Ceraphin
Comme c'était à prévoir, la place prise ne fut pas des plus adéquates pour tout voir.
Fort heureusement, Ceraphin put néanmoins suivre la majorité des évènements qui suivirent, si ce n'est toujours par la vue en tous cas par l'ouïe... car ça parlait haut et fort, là bas, sur le devant de la scène.
Une scène précisément, car, jusque là, tout ceci lui faisait penser au théâtre et à ce que Maman lui en avait dit.
Cela faisait d'ailleurs poindre un peu de tristesse dans le regard de l'enfant... encore une chose qu'il n'avait pas eu le temps de partager avec elle.
Mais bon...
L'heure n'était pas à la nostalgie, il lui fallait se concentrer sur l'instant présent et apprendre.
Apprendre et comprendre les rites et usages en vogue en société, analyser aussi la façon dont se réglaient les conflits... car il faut bien l'avouer, du haut de ses jeunes années, Ceraphin était rapidement parvenu à la conclusion que tout ou partie des relations entre grands passaient inévitablement par des affrontements, physiques ou verbaux.
Et rien que pour cela, les grands n'étaient franchement pas très intéressants.
En général...
De plus, une autre bonne raison de se ressaisir et de ne pas laisser pointer la larme au coin de l'il... se présenta sous la forme d'une gamine, enfin une enfant, une fille quoi.
Une petite fille qui s'assit non loin et lui sourit.
Hésitant vaguement sur la conduite à tenir, Ceraphin opta pour un mi sourire mi hochement de tête... ne sachant qui du garçon, de l'homme en devenir, de l'ainé en âge ou encore de je ne sais qui devait lui dicter sa réaction.
Alors mi sourire mi hochement de tête, un truc en demi mesure qui finalement ne ressemblait à rien.
Mais bon...
D'ailleurs la petite ne semblait pas s'en offusquer outre mesure ayant même avoir sa propre autonomie de pensée et d'agir... à voir sa façon de s'asseoir et de jeter certains regards.
Lorgnant sur elle du coin de l'il, le gamin se surprit à penser que si le banc n'était pas si rempli, il aurait pu aisément le faire basculer en arrière en se relevant brusquement.
Mais souriant encore de la scène imaginée, il se reprit... c'était là le genre de mauvaise blague qu'il aurait fait volontiers à un de ces copains de Châteauroux mais pas à une fille plus petite que lui.
Bon tant pis.
Peut être que ce fut le regret de trop car il semblait qu'une force invisible venait de réaliser son inavouable souhait blagueur.
La "petite" venait de perdre l'équilibre et menaçait de choir de son perchoir.
Et bizarrement, d'un coup ce n'était plus si drôle.
Instinctivement Ceraphin étendit même la main pour tenter de rattraper ses pieds mais la demoiselle s'était déjà rétablie.
Il fit donc mine de rien et reporta son regard droit devant.
Pendant ce temps le brouhaha avait repris dans la salle... l'audience ayant été suspendue par dame la juge, enfin c'est que l'enfant compris.
Tout ceci était décidemment bien étrange dans le déroulement.
Etait-ce toujours ainsi?
Et voici qu'un visage familier se présenta à lui, parcourant les quelques rangs qui les séparaient.
Bonjour Constant!
Oui je vais bien... mais non je ne suis pas petit.
Oui, il y a toujours des trucs qui chagrinent quand on s'approche doucement mais surement de la puberté, surtout quand une fillette est à portée d'oreille.
M'enfin, Ceraphin ne rechigne pas à prendre à son tour des nouvelles du messire jusqu'à ce que...
Tu es venu pour regarder les filles, toi aussi ?
Et je vous passe le discours qui suivi, car, traditionnellement, Constantcorteis ne se contentait que rarement d'énoncer une phrase sans un laïus à l'appui.
Donc là... c'était le pompon sur le casque du garde, le rubis sur la couronne du Coms, la cerise sur la tranche d'Ossau Iraty.
