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[RP] La rue Montorgueil et les Petits-Carreaux

--Gartemans
Peu de gens le savent – à la vérité, ils doivent se compter sur les doigts de la main gauche de Gartemans – mais quand le dernier Rey avait pris le pouvoir en la Cour des Miracles, et après s’être installé dans son palais, celui-ci avait envoyé une lettre à son voisin le Roy de France. Cette lettre, la voici :



Sébastien, dit « Mange-rats », Rey de la Cour des Miracles,
A Son Altesse Levan III de Normandie, Roy de France,
Salut :

Voisin, j’ai ce tantôt pris la décision de régner en la Cour des Miracles qui va s’étendant de la Grande-rue Saint-Denis à la Porte Montmartre en la ville de Paris. Après quelques troubles, mon trône est aujourd’hui suffisamment affermi pour que je puisse vous envoyer cette missive, me présentant à vous comme le souverain de ces quartiers.
Voisin, depuis des années déjà vos gens n’osent plus pénétrer dans ces quartiers que cachés, masqués pour y trouver des filles de joie. Ces rues sont de facto indépendantes de la couronne de France depuis nombre d’années. Ce que je vous demande aujourd’hui, c’est une indépendance de juro de la Cour des Miracles de la ville de Paris du Royaume de France. Quelle différence pour vous ? Quelle simplification pour mes ambassades !
Indépendant de la Pairie et de la Hérauderie du Royaume de France, je pourrai mener mon Royaume à la paix et à la prospérité. Votre Altesse, ces rues sont depuis des années une gangrène pour votre Royaume : laissez-moi m’en occuper.

Faict en la ville de Paris, le 22 de février, l'an de grâce 1456 et de son règne le second,
Par « Mange-rats », Rey de la Cour des Miracles


« De la Grande-rue Saint-Denis à la Porte Montmartre », voilà où devait donc s’étendre la Cour des Miracles selon son souverain proclamé. La vérité est un peu plus complexe, et à dire vrai personne n’a jamais su s’accorder sur les limites de la Cour des Miracles.
Beaucoup maintiennent que la Grande Rue Saint-Denis en est la limite à l’est, mais certains soutiennent que la rue Saint Martin en fait partie…
Gartemans frissonne toujours à la mention de Saint Martin.
Il y vit la pire sorte de malheur, dit-il souvent à qui veut bien l’entendre – la plupart du temps à Chimère, qui, c’est admis, s’en moque bien. Voilà pour l’est.
Au nord c’est la même affaire, car si les taudis sont un peu moins enchevêtrés et décatis au nord de la rue Saint Sauveur qu’au sud, rares sont ceux qui n’admettaient pas que la rue des Petits Carreaux fasse partie de la Cour des Miracles, or chacun sait que cette rue n’est que le prolongement de la rue Montorgueuil au nord de la rue Saint Sauveur.
A l’ouest il y a bien la rue Montmartre, qui de l’église Saint-Eustache au sud à la porte Montmartre au niveau de l’intersection à la rue Saint-Sauveur, fait une limite nette… mais au sud de Saint Eustache, c’est plus compliqué.
Au sud, il y a la rue des Deux écus, mais ici encore rien n’est admis… quelques uns excluent les Halles de la cour des Miracles, ce qui signifie que ce sont les rues de la Chanverrerie et la rue Traînée qui sont la limite, d’autres au contraire considérent que les Halles, et même le cimetière des Innocents, peuvent être inclus dans la Cour des Miracles, et pour eux c’est la rue de la Ferronnerie qui marque la limite.

Après cet examen on voit bien combien cette formule, « de la Grande-rue Saint-Denis à la Porte Montmartre », cache de complications. Qu’entendait exactement le jeune Rey par cette formule ? Son règne fut si bref, et le Roy Levan y porta visiblement si peu d’attention, que cette question ne se posa jamais avec beaucoup d’importance.

Pour tout dire, Gartemans se moque bien de ces considérations territoriales. Seule Chimère s’en moque plus encore, mais c’est bien normal : c’est un chat. Les chats n’ont pas la fibre dynastique, et leur territoire se dessine autrement que celui des hommes.
Gartemans débouche enfin du passage du Grand Cerf sur la rue Montorgueil, et son esprit est ailleurs. Il se demande si ses tribulations sur les toits des taudis pris entre la rue de la Grande Truanderie, la rue Mondétour et le passage du Grand Cerf sont passés inaperçus. Il regarde autour de lui ; il regarde la foule qui presse sur la rue Montorgueil. Il a un air inquiet, un air prudent. Et puis il hausse les épaules et prend vers le nord.

Et je n'ai, moi.
Par la sang-Dieu !
Ni foi, ni loi.
Ni feu, ni lieu.
Ni roi,
Ni Dieu !


Il chantonne doucement et marche vite. A sa droite et à sa gauche s’ouvrent les étals des bouchers de Montorgueil, ils braillent et taillent et font un tapage affreux. Il se glisse dans la foule, inintéressant et discret. Qui porterait attention à ce jeune homme à la mise ordinaire et à la mine quelconque ? Chimère, pourtant, ne le quitte pas ; elle lui file aux grolles comme à la queue d’un rat. Il prend une grande inspiration.


