--Gartemans
Peu de gens le savent à la vérité, ils doivent se compter sur les doigts de la main gauche de Gartemans mais quand le dernier Rey avait pris le pouvoir en la Cour des Miracles, et après sêtre installé dans son palais, celui-ci avait envoyé une lettre à son voisin le Roy de France. Cette lettre, la voici :
Sébastien, dit « Mange-rats », Rey de la Cour des Miracles,
A Son Altesse Levan III de Normandie, Roy de France,
Salut :
Voisin, jai ce tantôt pris la décision de régner en la Cour des Miracles qui va sétendant de la Grande-rue Saint-Denis à la Porte Montmartre en la ville de Paris. Après quelques troubles, mon trône est aujourdhui suffisamment affermi pour que je puisse vous envoyer cette missive, me présentant à vous comme le souverain de ces quartiers.
Voisin, depuis des années déjà vos gens nosent plus pénétrer dans ces quartiers que cachés, masqués pour y trouver des filles de joie. Ces rues sont de facto indépendantes de la couronne de France depuis nombre dannées. Ce que je vous demande aujourdhui, cest une indépendance de juro de la Cour des Miracles de la ville de Paris du Royaume de France. Quelle différence pour vous ? Quelle simplification pour mes ambassades !
Indépendant de la Pairie et de la Hérauderie du Royaume de France, je pourrai mener mon Royaume à la paix et à la prospérité. Votre Altesse, ces rues sont depuis des années une gangrène pour votre Royaume : laissez-moi men occuper.
Faict en la ville de Paris, le 22 de février, l'an de grâce 1456 et de son règne le second,
Par « Mange-rats », Rey de la Cour des Miracles
« De la Grande-rue Saint-Denis à la Porte Montmartre », voilà où devait donc sétendre la Cour des Miracles selon son souverain proclamé. La vérité est un peu plus complexe, et à dire vrai personne na jamais su saccorder sur les limites de la Cour des Miracles.
Beaucoup maintiennent que la Grande Rue Saint-Denis en est la limite à lest, mais certains soutiennent que la rue Saint Martin en fait partie
Gartemans frissonne toujours à la mention de Saint Martin. Il y vit la pire sorte de malheur, dit-il souvent à qui veut bien lentendre la plupart du temps à Chimère, qui, cest admis, sen moque bien. Voilà pour lest.
Au nord cest la même affaire, car si les taudis sont un peu moins enchevêtrés et décatis au nord de la rue Saint Sauveur quau sud, rares sont ceux qui nadmettaient pas que la rue des Petits Carreaux fasse partie de la Cour des Miracles, or chacun sait que cette rue nest que le prolongement de la rue Montorgueuil au nord de la rue Saint Sauveur.
A louest il y a bien la rue Montmartre, qui de léglise Saint-Eustache au sud à la porte Montmartre au niveau de lintersection à la rue Saint-Sauveur, fait une limite nette mais au sud de Saint Eustache, cest plus compliqué.
Au sud, il y a la rue des Deux écus, mais ici encore rien nest admis quelques uns excluent les Halles de la cour des Miracles, ce qui signifie que ce sont les rues de la Chanverrerie et la rue Traînée qui sont la limite, dautres au contraire considérent que les Halles, et même le cimetière des Innocents, peuvent être inclus dans la Cour des Miracles, et pour eux cest la rue de la Ferronnerie qui marque la limite.
Après cet examen on voit bien combien cette formule, « de la Grande-rue Saint-Denis à la Porte Montmartre », cache de complications. Quentendait exactement le jeune Rey par cette formule ? Son règne fut si bref, et le Roy Levan y porta visiblement si peu dattention, que cette question ne se posa jamais avec beaucoup dimportance.
Pour tout dire, Gartemans se moque bien de ces considérations territoriales. Seule Chimère sen moque plus encore, mais cest bien normal : cest un chat. Les chats nont pas la fibre dynastique, et leur territoire se dessine autrement que celui des hommes.
