ne penserai de vous que vous agissez à la légère quand vous prenez le risque de m'étouffer contre le mur d'une sinistre ruelle!
J'ai bien senti que votre peur n'avait rien d'une lubie ou de la pauvre ruse d'un malotru…
et le petit doute alors, déjà dans la case oubli?

- Et puis… deux enceintes de protection quand même! … Ca sent l'emprisonnement, non?

Arrêt roboratif...
Le menu annoncé sur la pancarte de la première taverne rencontrée n'avait rien d'exceptionnel mais les convives étaient nombreux et l'ambiance paraissait bon enfant. Vendu!

- Une poularde pour deux et je vous laisse tous les navets… ça marche?

Ainsi parla Theolenn pour son dernier repas pris dans cette Carcassonne dont jadis elle avait tant aimé étudier l'histoire, celle du temps où un comte avait été jusqu'à perdre la vie pour protéger de nobles convictions comme l'enrichissement par le mélange et non par le tri…

_________________
See the RP information <<   <   1, 2   >>
Copyright © JDWorks, Corbeaunoir & Elissa Ka | Update notes | Support us | 2008 - 2024
Special thanks to our amazing translators : Dunpeal (EN, PT), Eriti (IT), Azureus (FI)