Fichtre, y’a pas à dire, Chimère, je préfère l’air de Montorgueil à celui de la Truanderie…

Et c’est vrai que l’air n’est pas tant épais à Montorgueil que sur la Grande Truanderie. C’est que quelles que soient les limites que l’on fixe à la Cour des Miracles, il est indéniable que Montorgueil et les Petits Carreaux en sont une porte, un passage, un peu plus large que les autres.

Enfin, c’est pas le bon air qu’on est venu prendre, Chimère, hein. Allez donc, j’ai des questions à poser, des recoins à fouiller… des choses à savoir, et d’autres à trouver !
Si tu veux me croire, je pense qu’on va s’amuser.


Et je crois que Chimère veut bien le croire… d’ailleurs ils arrivent bientôt au niveau de la rue Saint Sauveur, et la rue des Petits Carreaux est de l’autre côté.
Quant à savoir ce qu’il y a là, c’est autre chose. Il y avait une bande de voleurs, parmi la noblesse de l’argot ; ceux là avaient élu domicile aux Petits Carreaux, et Gartemans en avait connu certains, bien que la plupart fût toujours resté une énigme pour lui.


Je n’sais pas si ces zigs crèchent toujours aux Carreaux, ma belle… mais si c’est le cas, il faudra faire attention, tu piges ?
Gartemans
[Dans la rue des Petits-Carreaux]

Le sorgue vient, la trèpe s’en va
Et Pantin est à moi…


Gartemans avance, et il observe. Il tente de se souvenir. Les masures et les venelles, obscures, qui s’écartent sur les cotés dans un désordre de taudis. Les pavés mal joints et la boue… il cherche dans sa mémoire.
C’est que la turne ça vous change un homme, ça bousille le ciboulot et ça lessive le souvenir. Le soir tombe et la foule s’est dispersée… il y a bien quelques passants tardifs, ombres discrète qui filent dans les venelles, chacune à son affaire dont le tiers seulement est peut-être honnête.


Je pioncerai demain, car papa,
Tout Pantin est à moi.


Il marmonne plus qu’il ne chante. Et ce chant, soudain, lui en rappelle un autre. Ancien, en fouis dans les souvenirs d’une autre de ses vies. Il regarde Chimère qui trotte derrière lui, et il dit :
On s’épate toujours que les greffiers aient neuf vies, Chimère, mais moi, j’en aurai bientôt autant ! Enfin, tu ne sais pas, tu ne me connaissais pas, avant. Mais je te raconterai.
Elle miaule.
Elle s’en tape.


Gartemans s’arrête net dans la rue. Bien sur la pluie a lavé le pavé. Tout est effacé, tout a disparu. Il s’accroupit, près du sol, et de sa main droite touche le pavé sombre, comme pour se persuader que tout est bien réel. Il croit reconnaître – est-ce un jeu de son imagination ? – la morsure d’une épée sur la pierre.

C’est là, dit-il, simplement.

Il regarde autour de lui, s’engage dans une petite venelle, coincée entre deux baraquements de planches et de moellons branlants. Du pied, il cherche. Il marmonne, avec une excitation certaine.


C’était là, Chimère… c’était là ! Là que le Rey l’a enterré… Il devrait… enfin… ça serait formidable, hein, Chimère, tu piges ?
Chimère ne pige pas. A vrai dire, elle s’est lassée de cet instant nostalgie et est allée trotter plus loin sur la rue. Gartemans hausse les épaules.
Aucun sens historique… enfin, pas tout ça, mais va falloir creuser avec autre chose que l’arpion, Gartemans.

Il se penche sur le sol, un sol de terre compacte, tout contre un des murs. Il tente d’ouvrir la terre avec ses mains, mais celle-ci est dure et sèche. Il regarde autour de lui, trouve un genre de bâton… peut-être le manche brisé d’un balais. Avec il brise la terre, ouvre le sol.
Il remue, il creuse. C’est un travail exténuant. Bientôt la nuit tombe tout à fait, et il est encore à l’ouvrage. Heureusement la nuit est claire.


Allez ho ! et on creuse, pour sortir le rabouin de sa boulangerie.

Chimère n’est pas revenue, et il parle seul. Enfin son bâton rencontre quelque chose de différent… un peu de vide, peut-être. Il n’a pas creusé très profond. Il écarte la terre, excité et terrifié à la fois par ce qu’il va découvrir.
Et puis tout lui apparaît. L’odeur est insoutenable. Le corps est là mais il ne presque que les os, et quelques lambeaux de chairs décomposés – qui reconnaîtrait là le corps autrefois vigoureux d’un des princes des enfers ? Le vêtement du cadavre est en lambeaux, pourri par les chairs qu’il a contenues ; mais Gartemans s’en moque. Il sait que le vêtement qu’il cherche est bien caché.
Qui, en effet, en découvrant ce cadavre décharné, et orné d’aucun bijou ni d’aucune autre richesse, aurait cherché plus loin ? Personne d’autre que Gartemans, qui sait les richesses enfouies. Alors il prend son bâton, et le glisse sous le cadavre.


Désolé, vieux, je te sors du pieu. Ne t’inquiètes pas, je t’y remets dans une minute.