Gartemans débouche enfin du passage du Grand Cerf sur la rue Montorgueil, et son esprit est ailleurs. Il se demande si ses tribulations sur les toits des taudis pris entre la rue de la Grande Truanderie, la rue Mondétour et le passage du Grand Cerf sont passés inaperçus. Il regarde autour de lui ; il regarde la foule qui presse sur la rue Montorgueil. Il a un air inquiet, un air prudent. Et puis il hausse les épaules et prend vers le nord.
Et je n'ai, moi.
Par la sang-Dieu !
Ni foi, ni loi.
Ni feu, ni lieu.
Ni roi,
Ni Dieu !
Il chantonne doucement et marche vite. A sa droite et à sa gauche souvrent les étals des bouchers de Montorgueil, ils braillent et taillent et font un tapage affreux. Il se glisse dans la foule, inintéressant et discret. Qui porterait attention à ce jeune homme à la mise ordinaire et à la mine quelconque ? Chimère, pourtant, ne le quitte pas ; elle lui file aux grolles comme à la queue dun rat. Il prend une grande inspiration.
Fichtre, ya pas à dire, Chimère, je préfère lair de Montorgueil à celui de la Truanderie
Et cest vrai que lair nest pas tant épais à Montorgueil que sur la Grande Truanderie. Cest que quelles que soient les limites que lon fixe à la Cour des Miracles, il est indéniable que Montorgueil et les Petits Carreaux en sont une porte, un passage, un peu plus large que les autres.
Enfin, cest pas le bon air quon est venu prendre, Chimère, hein. Allez donc, jai des questions à poser, des recoins à fouiller des choses à savoir, et dautres à trouver !
Si tu veux me croire, je pense quon va samuser.
Et je crois que Chimère veut bien le croire dailleurs ils arrivent bientôt au niveau de la rue Saint Sauveur, et la rue des Petits Carreaux est de lautre côté.
Quant à savoir ce quil y a là, cest autre chose. Il y avait une bande de voleurs, parmi la noblesse de largot ; ceux là avaient élu domicile aux Petits Carreaux, et Gartemans en avait connu certains, bien que la plupart fût toujours resté une énigme pour lui.
Je nsais pas si ces zigs crèchent toujours aux Carreaux, ma belle mais si cest le cas, il faudra faire attention, tu piges ?
Sébastien, dit « Mange-rats », Rey de la Cour des Miracles,
A Son Altesse Levan III de Normandie, Roy de France,
Salut :
Voisin, jai ce tantôt pris la décision de régner en la Cour des Miracles qui va sétendant de la Grande-rue Saint-Denis à la Porte Montmartre en la ville de Paris. Après quelques troubles, mon trône est aujourdhui suffisamment affermi pour que je puisse vous envoyer cette missive, me présentant à vous comme le souverain de ces quartiers.
Voisin, depuis des années déjà vos gens nosent plus pénétrer dans ces quartiers que cachés, masqués pour y trouver des filles de joie. Ces rues sont de facto indépendantes de la couronne de France depuis nombre dannées. Ce que je vous demande aujourdhui, cest une indépendance de juro de la Cour des Miracles de la ville de Paris du Royaume de France. Quelle différence pour vous ? Quelle simplification pour mes ambassades !
Indépendant de la Pairie et de la Hérauderie du Royaume de France, je pourrai mener mon Royaume à la paix et à la prospérité. Votre Altesse, ces rues sont depuis des années une gangrène pour votre Royaume : laissez-moi men occuper.
Faict en la ville de Paris, le 22 de février, l'an de grâce 1456 et de son règne le second,
Par « Mange-rats », Rey de la Cour des Miracles
« De la Grande-rue Saint-Denis à la Porte Montmartre », voilà où devait donc sétendre la Cour des Miracles selon son souverain proclamé. La vérité est un peu plus complexe, et à dire vrai personne na jamais su saccorder sur les limites de la Cour des Miracles.
Beaucoup maintiennent que la Grande Rue Saint-Denis en est la limite à lest, mais certains soutiennent que la rue Saint Martin en fait partie
Gartemans frissonne toujours à la mention de Saint Martin. Il y vit la pire sorte de malheur, dit-il souvent à qui veut bien lentendre la plupart du temps à Chimère, qui, cest admis, sen moque bien. Voilà pour lest.
