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[RP] "Je préfère régner en Enfers que de servir le Ciel

--La_nonne
[Affres de douleur. Puits de folie. Ô Très-Haut, serait-il l’heure ?]

Laurelle cligna des yeux juste avant qu’une ombre rapide ne vienne s’abattre violemment sur sa mâchoire. La chaise vacilla. Hésitant entre diverses positions. Mais heureusement, elle resta sur ses pieds. La blonde loupa un battement de cœur. Sur le moment elle fut simplement sonnée, engourdie. Et puis, soudain, avec virulence apparut le monstre de souffrance. Lui avait-elle cassé quelque chose, l’hérétique ? Non. Mais pour une personne peu habituée à se faire maltraiter ces dernières années, cela faisait sacrément mal. Elle réprima difficilement les larmes qui menaçaient de poindre dans ses yeux. Elle tenta d’éviter à sa salive de pendouiller lamentablement sur son menton, ce qui produisit une sorte de bruit assez moche d’aspiration et de déglutition. Et puis l’inconnue arracha le couteau du bois, pour la menacer, les yeux luisants de colère, le geste pratiquement tremblant de rage.

La peur s’insinua de nouveau dans les veines de la nonne. Et puis commencèrent les inepties. Un courage face à la mort… Egoïsme… La blonde ne réagit pas, d’autant qu’une lame venait de se poser contre sa gorge. Son cœur battait la chamade dans sa poitrine et elle maîtrisait difficilement son souffle. Mais elle ne lâcha pas la silhouette féminine des yeux. Il valait mieux affronter les choses. En silence, si elle voulait que ça ne soit pas trop grave, pour l’instant. Une goutte de sueur vint perler sur sa nuque et commença sa lente descente jusqu’au creux de ses reins, pour venir mourir dans son vêtement. Une goutte glacée, salée, presque acide. La brune avait perdu son être cher un jour de mars. Laurelle était prête à parier qu’elle en connaissait la date exacte et qu’elle aurait pu donner le nombre de jours précis écoulés depuis l’heure fatidique. Mais l’ecclésiastique n’alla pas plus loin dans ses pensées car toute son attention fut soudain ramenée à sa chair. Sa chair qui souffrait. Sa chair malmenée. Sa chair coupée, sans aucune pitié. Sa chair tranchée par une lame froide tenue par une âme glaciale. Laurelle étouffa un cri de surprise, d’effroi et de douleur. Quelques larmes coulèrent sur sa joue. Et ses mains entravées se crispèrent, se convulsèrent tandis que dans un reflexe instinctif elle eut voulu les porter à son cou. Un sang, chaud, poisseux, odorant, se mit à couler doucement. La brune la laissa alors tranquille mais continua de parler. Laurelle ne l’écoutait pratiquement plus. Elle tâchait de ne pas crier. Elle tâchait de ne pas intervenir dans le délire de cette femme. Elle tâchait de reprendre son souffle. Elle tâchait de passer outre la douleur. Elle… Se mit à prier le Très-Haut. Mais celle dont elle ignorait le nom n’en avait pas fini. Après un discours défaitiste elle passa derrière Laurelle. Cette dernière se contracta, d’instinct. La lame sur sa nuque. La peur au ventre. Le souffle perdu. Le cœur au bord des lèvres. Et puis, un murmure à son oreille. Ignoble qui susurre.
Encore une contradiction. Mais allez donc lui faire relever… Elle n’écoute pas. Comme dit l’expression, c’est comme pisser dans un violon. Sauf que là, en prime, le violon est armé, dangereux, en colère et qu’il vous veut du mal. La nonne ouvre tout de même la bouche, mais elle ne dira rien… Simplement un nouveau cri étouffé lorsque la lame pénètre de nouveau sa chair, brièvement.

La brune se dirige de nouveau vers la paillasse, sous l’œil douloureux et triste de la blonde qui regarde dans le vague, dans l’obscurité retranchée dans les coins de la pièce. Les inepties pleuvent, encore, toujours, inlassablement tandis que la douleur bat dans le corps de Laurelle qui ne voit même pas que l’hérétique assassine sauvagement un coussin. Perdue dans ses prières, la blonde ne l’écoute plus, ne la regarde même plus. Jusqu’à ce qu’un bruit de déchirement de tissu n’attire son attention. Les iris cherchent, hagardes, et rencontrent la tortionnaire qui tient une bande, qui continue à déverser sa haine. Zyg. Un nom. Qui ne lui dit même rien. Soupir. Et… Voilà que la bandelette de tissu vient lui mordre la chair. La bouche est bâillonnée. Attachée, rendue muette, voilà que Laurelle est donc asservie. Possibilité de s’en sortir ? Néant. Elle ne peut même plus tenter de la raisonner. Mission échouée. La mort l’attend, c’est certain. Elle n’écoute plus. Jusqu’à ce que la main fraiche ne vienne se poser sur le front suant. Interrogation. L’oreille se tend. « Navrée de ne pas être l’égoïste que vous décrivez ! ». Cette femme n’avait décidément rien écouté. Elle aurait bien secoué la tête, mais elle était maintenue, et la lame sous son menton ne lui inspirait rien de bon. « Quant à devenir reine, je n’en ai strictement aucune envie, voyez-vous » elle prenait donc tout au pied de la lettre ? Laurelle n’avait fait que reprendre ses mots propres, son règne en enfer…

Le mot « ouvert » résonna dans ses oreilles, en même tant que la douleur vrillait dans son être.
Douleur. Assourdissante. Douleur. Abrutissante. Douleur. Déconcentrante. Douleur. Perfide. Douleur. Effrayante. Douleur. Atroce. Douleur. Lancinante. Douleur.
Cri arrêté par le bâillon. Cri qui manque de la faire s’étouffer.
Haletante.
Sanglante.
Perdue.
Une certitude.
Elle va mourir ici…
Il est l’heure Laurelle…
Prières.
Samsa
[Apprend l'impuissance...]

Sourde.Sam était devenue totalement sourde à tout ce qu'on aurait pu lui dire;elle n'était plus en mesure d'écouter,et sans doute ne voulait-elle même plus écouter.Comme le dit si bien le dicton,"il n'y a pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre".Fantastique illustration avec la brune.
Sur le coup,Sam ne prit aucun plaisir à faire souffrir la nonne,car malgré l'avalanche de reproches qu'elle venait de lui faire,malgré le fait qu'elle semblait être arrivée au sommet de la rage,ce n'était pas encore le cas.Mais la brune restait encore assez lucide pour le savoir,elle restait assez lucide pour savoir comment se venger et ne pas se laisser embarquer dans sa folie.Elle retira le couteau et vint en essuyer la pointe légèrement écarlate sur le nez de la captive.