Il pousse, et sous le cadavre découvre un assemblage de planches, qui dissimule un paquet de toile, un peu long. Il tire le paquet, et repousse le cadavre dans son trou.
Il s’assied contre un mur, épuisé, et défait le paquet de toile. Dedans il trouve une épée, une bourse, un masque d’ivoire et un grelot, le tout enveloppé dans un manteau gris et une grande bure noire.
L’épée est une bâtarde, elle est de l’acier le plus pur et à sa base une devise est gravée :
"Ubi Volo, Quod Volo, Quando Volo".
La bourse est rebondie, il y a dedans des écus d’or – il l’attache à sa ceinture et la cache sous ses hardes.
Le masque d’ivoire est intact, Gartemans le caresse avec excitation.
Il regarde le grelot un instant à la manière d’un diamantaire, comme pour estimer sa valeur, et puis le rejette rapidement dans le trou du mort.
Enfin il déplie la grande bure noire. Il en examine le col avec espoir. En effet, il y a une étiquette. Dessus, il lit, en lettres à demi effacées par la terre :

"Propriété de Belzébuth, Sa Majesté des Mouches, Prince Encapuchonné de l’Avarice."

Gartemans sourit. Il refait le paquet autour du masque et de l’épée, se lève et, sans prendre la peine de recouvrir le mort, s’éloigne pour commencer la cinquième de ses neuf vies.


Finalement t'as pas changé, Gartemans, souffle-t-il. Toujours à comploter et à déterrer des refroidis qui devraient rester dans leur trou.
_________________
Il a un plan.

(Grand manit... modérateur de la Cour des Miracles)
Achim_al_quasim



Le pas alangui, le Maure déambule, presque nonchalamment. Revenu dans cette Cour où règne la vermine. Il ne cherche rien de particulier, il se contente d'observer la lie de l'humanité au quotidien.

Il n'a pas revu la rouquine qui avait enflammé ses sens. Le voudrait-il d'ailleurs ? Il ne saurait dire. Cette histoire lui avait laissé un arrière goût amer... Tout comme la petite brunette aux grands yeux verts qui après l'avoir repoussé lui avait écrit.
Il avait conservé la missive pourtant. Au cas où il recroiserait son chemin, même si rien n'était moins sûr.

Pour l'heure il arpente les ruelles crasses, une lippe retroussée de dégoût à cause de ces relents de pourriture humide qui n'ont de cesse de venir agresser ses papilles, s'insinuer dans ses narines à lui en donner la nausée.

Il martèle du claquement sourd de ses bottes sur le haut du pavé, prenant soin d'éviter les flaques nauséabondes qui parsèment la chaussée et de ne pas éclabousser ses fourrures et soieries de la moindre gouttelette d'eau saumâtre.

Ici, tout n'est que ruine et souillure. Il sait qu'il dépare dans ce décor, mais il cherche en vain l'étincelle qui ferait enfin sortir certaine brune de sa tête.
Rien que d'y penser le fait maugréer dans sa langue natale.
Et latter méchamment le chat qui vient de croiser son chemin et qui s'éloigne en courant, non sans avoir au préalable heurté une porte en laissant échapper un miaulement aigu.

Le chirurgien hausse les épaules en continuant d'avancer. Pourquoi pas une blonde ? Celle du bordel de la Rose Noire avait comblé toutes ses attentes et bien plus après tout...

Il n'a bien évidemment pas vu l'homme et le paquet de tissu dans ses mains sales.
Gartemans
Maaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaouw !

Jamais de sa vie Chimère n’a hurlé si fort – jamais elle n’a été ainsi humiliée. Humiliée et meurtrie. Sa fierté, d’abord, la tente un instant, elle veut se jeter sur le gredin, toutes griffes dehors, et tâcher tant bien que mal de lui apprendre la loi du Talion.
Mais Chimère est maligne, et elle sait reconnaître un adversaire supérieur quand elle en rencontre un. Elle file donc ventre à terre vers Gartemans, qui s’éloignait vers le bas de la rue des Petits-Carreaux. Gartemans n’est pas véritablement son maître ; c’est plutôt son compagnon, son pote. Et là, elle a vraiment besoin d’un pote. Elle file et va se fiche entre ses jambes.


Bran, Chimère ! s’exclame celui-ci en manquant de se viander. C’est des manières, de rentrer dans les gens comme ça ? Est-ce que je te marche sur la queue, moi ?

Elle miaule un coup, histoire de l’attendrir. Elle commence à le connaître, le Gartemans. Au fond, c’est un gosse, pas très malin, avec un ego gros comme lui et le cœur sur la main. Pas si difficile à cerner.

Bon, ça va, fait-il en se penchant pour la caresser. Il remarque qu’elle boite, et qu’elle a pris un coup de tatane sur l’arrière.
Dis-donc la mère, on t’a fait des malheurs ?

Il entend des pas derrière lui, et se retourne. Un homme descend la rue derrière lui, l’air absorbé dans ses pensées… il ne semble pas l’avoir vu encore. Il a une mise riche et extravagante qui ne convient pas vraiment au cadre et Gartemans penche sa tête sur le côté, songeur.
Chimère en profite pour aller se planquer derrière les jupes de Gartemans, histoire de signifier que c’est le nouveau venu qui lui a botté le derrière. Et elle y refout un coup de miaulement, histoire d’être bien claire.