Au nord cest la même affaire, car si les taudis sont un peu moins enchevêtrés et décatis au nord de la rue Saint Sauveur quau sud, rares sont ceux qui nadmettaient pas que la rue des Petits Carreaux fasse partie de la Cour des Miracles, or chacun sait que cette rue nest que le prolongement de la rue Montorgueuil au nord de la rue Saint Sauveur.
A louest il y a bien la rue Montmartre, qui de léglise Saint-Eustache au sud à la porte Montmartre au niveau de lintersection à la rue Saint-Sauveur, fait une limite nette mais au sud de Saint Eustache, cest plus compliqué.
Au sud, il y a la rue des Deux écus, mais ici encore rien nest admis quelques uns excluent les Halles de la cour des Miracles, ce qui signifie que ce sont les rues de la Chanverrerie et la rue Traînée qui sont la limite, dautres au contraire considérent que les Halles, et même le cimetière des Innocents, peuvent être inclus dans la Cour des Miracles, et pour eux cest la rue de la Ferronnerie qui marque la limite.
Après cet examen on voit bien combien cette formule, « de la Grande-rue Saint-Denis à la Porte Montmartre », cache de complications. Quentendait exactement le jeune Rey par cette formule ? Son règne fut si bref, et le Roy Levan y porta visiblement si peu dattention, que cette question ne se posa jamais avec beaucoup dimportance.
Pour tout dire, Gartemans se moque bien de ces considérations territoriales. Seule Chimère sen moque plus encore, mais cest bien normal : cest un chat. Les chats nont pas la fibre dynastique, et leur territoire se dessine autrement que celui des hommes.
Gartemans débouche enfin du passage du Grand Cerf sur la rue Montorgueil, et son esprit est ailleurs. Il se demande si ses tribulations sur les toits des taudis pris entre la rue de la Grande Truanderie, la rue Mondétour et le passage du Grand Cerf sont passés inaperçus. Il regarde autour de lui ; il regarde la foule qui presse sur la rue Montorgueil. Il a un air inquiet, un air prudent. Et puis il hausse les épaules et prend vers le nord.
Et je n'ai, moi.
Par la sang-Dieu !
Ni foi, ni loi.
Ni feu, ni lieu.
Ni roi,
Ni Dieu !
Il chantonne doucement et marche vite. A sa droite et à sa gauche souvrent les étals des bouchers de Montorgueil, ils braillent et taillent et font un tapage affreux. Il se glisse dans la foule, inintéressant et discret. Qui porterait attention à ce jeune homme à la mise ordinaire et à la mine quelconque ? Chimère, pourtant, ne le quitte pas ; elle lui file aux grolles comme à la queue dun rat. Il prend une grande inspiration.
Fichtre, ya pas à dire, Chimère, je préfère lair de Montorgueil à celui de la Truanderie
Et cest vrai que lair nest pas tant épais à Montorgueil que sur la Grande Truanderie. Cest que quelles que soient les limites que lon fixe à la Cour des Miracles, il est indéniable que Montorgueil et les Petits Carreaux en sont une porte, un passage, un peu plus large que les autres.
Enfin, cest pas le bon air quon est venu prendre, Chimère, hein. Allez donc, jai des questions à poser, des recoins à fouiller des choses à savoir, et dautres à trouver !
Si tu veux me croire, je pense quon va samuser.
Et je crois que Chimère veut bien le croire dailleurs ils arrivent bientôt au niveau de la rue Saint Sauveur, et la rue des Petits Carreaux est de lautre côté.
Quant à savoir ce quil y a là, cest autre chose. Il y avait une bande de voleurs, parmi la noblesse de largot ; ceux là avaient élu domicile aux Petits Carreaux, et Gartemans en avait connu certains, bien que la plupart fût toujours resté une énigme pour lui.
Je nsais pas si ces zigs crèchent toujours aux Carreaux, ma belle mais si cest le cas, il faudra faire attention, tu piges ?