Le monde est cruel n'est-ce pas?Le hasard aussi sans doute... Ça aurait pu ne pas être vous qui ayez répondu aux braiments de ce pauvre âne...Belle imitation tout de même vous ne trouvez pas?Il faut dire que j'ai l'habitude!

Un rire soudain lui échappa,un rire qui sonnait pourtant légèrement faux.Sam recula légèrement la table de devant Laurelle pour s'asseoir dessus.Doucement,lentement,presque tendrement,la lame du couteau vint caresser la joue tandis que les yeux de Sam brillaient d'une lueur malsaine.

Hé bien donc,que vous arrive-t-il...?Auriez-vous peur?Allons donc,appliquez ce que vous m'avez dit il y a peu...Sam entailla la tempe de la nonne pour venir finalement lui entamée la joue.Les quelques petits centimètres de peau coupés sur la nuque étaient devenus de véritables centimètres sur la joue....Trouvez donc le positif dans le négatif.

Sam lui sourit méchamment et laissa filer la lame,inoffensive,sur l'autre partie du visage.

Que pensez-vous Laurelle,au fond de vous?Que pensez-vous de cette situation,derrière vos inutiles prières que je devine?Faites-moi lire cela dans vos yeux...

La brune se pencha en avant et approcha si près son visage que leurs nez auraient pu se toucher.Elle sourit en coin et se recula avant de se remettre debout.Elle arpenta quelque peu la pièce avant de s'arrêter et de se tourner vers la captive.

Vous vous souvenez de ce que vous m'avez dit?Qu'il fallait que je sorte grandie d'une chose qui aurait pu me détruire.Mais dites-moi...Comment OSEZ-vous utiliser du conditionnel passé(wouha,Sam sait ses temps de conjugaison!Personne ne l'aurait cru sans l'entendre de ses propres oreilles),du CONDITIONNEL,alors que vous ne savez rien?!
Je SUIS détruite!J'ai essayé de me reconstruire,même un peu,mais je suis réduite à l'état de misérable vers de terre,condamnée à me traîner pour avancer désormais!


Elle revint près de la nonne et rengaina son couteau.S'appuyant sur la table comme on le ferait pour un interrogatoire,Sam lui lança un regard noir.

Mais admettons que je sois trop faible pour me relever...Admettons que la faible,ce soit moi,que je sois la seule à rester à terre...C'est une théorie,n'est-ce pas?Et toute théorie...Se vérifie.

La brune repoussa la table dont les pieds raclèrent assez bruyamment le sol,ce qui ne sembla pas inquiété notre tortionnaire plus que cela.Elle entrouvrit sa cape et dégaina une épée qui luisit brièvement à la lumière de la bougie.Elle posa la pointe sur le sol comme pour rassurer la nonne,comme pour lui faire penser que ce n'était là qu'un objet de menace,qu'il ne servirait pas et dit:

Alors vérifions.Voyons voir comment vous,vous en sortirez.

Soudain,elle leva son épée et en abattit le robuste plat d'acier sur les tibia de la nonne avec une force,une violence,une férocité décuplées par les sentiments négatifs.C'est dire que la Sam espérait bien avoir briser les deux jambes de son otage.Elle rengaina son arme,passa derrière la nonne et défit ses liens aux poignets avant de la pousser brusquement pour la faire tomber de la chaise.Sam tourna autour d'elle en fulminant:

Oui,voyons voir comment vous,vous vous en sortez pour vous relevez,les deux jambes brisées!Oui voyons voir comment vous,vous vous remettez debout quand j'anéantis tous vos efforts d'un simple geste,tempêta-t-elle en envoyant un coup de botte dans les côtes de la nonne.

Elle décrivit des cercles plus éloignés de sa victime et faisait souvent des signes du menton pour la désigner.


Allez,montrez-moi!Je suis bien curieuse de voir mettre vos propos à l'oeuvre,de voir comment j'aurais du faire pour réussir pour me relever!
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"Un visage est un masque de comédie posé sur la tragédie de l’âme."(Shan Sa)
--La_nonne
[Idiotie, douce ironie.]

Le sang de la lame fut essuyé sur son nez. Retour à la source, ou presque. Commence alors un nouvel élan lyrique de la part de la brune. La blonde qui commençait pratiquement à y être habituée, n’écoutait pas vraiment, c’était un bruit de fond pour sa prière. Mais son esprit la fit se concentrer tout de même sur cette atroce révélation « ce pauvre âne… Belle imitation tout de même vous ne trouvez pas ? ». Ainsi donc elle s’était rendue au chevet d’un âne qui n’était pas le bon. Elle s’était fait piéger. Elle s’était levée pour rien, si ce n’est se mettre à la merci de cette femme. Le rire qui résonna contre les murs de sa cellule lui donna un haut le cœur. Un semblant de rire. Aussi faux que l’âne, aussi faux que les arguments de cette inconnue. L’esprit hagard, perdu entre prières et déductions, fut brusquement rappelé à rejoindre la réalité. On maltraitait encore son corps. Les pupilles de Laurelle étaient dilatées par la peur. Et ses muscles crispés par la douleur qui émanait à présent de sa tempe et de sa joue. Le but était-il de lui entailler chaque parcelle de peau ?

La brune lui parlait. Mais la nonne n’écoutait plus. A quoi bon ? Les affres de la folie sont impénétrables. Cette femme s’y vautrait avec délectation. Elle se moquait éperdument des réponses que pouvait lui faire Laurelle, elle était trop obstinée, trop aveuglée, trop convaincue d’avoir raison pour ne serait-ce qu’écouter. D’ailleurs, elle était à présent bâillonnée et attachée, alors… Qu’aurait-elle pu dire ou faire ? L’autre se contentait de s’écouter elle-même, de s’applaudir elle-même, de se féliciter de son raisonnement… Et… Oh. Pourquoi s’approchait-elle si près tout à coup ? Laurelle sentit le souffle chaud sur ses plaies fines. Un instant qui lui sembla durer une éternité. Mais l’autre finalement s’en retourna à sa marche à travers la pièce. Décidément, elle ne pouvait rester en place.