Et de la cerise, Ceraphin en avait la couleur, maintenant.
Constant poussait même la minutie jusqu'à lui infliger la deuxième couche en évoquant une étrange affaire de sous vêtements judiciaires.
Le gamin, outre qu'il était plus que mal à l'aise, cherchait en plus le rapport avec ce fameux procès Rocabar... et ne le voyait pas.
Messire Corteis n'avait pourtant pas l'habitude d'être à côté de ses chausses, d'ordinaire.
Les interrogations de l'enfant ne le torturèrent pas trop longuement puisque le summum fut atteint quelques instants plus tard, lorsque la petite demoiselle équilibriste d'une, manifesta qu'elle avait tout entendu de la conversation, et de deux, que la juge n'était autre que sa mère... d'ou son courroux manifeste et manifesté.
Là, à ce moment là, précisément, Ceraphin observe le sol de la salle comtale... un rustique mais solide plancher.
Il suffirait de déboiter quelques lattes, de creuser à la pelle la terre en dessous, de s'y engouffrer en remettant, le mieux possible, les lattes en place derrière lui.
Et là, là peut être que ça irait mieux.
Mais bon, il n'avait pas de pelle.
Alors faute de mieux, il se contenta de murmurer à l'attention de la petite-demoiselle-équilibriste-courroucée...
Euh... hum... faut pas faire attention, des fois il dit des choses qui ne veulent pas vraiment dire ce qu'elles semblent vouloir dire.
Enfin... c'est des trucs que personne ne comprend vraiment... à part lui, quoi...
Ah bah, finalement, il parviendrait presque à s'enfoncer... sans la pelle.
Et dire que pendant ce temps là il manque tout du spectacle qui se joue même pendant l'entracte.
Tssss... y a plus qu'à espérer pour Constant que l'audience reprenne rapidement.
Parce que d'ici là qu'il tente de fournir une explication à sa petite voisine de banc... on est pas sauvés.
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Fort heureusement, Ceraphin put néanmoins suivre la majorité des évènements qui suivirent, si ce n'est toujours par la vue en tous cas par l'ouïe... car ça parlait haut et fort, là bas, sur le devant de la scène.
Une scène précisément, car, jusque là, tout ceci lui faisait penser au théâtre et à ce que Maman lui en avait dit.
Cela faisait d'ailleurs poindre un peu de tristesse dans le regard de l'enfant... encore une chose qu'il n'avait pas eu le temps de partager avec elle.
Mais bon...
L'heure n'était pas à la nostalgie, il lui fallait se concentrer sur l'instant présent et apprendre.
Apprendre et comprendre les rites et usages en vogue en société, analyser aussi la façon dont se réglaient les conflits... car il faut bien l'avouer, du haut de ses jeunes années, Ceraphin était rapidement parvenu à la conclusion que tout ou partie des relations entre grands passaient inévitablement par des affrontements, physiques ou verbaux.
Et rien que pour cela, les grands n'étaient franchement pas très intéressants.
En général...
De plus, une autre bonne raison de se ressaisir et de ne pas laisser pointer la larme au coin de l'il... se présenta sous la forme d'une gamine, enfin une enfant, une fille quoi.
Une petite fille qui s'assit non loin et lui sourit.
Hésitant vaguement sur la conduite à tenir, Ceraphin opta pour un mi sourire mi hochement de tête... ne sachant qui du garçon, de l'homme en devenir, de l'ainé en âge ou encore de je ne sais qui devait lui dicter sa réaction.
Alors mi sourire mi hochement de tête, un truc en demi mesure qui finalement ne ressemblait à rien.
Mais bon...
D'ailleurs la petite ne semblait pas s'en offusquer outre mesure ayant même avoir sa propre autonomie de pensée et d'agir... à voir sa façon de s'asseoir et de jeter certains regards.
