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[RP ouvert] Les Cars - Terres, famille et tout le reste

Sindanarie
Des mois.

Cela faisait des mois que Sindanarie Carsenac, Vicomtesse des Cars, Dame de Viam et du Freyssinet, avait quitté le Limousin et la Marche. Des mois passés sur les chemins et sur les champs de bataille, des mois de charges de cavalerie et de voyages épuisants, des mois de guerre et d'attente infinies. Depuis des mois, elle pensait à son retour, au Comté qu'elle retrouverait. A la douceur de l'air du plateau de Millevaches, à l'atmosphère feutrée de la forêt qui dépendait de sa vicomté, au tumulte des villes et à l'agitation bourdonnante des artisans.

Depuis des mois elle comptait les jours. Depuis des mois elle imaginait ses retrouvailles avec cette terre si douce sous ses doigts, si chère à son coeur. Depuis les peines sans nom qui l'avaient déchirée, depuis les blessures qui avaient meurtri sa chair et son âme, elle escomptait, rêvait, planifiait, reportait et enfin réalisait un retour presque inespéré.

Inespéré, oui... Car sous les murailles de Tours, alors que les restes de l'armée loyaliste des Ordres royaux chargeaient cinq armées ponantistes, elle avait cru regarder sa fin en face. Cette charge avait été l'une des dernières grandes batailles de la guerre, et aurait dû être la fin des Ordres royaux. Beaucoup étaient tombés, tous avaient été blessés, et tous ceux-là s'étaient relevés comme autant de phénix renaissant de leurs cendres.

Elle-même avait trainé la jambe suite à cette charge, un coup mal placé, tombé presque exactement sur une blessure à peine antérieure, lui ayant sévèrement entamé la cuisse droite peu au-dessus du genou. La claudication avait disparu, les cicatrices demeuraient, et l'esprit se souvenait avec force. Elle revoyait le moment où le coup avait été porté. La fureur du champ de bataille et le goût du sang engluant l'air lui revenaient avec toute la fraicheur des moments où elle les goûtait. Elle revoyait les veilles de Chinon et revivait son attente, se remémorait Chateau-Renault et ce bonheur suprême qui lui échappé sans que rien ne lui ait permis de voir le coup venir, sentait de nouveau la douleur, la souffrance, la tristesse, le deuil...

Ce deuil qui l'avait frappée une nouvelle fois avec la mort de la Reine. Sa Reine, sa Comtesse, la première qu'elle ait jamais servi, le modèle, l'exemple, la référence.
Requiescat in pace Regina nostra ; sustinemus, cavemus.* Le noir ne quitterait plus, sauf en de très rares occasions, la Carsenac. Il y avait eu trop de deuils, celui-là serait le dernier qu'elle porterait, le plus long, celui qui absorberait tous ceux qui suivraient. Car il y en aurait d'autres... Lorsque l'on choisit la voie des armes, il ne peut y avoir de chemin qui ne soit semé de morts.

Et elle rentrait... Partie depuis des mois, partie en mission puis guerre dès le début du mois de juillet, elle revenait enfin chez elle. En Limousin et Marche, à Guéret, à Viam, aux Cars. A mesure que les lieues s'étaient égrenées sous les sabots d'Orphée et Vengeance, elle avait retrouvé l'air qu'elle prisait tant, les collines et vallons bien connus, la Vézère familière, bruissements et odeurs familiers. Le chemin l'avait menée jusqu'aux portes de la demeure vicomtale, reçue en juillet, justement...

Pied mis à terre, la Carsenac s'avance, bride en main. Un sourire, l'un de ces sourires joyeux désormais si rares, apparait sur son visage aminci. Elle est chez elle... Elle est chez elle, vivante et prête à se remettre en selle pour son Comté. Le sourire se crispe un instant à un mauvais souvenir. Presque aussitôt l'ombre disparait, alors que la Vicomtesse repousse de son visage une mèche striée de blanc, échappée de sa tresse. Elle a changé.

Elle a vieilli.
Elle a combattu.
Elle s'est usée.
Elle ne renoncera pas.