Elle l’entendit parler, elle l’entendit crier, elle la vit gesticuler, appuyer sur certains mots. Mais ce ne fut qu’un blabla difforme. Laurelle priait. Laurelle n’écoutait pas. Elle remarqua cependant que le couteau était rangé. Cela était-il bon signe ? Etait-ce enfin fini ? Etait-elle enfin calmée ? Malgré elle, la flamme de l’espoir, frêle, vacillante, s’alluma. Mais le regard que lui lança la brune l’étouffa aussitôt. Non, ce n’était pas fini. Peut-être même n’était-ce là que le commencement. Laurelle se força à déglutir. Le bâillon lui faisait mal, à force, et asséchait sa bouche. Et puis la table fut poussée, très bruyamment – assez pour réveiller une de ses voisines ? – et l’hérétique sortit de sa cape une épée brillante. Lumière dans l’obscurité. Mais Lumière malsaine. Laurelle ne se fia pas à l’inclinaison de l’objet, vers le sol. Les épées étaient coupantes et transperçaient. Les épées pouvaient se manier très rapidement. Non ce n’était vraiment pas la fin Laurelle… C’était le commencement d’emmerdes plus grandes encore. L’ecclésiastique tenta de calmer son cœur qui s’emballait de nouveau, de réguler son souffle qui commençait de s’affoler.

Et puis… Les ténèbres. La douleur. Le mal. Une vague dévastatrice à la puissance incommensurable qui emporta la blonde et l’arracha presque à sa conscience. Ses jambes. Ses jambes irradiaient de douleur. Rien d’autre ne comptait. Elle ne se rendit même pas compte qu’on lui détachait les mains. Elle n’entendit pas le cri de douleur et de désespoir quasi-inhumain qui se fraya un chemin à travers sa gorge pour même traverser le bâillon et mourir contre les parois de la cellule. Elle fut jetée de la chaise. Décuplant par cet acte la douleur sur ses jambes. La tête se cogna contre la pierre. Un ongle se cassa. Les jambes, du moins l’une d’elles assurément, l’étaient probablement aussi. Pantelante, sanglante, haletante. Laurelle peinait à garder connexion avec la réalité. Mais si elle s’abandonnait maintenant aux abysses de l’inconscience, se réveillerait-elle ? Elle s’accrocha à sa douleur. Elle ne voyait plus rien. Elle n’entendait plus rien, si ce n’est les cris muets de son corps martyrisé. Des larmes jaillirent au coin de ses yeux. Des larmes qu’elle n’avait pas l’énergie de retenir. Ainsi elle allait payer pour une offense que le Très-Haut n’avait pas faite. Elle allait payer pour rien et c’était la justice ? Elle délaissa cette idée, trop dure. Trop dur oui de réfléchir. Et là encore, ce n’était pas fini… Un coup de botte vint se loger dans ses côtes, lui arrachant un nouveau cri, muet cette fois-ci. Les larmes coulèrent encore. La morve franchit son nez. Elle toussa, renifla, manqua de peu l’étouffement. Inerte sur le sol froid. L’autre criait presque, debout, comme un vautour autour de sa proie.

Laurelle n’écouta qu’à moitié. Elle comprit qu’elle voulait la voir se lever. Ha, l’amusante. Si elle avait été en état, la nonne aurait pu s’en amuser. La nonne aurait pu lui expliquer que la douleur psychique n’avait rien à voir avec la douleur physique. Qu’une fois de plus elle confondait. Que… A quoi bon ? Là, elle n’était pas en état. Elle battit des cils et redressa légèrement la tête puis le haut de son corps douloureux, s’appuyant sur ses bras. Le bas de sa mâchoire tremblait. Elle n’arrivait pas à l’arrêter. Elle essaya. Mais il était incontrôlable. Toujours en appui sur une main, elle porta l’autre à ses côtes douloureuses. L’une d’elles était même potentiellement brisée. Elle regarda la brune. Voulait-elle vraiment la voir se relever sur ses jambes ? Rien que l’idée manqua de la faire défaillir. Elle cessa de penser, de bouger. Elle pria, encore. Pour oublier cette douleur. Pour oublier cette folie…
Samsa
[Tu la connais,n'est-ce pas...?]

Sam croisa le regard de la nonne et resta pensive un instant.Elle n'avait fait de mal à personne dans sa vie,jamais de cette façon là,elle avait toujours réussi à passer au-dessus des différents en s'expliquant.Et en regardant cette femme à terre,Sam aurait eut envie d'aller la relever,d'appeler du secours et de partir,faire comme si rien ne s'était passer.Elle était "Cerbère" après tout,elle était celle qui veillait et protégeait les autres!Mais pour la communauté de Laurelle,c'était différent...Oui c'était différent parce qu'elles avaient aussi un crime de leur vivant;Laurelle n'était pas que l'intermédiaire.Elle était coupable aussi.
Sortant de ses pensées,Sam alla replacer la chaise près de la table,vint se mettre au-dessus de la nonne et la saisit sous les aisselles pour la relever(tenter du moins parce que ouf!) et l'asseoir sur la chaise avec peine.Elle lui rattacha les mains sans un mot et se plaça de l'autre côté de la table,s'y appuyant comme tout à l'heure.


Mais venons-en au fait le plus important,voulez-vous?Et ne vous fermez-pas à ce que je vais dire,ne vous noyez pas dans vos prières que je devine,car ce que j'ai à vous dire...(Elle se pencha légèrement en avant pour appuyer ses paroles)Vous concerne...Directement.

La brune entrouvrit sa cape noir où luisait la faux blanche sur le côté gauche de la poitrine et sortit d'une poche deux petits portraits:l'un qui représentait une femme jusqu'à mi-cuisse,où l'on ne discernait pas vraiment les traits de son visage,juste ses vêtements (jupe rose,ceinture rouge,chemise de haillons pourtant très décents,et chapeau rose,Sam savait aussi qu'elle portait des bas blancs et des chausses roses,invisibles sur le portait),et l'autre plus centré sur son visage.Un visage de jeune femme qui devait avoir tout juste la vingtaine.Elle avait un sourire aux lèvres et ses yeux légèrement bleus semblaient dire "oh,vous êtes là?" et à la fois "ah...Je suis content de vous voir".Un visage assez enfantin en somme,où les cheveux noirs de jais étaient noués en un chignon sur la tête où trônait un chapeau rose.Sam mit ce second portrait juste devant la nonne sur la table et amena la bougie pour qu'elle le voit bien.

Je ne suis pas venu ici que par un "presque" hasard,pour vous blâmez uniquement de la faute de L'Autre,non...Voici Zyg,mon amie,mon amour,mon Tout Univers Entier disparut.Mais vous la connaissez,n'est-ce pas?Elle venait souvent faire de courts séjours chez vous...Mais si mais si,souvenez-vous...Non?Vous ne vous souvenez pas?Je m'en souviens très bien moi...