Nom de la daronne du rabouin, Chimère, c’est ce chêne là qui t’a foutu la grolle au trèfle ?

Et il s’avance d’un pas décidé vers l’homme.

Oh, andouille ! Alors comme ça, on marave les greffiers ? Ça t’amuse, peut-être ?

Il a posé son paquet sur le côté de la rue, sans en sortir l’épée – il sait, par expérience, qu’exhiber une arme ne fait qu’aggraver une dispute, et il n’a pas envie de se faire étriper par meilleur que lui.
Seulement, lui foutre un gnon ou deux, peut-être… tout de même, il a cogné sa Chimère.


Alors on s’excuse, et fissa. T’entraves, l’andouille ?
Achim_al_quasim



Le maure sourit presque imperceptiblement en entendant les miaulements successifs résonner dans le silence de la ruelle et cherche machinalement le chat des yeux.
Pour tomber finalement sur l'homme dans les jambes duquel l'animal est allé trouver refuge.
Lui qui cherchait l'étincelle...


Par Houbal*, cet animal couine comme un arbre waqwaq **!

La voix chaude aux accents caractéristiques claque à son tour dans le silence presque retombé. Puis le chirurgien interrompt petit à petit sa marche en voyant l'homme avancer, le laissant s'approcher en tentant de décrypter le galimatias que l'autre lui sert. Un local à vue de nez, à l'odeur aussi sans doute, qui baragouine langage de la piétaille sans valeur.

Un sourcil se hausse pourtant. Des excuses ?? Un grondement sourd vient lui chatouiller la gorge. Dans son pays, le manant aurait reçu mille châtiments pour lui avoir ne serait ce que parlé sur ce ton irrévérencieux. Et son foutu chat serait déjà cloué au premier huis venu. Mais il n'est pas dans son pays, et il est homme à avoir la sagesse de ne pas se laisser dominer par ses passions.


Il ne saurait être question d'excuses...

Toutefois, lorsqu'il est question d'orgueil, il serait vain d'espérer la moindre concession de sa part.

Je suis Achim al Qasim ibn Farad !
Médecin émérite de Grenade !
Chirurgien de Bagdad !


Ses épaules se sont peu à peu redressées alors qu'il s'annonce, comme si de s'entendre prononcer noms et titres lui rappelait qui il est et ce qu'il est. Droit dans ses bottes, son regard d'ébène brillant d'un feu nouveau, le maure affiche toute sa prestance.
Et lui non plus n'a pas porté la main au shamshir qui pend à son flanc.



* Houbal est le dieu principal de la mythologie arabe
** l'arbre waqwaq est un arbre mythique persan dont les branches et les fruits se transforment en têtes d'humains ou d'animaux qui hurlent waq waq (glapissement en persan)
Gartemans
Et tout à coup voilà Gartemans catapulté dix ans en arrière, du temps de ses jeux avec les gosses du pavé, ses jeux fantasmagoriques et absurdes, ses jeux de gloire et d’espoir. Il entend les titres, déclamés avec fierté, et ils lui semblent si loufoques, abracadabrantesques… Bah, c’est du flan, pense-t-il.
A mon tour.

Et moi je suis Baba-lu-Coco-zam-Prout-prout !
Grand Forban et Baobah au service de sa majesté le roi de Takicardie !


Et il affecte l’air prétentieux des grands de ce monde –
après tout, pense-t-il, j’ai de l’expérience dans le domaine. Aha, coquin, tu ne t’y attendais pas, mais la grandeur et la vanité, ça me connaît, par le rabouin, je suis docteur ès vantardise !
Et il a les poings sur les hanches, le buste bombé, le menton haut.

Gartemans, malgré tout cela qui l’amuse follement, sait qu’il ne peut pas perdre toute là nuit à échanger des plaisanteries avec un original. Il a, en quelque sorte, des essayages à faire, et un peu de couture.
Il pense également qu’il a de l’argent à investir, une affaire à organiser, et l’enfer à conquérir. Bref, c’est quelqu’un de très occupé.
Il pense à tout cela, et il pense que le barbaresque devant lui n’est peut-être pas complètement un baratineur.
Et s’il y a ne serait-ce qu’un rien de vérité dans son caquetage, pense Gartemans, alors il pourrait m’être utile. Ah, je ne suis pas roi, mais j’en aurai bientôt les finances. Et j’aurai besoin d’un chirurgien, certainement.
Et Chimère se serre contre ses chevilles, et Gartemans penche de nouveau sa tête sur le côté, songeur. Il se mord la lèvre. Comment gagner les services de quelqu’un qu’on vient de traiter d’andouille ? Et surtout, de quelqu’un qui vient de maraver Chimère ?
Bah. Est-ce que c’est vraiment mon affaire, de réfléchir ? pense-t-il. Et il se décide.