* Que notre Reine repose en paix ; nous supportons, nous veillons.
_________________
Elric_lesang
Bougre d'âne ! Saloupiaud ! Non mais t'es taré ou quoi ? J't'ai dit mille fois qu'fallait pas...

Elric Lesang, intendant de son état, n'était pas de bon poil. Mais alors, pas du tout, du tout, du tout. C'était même l'inverse. Il était tout simplement d'une humeur exécrable. Pensez donc... Entre un apprenti maréchal-ferrand qui manquait de massacrer le pied d'un cheval de labour amené du village des Cars jusqu'aux dépendances de la demeure vicomtale pour s'y faire ferrer, un cuisinier gâteux qui avait manqué de fiche le feu à sno lieu de travail et par extension à la demeure entière, et une bande de ploucs qui avaient absolument besoin de le voir pour causer taxes, il avait déjà eu sa dose d'ennuis pour la journée. Alors le vieil homme passait ses nerfs sur le dernier emêcheur de tourner en rond en date, à savoir le commis qui avait pour office d'approvisionner les caves et celliers des Cars, en cas de disette. Le malheureux n'avait eu d'autre tort que de décharger sa charrette un peu brusquement, causant une frayeur nouvelle à Elric, traumatisé par un récent incident impliquant un tonnelet de mirabelle éclaté au sol...

Mais les éclats de l'intendant se suspendirent quand il vit le jeune charretier, jusque là intimidé par la voix tonnante qui lui hurlait dessus, changer d'expression. D'un coup il ne regarda plus Elric, mais un point derrière lui. L'agacement de celui-ci manqua de devenir incontrôlable, mais un reste de raison lui souffla de regarder ce qui se passait derrière lui... Et quand il se retourna, il vit ce qu'il n'avait pas pensé revoir avant longtemps encore.

Sa petiote.

La chevelure brune blanchie, certes, mais c'était très accessoire. Le visage amaigri également, la silhouette plus frêle... Mais qu'importait ! Sa petite, la gamine, la bâtarde qu'il avait élevée était de retour au bercail. Pas sa fille, mais tout comme. Seul différait le sang... Et un instant, il resta là, à la regarder entrer dans la cour de la demeure. Le pas était sûr, lui sembla-t-il, plus posé, plus calme qu'avant. L'expression plus neutre, malgré ce sourire qui apparaissait pour s'atténuer puis mieux revenir.

Silence.

Il ne faut pas déranger le moment de grâce où un être cher retrouve ses marques.
Il faut attendre que ce moment passe, qu'il faille avancer.

Elric attend.

Quand finalement la Carsenac plus si brune que ça se détourne, il lui sourit, simplement, parce qu'il n'y a pas besoin de plus entre eux. Ils se connaissent par coeur. Mais elle a deux brides en main, deux chevaux derrière elle. Il faut l'aider.

Oublié, le charretier et son déchargement brutal de tonneaux.
Oubliés, les soucis, les tracas, les problèmes.

La petiote est là. Et plus rien d'autre ne compte... La vieille gorge se serre. Il ne l'a plus revue depuis la rencontre funeste sur les terres de la Vicomté puis à Limoges. Depuis qu'elle a perdu cet enfant qu'elle portait. Il a à peine correspondu avec elle pour lui donner quelques nouvelles de sa famille. Et elle est là.

En trois pas, soudain, il la rejoint. Et il la serre contre lui. Il n'y a pas besoin de mots. Ils sont ensemble comme père et fille. C'est cet instant-là, le véritable moment de grâce. Et quand leurs retrouvailles sont ainsi actées, sur un baiser posé sur le front de la bâtarde de son meilleur et défunt ami Eleuthère, il souffle à la Carsenac :