C'était un vendredi de fin mai.Toute fin mai.Zyg sortait du couvent,de CE couvent,et elle est venue me trouver en pleurant comme rarement.Elle s'est jeté dans mes bras et m'a dit que les nonnes l'avaient traité d'inutile,d'insignifiante,d'ignorante...Elle m'a dit que vous lui aviez mené une vie impossible durant sa retraite à cause de vos insultes,car j'appelle ça des insultes.Alors je l'ai rassuré comme j'ai pu,je l'ai consolé comme j'ai pu.J'y parvins et alors elle m'a prit la main pour que nous sortions ensemble de la taverne.Et vous savez ce qu'elle m'a dit...?"Tu es gentille toi"...
Soudain,pour la première fois,la voix de Sam flancha,vacilla,au bord de se briser.Et vous savez-quoi...?C'est la dernière fois que je l'ai vu...C'est la dernière chose qu'elle m'a dite...

A la lueur de la bougie,on pu voir des larmes brillantes couler sur ses joues et ses yeux semblaient avoir oublier,pour un court instant,la colère pour se laisser totalement envahir par un chagrin et une douleur incommensurable.Sam baissa la tête,rentrant le menton et se mordit la lèvres inférieurs à la limite de se faire saigner,déformant son visage en une grimace de douleur atroce.Et puis revirement de situation:la tête se relève et les yeux ont retrouvé cette rage mêlée au chagrin,comme lorsqu'un médecin annonce à une personne dans une salle d'attente qu'il n'a pas réussi à sauver la personne qu'il avait.

Et après?Après,Zyg est décédée,le mercredi 16 mars 1459,au petit matin.Et vous savez ce qu'elle devait avoir en tête au moment de partir?A part "je me meurs,mon amour,je me meurs.."?Elle devait se dire "je suis inutile,insignifiante,ignorante,puisque les nonnes l'ont dit,puisqu'elles sont les envoyés de L'Autre sur Terre",car oui!n'oubliez pas qu'en ce temps-là,même si Il était peu pour nous,nous y croyions quand même,en Lui.Sinon je ne L'aurais pas renié,hé oui,réfléchissez.

Sam mit l'autre portrait à côté de celui déjà présent et se pencha au-dessus de la table pour atteindre le baillon de la nonne qu'elle fit glisser jusqu'à son menton,prête à le remettre s'il venait la mauvaise idée à la captive de crier.

Dites-moi Laurelle...Racontez-moi...Que s'est-il passé pendant son séjour de fin mai 1459...?Que lui avez-vous dit...?Racontez-moi...

Moins qu'un ordre couplé d'une menace,moins qu'un ordre même,c'était presque une supplication,un supplication pour qu'on lui dise,qu'on lui explique,qu'elle ne vive plus avec cette ignorance terrible si bien représenté par le dicton "l'ignorance est la pire des souffrance".Et puis aussi,il fallait le dire,pour entendre parler de Zyg...Puisque Sam n'avait personne avec qui partagé son souvenir,personne avec qui échangé des anecdotes...Elle était seule avec ses souvenirs qu'elle ne pouvait raconter à personne sans qu'on ne lui montre que "c'est bon quoi",seule avec ses souvenirs qui ne s’enrichissaient plus,qu'elle devait se rabâcher,jour après jour,à la même personne:elle.
Ce serait sans doute une des seules fois,pour ne pas dire la seule fois,où Sam s'abaisserait ainsi devant la nonne.

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"Un visage est un masque de comédie posé sur la tragédie de l’âme."(Shan Sa)
--La_nonne
[Folle incompréhension. Tendre torture. Enflure. Prions.]

La brune lui rendit son regard, il semblait se passer mille choses derrière ces yeux là, mais Laurelle fut incapable d’y déchiffrer quoi que ce soit. Sans doute à cause de la douleur qui irradiait à partir de ses jambes, ou à cause du peu de lumière environnant ? Ou tout simplement parce qu’elle avait renoncé, renoncé à comprendre ce qui ne pouvait être compris, renoncé à chercher un semblant de logique dans cette horreur. Bientôt la chaise fut replacée près de la table. La nonne l’envia, l’espace d’un instant. Cette chaise qui se relevait sans peine, sans mal, indifférente à ce qui se passait autour d’elle. Puis l’envie passa. Le Très-Haut l’avait faite ainsi et c’était tout aussi bien. Capable de ressentir, c’est ce qui lui conférait ce qu’on appelait l’humanité, pas vrai ? Elle déglutit péniblement, se préparant mentalement à esquisser un geste, mais elle n’en eut pas le temps. Des mains fermes vinrent l’agripper sous les bras, ce qui lui arracha un glapissement minable de douleur pure. Avec peine, sa tortionnaire parvint à la faire asseoir sur la chaise. Laurelle en avait les larmes aux yeux, non pas de gratitude, non pas d’émotion, non, juste de douleur. Le moindre choc relançait la vive onde de douleur. Ainsi donc elle ne la regarderait pas se relever finalement ?

Elle tenta de se concentrer sur les paroles de l’hérétique assumée qui venait de l'aider, malgré le manque de douceur dans le geste et bien qu'elle soit la source de son mal actuel. Puis elle tenta de se concentrer sur ce que cette dernière tenait visiblement à lui montrer. Un portrait. Celui d’une femme. Une jeune femme, aux cheveux noirs. Perplexe, elle regarda l’image. Et puis elle sentit l’autre s’agiter avant de commencer un grand monologue. Zyg, son… Amour ? Le regard de l’ecclésiastique devint grave. Cette femme aimait… Une femme ? Et elle prétendait avoir un jour eu la foi ? C’était pourtant pêché que cela ! La connaître ? Laurelle regarda de nouveau le portrait avec attention tandis que le flot de paroles ne tarissait pas. Ces yeux bleutés lui disaient vaguement quelque chose. Peut-être l’avait-elle déjà croisée ? La brune parlait avec émotion, une émotion palpable et non feinte. Elle semblait persuadée que la blonde connaissait son amante… Mais ce n’était malheureusement pas le cas. Laurelle la laissa fini et fit comme si elle n’avait pas vu les larmes couler sur ses joues. L’autre fit glisser le bâillon. Sorte de libération précaire, que la blonde savoura. Puis elle l’écouta formuler sa supplique et tenta de garder son souffle qui ne demandait qu’à partir. Qu’allait-elle donc pouvoir lui dire ? La vérité même ne l’apaiserait pas, elle ne la laisserait pas filer pour autant. Mais Laurelle était habituée à servir le Très-Haut depuis maintenant assez longtemps pour ne pas être tentée par le mensonge. Elle regarda donc son bourreau, inspira en grimaçant l’air qui lui faisait souffrir les côtes et s’humecta les lèvres. Enfin, elle formula une réponse.

