Izea
- « Bien sûr qu'un jour s'en va pour l'un et pour l'autre s'en vient,
Bien sûr les étoiles se meurent quand le ciel s'éteint. »
Dabord, des doigts entremêlés avec douceur et spontanéité aux siens. Ensuite, un bras qui lagrippe avec poigne et fermeté. Dun côté, sa cousine à laube de sa jeunesse et de lautre son ainée à la vie déjà bien marquée par le temps et par les évènements. Comme la Dame de Fer, elle resta de marbre, ne laissant pas la moindre émotion transparaitre devant ses gestes de soutien, pas doscillation, pas un regard vers lune ou vers lautre. Rien, Nada. Quespéraient-elles ? De lamour, de la compassion, des sourires, du réconfort ? Pourquoi les gens ont-ils besoin de tendresse dans les moments difficiles ?
A la suite de lofficiant, Izéa Salaun de Kerkreñv récita machinalement le crédo en chur avec les autres personnes présentes dans la Primatiale. La jeune femme ne sétait pas encore retournée pour découvrir lidentité des personnes présentes néanmoins à loreille elle devina que sans nul doute nombreux étaient les personnes qui avaient fait le déplacement afin dassister à cette sépulture. Faudra-il les remercier de leur attention ? Si elle aimait être le centre du monde, aujourdhui elle aurait terriblement voulu être seule. Seule dans sa haine. Seule dans son mépris. Seule dans sa colère. Seule avec Lui.
La cérémonie se poursuivit. Une invitation à venir prononcer quelques mots à propos du Duc de Crozon en guise de dernier hommage arriva comme un cheveu sur la soupe. En dautre temps, elle aurait souri amusé de savoir qui aurait le cran de se déplacer auprès du cercueil. Les gens nétaient généralement pas bien bavards dans ces moments-là. Et puis, bien que Duc, il avait aussi été une figure de Bretagne connu et reconnu pour son franc parler ou plutôt pour sa grande gueule et ses tendances non dissimulées aux dévergondages « Remember my name you will scream it later », ceux qui lavaient connu sen souvenaient. Sil avait été parfois aimé, il avait surtout été détesté lEnfoiré aussi la Sulfureuse était assez perplexe davoir perçu autant de voix réciter la prière.
Quelques temps plus tard, lemprise sur son bras droit se relâcha doucement, calmement. Son ainée quittait le banc réservé à la famille du défunt pour se diriger vers lestrade. Ainsi elle allait prendre publiquement la parole. La démarche nétait pas vraiment étonnante de sa part. La Blonde se questionna tout de même : avait-elle sincèrement quelque chose de sincère à dire ou bien était-ce simplement pour combler le vide quavait provoqué cette annonce ? Elle écouta. Malgré lhésitation quIzéa perçu dans la voix de la Baronne, cette dernière parla distinctement.
Tout le monde connaissait Tatoo.
Le passé avait judicieusement choisi
Il était aussi un père de famille aimant.
Et très attachée à sa famille pour cela quil na pas hésité une seconde à renier lune de ses filles à sa première frasque Son cur se serra. Ses mains devinrent moites. Les mauvais souvenirs refaisaient surface. Cétait douloureux. Terriblement douloureux.
Le regard qui semblait vide et anéanti de son ainée la frappa en plein cur atteignant la zone refoulée de son esprit. Une goutte de sueur perla le long de son front. Détache ton regard de moi Pelotine, détache le je ten prie ! murmura-t-elle dune voix inaudible.
Afin de fuir ce regard destructeur, la jeune femme ne trouva pas dautre solution que de remplacer sa sur sur lestrade. Quallait-elle dire ? Elle nen avait foutrement pas la moindre idée !
Déglutition discrète.
Éclaircissement de voix.
Cette dernière s'élança.
Vous êtes nombreux à être venu rendre un dernier hommage à celui qui fut le patriarche de la famille Salaun de Kerkreñv.
Volontairement elle évita le mot « père ».
Puis son regard glacial des jours noirs balaya lassemblée.
Sur ces bancs, je reconnais le visage de plus de personnes qui lont détesté plutôt quaimer. Duc de Bretagne puis Duc de Redon il a très rarement fait lunanimité. Ami de certains hommes. Amant de la plupart des femmes.
Nafoute quon était dans un lieu Saint ou non. Nétait-ce pas la vérité si crue soit-elle ?
Elle poursuivit.
Mais il fut surtout fier guerrier, fin stratège, économiste avisé et buveur inconditionnel.
Jusquà la mort.
Souvenez-vous de lui tel que vous lavez connu. Ce nest pas à sa mort que lhistoire se refera, elle a déjà été écrite. Parce quil fut à une époque une personnalité de Bretagne, ne refusez pas que lon évoque un jour son nom. Ne me refusez pas un jour dévoquer son nom.
Un frisson parcourut lensemble de son corps. Tout devenait à présent si réel. En regagnant le banc attitré, un électrochoc se produisit. Le drame était proche.
Tadeus devait continuer la cérémonie avant quil ne soit trop tard.
- « L'amour sera toujours cette moitié de nous qui reste à faire mon père... »
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