Bienvenue chez toi.
Cyriellle
Vengeance ? De quoi un enfant de huit voudrait-il se venger ? Oh bien sur il pourrait s'en prendre à la personne qui avait tué sa mère quelques semaines plus tôt, mais non ! Non ? Car il l'avait vu sourire avant de partir... Un sourire qu'il n'avait pas souvenir d'avoir vu avant. Ce qu'il avait bien compris le petit brun c'est que la cause des malheurs de sa mère et des siens était la folie qui l'avait prise quelques temps plus tôt. Ça ne faisait pas longtemps qu'ils étaient installés au Limousin, ils avaient emmené la petite rousse avec eux, celle qu'on appelle Mahelya, bien sur elle n'avait pas changé sa mère, toujours dans la politique, aussi arrivant dans un comté en pleine expansion politique (passant d'une liste unique à quatre en lice) elle n'eut aucun mal à se trouver une place sur une liste et à finir au conseil après la démission d'une colistière.

Elle avait l'air heureuse, elle parlait souvent de renouveau. Bien sur elle s’agaçait lorsqu'elle recevait les courriers de celui qu'elle nommait papy, ce bon vieux George, ou vieille canaille de Poilu lorsqu'elle était énervée. Souvent il l'entendait parlé de "Ponantiser le Limousin " mais d'y aller doucement pas façon bourrin comme lui conseillait de faire le vieux. Lui ne comprenait rien à tout cela et ne redoutait plus du tout ses sautes d'humeur car elle était vraiment heureuse depuis qu'elle avait eu le poste de Chancelière... Mais cela ne dura qu'un temps, plus les jours passaient plus son humeur se dégradait emmenant avec elle l'attention qu'elle portait aux deux enfants.

La nouvelle était tombée, Sindanarie Carsenac la comtesse venait de la virer...


C'est à cause d'elle ! C'est à se moment là qu'elle est devenue bizarre ! Je vengerais ma mère la Carsenac est de retour au Limousin !


Le jeune garçon galopait à vive allure sur le dos de sa jument en direction des terres de la "responsable" il avait à sa ceinture l'épée trop lourde et trop grande que lui avait offert le paire de France Tixlu sans aucunes restriction d'usage. Il aurait put prendre la plus petite offerte pas sa marraine, mais cette dernière lui avait formellement interdit de s'en servir en dehors des entraînement et pour la défense de sa vie. Des larmes de colère coulaient sur les joue de l'enfant tendis qu'il pénétrait sur le domaine de la brune.

Elle n'avait plus l'air d'être la même qu'avant mais il la reconnaissait, elle était dans les bras d'un homme, devrait-il affronter l'homme aussi ? Ses yeux noire les même que ceux de sa génitrice brillaient d’excitation lorsqu'il sauta aux pieds de sa jument. Soulevant avec peine la lourde lame pour tenter de l'abattre sur les deux personnes.


RHAAAAAAAAAAAAAA ! Les responsables paieront de leur sang !
Sindanarie
Le galop d'une monture avait ramené Sindanarie au moment présent. Se retrouver dans les bras de son mentor et désormais intendant l'avait propulsée des années, presque des décennies en arrière, quand elle n'avait à se soucier de rien, quand elle n'avait aucune responsabilité ni aucun devoir envers personne, rien de concret du moins. Rien, sinon l'apprentissage dispensé par Elric, les exercices, le maniement des couteaux puis des épées, les courses en forêt, la discrétion, l'escamotage (parler de vol aurait été d'un vulgaire...) et la collecte d'informations, qui n'étaient alors guère plus que des jeux sans conséquence. Tout avait servi à la Carsenac, plus tard, pour la Compagnie d'ordonnance du Limousin et de la Marche, pour l'Ordre royal de la Licorne, pour l'Académie royale, pour le Comté, pour le Royaume. Ce qui devait forger une mercenaire valable avait été mis au service de la France.

Et le galop d'une monture, donc, avait arraché la Vicomtesse à ces considérations. Un cri retentissant juste après que le cheval ait été arrêté avait manifestement provoqué une réaction immédiate de l'intendant. Un pas de côté, et Sindanarie écartée au maximum quoique toujours tenue contre le vieil homme, qui était à présent comme un bouclier entre la jeune femme et l'assaillant dont l'épée, trop lourde ou trop fortement propulsée, s'était fichée d'à peine un pouce en terre dans un bruit mat. La Carsenac stabilisée, l'intendant la lâcha pour donner un coup dans l'arme, sans doute suffisant pour la faire sauter des mains de l'agresseur. La maîtresse des lieux, elle, en profita pour regarder le visage dudit agresseur...