- Je… Suis désolée… Pour votre am…ie.

Sa gorge était sèche, sa langue comme du bois, le gout âcre du bâillon flottait encore sur son palais et le tout surmonté de la douleur qui ne voulait pas partir rendait son parler difficile.

- Mais… Je ne la connaissais pas… Je… Ne l’ai jamais vue… Si ce n’est peut-être croisée une ou deux fois… Mais… Je ne l’ai pas encadrée… Lors de sa retraite chez nous et… Je ne comprends pas…

Elle fit une courte pause.


- Mes… Amies… N’insultent pas les gens qui…. Vi…ennent se reposer, méditer ou se recueillir ici... Pourquoi l’auraient-elles traitée d’inutile… ? Quant à l’igno…rance… Ma foi, nous le sommes tous mon enf… *koff* vous savez…

Que dire de plus ? Rien… Probablement.
Samsa
["La torture des autres est peu auprès de celle qu'on subit soi-même."(Adrienne Maillet)]

Sam avait plongé son regard dans celui de la nonne et restait suspendu à ses lèvres,là,immobile,à boire ses paroles avec un espoir visible.Elle était convaincue qu'à un moment,Laurelle allait lui dire "oui,je m'en souviens,je la connais".Même un "oh,c'est elle Zyg?" l'aurait réconforté.Mais rien de tout ça...Espoir brisé,jeté,piétiné...Retour à la réalité brutal et bien réel.Sur son petit nuage,Sam aurait peut-être pu laisser la nonne en vie.Oui elle aurait pu;les personnes connaissant son amie disparut étaient trop précieuses pour la brune pour les éliminer.
Sam émit un bref ricanement méprisant,rangea ses portraits précieux et retourna s'asseoir sur la paillasse.


Ouais...Vous non plus vous n'comprenez pas hein...Evidemment.Vos questions Laurelle,je me les pose des milliards de fois par jour.La différence,c'est que vous,vous ne souffrez pas de ne pas avoir de réponses,dit-elle à mi-voix après avoir dégainer son couteau,passant son doigt sur le tranchant.

Sam releva ses yeux sombres vers la nonne.Assez parler.Assez tergiverser.Laurelle était l'avocate de L'Autre absent,et elle l'était désormais de toute la communauté du couvent.Oui Laurelle était désormais en première ligne,la cible à abattre,la coupable à condamner.Le prix de la justice,de la vengeance,de l'apaisement...Le prix à payer.
La brune se releva et vint prendre le bâillon de la nonne entre ses doigts pour le lui remettre.


Vous n'avez pas de chance Laurelle.

Sam se dirigea derrière la nonne et saisit une de ses mains ligotées.Elle attendit quelque secondes,comme pour préparer la nonne,et lui brisa soudainement un doigt.Le bruit la répugna et lui arracha une grimace.Mais après tout,elle l'avait voulu...Elle l'avait voulu,elle l'avait.Elle ne reviendrait pas en arrière,même si elle l'aurait voulu.Laurelle allait mourir,Sam le savait.Mais pour une fois,elle avait le pouvoir.Pour une fois,elle pouvait faire souffrir comme elle avait souffert,elle pouvait prendre la place de juge,de bourreau,au lieu d'être plaignante et victime.
Sans un mot,Sam lui brisa le doigt voisin...Et celui voisin encore...En voilà trois de brisés...Bientôt se furent quatre...Cinq...Six...Sept...Huit...Neuf...Et dix.


Vraiment Laurelle,ça me désole de devoir en arriver là.Il m'aurait écouté,sans doute n'en serions nous pas là.Mais Il ne l'a pas fait,et vous payez pour Lui.Sa main saisit le poignet de la nonne et lui infligea une brusque torsion trop importante pour être supportable.Crac.Un poignet fut brisé.Oui vraiment,c'est triste...La main vengeresse vient saisir l'autre poignet et le condamne au même sort.Et crac.Second poignet.

La brune repassa devant Laurelle,puis ce fut la pointe du couteau qui vint faire sa marque sur le visage de la nonne,du front jusqu'à la tempe,continuant jusqu'au cou où il s'attarda.La main maîtresse sentait le sang battre sous la peau,sous la chair,dans la veine,dans l'artère.La lame s'écarte et vient sur l'épaule.La pointe s'insinue entre les mailles du tissu,entre les pores de la peau,entre les fibres de chair et de muscle jusqu'à venir titiller l'os.Sam lâche l'arme qui reste fichée dans l'épaule.


Vous sentez Laurelle,cette douleur...?Terrible non?Je suis sûr que vous vous dites même que c'est de la torture.Je suis votre bourreau,votre Autre...Vous êtes ma victime.Moi seule sait pourquoi vous subissez cela,moi seule sait pourquoi je déclenche une nouvelle vague de douleur en vous,déclara-t-elle doucement en remuant légèrement l'arme dans l'épaule de Laurelle.A moins...Qu'il n'y ai pas de raisons...?

Sam enfonça encore la lame dans l'os avant de la retirer lentement.

Oui voilà,y-a-t-il une raison...?
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"Un visage est un masque de comédie posé sur la tragédie de l’âme."(Shan Sa)
--La_nonne
[Quand l’inconscience soulage la douleur consciente, résultat d’inconscience conscientisée]

Visiblement, la réponse de Laurelle ne plaisait pas à l’obscure jeune femme. Elle en fut d’ailleurs certaine lorsque cette dernière ricana en rangeant les portraits. Une phrase redondante plus tard, la blonde nonne eut un frisson. Son instinct lui criait de partir, de fuir très loin d’ici sans se retourner, de hurler de toutes ses forces pour appeler à l’aide. Mais son corps était paralysé par la douleur (et accessoirement elle était attachée), sa gorge éteinte et sèche, seuls ses yeux semblèrent réagir tandis que sa vision se troublait légèrement. Ses yeux… Oui ses yeux… La flamme qui brillait dans les yeux de sa folle interlocutrice était mauvaise, froide, cruelle et sans pitié.

