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[RP] Et la route continue...

Morelius
- Grmpffff... bougonne Morelius quand il sent la main de Theolenn bouger dans la sienne, plus pour la forme que parce que ça le gêne vraiment d'être réveillé si agréablement.

Les yeux encore embués de sommeil, il agrippe la main de la briseuse de rêves et bascule sa propriétaire sur lui.
D'un ton faussement grognon, il la réprimande:


- Avec ça nous voilà tout perturbés... n'est-ce point frère Soleil que je vois là poindre à la fenestre ? Matines sont-elles passées ? A cette heure un garde du corps bien élevé doit être à son poste, non ?

Il lâche la main de Theolenn et approche la sienne de la nuque de la dame.
Puis il lui offre un baiser.
Pas un des baisers enflammés de la veille, mais un long baiser de velours du matin (la barbe naissante atténuant nettement toutefois l'effet "velours").


- Je n'ai plus sommeil ! lui lance-t-il, en même temps qu’un sourire radieux. Mais déjà, il sort du lit.

Il se rend à la fenêtre, humer l'air du matin déjà bien entamé. Sa silhouette nue se découpe en contre-jour dans le carré de lumière blanche, et le soleil allume des reflets d'argent dans ses cheveux. Puis il revient vers sa "maitresse", la serre contre sa poitrine, et enfouit son visage dans ses cheveux, pour y retrouver le parfum du bain encore présent dans ses mèches en désordre.


- Et ce voyage ? Quand repartons-nous ?
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Theolenn
[Maritimus ou arctos?]

Il serait capable de débaucher une bigote nonagénaire à moitié aveugle avec ce luciférien contre-jour ! Et Theolenn malgré son teint d'albâtre est loin d'être de marbre… encore heureux que personne n'ait encore inventé cette diabolique machine qui permet de calculer où se concentre le regard…

Ainsi l'animal de son étude avancée grogne t-il dès son réveil.

*Si j'ajoute à ça son régime particulièrement carnivore, sont goût prononcé pour le miel (et l'abeille aquatique), sa propension à égratigner les carapaces et à soulever les écorces, le fait qu'il se sent comme un coq en pâte en montagne et qu'il frétille comme un saumon dès qu'il remonte une rivière (fut-elle schématisée par un baquet), qu'il squatte à merveille les… grottes et qu'il hiberne, quelquefois, je ne vois qu'une et une seule possibilité, je fréquente un ours!*

Mais qu'est-ce que c'est bon un ours moréliidé qui s'accole et plus si affinités…
Hum…il a posé une question.


- Et ce voyage? Quand repartons-nous?

- Mursusius, je vous… t'ai dit… *Teddy?… décidément! * et ça la fait sourire bêtement, c'est fou comme on a souvent l'air idiot quand on nage dans le bien-être.

- Je pensais … non, attends…
Le repoussant gentiment afin qu'il lui serve de support et avouons-le, qu'elle reprenne un tant soit peu ses esprits, elle trace sur son torse une carte imaginaire. Le doigt lent mais précis délimite une vaste zone de friche puis passe par un mont faiblement nivelé où s'érige un petit rocher fier et où bizarrement elle fait déjà une première pause.

- Arrête de gigoter, tu me déconcentres…
Tiens, Theolenn s'y projette tellement bien qu'elle vient déjà de se prendre un coup de soleil...?!!?

Après avoir redescendu, tactile, la faible pente, les voilà par monts et par vaux, et que je te fais un détour par une curiosité qu'il ne faut absolument pas manquer, et ce puit particulier construit par une peuplade primitive, sans oublier le tertre sacré, celui-là elle y tient énormément, on en parle même à Montpellier, c'est dire!


- Après on a le choix, soit on emprunte l'embranchement Ouest qui mène à … ou alors… et elle reprend, la bougresse, emportée par ses visions cheminesques, sans s'apercevoir que peu à peu son panorama évolue et qu'un obstacle de taille s'est dressé sur sa carte 3D…
Elle relève les yeux, croise ceux du Morelius qui semble très intéressé par la balade et puis sourit, ravie.


- Tu parlais de quel voyage au juste? insiste l'innocente.

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Morelius
Ses manières de lire les cartes vous ont décidément des langueurs canailles qui tourneboulent vite Morelius.
Les doigts glissent et frôlent de façon très brève, à peine suggérée.
Comme par hasard.
Quelque chose d'impalpable et de furtif mais répété jusqu'à une sorte d'ivresse hypnotique.
“En toute innocence” Theolenn poursuit son manège géographique pendant un bon quart d'heure et Morelius vibre comme une viole de gambe.
Quand elle lui reparle de voyage, il glousse et joue les mijaurées.