... Pour reconnaître une bouille déjà aperçue. Bien sûr le gamin avait vieilli, mais il demeurait bien reconnaissable. Le fils de Prudence... Que faisait-il ici ? Son hurlement remonta jusqu'aux méninges de la Carsenac. bien sûr. Les responsables. Pour sa mère, sans doute. S'il savait, ce loupiot, s'il savait ce que sa mère pouvait être capable de faire. S'il savait aussi ce que d'autres lui avaient fait... Coup d'oeil à Elric, qui semblait dans l'expectative. Un geste de la main, sans autre signification que "Tu peux reculer, c'est bon". Et la Vicomtesse s'avança jusqu'au garçon désormais désarmé, l'épée trop grande pour lui gisant à peu de distance. Passant une main sous son menton, elle redressa sa tête de façon à pouvoir le fixer, les yeux dans les yeux, sinople contre charbon. Les yeux de sa mère... Et elle commença :


Si tu savais combien de sang j'ai déjà perdu et fait couler, tu n'essaierais pas toi-même, petiot. Tu cherches les responsables de quoi ?
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Cyriellle
Encore un échec, pas le temps de récupérer son épée plantée dans le sol que déjà elle s'envolait, désarmé le petit homme vit la Carsenac se rapprocher de lui en lui relevant la tête, les deux regards se croisèrent, le noire de ses yeux contre le vert de ceux de la brune, et l'enfant d'écouter les paroles de la femme. Un léger frisson vint parcourir sa colonne vertébrale alors que les mots sortaient des lèvres fine de la Limousine.

De quoi cherchait-il les responsables ? La question était clair tendis que les réponses formaient un vague nuage dans son esprit. Doucement le Champlecy balbutia quelques mots inaudible. Puis tout en fermant ses petits poings pour se donner du courage.


Les responsables de la mort de maman. Les responsables de son égarement et de son retour au Limousin causa sa mort... J'étais encore petit avant qu'elle ne parte pour la guerre, mais je me souviens très bien elle à commencé à devenir étrange quand vous, quand vous l'avez virée !


Un flot de paroles pour un flot de larmes, des larmes qu'il n'avait pas présentées à sa marraine, sans doute par ce qu'il voulait la protéger d'une culpabilité certaine. De la colère aussi, beaucoup de colère, monsieur Loic lui avait pourtant appris que la colère était pêchée mais il ne pouvait contenir celle là. Pour la plupart du temps souriant depuis la mort de la matrone, ne jamais montrer ses larmes c'est ce qu'elle lui avait enseigné, ne jamais montrer ses faiblesses et pleurer est une forme de faiblesse.

"Les gens n'ont pas de cœur mon fils, s'ils trouvent la moindre petite faille en toi, ils y plongeront leurs mains grasses pour ouvrir la brèche et attendre que tu te vide de tes propres faiblesses ! "

Quel enseignement devait-il suivre ? Les souvenirs brumeux de celui de sa mère, ou le tout propre et présent de sa marraine ? Pourquoi les grands se déchiraient ils toujours pour la politique ? Quand on est petit on se mord, on se pince, parfois on se donne des coups de pieds, après on pleure, on se fait la tête pendant dix minutes et après on retourne jouer ensemble. Le taux de gravité des actes et du temps de pardon grossirait-il avec les années qui passe ?


C'est pour cela que je suis venu vous tuer aujourd'hui.
Sindanarie
Tu sais pourquoi ta mère est devenue... Etrange ?