Bientôt le bâillon fut remis, Laurelle sentit ses muscles se contracter, la douleur revenir à la charge par ce seul fait. Et puis soudain, une douleur, un bruit écœurant et sinistre, lui arracha un cri, un cri étouffé par le tissus mais qui résonna tout de même contre les murs de la cellule, de façon sourde. La vague s’élançait du doigt pour aller se diffuser dans tout son bras, les larmes roulèrent sur ses joues… Mais pas le temps de souffler, pas le temps d’assimiler la douleur, pas le temps de réfléchir, non rien de tout ça. Les doigts furent cassés, un à un, sans pitié. Au bout du combientième Laurelle sombra-t-elle dans l’inconscience ? Elle n’aurait su le dire, mais très vite le néant abyssal l’attira et l’abrita en son sein. Fini la douleur, le ressenti… Si son bourreau ne se rendit compte de rien et poursuivit ses tortures diverses, la blonde, elle, ne sentait à présent plus rien. Elle n’était plus qu’une coquille vide maltraitée dont l’esprit s’était momentanément absenté, incapable de surmonter les vagues de douleur qui l’assaillaient.

Bientôt le sang se mit à couler de nouveau tandis que la fille dont elle ignorait l’identité lui posait des questions qu’elle ne pouvait malheureusement entendre…
Samsa
["L'acheminement vers la mort est une fuite inconsciente pour échapper à la douleur et à la pénurie."(Herbert Marcuse)]

Sam ferma doucement les yeux au cri étouffé de la nonne qui alla s'écraser contre les murs de la cellule...Ces cris,elle-même les avait étouffé la nuit dans son oreiller,ou même le jour dans une ruelle discrète,se mordant la main jusqu'au sang pour retenir ce hurlement sinistre.Ces cris,elle-même les avait poussé,loin de toute civilisation,loin des gens,loin des regards surpris,méfiants,interrogatifs, apeurés...Et ces cris aussi avaient fini par mourir dans le néant,jamais assez puissants pour changer le cours des choses,malgré la douleur plus forte que n'importe quoi.
Sam rouvrit les yeux et haussa un sourcil sous la vision qui s'offrait à elle:Laurelle avait fini par sombrer dans l'inconscience.Dans cet état d'esprit protecteur de tout...De tout,vraiment?Non...Sam se souvenait de ses états d'inconscience,car elle aussi avait tenté de fuir la réalité par cette issue.Elle aussi avait tenté de ne plus ressentir la douleur en vivant ainsi l'espace d'un moment.Mais elle n'y était pas arrivé...Pour la seule raison que sa douleur n'était pas corporelle,mais spirituelle et mentale.Et Il avait réussi à la harceler,à la détruire un peu plus,malgré la forteresse imprenable qu'elle croyait avoir dresser...


Je ne suis pas sûr que cette issue soit la meilleure Laurelle...Souhaitez-vous vraiment avoir à affronter les démons de votre passé...?De votre présent?Pourquoi devrais-je endurer ma douleur consciemment,jour après jour,nuit après nuit,pendant que vous,vous vous réfugiez ailleurs...?Pourquoi devrais-je affronter mes peines et mes souffrances,pendant que vous,vous les fuyez...?Car fuir...Ne vous apportera rien de mieux...Je l'ai appris à mes dépends;affronter,de bonne ou de mauvaise grâce,reste toujours plus noble et plus utile que de fuir,comme des lâches qui resteront faibles toute leur vie...Fuir doit vous permettre de vivre plus longtemps,mais quand vous atteignez votre but et que vous regardez derrière vous...Êtes-vous sûr d'avoir mérité la place que vous occupez...?Lui susurra-t-elle à l'oreille,ne semblant pas se préoccuper de savoir si Laurelle pouvait l'entendre ou pas.

La brune lui donna quelques claques pas trop fortes pour tenter de la réveiller.Résultats non concluant apparemment.Assez dépitée et frustrée,elle alla s'asseoir sur le lit,en face de la chaise et dégaina son couteau pour en caresser le tranchant du pouce une nouvelle fois,réfléchissant à la manière de mettre fin à la vie de Laurelle,car sa fin était toute proche maintenant.
Allait-elle l'empoisonner?Voir son corps convulsé?Peut-être pas,elle voulait la tuer de ses propres mains...Allait-elle lui trancher la gorge,juste assez pour que la nonne sente le sang s'échapper de son corps,juste assez pour que son agonie par étouffement,noyade,dans son propre sang soit longue et douloureuse?Hum c'était pas mal ça.Ou bien allait-elle l'étrangler de ses mains,sentir son pouls devenir faible,lire l'horreur dans les yeux de sa victime,le regarder devenir vitreux,petit à petit,et entendre son dernier souffle?Hum pourquoi pas?Quoique non:si Zyg était décédée sans verser de sang,Sam,elle,se vengerait par là,elle souillerait ce lieu autant que possible...

Voilà donc,tout était trouvé.Il ne manquait plus que la conscience de Laurelle...

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"Un visage est un masque de comédie posé sur la tragédie de l’âme."(Shan Sa)
--La_nonne
[Arg. Arg. Arg...]

Malgré la cerbère qui susurrait à son oreille, bien que la douleur fut tapit là, dans l’ombre de son inconscience, le néant seul enveloppait Laurelle. Le néant lui assurait la protection, pour l’heure. Mais une bien maigre protection, en réalité. Il n’empêcherait en rien sa mort éventuelle, il n’empêcherait pas sa blessure de saigner, il n’empêcherait pas ses os brisés de craquer douloureusement. Non. Le néant lui offrait simplement un moment en suspend, loin de toute conscience, douloureuse comme heureuse. Loin de toute vie. Loin de tout concept, en fait.

Là bas, son corps encore se faisait malmener. Ses joues cuisaient doucement sous les claques « légères ». Les yeux pourtant restaient clos. Et puis, on cessa d’assener plus de douleur encore à cette pauvre carcasse assise sur sa chaise. Peu à peu, l’esprit de l’ecclésiastique décida de réinvestir son corps. Peu à peu, elle recouvra quelques sensations mais ses sens et ses idées étaient engourdies, comme enfoncées dans du goudron, lourds, pâteux, collants.

