[se dirigeant vers la juge dossier sous le coude ]
Il regardait un peu au dehors, l'attendant avec pas mal d'impatience, étrange sentiment, un mélange des plus original, de l'impatience, de l'excitation, de la tension, et de l'amour.
Le jeune Palois avait déjà beaucoup de mal à tenir en place, mais sachant la venue de Phoebee imminente, il était tout simplement devenu intenable.
Roca lui s'était avancé près de la juge, il y allait de son argumentation, Icarionnoste ne put en être que satisfait, il était entier, oui entier, voyez, comme l'étalon, il en avait dans les braies, sans jouer farouchement la pucelle démagogique et populiste.
Il jouait oui, mais il jouait son rôle, pas celui d'un autre.
Il acquiesça à ses explications, à ses mots, approuvant de la tête.
-"Oui madame le juge, il y a ça, et pas que ça.
Oui, il fallait s'expliquer sur son statut, stop aux faux technocrates à deux écus, ceux qui se cachent derrière des lois qu'ils ne maitrisent pas eux-mêmes.
Ceux qui ont le pouvoir sans réellement savoir ce qu'ils pourraient en faire, outre s'en servir pour leur petite personne ou pour la personne de leurs amis.
Un regard en arrière machinalement, pourquoi? ...
Elle est là, dans les tribunes, un coup de marteau sur le cur, un élan de joie et de vie, qu'on le condamne, qu'on lui jette opprobre et discrédit, il aura tout, puisqu'il l'aura.
La belle et douce Phoebee, délicate et subtil comme le vent dans les arbres, une pensée d'elle et la journée change du tout au tout, une pensée d'elle et c'est un monde de beauté et de vie qui s'ouvre sous les pieds nus du jeune Palois.
Engourdissement amoureux, il s'en sort péniblement, comme un second accouchement.
-"Je disais donc madame le Juge, il n'y a pas que ça, j'ai plusieurs preuves apportant le bien fondée de ma présence icelieu en tant qu'Avocat de messire Rocabar.
Première preuve, signe de la tête au garde parti quérir la preuve entre temps, et remerciement appuyé à Roca qui se chargeait entre temps de distraire la foule qui se devait de patienter.
-"Merci d'occuper les spectateurs Roca, grace à toi le temps leur paraître un peu moins long."
et le jeune Palois de se retourner vers la juge et de lui tendre à la plaque de marbre flanquée de l'inscription "maître Icar" et d'en faire le commentaire.
-"Voilà, c'est la batonnière en personne qui m'a remise cette plaque qui va de pair avec le titre d'Avocat, ainsi que le bureau d'avocat dont la porte est justement ornée de la dite plaque."
Il marqua une petite pause.
-"Le pire madame le juge semble être, vous m'excuserez des mots, l'incohérence de la batonnière et son manque de professionnalisme criant.
Je ne dis pas ça sans preuve, ça serait là bel et bien de la diffamation, je dis ceci par simple soucis de logique et de vérité, permettez que je vous explique les faits.
Reprenant son souffle.
J'ai été nommé avocat il y a de ça une petite dizaine de jours, et jamais ô grand jamais, la batonnière, dont l'un des rôles est tout de même d'orienter les nouveaux avocats, ne m'a parlé du moindre serment à faire.
Jamais, j'en ai là aussi des preuves.
Comprenez donc mon incompréhension quand je vois dans la lettre une phrase telle que "Le comté sera seul maitre en matière de poursuite pour usurpation de titre et de fonction", j'ai du mal à trouver ne serait qu'une once de cohérence dans les choix de la batonnière
Troisièmement, et je pense que c'est le point le plus important de tous
Je me rappelle d'une conversation dans le secrétariat que j'ai eu avec la procureur qui proposait à la vue et au sus de tous, de défendre Messire Rocabar.
Dans cette conversation j'ai clairement énoncé ma volonté de défendre Messire Rocabar, toujours à la vue et au sus de tous.
De tous.
Et de la batonnière en premier lieu, et jamais, non jamais, celle-ci ne m'a mit en garde sur un quelconque cérémoniel.
Elle m'a laissé faire, sciemment, oui, sciemment.
Si j'avais envie de sombrer dans un trouble paranoïaque, je vous dirais même qu'on dirait que ça ressemble à un piège. Mais je n'irai pas jusque là, je me cantonne simplement à vous montrer, madame le juge, à quels points les incohérences de la batonnière me paraissent rendre caduque sa demande."
Prenant un air moins cérémonieux.
Ecoutez ... je sais que vous avez envie que ce procès se fasse, se fasse bien, mais pour l'instant nous n'en sommes qu'à des considérations légales des moins intéressantes.
Depuis que je suis arrivé en Béarn, on me parle de son coutumier, sort de sa poche un parchemin avec annotations faites sur le dit coutumier et le montre à la juge
l'une des premières chose que j'y ai trouvé c'est "le critère du bon père de famille", mes yeux s'arrêtent sur ces mots : "un homme de la place du marché qui agit en vertu de son bon sens", alors je vous en prit, madame le juge, soyez "bonne mère de famille", ce n'est pas une injonction, c'est une demande sincère.
Faisons ce procès, arrêtons de pavoiser sur mon cas alors qu'il y bien trop d'incohérences dans les textes, faisons valoir le bon sens, et jugeons la vraie affaire."