Pas de répit, plus de répit, même pour les enfants, non plus que de ménagement. Fini, le temps de les protéger quand ils voulaient agir en adultes. Puisqu'ils voulaient l'être, la Carsenac les traiterait comme tels. Car qui d'autre qu'un enfant voulant grandir pourrait vouloir se mêler de politique ou de tuer une "responsable" ? Coup d'oeil en arrière, vers Elric. Il devrait saisir que c'était le moment d'éloigner les possibles témoins de cette cour. Envoyer le charretier voir ailleurs s'il y était, faire décamper le palefrenier qui restait à béer aux corneilles avec les brides d'Orphée et Vengeance en main, faire dégager les gens de la maison qui menaçaient de quitter leurs tâches habituelles. Aucun doute, il le ferait avec grande diligence. Ils se connaissaient assez pour ne plus avoir grand besoin de se parler.

Tu veux grandir, fils de Berrichons ? Je vais t'y aider.

Alors la vérité sort sans fard. Brutale comme un coup, cinglante comme un fouet. A trop chercher la vengeance, à la chercher à chaud, à vouloir faire du mal à des personnes se considérant comme innocentes, on en paie les conséquences. Dommage pour toi, petit Champlecy...


Elle avait une gangrène. Sa jambe pourrissait sur elle après l'infection d'une blessure qu'elle avait récolté je ne sais comment. C'est une maladie qui est connue pour troubler l'esprit, et elle faisait délirer ta mère.

La voix claque, sereine, comme si elle parlait de la pluie et du beau temps. La main est toujours passée sous le menton, relevant la petite frimousse vers le masque sans passion de la Vicomtesse. Ce n'est qu'un exposé de faits, qu'elle continue sans se départir un instant de son calme.

Cette blessure, je ne savais même pas qu'elle l'avait récoltée. Par contre, j'ai découvert l'ampleur du désastre quand elle s'est écroulée devant moi. Elle en a lâché l'épée dont la pointe était sur ma gorge. Si ta mère avait voulu me tuer, elle l'aurait fait ce jour-là.

Ca, c'est fait. Sindanarie n'a plus rien à ajouter sur le sujet. La main se détache du menton, le regard sinople reste un très court instant fiché dans celui de charbon de l'enfant puis se détourne. La Carsenac se redresse et tourne les talons. Un pas, deux pas... Et une idée. Demi-tour. Elle fait de nouveau face au petit Champlecy. S'il la connait, s'il comprend que ce n'est vraiment pas le genre de l'Immortelle que d'agir sans raison, il comprendra aussi que sa mère n'était pas forcément une sainte et que certains de ses actes ne pouvaient pas permettre qu'elle soit maintenue dans ses fonctions. Un très léger sourire, presque imperceptible étirement des lèvres, nait sur le visage de la Carsenac alors qu'elle toise l'enfant, qui a malgré tout déjà grandi. Il est en âge d'apprendre les armes... Et les armes sont l'expression de tant de choses. Elle pourrait... Sur le modèle des écuyers personnels des Chevaliers de la Licorne, oui, elle pourrait. Et la proposition est portée par une voix sans guère d'émotion, même si le sourire qui est passé sur son visage est plus franc à l'intérieur de la brune.

Tu veux vraiment te venger de moi ? Ca demandera du temps, mais je peux t'apprendre à manier ça. Deviens mon écuyer.

D'un geste désinvolte, la main de la Carsenac désigne l'épée avec laquelle il a essayé de l'attaquer. Oseras-tu accepter ça de la part d'une Licorne qui est censée avoir précipité ta mère dans l'abîme, loupiot ?
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Cyriellle
Il avait envie de se dégager le menton de la main de la brune pour se donner un air plus fort, mais le flots de paroles Carsenacienne l’immobilisait, il les buvait comme sa mère aurait avalé un litre de poire. Ce qu'elle disait était loin d'être faux et il le savait au fond. Mais il lui fallait un coupable, quelqu'un sur qui reposer sa colère, quelqu'un qu'il pourrait espérer tuer un jour pour se sentir plus léger.

Les yeux "charbon" de l'enfant dans ceux de la Carsenac il ne trouvait pas de mot à dire. Peut être n'avait il plus qu'à retourner à Ussac suivre la parfaite éducation qu'on lui servait et continuer ses projets d'avenir avec la petite Montbazon Navaille sans se soucier du reste ?