Et puis à force de s’accrocher à l’étincelle de vie et à cet amour de la vie, la blonde reprit conscience. Et avec, vint la douleur. Si les yeux n’étaient pas encore ouverts, les dents quant à elles, vinrent mordre la lèvre inférieure, afin d’empêcher un gémissement de franchir le gouffre. Le bâillon rendait l’exercice peu évident… L’acte était purement instinctif. Ceci dit les idées ne tardèrent pas à fleurir sous le crâne de Laurelle. Et quelles idées… Où était-elle déjà ? Ah oui, dans sa cellule… Avec une folle… A l’aube de sa fin ? Elle s’efforça de soulever ses paupières et de sonder l’obscurité. La bougie n’éclairait que faiblement, d’une lueur tremblante. Face à elle, la brune se tenait assise, ses yeux où brûlaient haine et farouche détermination, n’avaient de cesse de la fixer.

Laurelle tenta de calmer sa respiration qui menaçait de s’emballer. Elle déglutit, également. Et puis :


- ‘ou’a’ez’e’é’a’er ? Mh ?!

Oui-oui, moquez-vous ! On voit bien que vous n’avez jamais essayé de parler avec un bâillon entre les dents !
Samsa
["Le meurtre est l'ultime échec de la parole."(Jean-Michel Bessette)]

Sam leva les yeux en entendant des bruits incompréhensibles venant de la nonne.Son pouce jouait toujours sur le tranchant de son couteau qui jouait lui-même avec la lueur de la bougie.Au fond d'elle,la brune cherchait à savoir ce que pouvait bien ressentir et penser Laurelle:elle devait avoir peur,elle espérait qu'elle ait peur,mais ces gens d'Eglise avait bien souvent comme une forteresse dans l'âme,une forteresse dont les murs étaient de Foi,de croyances,de prières.Cependant,elle savait que bien souvent,quand ces murs étaient abattus,il était difficile de les reconstruire,et ils n'étaient plus jamais aussi fort.Avait-elle réussi à les abattre?Elle l’espérait bien...
Quelques minutes s'écoulèrent,minutes de silence,minutes d'attente,où pourtant Sam ne quittait pas Laurelle des yeux,attendant patiemment que la conscience lui revienne totalement.


Réveiller Laurelle...?

Erreur.Un éclair de parfaite lucidité,un éclair de naturel lui passa dans le regard.Laurelle...Elle ne devait plus dire ce nom,car elle,Sam,allait tuer Laurelle,et il ne fallait pas qu'elle le regrette.Non il ne fallait pas qu'elle éprouve quelque sympathie ou compassion envers elle...Ni aujourd'hui,ni demain,ni jamais.Au fond,la brune aussi avait sa forteresse de croyances."Resaisis-toi Sam...Maintenant!"
Elle se leva paisiblement et s'approcha de la nonne,fit un tour autour d'elle,observant ses blessures.Elle avait cru pouvoir faire pire,mais visiblement non.Il fallait faire vite désormais,faire vite avant que le naturel ne revienne."Pour Zyg..."

Vivement,la main droite de Sam vint saisir le cou de Laurelle et ses doigts compressèrent peau,graisse,muscles et trachée,juste assez pour rendre la respiration difficile.Ses yeux sombres plongés dans les siens,elle lui susurra:


Vous ne l'emporterez pas au Paradis...Je fais de cette nuit une nuit d'enfer,et vous fais payer ici-bas les crimes que vous et vos semblables avez commis...Et votre enfer...Ne fais que commencer...

Les doigts relâchèrent l'étreinte,la meurtrière se recula et se tourna face au mur,le temps pour elle de rassembler ses esprits (ou de les chasser,à voir),le temps pour elle de parler mentalement à Zyg,de se convaincre,une fois de plus,qu'elle rendait justice.Le temps pour Laurelle de reprendre son souffle,un peu.
Et puis la capée de noir se retourne,ses yeux brûlent de nouveau de rage,de haine.Elle s'approche,encore,et vient coller le tranchant du couteau contre la gorge de Laurelle.Un susurrement,un autre,l'ultime,passe la barrière de ses lèvres pour venir se poser dans le creux de l'oreille de la nonne:


Au nom de la Justice...Pour mes semblables...Pour la chute de l'Autre...Pour tout ce qu'Il m'a fait,à moi et aux autres...

....Pour Zyg....


La brune fit lentement glisser le bâillon de sa victime et dans un geste à la fois rapide et précis,elle lui trancha la gorge de manière à ce qu'elle agonise...D'étouffement dans son propre sang,de noyade dans son propre sang...Et elle,Sam,elle serait là pour assister à cette fin immonde,pour voir le sang s'écouler et se rependre partout où il le pourra.
Elle fit chuter Laurelle de sa chaise sans avoir prit le temps de détacher ses mains et dégaina son épée pour ramener le livre des Vertus qu'elle avait envoyé sous la paillasse.Elle le fit glisser à environs 50cm du visage de Laurelle agonisante et entrouvrit sa cape pour en sortir une petite pierre et un outil pour la frotter.Sans un regard pour sa victime,elle s'accroupit près du livre et frotta son outil contre sa pierre pour mettre le feu au livre sacré.Bientôt,le livre se consumait et des flammes d'une dizaine de centimètres s'élevaient.

Satisfaite,Sam se recula et resta debout,sans un mot,en silence,insensible,regardant Laurelle agoniser,les flammes du livre venant se refléter et danser avec celles dans ses yeux...

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"Un visage est un masque de comédie posé sur la tragédie de l’âme."(Shan Sa)
--La_nonne
[Peur et fin, dans cette obscurité anonyme]

Au ton qu'elle employa pour lui demander si elle était réveillée, Laurelle compris que le calvaire n'était pas fini. La peur, évidemment, ne quittait pas son ventre. Son coeur battait la chamade, menaçant d'exploser dans sa cage thoracique tandis que ses poumons avaient de plus en plus de difficultés à l'oxygéner correctement. Mais elle n'avait pas peur de mourir, non. Le Très-Haut l'accueillerait, elle le savait. Et si elle ne mourait pas, hé bien elle profiterait de chaque instant de vie supplémentaire...

La brune aux éclairs fous s'avança alors. La main vint enserrer son cou, compressant sa gorge, rendant la respiration plus difficile qu'elle ne l'était, exacerbant la douleur, flouant la vue de Laurelle. Les yeux de sa tortionnaire brillaient comme des feux d'enfer. Et puis, encore, une litanie incompréhensible sur l'enfer et le paradis.

Et finalement, libération. Regain de souffle. Laurelle commença de prier en son for intérieur...


...Eternel, renforce mon bras, renforce mon âme,
Et ceux de mes semblables.
Pour que nous fassions règner l'Amour sur ta Création....

...Ils m'environnent de discours haineux
Et ils me font la guerre sans cause.
Tandis que je les aime, ils sont mes adversaires;
Mais moi je recours à la prière...