Dis-moi, Trucmuche al-zazim y-bambam, est-ce que ça te dirait de faire une course pour moi ? ça serait bien payé, et ça pour peu d’efforts.
Seulement, il faudra plus s’approcher de Chimère,
ajoute-t-il en montrant le chat.
Achim_al_quasim


Le sourcil, resté haussé, prend un air amusé. Le babil déblatéré est divertissant. Du moins, il a le mérite de lui faire oublier pour l'instant la brune qui hante ses pensées depuis plus d'une année.

Le chirurgien mauresque scrute le visage de l'homme, envisage ses propos et la proposition. Il cherche surtout la trace de vilénie, l'évidence de l'entourloupe. Mais l'homme semble franc, au moins là dessus.


Je n'ai pas besoin d'argent...

Que ce point soit bien clair. Il n'a même pas songé se faire payer lorsqu'il a assuré le rafistolage des blessés sur le front angevin. Ni avant d'ailleurs.

Et si...

Un sourire énigmatique se profile sur ses lèvres. La bête ensommeillée vient de lui glisser une idée, qui se dessine lentement derrière ses prunelles sombres.

Et si, nous envisagions plutôt la chose comme un échange de bons procédés ?

Il a oublié le chat. Forcément, c'est un autre animal qui l'intéresse et réveille le pire en lui. Il en ressent même un picotement d'excitation dans le bas ventre.
Si frayer avec le pire peut l'aider à obtenir enfin ce qu'il veut, il le ferait.
S'il doit soigner et recoudre pouilleux et grouillants de cette Cour débile alors il le ferait...

Encore reste-t-il à savoir quel service l'autre attend de lui.


Dites toujours de quoi il retourne...
Gartemans
Pas besoin d’argent ? Tant mieux, pense Gartemans. Il est de ceux qui ont grandi dans la misère et qui savent la valeur de l’argent. Le pèze, on n’en a jamais assez, pense-t-il. Et il se gratte la tête en regardant l’énergumène devant lui. Bien sûr il ne peut pas tout lui dire, pas tout de suite. Il est méfiant, et avec raison. Quoi, quand on a été joué par son père toute sa vie, on a du mal à donner sa confiance au premier hurluberlu venu.

Entendu, Truc-truc Boum-boum.

Si jamais ils viennent à faire affaire plus souvent, il faudra qu’il apprenne son nom. Pour l’instant, les approximations suffiront bien.
Un chirurgien… pense-t-il. Un bon chirurgien, ça n’a pas de prix. Ça se bichonne. Bon…
Il fouille dans ses hardes avec sa main droite – la gauche, dont il s’est servi pour déterrer le mort, et qu’il avait roulée en poing contre sa manche, est vite retournée dans ses poches pour cacher son infirmité reconnaissable.
Ça aussi, je le leur ferai payer, pense-t-il avec une rage soudaine.

Je suis bon prince, allez ! et sûr payeur. La besogne, je te disais, n’est pas bien dare. Si tu le veux bien, il y en aura d’autres.
Mais d’abord,
fait Gartemans en tirant enfin une missive de ses hardes, j’ai besoin que tu portes cela à la tenancière de la Sans-nom. Fanchon, qu’on l’appelle, si mes renseignements sont exacts.
Mais t’es pas du coin, ou bien je suis le Duc de Barbarie. Je te montre, mate un peu.


Et il se penche sur le paquet, en sort la grande épée, sans penser un instant que le geste peut-être mal interprété par son interlocuteur. Avec il trace des lignes au sol, dans la poussière et la croûte de boue qui couvre la voie.


C’est bien simple,
fait-il. Tu continues tout droit sur Montorgueil, et puis tu prends à gauche quand tu vois la première lanterne rouge – ah, et ne t’y arrêtes pas, si c’est les filles qui t’intéressent, je t’en indiquerai de meilleures, pour l’instant il faut finir ta course.

Et il continue, et sur son plan de fortune indique le chemin, guère long mais certainement labyrinthique, jusqu’à la taverne Sans nom, qui devrait convenir à ses projets et se trouve au cœur de la Cour des Miracles.

Arrivé là-bas tu demanderas Fanchon, une rouquine – ça ne devrait pas être bien dare. Tu lui donneras la missive. Tu lui diras que je la visiterai bientôt pour en discuter le contenu.

Il se redresse, et repose l’épée près de son paquet de frusques.

Maintenant dis-moi, Ali-du-Bakabam, quel paiement désires-tu pour cette affaire ?
Achim_al_quasim


Les onomatopées dont l'autre se sert pour le désigner ont légère tendance à lui hérisser le poil. Pourtant, à l'exception d'un rictus léger sur son visage, il n'en montre rien.
Il sourit, désabusé, comme il le faisait avec son apprenti fut un temps.

Il prend même le temps de sortir son sepsi de Cappadoce, le bourrer nonchalamment le plus naturellement du monde comme s'ils étaient dans un salon mondain et de faire claquer le briquet pour allumer l'amorce qui vient prendre place dans le foyer... Une longue inspiration est prise puis il recrache ses volutes de fumée, l'air inspiré en suivant du coin de l'oeil les esquisses dessinées à la pointe de l'épée...
Quelques
Hum ponctuent les directives en signe d'acquiescement...taverne la Sans-nom... Fanchon... de la part du prétendu duc de Barbarie... Achim se permet un léger foutage de gueule au passage, songeant qu'il allait ainsi perfectionner sa connaissance en rades sordides.