- Quel voyage ? Mais ne vois-tu point la direction que t'indique ce poteau indicateur ? Le Ciel, mon amie, le Ciel...
Oh dame ! Quel manque de savoir vivre je montre là. Cachons cette chose que vous ne sauriez voir.


Vite un drap vient couvrir son bas ventre, ajoutant le ridicule à l'indécence: le drap se dresse et tangue sur son piquet comme une tente mal arrimée offerte à la bourrasque.
Pour ajouter aux émois du mercenaire, la lumière flottante du matin nimbe le corps de la géographe de clairs-obscurs incertains et changeants qui la sculptent de troublante manière.
Une vacillante lueur qui semble en exalter la féminité et la sensualité en mêlant l'indécis et le rouge.

Sans compter l'étrange brillance qui s'accroche parfois à ses prunelles sombres.

Même après cette nuit passée dans ces cuisantes douceurs féminines, Morelius est à point.
Inflammable comme l'amadou, de nouveau prêt à s'embarquer dans l'instant pour Cythère.

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Theolenn
Souvenez-vous, Theolenn est férue d'énigmes et voit des signes partout. Ses limites sont souvent floues pour ne pas dire qu'elles sont extensibles la plupart du temps, et elle voue un véritable culte à l'inutilité. Quoiqu'en fait, ce n'est pas tout à fait ça, la notion d'utilité est chez elle particulière car fluctuante, et fortement liée à l'émotivité.
Il lui semble donc "utile", ici et maintenant, en réaction à la vibrante démonstration animale de son compagnon, de s'assurer qu'ils emprunteront bien le même chemin. Dans une situation pareille, être sur la même longueur d'onde est certes essentiel, mais voguer en concordance de phases vous offre en supplément un aller double pour l'Extase.

Lorsqu'elle voit le montage "drap et mat" de l'objet de son affection, la pionnière est prise d'un doute…
Aurait-il changé d'avis concernant la mer et les bateaux? Est-ce une voile qui se tend, gonflée par les vents chauds du printemps? Mais elle revoit aussi, heureusement très brièvement, des scènes d'apocalypse gastrique et rejette l'hypothèse aussitôt.
Mais alors…???



Un campement !!!
Il veut camper à la belle étoile!
Grisée par la trouvaille, et aussi par une toute autre perspective, elle glisse une menotte gourmande sous la toile qui vacille dangereusement, le regard déjà perdu dans les étoiles qui se sont allumées en plein jour dans les yeux de son amant.


- C'est … c'est une…une excellente idée… bredouille l'audacieuse à qui le souffle manque soudainement.
- Mais il faut… il faut que… le piquet… ses yeux se ferment et son sourire se fait béat par anticipation. La situation lui échappe, il est donc urgent qu'il sache…
- Il doit être… solide... solidement... planté pour... que … pour que … nous restions …arrimés.

Elle a totalement raison car avant un cyclone, il est conseillé de renforcer les structures de la maison.

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Morelius
L'arrimage se fait donc de nouveau, en douceur, ce qui ne l'empêche pas d'être solide.

Ils sont bientôt comme une barque bercée par les vaguelettes d'une mer d'huile. Le bateau ivre de tantôt est bien loin. Une vapeur humide passe comme une brume d'été dans leurs yeux de mourants. Sous de délicats et sereins pizzicati, toutes leurs cordes vibrent et chantent. Fibre par fibre, les amants se disloquent et chacun vient jouer sa partition dans une symphonie pour extases et orchestre de chambre. Les humeurs perlent et embaument.

Pas un bruit, pas un cri. Juste son cœur qui bat contre le sien. Un immense zéphyr. Tout le corps de Morelius se tend et se détend, mille délicieux frissons le parcourent. Même à ce rythme-là, le drôle ne demande qu'à bondir.

Il calme encore le jeu, va et vient dans ses plus secrètes allégresses. Tout n'est que quiétude et volupté, sensuelles jouissances et délires tempérés. Mille et mille instants encore, ivresses lascives et aériennes extases... Un peu de vigueur, beaucoup de douceur, ils sont infatigables.

Mélodie monotone de la houle qui endort le marin, la mère des tempêtes menace et vient d'un coup l'emporter de sa vague meurtrière. Le voici foudroyé par un plaisir soudain...

