--Pouf
On me prend parce que je suis belle. On me jette parce que je n'ai pas de cervelle
Claire Lise Je suis Blonde
Le dix-septième jour du mois de mai mil quatre cent soixante, nous sommes à Périgueux, Capitale du Périgord-Angoumois pour ceux qui ne sauraient pas.
Il est l'heure du Pinard, rue des Truffes, le ciel est dégagé et les températures clémentes.
Et malgré ces conditions quasi-estivales, Pamela Ooffenstisten, surnommée Pouf -parce qu'un nom pareil, ce n'est pas permis- s'ennuie comme un rat mort au fond de sa chambre. Pourtant Pouf est jeune, Pouf est jolie, Pouf vit dans le luxe, Pouf a pleins d'amis mais... Pouf est Blonde. Ce n'est pas un handicap, ni même une tare et encore moins un frein à l'amour puisqu'il est bien connu que les hommes préfèrent les blondes. Et pour rajouter à son malheur, Pouf est fatiguée d'être fatiguée de se lamenter sur son sort. En résumé, Pouf est tellement oisive qu'elle va rater sa vie !
Qu'est-ce que j'peux faire, chai pas quoi faire...**
Elle est écroulée sur son lit, la tête coincée entre deux énormes oreillers et réfléchit à son avenir qui ne semble pas très brillant.
Elle ne sera vraisemblablement jamais une star de la chanson comme la très célèbre troubadour Cindy Sansmoeurs. Déjà, elle ne connait aucune bête qui fasse de la lumière. En plus, elle chante comme une casserole. N'ayant donc aucun talent pour le chant, elle se contentera de rêver un improbable duo avec l'idole des goûters, Justin Petit-beurre.
Elle ne pourra pas non plus devenir ambassadrice contre la faim dans les Royaumes et aller à la rencontre de pauvres fermiers démunis comme Pâris de l'Île Tonne, une autre icône Blonde, car elle a une peur bleue des cochons...bien qu'ils soient tous roses.
Elle ne défilera pas pour les grandes couturières, Adrienne Quart-de-Boeuf occcupe la vedette. Mais que lui reste-t-il alors ???? Devenir écrivain et faire comme Stéfano Bernadus et raconter toutes les histoires salaces de la noblesse ? Noooooooon !
Mais alors quoi ?
La fenêtre de chambre de la blonde était grande ouverte et donnait sur la place du vieux chêne. Celle-là même qui jouxtait l'immense palais comtal. Les quelques allées et venues de la salle d'audience ou du bureau du Cam ne suffisaient plus à la tirer de sa léthargie. Pourtant quelques bribes de conversations montèrent jusqu'à elle.
Il se disait bien des choses. Il se disait que c'était bien dommage qu'il n'y ait plus aucune liste d'opposition. Il se disait aussi qu'au lieu de se plaindre et de tout critiquer, il fallait créer une liste. Il se disait tout ça et bien d'autres choses encore.
Mais tous ces mots, tels des graines de conception finirent par germer dans la tête de Pamela et former une idée. La blonde se redressa dans le lit et s'écria :
Je vais faire de la politiiiiiique ! Hiiihiiiiiiii !
Aussitôt dit ! Presqu'aussitôt fait !
Pamela se hâta de fouiner dans sa collection d'Encyclopédies « Pour Les Blondes »
Le mariage pour les Blondes, nan...
Le oulaoup pour les Blondes, nan nan...
Braquer un MA pour les Blondes, nan nan nan...
Multiplier les miches pour les Blondes, bof...
Éviter d'aller miner tout en faisant croire qu'on y va régulièrement pour les Blondes, ah ? Mais nan...
Aaaaaah ! « La politique pour les Blondes » !
Pamela ouvrit son grimoire en grand sur ses genoux et commença à lire.
- - Chapitre un : Savoir passer la brosse à reluire - -
"Vous êtes Blonde, donc personne ne vous prend au sérieux.
Ne cherchez pas, vous ne convaincrez personne.
Pour vous faire accepter, il faudra vous mettre à genoux (Cf. chapitre deux)
et il vous faudra aussi user de la flatterie.
N'hésitez pas, mettez le paquet !"
Bon ! exercice pratique, Pouf, exercice pratique ! hiiii ! (Pouf se parle à elle-même)
Pouf se racle la gorge et arbore des yeux de Pikatchu.
ÔÔÔÔÔÔhhhh, si vous saviez comme j'ai trôôôôôp de respect pour votre travail. Je suis "totally" admirative de vos idées !
J'aimerai tellement vous ressembler, vous êtes un modèle pour moi !
Hiiiiiiiii
Je suis trop forte ! Rien qu'à m'entendre, je voterai pour moi, hiiiiiii
*tourne une page*
- - Chapitre deux : obtenir une charge de glandeur qu'on croit qu'il travaille en fait - -
Alors, pour ça c'est facile, il vous faudra simplement mettre en avant vos compétences, quitte à exagérer.
N'hésiter pas à simuler surtout.
Allez-y, foncez et donnez de la voix !
Pouf regarde les dessins illustrant les propos et s'en inspire pour s'entraîner
Hummmm....
hummmmmmmm
Ahhhhhhhh
Oooooohhhhh ouiiiiiiiii
[La suite de cette scène a été volontairement coupée au montage. La violence de la séquence pouvant engendrer d'énormes troubles psychologiques chez les moins de vingt-cinq ans et chez tous ceux qui n'ont jamais regardé les reportages animaliers d'Arté. Merci de votre compréhension.]
Pffouuuu qu'est-ce que je suis douée, moi alors, hiiiiiiiiii
La blonde remet tous ses attributs de blonde en place, se recoiffe et reprend la lecture de l'ouvrage.
- - Chapitre trois : Faire croire que vous avez une opinion - -
"Ohlalala, tous ces débats au conseil, vous n'y pigez que dalle
Et en plus on vous demande votre avis, que faire ?
Attendez que les autres conseillers s'expriment.
Une fois qu'une majorité se dégage, suivez-là en approuvant simplement sans développer.
Dites que vous êtes contre car vous rejoignez l'avis d'untel.
Et voilà, le tour est joué !
Vous n'y pigez toujours que dalle, mais les autres ne le savent pas !
Maintenant que vous êtes prête, il ne vous reste plus qu'à trouver onze couillons *raturé* colistiers et un nom pour votre liste.
Si en plus vous avez de l'inspiration, vous pouvez même faire un programme !"
Le livre se referme dans un claquement sec. Elle enfila ses chausses de chez Goudcchiote, sa bourse customisée façon Valerie Damido, soit peau de taupe et perles de terre cuite rouge pétant, sa coiffe réplique identique de celle de la Dame de Fontenay et fila droit retrouver ses copines pour mettre au point la campagne.
Chanson à texte d'auteurs engagés, « Les Squatters »... ah, ah, ah!
** Pierrot le fou
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