[Le chevalier prudent et le tilleul*]
« La guerre, c'est dangereux, mon n'veu. Si vraiment tu dois t'y retrouver, arrange toi pour être le plus loin possible de tout c'qui coupe. » C'était avec ces précieux conseils, hérités de sa tantine, que le témér... coura... euh... bra... non. Auda... pff... vaill... non plus... valeu... bah... intrépi... boh... prudent, oui, voilà, prudent Danavun s'en allait au combat. Après avoir constaté que des machins qui coupaient, il y en avait un peu partout dans cette bande d'excités, il s'était dit que c'était certainement de ceux de l'Ennemi qu'il fallait se garder.
L'Ennemi, Danavun, il n'avait pas trop bien identifié qui c'était, sinon que c'était ceux qui soutenaient l'autre Roy, celui qui était méchant (son éducation politique avait autre autres choses malheureusement été très limitée). Cela dit, ça restait très vague, et cela signifiait que l'Ennemi, eh ben il pouvait venir de n'importe où. Du coup, et aidé en cela par son astuce à toute épreuve, Danavun s'était arrangé pour être assez éloignée de la première ligne, mais aussi de l'arrière-garde et des flancs.
En bref, il s'était fichu en plein milieu. De toute façon, c'était là qu'ils gardaient la bouffe, de toute façon. Et hop, d'une pierre, deux coups.
Mais ce n'était pas tout. Quand il avait été temps de choisir son arme, Danavun s'était précipité sur les râteliers où l'on rangeait les armes de jet : « plus j'suis loin, plus j'suis tranquille », qu'il se disait... et comme il était bien décidé à rester à une distance raisonnable de l'Ennemi, il s'était dit que tant qu'à faire, une arme de jet ça serait plus utile qu'une épée. Malheureusement, les arbalètes c'est trop compliqué (« Des armes avec des machins qui tournent, ils savent plus quoi inventer ») et puis comme il se piquait toujours les doigts en essayant de prendre les flèches dans son carquois, il avait finalement opté pour une fronde (« une fronde ça envoie des cailloux... je peux pas me blesser avec un caillou »). Il avait demandé s'ils avaient un trébuchet, histoire d'envoyer des plus gros cailloux, mais ils n'avaient pas voulu lui en confier un... allez savoir pourquoi.
Enfin, quand il allait se tirer, tout content, avec sa fronde et ses cailloux, on lui avait quand même demandé de prendre une arme de mêlée. Il avait d'abord refusé catégoriquement de contempler l'idée qu'il puisse se retrouver dans une mêlée (« c'est bien trop dangereux ! ») jusqu'à ce qu'on lui explique ce qui risquait d'arriver si un cavalier lui déboulait dessus et qu'il n'avait qu'une fronde pour se défendre. Il avait donc choisi la lance la plus longue qu'il avait pu trouver (« oui mais même en mêlée, je veux être loin. »).
Bon, tout ça ça allait. Tout ça, c'était avant qu'on le réveille aux aurores pour aller marcher. Y'en a qui manquent pas de souffle, tout de même. Mais comme ils ne manquaient pas de trucs coupants non plus, Danavun avait suivi, et puis son maître lui avait dit d'obéir aux ordres. Déjà que c'était dur d'obéir à ceux du marquis...
Alors il avait fallu se tirer de la tente pourave où il créchait avec Aymon (« et puis en plus il ronfle, j'vous f'rai dire ! »), plier bagages, foutre sa brigandine à moitié rouillée et certainement inefficace (« ah ouais mais elle est classe ! »), attraper sa lance, attacher sa fronde à sa ceinture, et enfourcher son vieux roussin (qu'il appelait, avec beaucoup d'affection, « Andouille »).
Et là, encore, ça allait. Tout ça, c'était avant qu'ils passent le bois.
C'est quoi le gros nuage là ?
C'était pas un nuage.
Citation:
18-05-2012 04:06 : Vous avez engagé le combat contre l'armée "Ne crains que Dieu et ton Roy!" dirigée par Jglth.
Maman !
« Reste dans ton rôle, Danavun, pensait-il. C'est pas la frousse qui te sauvera... mais la prudence. » Et alors que l'armée s'ébranlait pour aller chercher des noises à l'Ennemi, Danavun se se coiffa de son casque, lequel était trop grand pour lui et le rendait presque aveugle, mais qu'il persistait à vouloir porter, sous prétexte que « plus c'est grand, mieux c'est », pour le casque comme pour le reste (on avait bien essayé que c'était pas la taille qui comptait, mais la façon de s'en servir, mais il n'avait rien voulu entendre). Et il se mit à chanter, pour se donner du cur.