Ils restent près d'une heure emmêlés, à somnoler, savourant le glissement moite d'une peau sur l'autre. Un monde crépusculaire où les couleurs se fondent en un brumeux accord de gris. L'eau et le ciel se perdent à l'horizon et l'âme profite des lointains.

Deux fois la fille de l'auberge est revenue silencieusement nourrir le feu. La seconde fois, les voyant sortir de leur torpeur, elle leur sert du vin et des fruits.

Corps épars, membres enchevêtrés, esprit vague et perdu. Moment vaporeux où l'on ne sait plus où finit son corps, où commence celui de l'autre. Moment incertain où les souffles se mélangent et se perdent. Seul subsiste le confus glissement de leurs atomes confondus.

Ils sont seul et seule. Juste deux dans un monde englouti par le silence.

L'idée qu’Épicure n'ait pu saisir la chute perpétuelle des atomes qu'en un pareil instant traverse fugacement l'esprit de Morelius.

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Theolenn
Il faudra bien qu'elle se rende à l'évidence…
Quand le mélange des corps flirte à ce point avec le sublime, il faut qu'un lien d'une nature hautement plus sacrée unisse les acteurs de ce doux crime qui les anime.
Mais ce sentiment, qu'elle n'accepte de reconnaître qu'à présent, dans ce semi coma où elle flotte, dans ce rêve éveillé propice aux confidences internes, ce sentiment lui fait peur. Choisit-on? Bien sûr que non ! Mais on peut décider de le taire, de l'enfouir, de le cacher un moment encore. Il ne faut surtout pas que Morelius ait peur qu'elle l'enferme, non, il faut qu'il se sente libre car ce n'est qu'à ce prix qu'elle le gardera plus longtemps auprès d'elle, ce magicien qui par un talent étonnant a su faire vibrer son âme et son corps jusque dans des recoins dont elle ignorait totalement l'existence…

Elle ouvre les yeux et le regarde. A cet instant précis, si on pouvait analyser la teneur du regard de Theolenn, un appareil ne suffirait pas à mesurer la dose de tendresse qu'elle transmet au bel assoupi. Même son soupir vibre contre la mâle poitrine où sa joue repose. Ses lèvres s'entrouvrent légèrement. D'une langue amoureuse et ludique, elle titille doucement la petit baie carnée rougie et durcie par son jeu lutin.


- Moreliussimo mio… pense-t-elle si fort qu'il en ouvre les yeux à son tour.

Puis elle remarque les fruits et le vin!!!
Comment?
Alors ça y est…. Le ciel a fini par tomber sur le monde… ?
Tout s'explique. L'Eden est à présent leur nouvelle patrie.

Elle tend un bras vers la corbeille, y cueille une belle fraise d'un rouge parfait, puis propose à Morelius d'y goûter le premier.



Ils ne sont repartis que le lendemain, assez tard, une fois toute l'énergie renouvelée.



***

[Foix, où l'on raconte parfois qu'une marchande de foie aurait perdu la foi …]

A l'heure où nos voyageurs atteignent la ville, les portes sont déjà fermées et les gardes, à l'intérieur, ne donnent plus aucun signe de vie.
Un muletier qui, par chance, passe par là, leur propose un hébergement chez l'habitant, et c'est assis à l'arrière de sa brinquebalante carriole que Morelius et Theolenn rejoignent une petite auberge non officielle tenue par la belle-sœur du vannier. Si toutefois la traduction du patois local que Theolenn a essayé de décrypter est correcte.

La maison est à flanc de colline, et même si le soleil est couché depuis un certain temps, la vue qu'ils ont de la chambre qu'on leur a louée reste claire et permet d'apercevoir les petites lumières de la ville toute proche. L'air du soir enchante les esprits tandis que les narines s'enivrent d'éphémères alliances florales, butin d'une journée généreuse en chaleur. Il doit y avoir un jardin à proximité.

La nuit qui suit ressemble à celles des gens heureux de s'assembler sans gène. Ils se confondent, fusionnent et s'endorment ensemble, presque l'un dans l'autre, ravis de s'être enfin trouvés. La vie peut être si simple pour peu qu'on recommence à vraiment l'aimer.

Au petit-déjeuner, ils commettent leur premier mensonge en duo. Devant des tasses d'un lait à peine sorti du pis et de larges tranches de pain frais où beurre et miel emmêlés se disputent la vedette, Morelius répond à l'indiscrète question de la néanmoins joviale propriétaire des lieux, et révèle avec un naturel à couper le souffle, qu'ils sont en voyage de noces. Theolenn manque de s'étouffer mais la crise de toux passée, elle renchérit en complétant l'histoire d'un vol de brigands qui leur auraient dérobé jusqu'à l'attestation de leur union ainsi que leurs médailles de baptême et divers cadeaux auxquels ils tenaient particulièrement.