La main se détacha et la brune de tourner les talons, il la regarda partir toujours sans rien dire, puis revenir... La dernière phrase l’amena à réfléchir. Voulait-il vraiment se venger d'elle ? Devenir son écuyer ? Qu'es ce que tout cela allait impliquer ? Es ce que sa marraine serait au courant ? Les yeux perdu dans les nombreuses questions qui faisaient des rebonds dans son petit crane, il balbutia quelques mots inaudible.


Je heu... Marraine serait d'accord ? En quel cas moi aussi !

Et le petit brun de jeter un regard sur son épée.

Vous... Vous voulez vraiment m'apprendre ?

Il fixa de nouveau les sinoples Carsenacienne puis porta son regard sur ses bottes crottées d'un air timide.
Sindanarie
Ah, ces enfants... Tout en contradictions et en besoin d'approbation. La preuve ? Ce regard lancé vers l'épée du gamin trahissait sans aucun doute, aux yeux de la Carsenac du moins, la volonté d'apprendre à s'en servir plus efficacement que ce qu'il avait fait jusqu'alors. Et sa question puis sa remarque sur sa marraine, qui devait être devenue sa tutrice, trahissaient aussi indubitablement son souhait d'être soutenu dans son choix. La Vicomtesse se retint de justesse de lui lancer que, s'il avait été capable de faire le choix de tenter de la renvoyer à leur Créateur, il devait également être à même de décider s'il voulait ou non suivre l'apprentissage des armes qu'elle lui proposait.

Pour brutal que cela aurait été, Sindanarie n'en aurait pas conçu grand remord. Cependant, elle sentait que c'était l'impulsion qui l'aurait fait parler de la sorte. C'est connu, un enfant n'a pas de discernement. Et s'il fallait momentanément le conforter pour mieux le former ensuite, ce n'était pas un souci. Elle le ferait. Elle répondit d'ailleurs :


Tu vis avec ta marraine ? Eh bien, le mieux, c'est que tu lui en parles. Tu verras bien si elle l'est. Il faut juste que tu saches que je serai extrêmement exigeante avec toi et que je te demanderai une discipline parfaite.

Et toujours cette manie de tout mettre en doute. Ils finiraient presque par être pénibles, ces mômes, même aux yeux de l'assez patiente Licorne. Allez hop, elle conforterait encore un peu...

Et oui, je suis sérieuse. Je veux t'apprendre les armes, et me trimballer en campagne avec de plus en plus d'équipement commence à me poser des problèmes. J'ai besoin d'un écuyer, donc, et tu es en âge d'apprendre. A toi de voir.

Autre manière de poser le problème, sous un angle très pratique. Car, elle ne se le cachait pas, Sindanarie commençait à avoir besoin de quelques coups de main, et il lui faudrait assurer la relève d'Elric. Encore que... Pour la guerre, elle avait fait avec ceux qu'elle avait trouvé dans les campements, avec les discrets hommes d'armes aidant chaque membre de son Ordre, les écuyers non attachés à une personne, les palefreniers, les aides de tout genre en fait. Mais elle n'entendait pas s'appesantir un millénaire sur la question, aussi conclut-elle :

Décampe. Tu reviendras me dire si tu restes ici ou non quand tu auras vu ta marraine.
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Sindanarie
[Quelque temps plus tard]

Les semaines avaient passé depuis l'arrivée en fanfare du jeune Champlecy aux Cars. Après accord de sa marraine, Guilhem avait emménagé en la demeure vicomtale, et apprenait désormais l'essentiel de ce qui lui manquait. Quelques heures d'entrainement quotidien l'attendaient. Quand il ne s'entrainait pas, il suivait la Carsenac dans ses déplacements incessants. Des Cars à Limoges, de Limoges à Guéret, et retour à la case départ par autant d'étapes. Même si elle n'en montrait rien ou pas grand chose, Sindanarie fatiguait cependant. Ces voyages répétés, les correspondances rapides, les charges, la gestion, les essais commerciaux, l'impression de se heurter parfois à des murs infranchissables, tout cela l'usait.