Soudard du faux roy,
t'es qu'une buse regarde toi,
t'aimes bien ça qu'on te soudoie,
la p'tite solde en fin de mois,
regarde-toi ah ah ah
regarde-toi ah ah ah
Et il ricanait, et ça le rassurait, parce que quelque part Danavun n'était jamais aussi serein que quand il se foutait de la gueule de quelqu'un. Bon, admettons, ce quelqu'un était plus nombreux que lui, et savait mieux se battre, mais bon, il était encore loin...
Soudard du faux roy,
t'es qu'une buse regarde toi,
t'as vraiment pas l'air con,
quand tu sors entre tanches
avec tes copains moutons
tu crois que ta laine est blanche
regarde-toi ah ah ah
regarde-toi ah ah ah
Bon, là, il était vachement plus proche déjà. Désormais, Danavun pouvait voir l'Ennemi. Il voyait ses épées, ses piques, ses chevaux, tout ça. Et ça le rendait pas tellement jouasse.
Alors il chantait d'autant plus fort, pour oublier (d'habitude il buvait, pour oublier, mais on lui avait pas laissé emporter des provisions).
Soudard du faux roy,
t'es qu'une buse regarde toi,
t'as p'tet un cheval de prix
mais ton zizi est tout p'tit
tu roules des épaules,
tu te crois super-drôle,
regarde-toi ah ah ah
regarde-toi ah ah ah
Bon, ça ne volait pas très haut, c'est admis. Mais là présentement, Danavu en était presque au point de faire dans son froc que l'un dans l'autre, c'était déjà pas mal que ça rime, voyez-vous. Parce que la terre commençait à trembler tellement y'avait de monde qui courrait dessus en même temps, et ça ça lui foutait carrément le tracsir, au gueux.
Soudard du faux roy,
t'es qu'une buse regarde toi,
je sais, ton roy est un con
faut pas en faire un complexe,
le jour d'la révolution,
on lui coupera qu'la tête.
regarde-toi ah ah ah
regarde-toi ah ah ah
A ce stade là, les premières lignes étaient déjà en train de se foutre joyeusement sur la gueule, et il était bien content de pas en être. « On va laisser la première ligne les affaiblir, et hop, on pourra achever les blessés, » pensait-il. Et il empoignait fermement sa lance, cherchant un boiteux ou un agonisant à estourbir.
Soudard du faux roy,
t'es qu'une buse regarde toi,
je sais qu'tu fais des efforts
tu t'donne l'air d'un chevalier
tu te crois très très fort,
t'es jamais qu'un minet.
regarde-toi ah ah ah
regarde-toi ah ah ah
Là ! Eh, avance, Andouille !
Avisant un fantassin isolé, Danavun brandit sa monture et éperonna sa lance (dans la panique, il confondait un peu), et s'élança vers cette proie facile en beuglant :
Soudard du faux roy,
t'es qu'une buse regarde toi,
rejoins les rangs du Couillu,
tu prendras vraiment ton pied,
ne sois plus un trou du cul,
nous sommes tous 'achement stylés,
regarde-moi ah ah ah
regarde-moi ah ah ah
regarde-moi ah ah ah
regarde-moi ah ah ah
VLAM !
Gnaaaaaaaaamannnn !
Citation:
18-05-2012 04:06 : Votre arme a été détruite.
Et voilà que notre fier cavalier se retrouvait le cul par terre, un bout de lance dans la main, et le reste planté dans un arbre (le seul arbre à cent toises à la ronde, d'ailleurs). C'est un peu le risque de la chasse aux tilleuls.
Secoué, mais pas terrassé, Danavun se releva bien vite, furieux, et jeta au loin le casque qui lui avait fait prendre un arbre pour un soldat (à défaut d'une vessie pour une lanterne). Il attrapa alors sa fronde et entreprit de retrouver son cheval.
ANDOUUUUUUUUUILLE !
OHE, ANDOUUUUUUUILLE !
AU PIED, SALE ROSSE MAL LECHE ! ANDOUUUUUUUILLE !
* Toute affirmation selon laquelle Danavun aurait pourfendu un marronnier est une grossière erreur. Chacun sait que le marronnier n'avait pas encore été introduit en Europe. Tss, amateurs...
_________________
Danavun, médicastre et pourfendeur de tilleuls.