- Mais pas autant qu'à la vie… se permet un Morelius enchanté de partager ce nouveau genre de connivence avec elle.

Le muletier, venu prendre le premier repas du jour, l'invite alors à regarnir sa bourse en allant récolter des légumes chez des voisins pas trop éloignés.
Theolenn remonte à l'étage après avoir proposé son aide mais la tenancière est fière de son autonomie et refuse qu'on allège sa tâche.

Par la fenêtre de l'étage elle regarde donc Morelius s'éloigner vers les potagers rémunérateurs. Pour s'abstraire de l'idée qu'il lui manque déjà, elle fouille le paysage à la recherche du jardin imaginé la veille et découvre…

Un sourire illumine son visage. Vite une plume, un parchemin et cet encrier qui ne la quitte jamais.


Theolenn a écrit:
Moreliussimo mio,
"Tant qu'il vous reste un fruit à m'offrir, j'y mords."
Je suis au verger…

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Morelius
Rentrant d'une dure journée à planter des patates pour une certaine Machies -finalement il en avait conclu qu'il préférait de loin ses activités habituelles qui consistaient à planter des ennemis- Morelius s'en retourna dormir un peu dans la modeste soupente qu'il partageait à Foix avec Theolenn, sa patronne, amie et amante. Il ne se releva que tard dans l'après-midi.

Après un brin de toilette, il se vêtit d'amples braies beiges à la mode chez les gens du peuple qui ont autre chose à faire de leur or qu'à le dépenser en vêtements, d'une chemise de lin jaune, de gants de cuir souple à peine usés, d'une sombre cape qui dans une autre vie avait été un rideau de velours, comme en témoignaient encore les broderies très usées qui en ourlaient le pourtour, retenue à son cou par une fibule d'argent représentant une tête de mort. Il ajusta ses chaussons marrons, du genre que l'on appelait dans son milieu des " pattes-de-chat", et qui n'étaient ni plus ni moins que des sacs de cuir mis à la forme du pied par des lacets.

Il sortit de son havresac un large ceinturon à deux rangées d’œilletons de cuivre, qu'il serra fort autour de sa taille. Trois fourreaux y étaient fixés, un à droite pour sa dague, un autre à droite dans lequel il glissa une arme ressemblant à un très petit glaive, ou à un très grand couteau de boucher, et un dernier au côté gauche, un peu vers l'arrière, plus long, dans lequel il planta une splendide rapière à large coquille ajourée, une arme qu'il avait récupéré plusieurs années de cela sur un jeune escrimeur de bonne famille qui avait sous-estimé sa susceptibilité.

Il se mira dans le piteux rectangle de bronze poli qui leur servait de miroir, et prit des poses. De face, de profil, de l'autre profil. Vanité quand tu nous tiens... C'est alors qu'il découvrit la note:




Moreliussimo mio,
"Tant qu'il vous reste un fruit à m'offrir, j'y mords."
Je suis au verger…


Mama sua... Il n'en fallut guère plus pour que lui vienne à la bouche la douceur des fruits qu'on devait trouver en ce verger là, et il en prit le chemin sans délai.
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Theolenn
Le verger de Foix était construit en terrasses, un verger de plein vent où les arbres fruitiers étaient plantés plus ou moins par variétés. A cette saison on commençait à récolter la guigne, petite cerise à la chair rouge noir, très juteuse et très sucrée, qui ne méritait nullement, d'après Theolenn, l'expression de malchance qui lui collait aux basques. On trouvait également quelques abricotiers d'une variété locale mais auxquels nul n'avait le droit de toucher. Un panneau stipulait à l'entrée qu'il s'agissait d'une expérience menée par les moines fuxéens en vue de créer de nouveaux cultivars. Rien de mieux pour aiguiser la curiosité de la belette qui sommeillait en elle…
Personne en vue?
Elle franchit d'un bond parfaitement calculé la pauvre clôture de bois tressé qui tentait d'en interdire l'accès et se faufila parmi les arbres dont certains étaient encore en fleurs. Trop facile…
Qu'avaient-ils de si particulier ces spécimens si mal gardés?
A première vue, rien. Mais en s'attachant aux détails, elle finit par remarquer sur quelques branches, des teintes différentes de celle de l'essence principale tandis que d'autres fruitiers étaient carrément ligaturés dès le milieu du tronc. C'était donc ça… des pruniers d'ente: certains plants sur porte-greffe et d'autres sujets où différentes variétés étaient greffées sur le même arbre. Ce qui expliquait aussi que certaines branches étaient encore en fleurs alors que d'autres portaient déjà de petits fruits.
Theolenn ne put s'empêcher d'avoir une pensée pour les herboristes qu'on condamnait au bûcher sous couvert de sorcellerie alors qu'ici on se permettait, sans vergogne, de jouer avec les créations de Dieu. La justice n'était qu'un concept humain et comme pour tout, c'est encore ces mêmes humains qui la respectaient le moins.

