Ingeburge
Ce ne fut pas au Tournel où elle n'avait pas mis les pieds depuis le mois de décembre dernier et seulement brièvement que la dernière lettre de Charlemagne alla trouver Ingeburge car hormis le fait que celle-ci n'y résidait pas, elle n'avait aucune raison d'y séjourner. Ce ne fut pas davantage à Auxerre ou à Donzy que le pli de l'Aiglon la débusqua car la Bourgogne infestée avait été quittée pour un air s'il n'était plus pur, lui était étranger et indifférent. Fort heureusement, dûment renseigné avant de prendre la route du nord, le messager sut que c'était à Montpellier qu'il trouverait la destinatrice de la lettre qu'il devait remettre et ce fut à Montpellier que la livraison se réalisa.
La destinatrice en question en prit connaissance dans la voiture la menant à Lodève, au milieu d'une dizaine autres missives, mettant à profit le voyage pour s'occuper du dépouillement de son courrier et ainsi tromper son sentiment de perdre du temps dans son ouvrage à crapahuter sans cesse sur les routes. La lettre l'intéressa tout en l'inquiétant, trouvant dans son contenu des échos à sa propre situation vis-à-vis de l'Empire et le tri en fut interrompu, ses réflexions sur la conduite à tenir mobilisant toute son attention. Finalement, la réponse fut rédigée quand le convoi parvint à destination. Là, dans sa chambre, à la lueur de quelques chandelles, elle s'employa à la rédaction de son retour qui fut, une fois achevé, directement envoyé à Randon.
Charlemagne ainsi lirait :
La destinatrice en question en prit connaissance dans la voiture la menant à Lodève, au milieu d'une dizaine autres missives, mettant à profit le voyage pour s'occuper du dépouillement de son courrier et ainsi tromper son sentiment de perdre du temps dans son ouvrage à crapahuter sans cesse sur les routes. La lettre l'intéressa tout en l'inquiétant, trouvant dans son contenu des échos à sa propre situation vis-à-vis de l'Empire et le tri en fut interrompu, ses réflexions sur la conduite à tenir mobilisant toute son attention. Finalement, la réponse fut rédigée quand le convoi parvint à destination. Là, dans sa chambre, à la lueur de quelques chandelles, elle s'employa à la rédaction de son retour qui fut, une fois achevé, directement envoyé à Randon.
Charlemagne ainsi lirait :
Citation:
A Charlemagne Henri Lévan von Frayner-Castelmaure, duc de Bolchen et du Nivernais, vicomte de Baudricourt et de Chastellux, baron de de Chablis, de Laignes et de Thuillières,
- De par Ingeburge von Ahlefeldt-Oldenbourg, duchesse d'Auxerre, baronne de Donzy, pair de France.
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Votre Altesse Royale,
Je ne sais qui en Empire vous a renseigné et a osé vous indiquer que la tutelle pour vos domaines impériaux ne pouvait être transférée à un tiers qui saura, mieux que les deux premiers tuteurs prévus par votre père, gérer vos intérêts mais c'est au mieux un sot, au pire un manipulateur. En effet, renseignements pris auprès de la personne faisant autorité en la matière, le transfert est tout à fait possible. Voilà pour l'aspect positif. Hélas, il vous faudra en passer par votre famille. Si je m'en tiens à ce que l'on m'a affirmé, il revient au chef de famille de décider du transfert. Selon les termes du testament de votre père, le chef de famille est le duc de l'Aigle, celui-là même qui est censé être... votre tuteur et si ledit duc de l'Aigle, je cite, « par flemme aigüe ou décès prématuré venait à défaillir de ses droits et devoirs », la gérance serait confiée à un triumvirat composé de deux de vos oncles l'un est mort et d'un de vos cousins, encore faudrait-il qu'il trépassât ou que la paresse extrême fût caractérisée. Je crains qu'il vous faille réunir le conseil de famille ou trouver un moyen de joindre votre cousin, sachant que ce dernier devrait pouvoir assister à la réunion. Ce rassemblement, je vous le conseille, ce serait peut-être aussi l'occasion de régler les éventuels contentieux, de vous faire entendre et de promouvoir une cohésion qui à vous lire est loin d'être effective. Si vous souhaitez ma présence à vos côtés si le conseil devait être convoqué, je serai là.
Concernant vos terres lorraines, ces demandes étranges de patentes que la Hérauderie Impériale devrait avoir consignées, et nul autre, et l'absence de réponse à vos questions légitimes, cela se règlera, je crois avec la résolution du problème de la tutelle. Je crois en outre sincèrement, aussi rébarbatif et rédhibitoire que cela puisse vous paraître, que le conseil familial des von Frayner pourra en ce sens vous être utile. Même si le désintérêt est là et que vous estimez qu'aucun Aigle ne se soucie de vous, la perspective de perdre trois fiefs qui pourraient revenir à l'un de vos cousins si vous deviez tester en ce sens tant que vous ne serez pas marié et n'aurez pas conçu d'héritier, ne pourra que motiver vos parents. Autre solution, cibler vos appels, vous tourner vers les cousins, neveux, oncles, que vous estimez de confiance ou à tout le moins, capables de s'impliquer pour vous. Vous citiez la duchesse de Remiremont, je la tiens pour une personne honnête et soucieuse d'autrui et je crois qu'il en va de même pour son frère, le baron de Viviers. Il y a aussi le duc d'Herbéviller, veuf de votre cousine Sybille, et désormais Archevêque de Besançon, grand homme de foi et pétri d'humanité ou encore la duchesse de Meaux, Hospitalière, que je connais un peu, là où je ne connais pas du tout son époux, un de vos oncles. Vous pourriez voir avec quelques-uns, avant de voir avec tous.
Enfin, je laisse là pour un temps vos affaires pour vous faire part de ma surprise à vous savoir en Languedoc. Je m'y trouve moi-même, lancée dans une drôle d'expédition qui m'en fait visiter chaque coin et chaque recoin. Me voilà à Lodève, avant de regagner dans quelques jours la côté méditerranéenne. Il est donc possible que nous finissions par nous croiser et je conviens en toute franchise que c'est là une éventualité qui assurément me plairait. J'ai besoin de vous voir afin que d'accréditer certaines de vos affirmations, de confronter votre aspect à vos assurances; là aussi réside la fidélité que je vous ai promise mais je gage que vous saviez déjà que mon serment ne comportait pas pour vous que des avantages.
Que le Très-Haut vous ait en Sa sainte garde.
Donné à Lodève.