Tant et si bien que, finalement, elle revint aux Cars et y dormit près d'une journée de rang. Elle s'y retirerait quelque temps, c'était décidé depuis avant son arrivée et elle avait pris les dispositions nécessaires pour continuer d'agir et faire agir en son nom à Guéret et pour réagir à ce qui pouvait se passer à Limoges, dont elle n'était pas si éloignée, à tout prendre. En cas de souci, elle pourrait s'y rendre sans problème. Pendant un ou deux jours, donc, elle se reposa. Et au troisième, on lui annonça une visite.

Descendant prestement l'escalier menant à ses appartements, la Vicomtesse achevait de nouer ses cheveux désormais striés de mèches blanches. La robe de sinople et de sable était simple mais de bon goût, conforme à l'esthétique dépouillée mais élégante que l'Immortelle adoptait dorénavant hors de ses missions sous la bannière de la Licorne et de la Couronne. Arrivant là où l'attendait Elric, qui l'avait fait mander par une domestique, elle constata avec plaisir qu'il était flanqué d'une frêle silhouette à chevelure rousse. Sindanarie s'avança vers eux, donc, avec l'alerte aisance qui témoignait de sa bonne humeur soudaine, et salua, avec un franc sourire, sa jeune hôte :


Etincelle... Ravie de vous revoir de manière plus informelle que ces derniers temps. Comment vous portez-vous ?

Et, d'un geste, la maîtresse du lieu invita la jeune fille à pénétrer plus avant de la demeure. La petite Penthièvre ne le savait pas encore, mais il y avait une chose dont la Carsenac voulait l'entretenir. Une question de rêve, mais avant tout une question d'avenir. D'un pas vif, Sindanarie la mena jusqu'à la bibliothèque qui faisait sa fierté, regorgeant d'ouvrages consacrés à l'art de la guerre copiés ici et là, procurés plus ou moins officiellement, pour beaucoup copiés de nouveau pour la Compagnie d'ordonnance du Limousin et de la Marche et pour la bibliothèque de l'Ordre royal de la Licorne. Et dans ce lieu propice à la réflexion, elle invita son hôte à prendre place, et reprit :

On devrait nous apporter bientôt quelques morceaux de nougat et un pichet de vin de Bourgogne. Je crains que ce ne devienne bientôt une denrée rare. Espérons du moins que les vignobles et, surtout, les petites gens qui en prennent soin seront épargnés.
_________________
Mahelya
[Quelques heures avant]

Seule depuis des jour à Guéret, ne pouvant prendre la route seule pour se rendre à Limoges - Ordre du Capitaine Wolf Loner - La jeune fille avait décidé de rendre visite à son Lys. De bonne heure et de bonne humeur, vêtue d'une magnifique mais simple robe bordeaux, la silhouette frêle aux cheveux de flammes tombant librement dans son dos, prenait la direction de la Vicomté des Cars. Encore à la tête de quelques économies, et n'étant pas dépensière, ce matin-là elle s'était accordée un petit plaisir en louant un magnifique coche, à la sortie de Guéret, pour la demie-journée.

La route s'était passée sans encombre hormis quelques blagues d'un gout douteux du conducteur. Mais l’incandescente savait parfaitement adopter l'expression adéquate lors de se genre de situation. Un visage neutre, voir fermé, les bras croisés sur la poitrine, et les yeux clos, et si l'homme se montrait insistant, il suffisait de claquer sa langue sur le palais, astuce transmise par Alda Arégonde, signe que l'on était hautement agacé et qu'il ne fallait surtout pas insister au risque de se faire mutiler d'une quelconque partie du corps. Enfin c'était le message à faire passer, bien évidement la fillette de douze ans n'avait ni la force ni l'envie de faire pareille chose. Encore que...


[Les Cars]

Arrivée à la demeure, elle fut accueillie par Elric. Ravie de voir un visage amical, un sourire éclaira aussitôt son fin visage aux tâches de rousseurs.