Mais l'expérience, bien sûr, l'intéressait.
D'un geste délicat, elle passa les doigts comme une caresse sur les écorces mutilées.
Les bourrelets de cicatrisation étaient parfaits dans l'ensemble mais pas récents du tout et les anciennes attaches de toile n'avaient pas toutes cédé à la force du grossissement ligneux. Trop serrées, elles menaçaient à présent d'étranglement passif les organes véhicules de la sève.

La jeune femme que la souffrance inutile insupportait, sortit de la poche de sa courte veste, un couteau à petite lame et dont le manche, en olivier, était sculpté d'étoiles; le cadeau de son père pour marquer ses dix premiers printemps. "Un cadeau pour garçon manqué" raillaient les quelques mijaurées qu'enfant elle avait été bien obligée de côtoyer… ça valait toujours mieux qu'être une péronnelle réussie, non?

Theolenn coupa, dégagea, libéra doucement les fils de l'écorce, prenant bien soin de ne pas abîmer de tissu végétal par un geste précipité. Elle arrivait au bout de sa tâche quand un cri rauque de pie grièche la fit sursauter et s'entailler légèrement le doigt.


- Hé… toi, dégage de là et fissa!

La créature qui venait de s'adresser à elle n'avait rien à envier aux personnages de sorcières qui hantaient les esprits parfois coupables, ou trop vulnérables, des enfants de tous les pays du monde. Petite, courbée, habillée de loques noires en couches mal ajustées, le visage tellement ridé qu'elle semblait avoir atteint plusieurs fois l'âge maximum autorisé, elle possédait une canne dont, pour l'instant, elle menaçait Theolenn qui, vite remise de son effarement, sentait la moutarde lui monter au nez. Le besoin de sucer son doigt pour arrêter le sang de sa blessure lui permit de se taire et de prendre le temps de relativiser la situation. Inutile de se fritter avec la population locale surtout quand le tort est de son côté. Elle rangea de sa main valide, tant bien que mal, son précieux ustensile et sortit du clos interdit comme la vieille le lui avait si aimablement conseillé.

- M'dame… dit-elle en la saluant poliment au passage mais la face ornée d'un sourire effronté.
Puis elle partit se choisir un arbre à "déceriser".

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Morelius
"T’avais mis ta robe légère
Moi l’échelle contre un cerisier
T’as voulu monter la première
Et après..."


Il ne fut guère aisé pour Morelius de s'aventurer dans le verger de Foix. Par quelque entrée qu'il y aborda, l'alignement parfait des arbres fruitiers lui fit rapidement perdre tous ses repères. Quant à la carte dénichée à l'hostel de ville, bien naïf qui s'y fiait.

A croire que les forces de l'Invisible se moquaient de l'arpenteur comme vous de votre première galoche. Pour chaque racine un peu trop exaltée qui le fit trébucher, pour chaque ronce ou chaque ortie qui avec affection l'embrassa, il eut un gentil juron. Et c'est sans compter celui qu'il garda pour lui quand la vieille Pikekû lui lança un regard mauvais alors qu'il prenait une pause assis dans un massif de fraises.

Le charme du verger de Foix se découvre sans doute à ce prix, pensa le mercenaire-horticulteur. Mais comment ne pas succomber à la tentation du bel oiseau qui y nichait ? Car pendant qu'il jurait comme un saint templier, Messire Morelius vit le vent se lever, puis souffler dans le creux de son oreille à la façon des dieux dans les conques des sables, un doux air mélodieux qui lui fut un régal. La mélopée de la cueilleuse de cerises remplit les lieux agrestes.

Rapidement il remonta à la source de ces arpèges, de ce rythme-sortilège, qui le menèrent jusqu'à son bel oiseau, niché dans un cerisier.

Tout griffé et essoufflé, ses blancs cheveux pleins de brindilles et de feuilles de murier, l'homme feignit la surprise.


