Alix_ann
- Dans les jardins de Château-Gontier, avec un nain. La scène était plutot amusante, à observer : une petite enfant blonde venue des contrées barbares (c'est pas non plus loin, quand même) accompagnée non pas comme d'habitude par le géant à la peau noir, mais d'un nain, un nain enfant. Elle était au service de sa gracieuseté la demoiselle de Molière, maintenant, et elle se faisait tout pleins de films, déjà, sur cette condition de petite nobliote dont laîné s'habillait. Laîné, c'était Yolanda, la grande dont elle suivait les faits et gestes, qui apprenait sur le terrain son nouveau métier, dans le fief maternel. Plus tard surement qu'elle y passerait aussi. Et tellement occupée qu'elle était à penser à ce plus tard, et aussi parce qu'elle n'était pas encore très sensible à ce genre de truc, elle ne remarquait pas combien Yolanda avait du mal et même si elle le remarquait, elle ne pourrait pas comprendre. C'est le genre de réalité qui échappe aux petites filles de cinq ans, combien c'est dur dêtre grand.
C'était un refuge, désormais, ce grand château en Anjou. Un peu loin, peut-êtr,e de sa mère, ou de son père, voir de son jumeau qui était reparti de là d'où ils venait. Cette expérience d'une presque autonomie était nouvelle, pour la jeune Buze, géographique trop éloignée, à son gout, de cette petite famille.
Pour en revenir à nos moutons, il y avait le nain, dont Yolanda répétait souvent qu'il était atrocement petit, mais sérieusement, et à titre purement personnel, la gamine jugeait que ce n'était pas bien grave. Alors elle continuait à marcher sagement, s'autorisant d'aller où elle le voulait bien, dans ce grand endroit. Aujourd'hui, l'enfant de la Josselinière était affairée à des trucs de grandes personnes, quelque chose un peu barbant, incompréhensible, avec moins de madelaine, pas de soleil, carrément glauque donc. La Buze version miniature avait donc décidé que bien qu'étant sage, c'était un jour à fêter, une occasion de visiter le propriétaire, le beau patrimoine d'Anjou, un patrimoine de Buse, comme celles qui existaient au delà de la frontière.
-« L'hulu...Gast ! Huluduberlu a-HU-DU-RI à la lune hurle. »
Elle récita cette phrase avec une telle candeur qu'il était incapable de ne pas s'émouvoir tendrement en l'entendant. C'était pour mieux parler la france, t'as vu. Elle vaquait d'un coin à un autre, enthousiasme à la vue de toute cette flore. Les jardins, ici, n'était pas comme chez elle.
Ces phrases, -ces, qui marque le pluriel, vu qu'il y en a plus qu'une- avaient étés apprises par coeur, elles lui permettaient, semblait-il, d'améliorer la diction. Mais tout ces sons, qu'elle connaissait dans sa langue, qu'il fallait troquer contre d'autres, plus plats, n'avaient presque plus de secret pour son jeune esprit.
-« Ça fait du drôle! comme phrase. Non? J'en connais d'autres ! » Non, elle ne pilliait pas, ou à peine, et de toute façon, le jeune garçon ne s'en était pas encore plaint. Et de citer, à valeur d'exemple : -« Je veux et j'exige un paroquesisme spasmaodique. » Je veux et j'exige, ça en jetait un peu, comme phrase. Pour le reste, ça n'avait pas d'importance.
Si elle ennuyait le gamin, elle n'en avait nullement consciente. La Minie barbare était ravie, pas ce jardin et cette compagnie. Minouche, c'était un peu l'amoureux de Yolanda, avait suggéré une dame en taverne. Et si Yolanda l'insultait, c'était pour lui signifier son amour. C'était un sujet sérieux, pour elle, l'amour, ou plutôt le concept d'amoureux, car si l'amour existait, elle serait en Bretagne avec un papa et une maman. Quelque chose qu'elle ne maîtrisait pas mais pour laquelle elle montrait une curiosité assez touchante, comme tout ce qu'on montre, quand on a cette age. Tout ce qui flottait dans sa tête, ce brain storming de l'amour, était assez confus. Il y avait ce divorce, qui avait brisé sa famille, la sienne à elle, ce qui n'était pas rien, il y avait aussi Anaon, qui lui avait parlé de son amant kidnappé, qui était aussi l'ami de sa mère, qui avait beaucoup d'amis, mais Alix avait comprit, que c'était tous des amoureux. Et comme à chaque fois, elle, se contentait dêtre là, d'essayer de saisir toutes ces choses au final gravement abstraites qu'étaient les petites subtilités de la vie d'une gosse (c'est une gamine éveillée) et au final, mais surtout par défaut, elle se contentait de son incompréhension.
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