Achim... appelez moi Achim.. ou le chirurgien si c'est trop compliqué à retenir...

Finalement, ça a du finir par l'agacer, alors qu'il tire à nouveau longuement sur sa longue pipe en écume, laissant ses épices si particulières couvrir la puanteur ambiante de leurs senteurs enivrantes.

Trois fois rien, je vous l'assure... Un sourire cynique, presque cruel se dessine sur les traits harmonieux du maure. Mais chaque chose en son temps... Il étire son bras, presque langoureusement, venant tendre la main pour que l'homme lui donne ce fameux pli à remettre. Et où vous retrouverais-je une fois la chose faite ? Etranger peut-être, mais pas un lapin de six semaines non plus...
Gartemans
Achim. Admirable. Achim…

Gartemans marmonne doucement, l’air songeur. Oui, tout ceci est admirable. Il a trouvé un coursier, et un coursier qui-ne-souhaite-pas-être-payé ! Admirable, tout ceci est admirable. Cela signifie qu’il peut attacher une pièce d’or au courrier, en étant certain qu’elle arrivera à bon port.
Admirable.


Affaire conclue, Achim.

Gartemans a un regard un peu étonné pour l’appareil que celui-ci glisse entre ses lèvres, mais ne pose pas de questions. Les étrangers ont souvent des pratiques surprenantes, et sont parfois étrangement susceptibles à ce propos.
Bien sûr, la question du paiement l’intrigue un peu, mais il se dit que si le paiement qu’on lui demande dépasse ce qu’il considère acceptable, il pourra toujours disparaître. Mais l’idée de s’acquérir un chirurgien lui trotte toujours dans la tête. Et là encore… un chirurgien
qui-ne-souhaite-pas-être-payé !
Admirable.
Reste à se fixer un autre rendez-vous, ce qui n’est pas le plus aisé à arranger. Il ne peut pas lui demander de le retrouver là où il va – ce serait brûler tout son déguisement, et cela mettrait à terre son affaire. Par ailleurs, il n’a pas d’adresse à lui donner.
Le mieux… oui.


Eh bien, l’ami, nous nous retrouverons au rade où je t’envoie à présent. Tu t’y plairas – on dit que la Fanchon à qui j’envoie cette missive ne manque pas de charmes. J’y serai dans quelques jours, pour conclure mon affaire avec Fanchon.

Il hésite, penche la tête sur le côté.

Si tu as besoin de me contacter plus tôt que cela, tu demanderas à Fanchon. Il y a dans la missive que je te confie des instructions pour faire face à cette situation.

Alors Gartemans ouvre sa missive, griffonne quelques mots supplémentaires à ce propos, y ajoute une pièce d'or, et tend tout cela au Maure.

Eh bien, Achim, on est d’accord ?
Achim_al_quasim


A dire vrai, il écoute d'une oreille distraite ce qui suit. La bête qu'il avait mise en sommeil dans un coin de son crâne continue de se réveiller, lui soufflant ses idées insanes. D'autres chercheraient sans doute à lutter, opposant à ces plus vils instincts une conscience toute drapée de bonne morale. Pas Achim. Pas après cette année écoulée. Aussi marmonne-t-il un rapide :

Affaire conclue..

En réponse avant de se saisir de ce que lui tend l'homme. Il ne lui répond pas qu'il n'a nulle l'intention de prendre quartier dans le bouge où il doit porter la missive, cela est sans intérêt. Tant qu'il a un point de rencontre, le reste lui est égal.

Dans quelques jours alors...

Ca... Il y compte bien.
Pour l'heure, il va s'en tenir à faire office de coursier et continuer d'arpenter les ruelles et venelles parisiennes pour mieux en appréhender toute leur complexité.

Un dernier salut de la tête avant de reprendre sa marche, nonchalant, comme si rien de tout cela n'était arrivé. Non sans un claquement de botte sur le pavé à proximité du chat, accompagné d'un
Bouh ! suivi d'un éclat de rire.
Gartemans
Ouais, un peu particulier le zig. Peut-être un peu pavillon, allez ! un daim huppé qui se promène la nuit sur Montorgueil, forcément, il a pas le ciboulot où il faut.

Gartemans regarde son courrier s’éloigner, la tête penchée, l’air pensif.

Ah ! et puis quoi ? tant qu’il fait son ouvrage !
Quant à son dû, il ne sera payé que s’il est jugé approprié… foi de Duc de Barbarie !

Et il ricane, jette un regard à Chimère qui a les yeux chargés de reproches. Elle montre les crocs et hisse un coup, histoire de lui montrer qu’elle est pas jouasse, et part devant, la tête haute.
Gartemans hausse les épaules et lui emboîte le pas.

Que veux-tu, ma belle, fait-il en levant sa main droite en l’air, les affaires, c’est les affaires ! Tu verras, quand tu essaieras de t’engager dans une… honnête… entreprise, on en reparlera ! au lieu de vivre en parasite ! Tss…

Chimère ne lui répond pas. Chimère n’a pas relevé l’injure.
C’est normal, c’est un chat.