- Theolenn ? Toi ici ??? J'en suis fort aise...
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Theolenn
Theolenn n'était pas drupe mais, heureux, son noyau d'hirondelle se mit à cabrer…
et déployant ses ailes pour retrouver son oiseleur, elle faillit bien dégringoler de son échelle à trois pieds.


- Tu sais…Il ne faut pas se déguiser en nid pour attraper les fruits, ils se sauvent rarement…

Sa moquerie pleine de malice ne fut que l'occasion de lui triturer le crin à la recherche du sarment perdu. Et de rameau en brindille, de tigelle en foliole, de bractée en capitule, c'est tout le chevelu du héros du verger que la nouvelle Euterpe débarrassa de ses doigts amusés.

- J'ai fait une découverte… Les moines de la région protègent un secret à l'aide d'un vieux cerbère de guerre aux deux tiers étêté. Quand tu as vu le monstre, tu ne crains plus ni l'ours ni le loup…

C'est un exemple typique de l'exagération moreliusienne de niveau 1, se pourrait-il qu'il déteigne déjà sur elle?
Comme elle n'arrivait pas à savoir quelle part de vérité il accordait à ses dires, elle ajouta sur un ton de confession intime…


- J'ignore par quelle facétie j'ai réussi à lui échapper mais pour le coup…tu m'as drôlement manqué…

Ce simple aveu eut le don de lui colorer instantanément les joues d'un rose tendre et pour cacher sa faiblesse, la cueilleuse désemparée piocha dans son panier et de deux paires de cerises jumelles se fit des boucles d'oreille.

- Tu aimes?

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Morelius
[Quand tiques des camps tiquent]

Si j'aime ? Diantre... comment m'en empêcher...

Comment ne pas aimer tes courbes harmonieuses qui chantent sous la caresse de l'arc-en-ciel et ses sept doigts de couleurs, nés de l'irisation des feuilles du verger chargées de pluie, jouant de la lyre avec tes longues mèches brunes, en frange sur ton front, en rouflaquettes sur tes joues pomme d'Api.

Comment ne pas aimer tes cils, fins et brillants, s'épanouissant en corolles et ourlant tes deux lacs profonds où je bois ton âme noyée d'infini.

Comment ne pas aimer ton nez, à l'arête bien droite et symétrique, se terminant par deux frémissants ailerons au chanfrein si délicatement biseauté que seul un maitre orfèvre pourrait les imiter sans outrager tes charmes.

Comment ne pas aimer ta bouche pulpeuse au goût de framboise qui découvre un feston de perles quand tu me souries.

Comment ne pas aimer ton haleine anisée, brise fraîche qui m'hérisse l'oreille et excite tous mes sens.

Comment ne pas aimer tes seins, rondes brioches au beurre, palpitants et ton cœur bondissant comme un cerf gonflé de sève.

Comment ne pas aimer tes reins cambrés et ta croupe galbée comme ceux d'une pouliche courant, hennissant et broutant dans les pâtures de montueux alpages où coulent à foison le lait et le miel.

Comment ne pas aimer tes pieds menus, enfin, qui chiffonnent à peine la robe de jaspe de la Terre.

Ma bien aimée, tu as la douceur du miel ; sous l'ombrage de ces arbres fruitiers tu me prodigues tes grappes de fruits mûrs et replets. Tel qu'anguille au carrelet, tu as su me pêcher, maline ! Ta langue est un oiseau ; tes oreilles deux biscuits, et ton nez une figue.

Et de ce verger des délices où croît l'abricotier et qu'arrose Ariège, tu m'apprendras les détours aux bouquets enchanteurs.

Car tu viens de m'en sacrer roi au sceptre de jade et m'as coiffé d'une tiare de murier entrecoupée d'herbe folle.

Là s'étend dorénavant mon royaume, ma terre, ma patrie, ma reine et ma dame, opales l'une et l'autre.

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Theolenn
Je sais ce que vous vous dites, elle voulait juste savoir s'il aimait les cerises…
Mais Morelius, lui, ne s'y est pas trompé, car même si la question paraissait spontanée
"Tu aimes?", le fruit dont elle se pare est de peu d'importance.

C'est un orgasme du cœur et Theolenn découvre le phénomène avec violence.
Elle reste là, plantée devant son orateur, s'imprégnant de chaque mot de la déclaration qu'il lui offre. Au fur et à mesure l'émotion la tétanise, tout son corps se liquéfie puis se glace, pour l'instant d'après se changer en vapeur. Cristallisation du moment, sublimation de la joie, variation de tempo pour des sens en déroute, les images qu'il déploie la caressent et l’enveloppent du halo d'un amour si précieux. Chacun de ses mots la touche qu'elle oublie pourtant aussitôt pour ne garder que la sensation qu'il engendre.
Sauf
"Ma bien aimée…" qui restera gravé.