Et puis vint le discours final, un discours extérieur aux murmures intérieurs de la nonne. Une voix méchante investie d'une mission, d'une effroyable mission vengeresse, sans vraie cause, ou du moins pour une mauvaise cause. La douleur lui parvint aussi, sur la gorge, grâce au tranchant glacé d'une lame d'acier. Et puis un choc qui intensifia la douleur. Le souffle peu à peu lui manqua, elle s’étouffait, elle s'étranglait, sa vue se brouillait, son corps ne répondait plus et ce froid... Ce n'était pas simplement la pierre sur le sol, contre son corps. Il s'insinuait partout, jusqu'à ses entrailles, jusqu'au plus profond d'elle même, arrachant son âme au monde des vivants, peu à peu mais sans jamais tarir... Laurelle eut tout de même le temps de percevoir une odeur de brûlé, de voir les pages de son livre de vie prendre feu, de conscientiser cet acte horrible. Mais tout était trop, trop, ou pas assez...
Quelques sons étranges aussi résonnaient étrangement à ses oreilles. Avant de rendre son dernier soupir, elle comprit que c'était elle même qui en était à l'origine. C'était la fin, la fin tout simplement. Pourquoi ? Pour que l'enfer engloutisse cette pauvre âme qui contemplait le feu... Pour soit disant Zyg... Pour que... Pour...
Samsa
["Le départ,c'est souvent une pirouette pour s'échapper.Après coup,on trouve toutes sortes de bonnes raisons pour expliquer son geste,se justifier."(Jean-Yves Soucy)]

Il n'y avait plus de bruits,plus de mouvements.Seul le livre finissait de se consumer en légers froissements et crépitements,seule la respiration de Sam déplaçait doucement l'air alentours.Laurelle ne bougeait plus,elle ne râlait plus.

Sam....Qu'as-tu fait...?
....
Qu'as-tu fait?!
...Je ne sais pas...
Tu l'as tué!Elle est morte,elle ne vivra plus jamais!
...Oui...Je crois que c'est cela,la mort...
Regarde-toi;tu ne sais même plus ce que tu as fait,sais-tu encore seulement pourquoi tu es là?
Pour....Venger Zyg...Et je sais que j'ai bien fait Sub.Ce n'était pas si dur avant de la voir là,sans vie...Mais j'ai bien fait.Elle était coupable,directement ou indirectement.Ils sont tous coupables.
Croire c'est être coupable?
Croire en la gloire d'un tyran,c'est être coupable.Servir un tyran,c'est être coupable.


Sortant de son dialogue intérieur avec son subconscient et de sa contemplation morbide,Sam releva ses yeux sombres vers la petite fenêtre.La nuit était moins noire,sans doute les nonnes allaient-elles se réveiller pour aller prier.La brune avait entendu parler de prières la nuit; décidément,il fallait être folle pour faire cette profession.Il lui semblait d'ailleurs percevoir de légers bruits:portes qu'on ouvre?Pas?Froissement de tissu?Ou bien pures illusions?Qu'importe,il fallait déguerpir.
A vive allure,Sam rengaina son couteau encore plein de sang et remit la capuche sur sa tête.Par où sortir?La fenêtre?Nan...Un dernier petit coup d'éclat serait la cerise sur le gâteau.Ce sera donc la porte.
Emmitouflée dans sa cape,faux blanche en avant,Sam entrouvrit la porte.Pour l'instant,personne.Maintenant ou jamais.L'encapuchonnée jeta un dernier regard derrière,gravant à jamais cette image dans sa tête:Laurelle encore attachée à la chaise,au sol avec multiple fractures,les os des mains en miettes.Baignant dans une marre de sang,son sang,venant de sa gorge tranchée.Auprès d'elle,ce qui restait du livre des Vertus incendié.
Elle s'élança.Presque aussitôt,des paroles retentirent,quelques cris aussi.En courant,elle traversa le cloître,passant devant sa cachette où elle était auparavant,là,en train de braire.Avec un mélange d'agilité et de maladresse,elle sauta pour agripper le haut du mur.Elle retint un gémissement à sa main gauche douloureuse et fit tout son possible pour se hisser en essayant de la ménager un maximum.Elle parvint enfin en haut et reprit son souffle.Dans son dos,des hurlements de terreur et de chagrin montaient.Elle tourna la tête un instant,sachant pourtant parfaitement pourquoi ils existaient;les nonnes étaient en foule devant l'entrée de la cellule de Laurelle,certaines étaient à genoux,déjà en train de prier,d'autres se signaient pendant que la minorité qui ne faisait ni l'un ni l'autre la regardait ou la pointait du doigt.Sam fronça le nez et sauta de l'autre côté.Ainsi vêtue,à longue distance et dans la nuit,elle ne s’inquiétait pas:elles n'avaient vu que sa silhouette.

Elle prit la direction de Bordeaux sans savoir où aller.Elle ne voulait pas rentrer chez elle,pas encore.Non,ne pas faire comme ces assassins qui tuaient et reprenaient leur routine,qui tuaient et se couchaient tranquilles,comme si rien n'était arrivé.Elle savait faire énormément de choses,mais pas ça.Elle voulait penser.Elle voulait courir.Elle voulait s'essouffler.Elle voulait sentir qu'elle existait encore.Elle voulait atteindre ses limites.

Elle voulait les trouver.

Dans les rues désertes de Bordeaux,la capée encapuchonnée de noir cavalait,cape au vent.Ses bottes frappaient le pavé sans pitié avec un bruit caractéristique,faisaient gicler l'eau avec un "floc" quand elles fouettaient la surface d'une flaque d'eau jusque-là tranquille.Sam ignorait où elle était,où elle allait,elle n'y pensait même pas.Derrière une taverne se trouvait les vieux fûts et caisses de victuailles vides.La brune grimpa dessus rapidement et se hissa sur le toit,haletante,avant de venir s'y asseoir au sommet,repliant ses genoux contre elle qu'elle enlaça de ses bras.Elle avait pensé à tout,toutes les réactions possibles et inimaginables de la part de sa victime et d'elle-même,avant et pendant.Mais jamais après.Et cette nuit,elle y était brutalement confrontée.

Observant les toits de la ville alors que le soleil se montrerait dans quelques heures,alors que les cloches du couvent sonnaient déjà,Sam abaissa sa capuche,posa son menton sur ses genoux et attendit...

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"Un visage est un masque de comédie posé sur la tragédie de l’âme."(Shan Sa)
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