Mais Gartemans l’a déjà oublié, et pense à son affaire.
Gartemans n’est pas précisément un traditionaliste, ni un enthousiaste de la société d’ordres. Pourtant, bien qu’il ai pu souvent brailler le contraire, ce n’est pas un azimuté de la jacquerie.
Qu’on s’entende bien – la société de Gartemans, c’est l’Argot. Ici on dit Argot, et on ne parle pas du langage. L’Argot, c’est l’ensemble de la communauté des voleurs comme l’Eglise est la communauté des aristotéliciens. Et Gartemans a là-dessus des idées très nettes. A son sens il y a plusieurs ordres au sein de l’Argot, et tous les voleurs ne se valent pas.


Même si un jour aux Blancs-Manteaux
J’deviens gouverneur de tripot
Cerclé de femmes languissantes…


Tout en bas de l’échelle il y a ce qu’on pourrait appeler le tiers-argot. Ce sont les sabouleux, les francs-mitoux, les malingreux, les drilles, les piètres et les autres, bref toute la gueuserie, la mendicité. Bien qu’il ne les méprise pas tout à fait – c’est parmi leurs rangs qu’il a fait ses classes – Gartemans les considère tout de même comme des parasites, qui ne méritent pas de faire partie de la pègre.

Même si lassé d’être chanteur
Je sois dev’nu maître chanteur
Et qu’ce soit les autres qui chantent…


Au-dessus il y a la première noblesse de l’Argot, qui est à la société du vol ce que la chevalerie est à la société légale ; d’ailleurs on les appelle parfois les chevaliers de la gueuserie. Ce sont les voleurs à la tire, ceux-là éveillent chez Gartemans – comme chez beaucoup de chapardeurs et d’escrocs de tout poil – un respect certain. Leur métier est des plus dangereux, et des plus délicats ; il nécessite une adresse toute particulière.

Même si on m’appelle Gartemans !
Que je vends des bateaux d’opium
Du cognac, de la bière et du rhum
Des fausses reliques, d’vraies indulgences…


Enfin il y a la haute pègre, ce sont les plus rusés, et peut-être les plus habiles. Parmi eux on trouve les cambrioleurs, et les escrocs ; tous ceux-là qui doivent penser et préparer leur coup, tandis que les chevaliers de la gueuserie doivent agir dans l’instant, dans l’instinct.
Et puis il y a ceux qui même au sein de l’Argot sont mis au ban, qui sont des monstres même chez les voleurs ; ce sont les criminels – ceux là tuent. Gartemans les exècre plus peut-être que la maréchaussée.


Que j’aie une banque à chaque doigt
Et un doigt dans chaque pays
Et que chaque pays soit à moi
Je sais quand même que chaque nuit…


Gartemans, donc, pense à son affaire, disions-nous – loin de toutes ces considérations qu’il a eu surtout dans ses journées de prisons, à bavarder avec ses nouveaux frères de fortune.
Il pense à son affaire, qui commence à prendre forme. Bientôt, si tout va bien, il sera investisseur – ça le fait rire. Au fond, c’est un bon bourgeois, à cela près que la sacralité de la propriété s’arrête à la sienne.
Gartemans pense, et il chante.


Tout seul au fond de mon tripot
Pour un public de vieux bourgeois
Je r’chanterai ma chanson à moi
Celle du temps où j’étais clodo…


Il marche, descend Montorgueil vers une de ses caches. Il y a longtemps qu’il ne les a pas visitées, mais il a confiance. Et de toute façon, il faut qu’il se change, récupère quelques bricoles, en planque d’autres. Il n’aime pas l’idée de se promener vers le cœur de la Cour des Miracles, à cette heure de la nuit, avec autant d’or sur lui.
Ca ne l’empêche pas de chanter…
Mais allez ! pense-t-il, ce n’est que tenter le démon que je serai bientôt.

Etre une heure, une heure seulement
Etre une heure, une heure quelquefois
Etre une heure, rien qu’une heure durant…
Beau, beau, beau et riche à la fois !




[HRP]Mes excuses à la mémoire de Brel.[/HRP]
_________________
Il a un plan.

(Grand manit... modérateur de la Cour des Miracles)
Chimère, incarné par Gartemans
Alors que Gartemans continue sur la rue Montorgueil, vers un de ses repères de fortune, Chimère s'engage vivement dans une contre-allée. La nuit est déjà bien avancée, et elle doit trouver son dîner. Pour cela elle ne veut pas les pas pesants de Gartemans derrière elle... et puis, il a ses propres affaires.
C'est ainsi que leur courte relation s'est réglée : chacun, à tout moment, était libre d'aller à ses affaires, et puis ils se retrouvaient – pour cela le sens d'orientation de Chimère était formidable.

Chimère, donc, avance dans une contre-allée particulièrement sordide, derrière un hôtel borgne – c'est là, parmi les ordures, qu'elle a l'habitude de débusquer les meilleurs rats. Les meilleurs, c'est à dire les plus gras et les plus lents – Chimère est gourmande, et elle est un peu flemme, aussi.

Derrière elle, elle entend le chant de Gartemans s'éloigner.
Chimère ne chante jamais, et ce pour deux raisons. D'abord, le bruit effraye les rats. Ensuite, Chimère est un chat ; et c'est bien connu, les chats ne chantent pas. Heureusement.