Mais l'élue se cogne à un paradoxe. Si Morelius est la source de son état, de cette transe, de ce transport aussi effrayant que délicieux, c'est aussi lui l'unique refuge où aller savourer ce doux aveu qui la grise. Le cœur et la raison, une fois n'est pas coutume, décident de s'entraider.
Et Theolenn rejoint son suzerain dans le seul royaume qu'elle accepte de gouverner à ses côtés; l'espace de ses bras où se blottir est synonyme de félicité.

La volubile est sans mot.
Elle ferme les yeux pour mieux contempler la vaste étendue que les siens à lui ont créée. Aucun autre paysage ne vaut cette contrée, chaude comme les premiers rayons d'un soleil d'été, endroit magique où il suffit d'imaginer la mer pour pouvoir s'y baigner, où le temps, boucle circonvoluée, n'a plus de pouvoir sur ses sujets enfin libérés de sa terrible contrainte. D'autres images, venues de territoires étranges, s'imposent à son esprit. Elle voit Ariane déroulant son fil non pour sauver Thésée mais bien le Minotaure qui y est condamné. Elle voit le monstre légendaire, libre de son labyrinthe, s’étirer au soleil puis pleurer comme un enfant en humant la brise parfumée que lui offre le vent. Taureau réconcilié avec ce monde qui le craint tant. Elle entrevoit les autres possibles, les autres versions de l’Histoire que la peur a imposé depuis la nuit des temps à l’humanité férue de chimères. Theolenn sent intuitivement le verso de l’existence depuis que Morelius est entré dans sa vie.


« …tu m'apprendras les détours aux bouquets enchanteurs. »

Puisque les mots lui font défaut en cet instant suprême, c’est le corps qui parlera pour elle, qui lui fera comprendre à quel point elle aime quand, de ses mains de sculpteur talentueux, il lui façonne les ailes qui l’emportent si haut. Quand d’un simple regard il parvient à aiguiser son désir de se fondre en lui, de se perdre au-delà de l’idée même d’un paradis bien trop défini. Comment dit-on à un homme qu’on l’aime?

La reine Theolenn, que des bras protecteurs toujours enlacent, détache une cerise d’oreille, la croque jusqu’au noyau puis propose aux lèvres de son alter ego d’en partager la chair. Ce faisant elle glisse une main fébrile sous la chemise couleur soleil de son roi des faunes et caresse la peau qui couvre son cœur.

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Morelius
Morelius se laisse faire...

C'est évident, il ne vit plus que pour elle, il ne vit plus que par elle.

En retour, une force exquise et indomptable l'oblige à retenir ses élans. Quand il se sent si fragile et si vulnérable, lui si fort en toute chose, à la guerre comme à la cour, prisonnier qu’il est de la force de son amour et des élans de son désir, elle lit sans doute en lui à livre ouvert.

Malgré ses efforts, il est incapable de singer la froideur et l’indifférence. Alors il fait durer l'attente, il fait monter la tension en n’esquissant pas le moindre geste en réponse aux avances de Theolenn. C’est une sorte de vengeance anticipée sur l’abandon où il lui faudra se dissoudre quand elle se donnera de nouveau à lui.

Cette bataille intérieure constitue une heureuse opportunité. Il sait qu'elle lui permettra de se délivrer un peu de l'agressivité farouche qui révulse son être. Il sait aussi que s’en sera fini de lui et de sa liberté quand il retombera dans l’esclavage où le jettent les indicibles jouissances qu’elle fait triompher de ses chairs.

Un jour sa superbe fléchira-t-elle ? Parviendra-t-il à accepter cette mutuelle et totale dépendance où vous jettent les grandes amours ? Sans doute jamais, car, sans même qu'il le sache, cette résistance sans espoir est un insidieux moyen d’en accroître l’érotisme.

Soudain, alors qu'il s'apprêtait à laisser enfin s'ouvrir les écluses de son désir, un souffle de vent aussi court que rapide passe à quelques doigts de son oreille. C'est un sifflement qu'il ne connait que trop bien: carreau d'arbalète. Aussitôt les vieux instincts reprennent le dessus. Il jette Theolenn dans l'herbe haute du verger et se laisse tomber sur elle: la scène est par trop violente pour être romantique...

Mais le verger est toujours aussi calme, les merles qui profitaient des cerises oubliées par la cueilleuse n'ont même pas cessé de siffler.