Lorgnant sur elle du coin de l'il, le gamin se surprit à penser que si le banc n'était pas si rempli, il aurait pu aisément le faire basculer en arrière en se relevant brusquement.
Mais souriant encore de la scène imaginée, il se reprit... c'était là le genre de mauvaise blague qu'il aurait fait volontiers à un de ces copains de Châteauroux mais pas à une fille plus petite que lui.
Bon tant pis.
Peut être que ce fut le regret de trop car il semblait qu'une force invisible venait de réaliser son inavouable souhait blagueur.
La "petite" venait de perdre l'équilibre et menaçait de choir de son perchoir.
Et bizarrement, d'un coup ce n'était plus si drôle.
Instinctivement Ceraphin étendit même la main pour tenter de rattraper ses pieds mais la demoiselle s'était déjà rétablie.
Il fit donc mine de rien et reporta son regard droit devant.
Pendant ce temps le brouhaha avait repris dans la salle... l'audience ayant été suspendue par dame la juge, enfin c'est que l'enfant compris.
Tout ceci était décidemment bien étrange dans le déroulement.
Etait-ce toujours ainsi?
Et voici qu'un visage familier se présenta à lui, parcourant les quelques rangs qui les séparaient.
Bonjour Constant!
Oui je vais bien... mais non je ne suis pas petit.
Oui, il y a toujours des trucs qui chagrinent quand on s'approche doucement mais surement de la puberté, surtout quand une fillette est à portée d'oreille.
M'enfin, Ceraphin ne rechigne pas à prendre à son tour des nouvelles du messire jusqu'à ce que...
Tu es venu pour regarder les filles, toi aussi ?
Et je vous passe le discours qui suivi, car, traditionnellement, Constantcorteis ne se contentait que rarement d'énoncer une phrase sans un laïus à l'appui.
Donc là... c'était le pompon sur le casque du garde, le rubis sur la couronne du Coms, la cerise sur la tranche d'Ossau Iraty.
Et de la cerise, Ceraphin en avait la couleur, maintenant.
Constant poussait même la minutie jusqu'à lui infliger la deuxième couche en évoquant une étrange affaire de sous vêtements judiciaires.
Le gamin, outre qu'il était plus que mal à l'aise, cherchait en plus le rapport avec ce fameux procès Rocabar... et ne le voyait pas.
Messire Corteis n'avait pourtant pas l'habitude d'être à côté de ses chausses, d'ordinaire.
Les interrogations de l'enfant ne le torturèrent pas trop longuement puisque le summum fut atteint quelques instants plus tard, lorsque la petite demoiselle équilibriste d'une, manifesta qu'elle avait tout entendu de la conversation, et de deux, que la juge n'était autre que sa mère... d'ou son courroux manifeste et manifesté.
Là, à ce moment là, précisément, Ceraphin observe le sol de la salle comtale... un rustique mais solide plancher.
Il suffirait de déboiter quelques lattes, de creuser à la pelle la terre en dessous, de s'y engouffrer en remettant, le mieux possible, les lattes en place derrière lui.
Et là, là peut être que ça irait mieux.
Mais bon, il n'avait pas de pelle.
Alors faute de mieux, il se contenta de murmurer à l'attention de la petite-demoiselle-équilibriste-courroucée...
Euh... hum... faut pas faire attention, des fois il dit des choses qui ne veulent pas vraiment dire ce qu'elles semblent vouloir dire.
Enfin... c'est des trucs que personne ne comprend vraiment... à part lui, quoi...
Ah bah, finalement, il parviendrait presque à s'enfoncer... sans la pelle.
Et dire que pendant ce temps là il manque tout du spectacle qui se joue même pendant l'entracte.
Tssss... y a plus qu'à espérer pour Constant que l'audience reprenne rapidement.
Parce que d'ici là qu'il tente de fournir une explication à sa petite voisine de banc... on est pas sauvés.
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