Pourtant Chimère se sent cette nuit là d'humeur particulièrement sauvage, et à chasser les ombres fuyants des rongeurs elle sent sa propre puissance... et si elle chantait, cela ressemblerait à ça :

Mon gars au nord des Innocents
Il y a le pir' quartier d'la ville
Et si tu vas là bas
Fais attention mon gars
A celle-là qu'on appelle Chimère...

La mère Chimère n'est pas facile
Mieux vaut pas lui chercher d'emmerdes
Y'en a un qui l'appelle « ma vieille »
Mais pour les autres c'est Madame !

Ouais car la sale, sale, sale Chimère
Est la pire des chattes de Paris
Plus crasse qu'un rat d'égoûts
Et plus méchante qu'un chien racé !


Mais enfin non, décidément, elle ne chante pas.

Heureusement.
Minah
[Une rue quelconque des Miracles]

La charrette s'arrêta en grinçant et la Minah sentit tous ses os protester avec elle.
Les dents serrées, la fille aux dents cassées jura.


Foutrecouille... Et c'est qu'y m'a fait payer pour ça, le bougre...

Le charretier renifla avec dédain.

Hé, dis ! T'avais qu'à raquer plus s'tu voulais un coussin pour ton p'tit cul ! Ça s'prend pas pour rin, les mômes d'nos jours...

La gueuse ne releva pas la pique.
Elle sauta à bas de l'engin déglingué qui avait malmené son séant durant ces dernières heures.
Les courbatures lui donnaient l'impression d'être une ancêtre. Et aigrie comme telle.
Mais la jeunesse reprit du dessus et elle lança une pierre au bonhomme qui s'en allait avec son chariot du Sans-Nom.

Puis elle se sentit brusquement toute petite et toute seule.
C'était la première fois qu'elle se rendait aux Miracles.
Et on lui en avait raconté des histoires, sur ce coin-là.
Sordides, angoissantes et merveilleuses, comme celles qu'on lui racontait sur le grand méchant loup quand elle était petite.


Le loup va venir te manger dans ton lit...

Vraies, fausses rumeurs... Elle s'en foutait, la Minah. Enfin, c'est ce qu'elle se dit.
C'est à cause de sa mémé qu'elle était là. Besoin d'herbes et de remèdes « qu'on n'trouve que là-bas ! », soit disant.
Tss ! Vieille peau ! Cherchait juste à se débarrasser d'elle et pis c'est tout...

La môme s'enfonça dans le quartier à la recherche des herboristes.
Prudemment. En rasant les murs.
Elle regrettait ses bottes rouges, voyantes et tapageuses.
D'un geste vif, elle les macula de boue pour les camoufler.

L'oreille tendue, il lui semblait en permanence être suivie.
Le moindre bruit lui paraissait un tire-laine, un maraud, un assassin.


Le loup... L'entends-tu depuis ton lit bien chaud, l'entend-tu chanter ta mort ?
_________________
Poppie


Qui apporte la peste, le malheur et la mort ?
Elle te ronge le visage, te fait perdre tes orteils, la chaleur du soleil...
Perdus. Perdus. Jamais tu les retrouveras.
Tu connaîtras la terre des morts et seras renié des vivants.
On te crieras crève la lèpre, tu fais tourner le lait et bouffe les enfants !
Plus jamais, on te dira je t'aime. Crève ! Crève !


Ce n'était pas vraiment un chant.
Plutôt un longue lamentation discordante, susurrée d'une voix qui n'avait rien d'humain.
Rauque et étranglée comme venue d'outre-tombe.

Mais lorsque la silhouette encapuchonnée, enveloppée de chiffons moisis, se taisait, son silence était pire encore.
Il laissait entendre le doux bruissement de ses pieds estropiés qui raclaient le sol, toujours précédé du clac sourd de sa canne.
Poppie se cachait. Elle n'avait plus sa place parmi les hommes.

Elle rasait les murs, se terrait dans l'ombre, cherchait sa pitance dans la fange.
Elle aurait pu mendier, chercher auprès des églises miséricordieuses.
Mais son égo encore enflé malgré toutes ces épreuves ne s'en serait pas relevé.

Plongée dans quelques pensées fielleuses et aigries, la lépreuse manqua de débouler dans une rue fréquentée.
Elle se plaqua contre le mur, guetta.

Ouf. Juste une mioche. L'air d'un oisillon paumé.
En lui faisant peur, elle pourrait peut-être lui soutirer quelques sous.
Ou bien... Non. Poppie secoua la tête. Non. Non.
Ça n'avait jamais marché, et ça ne marchera pas cette fois-là.
Une sorcière lui avait dit un jour que se baigner dans le sang pur d'une pucelle la laverait de sa maladie.
Mais ce genre de bestiole s'était révélé difficile à attraper, et celle-ci ne dérogerait certainement pas à la règle...

Pourtant, quelque part au fond de son âme pourrie, quelque chose continuait d'espérer.
Quelque chose qui poussa la gargouille à attraper la môme par la nuque.


Je... J'veux juste vivre, t'vois...
S'excusa-t-elle vaguement.

Son poing noueux se resserra davantage sur sa prise.

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