Morelius se relève, aide sa compagne à en faire de même, puis bien vite retrouve le carreau planté dans le tronc du cerisier. Un morceau de parchemin y est enroulé. Le spadassin le déplie et le lit sans même le cacher à Theolenn, tant sa stupeur est grande:




Par le fer et le feu, nous avons combattu,
Par le fer et le feu, nous triompherons.
La mort des ennemis nous laisse tous assoiffés.
Noir coulera ton sang quand tu seras battu.
La Lune sera pour toi, le Soleil pour nous.
Qu'Aristote guide nos glaives pour tous vous égorger,
Que nos bras vainqueurs puissent tous vous massacrer.
La Camarde t'attend, quand ton destin se noue.


Il faudra bien s'expliquer... mais pour l'heur', Morelius a message plus urgent à convoyer. Il prend les mains de Theolenn dans les siennes et d'un air désolé lui dit:

- Il nous faut repartir, ma mie... vite.
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Theolenn
Stupeur et tremblement, le rêve fruité d’un après-midi printanier vient de basculer en une fraction de seconde pour laisser place à une réalité plus …terre à terre. Car même avec toute la meilleure volonté du monde, il est impossible de confondre ce qui est fiché dans l’arbre avec ce que décoche habituellement le petit joufflu ailé.

Elle ne sait rien, donc ne comprend rien au message, mais ne demande pas non plus. Elle voit l’expression du visage de Morelius changer et c’est la seule chose qui importe. Un danger les menace et s’il dit qu‘il faut dégager rapidement, c‘est que c‘est la seule chose à faire. S’il le pense utile ou qu‘il en a envie, un jour, il lui racontera. Quoi que ce soit, elle est prête à l‘écouter sans aucun jugement à la clé parce qu’il n’y a que quand l’amour est petit que les fautes sont jugées grandes. Elle l’a accepté comme il est, avec son passé, quelles que soient les implications que cela suppose, pourvu qu‘à présent ils les affrontent à deux. Le meilleur et le pire, et encore le meilleur, juste après…

En attendant, place au pragmatisme et Theolenn soumet son idée au spadassin sur le qui-vive. Sur un mode chuchotis.

- Le clos des moines, là où il y a les abricotiers. Dans le fond, il y a une petite porte en fer forgé avec une chaine et un cadenas rouillé. Je suis presque certaine qu’il n’était pas fermé. Ce qui est impossible à voir de l’extérieur. Après on longe le verger par les champs. Il n’y a que du blé tout autour et il est déjà haut.

Theolenn scrute le visage de son aimé.
- Une fois chez nos hôtes, je rassemble nos affaires et s’ils posent des questions, je dis qu’on a repéré nos voleurs en Espagne et qu’on nous y attend impatiemment pour le procès. S’ils ne sont pas là, je laisserai un mot en évidence… et de toutes les façons, je fais mine de prendre la route qui va à la ville pour t'y retrouver.

Il semble peser les éventualités, confronter les possibilités, calculer la probabilité ou peut-être rumine t’il une toute autre idée.
- Morelius, je t’en prie, dis-moi… souffle-t-elle, les mirettes fiévreusement accrochées au regard du ténébreux.

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Morelius
Morelius se fendit d'un sourire... elle avait pensé à tout immédiatement, comme par réflexe. Elle avait nécessairement déjà vécu ce genre de situation pour acquérir ce genre d'automatismes. Voilà déjà un moment qu'il s'était mis à douter de la prétendue noblesse de sa compagne, mais ce genre de petit mensonge lui plaisait tant, pimentant leurs relations, qu'il se garderait bien de mettre la chose sur l'ouvrage avant longtemps.

- Ton plan est parfait, ma renarde... Tu veux que je te dise ? Je crois que tu étais mon ange gardien autrefois. Mais tu comprends, moi, j'ai tellement péché qu'Aristote m'a retiré le droit d'avoir de ce genre de protecteur. Alors de dépit tu es tombée sur terre, pour venir me rencontrer... Et quand je t'ai aimée si fort l'autre nuit, toutes les plumes de tes ailes se sont dispersées. C'est pour ça que tu as maintenant l'air d'une femme... D'ailleurs, je ne vais pas te recoller tes plumes tout de suite... Ça te va si bien, l'apparence d'une femme... Rejoins-moi à la nuit tombée à la porte Sud de Foix. Bonne chance.

Il lui colla un baiser brûlant d'excitation sur les lèvres avant de s'enfoncer dans les fourrés, vers la porte des abricotiers...
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