- Elric je suis ravie de vous revoir.

Immédiatement il envoya quérir la Maîtresse des lieux, et pour patienter la jeune et le vieux conversèrent joyeusement. Ainsi l'attente ne sembla pas durer et déjà la Carsenac arrivait. Si le sourire que la Flammèche avait affiché à son arrivé était éclatant, il n'était rien en comparaison de celui qui fleurissait sur son visage à la vision du Lys immaculé. Et la silhouette enfantine de se précipiter au devant de la Vicomtesse, arrêtant son geste juste à temps. Sindanarie n'aimait pas vraiment les marques d'affections. C'est ce que pensait la Rouquine du moins.

- Lys ... Je suis également ravie de vous revoir. Enfin ailleurs qu'au Conseil vous l'aurez compris. Je me porte bien pour ma part, si ce n'est que je me retrouve un peu seule et loin de chez moi ces temps-ci. Et vous ? Comment allez-vous ?


Mais déjà la jeune femme entrainait la jeune fille dans d'autres lieux. Les émeraudes enfantines s'écarquillèrent ébahi par la richesse de la bibliothèque de la Vicomtesse. Le regard avide de connaissance glissait avec gourmandise sur les titres des ouvrages. L'art de la Guerre... Quoi de plus normal chez une Licorneuse. Il y avait là des livres dont elle n'avait même jamais entendu parlé, elle qui avait pourtant passé son enfance dans le vélin, les reliures de cuir et les enluminures. La Brune invita l’Écarlate à prendre place. Ce que cette dernière fit de gaîté de cœur, bien que ses yeux avaient grandement du mal à rester scellés au visage du Lys. Imaginez un peu, face à tous ces livres c'est comme si elle était entrée dans la hôte de Saint Noël.

La voix de la Carsenac, sortit la fillette de sa contemplation. Et bien que ce ne fut qu'à demi-mot, la situation évoquée, ramena une expression sérieuse sur le visage encore juvénile.


- C'est là une bien triste situation. J'espère que tous seront épargnés... Devez vous partir à ce propos ?
_________________
Sindanarie
C'était fou ce qu'un geste, si anodin qu'il puisse sembler, pouvait réchauffer le coeur. Juste cet élan, seulement lui, avait quelque chose de chaleureux, de réconfortant, d'humain. Et si la Carsenac n'avait apparemment pas réagi à la marque d'affection que l'Etincelle avait laissé paraître à l'égard de son Lys, elle n'y avait pas pour autant été insensible, loin de là. Depuis combien de temps ne lui avait-on pas accordé pareil signe ? Des mois, sans doute, aussi longs que des siècles de silence et d'obscurité. Et cette petite, qui l'avait vue au plus profond du gouffre, arrivait comme un rayon de lumière d'un roux étincelant dans sa nuit, avec un témoignage d'amitié spontané. Si la Vicomtesse s'était détournée, c'était parce qu'elle avait senti un élan similaire mais ne voulait pas prendre le risque d'être déçue une nouvelle fois.

La Forteresse. C'était le surnom qu'un Chevalier, rouge et blanche à la fois, lui avait donné autrefois, en Touraine, et dont elle l'affublait encore de temps en temps quand elles se croisaient au gré des missions. La Forteresse, donc, avait repris du service. "Noli me tangere", ne me touche pas ! La bibliothèque avait produit, comme toujours, son effet apaisant sur Sindanarie. Les livres la rassuraient, l'entouraient comme autant de voix douces murmurant chacune une histoire, une théorie, une légende. Ils étaient un réconfort quand elle ne trouvait pas le sommeil, une échappatoire momentanée quand un trop grand problème la tourmentait, la source de multiples inspirations et idées. Et pourtant... Pourtant, la majeure partie de ceux des Cars traitaient de sujets guerriers. Seule la bibliothèque de Viam était consacrée aux arts civils, et en particulier à l'art des plantes, ainsi qu'à l'Histoire du sublime Royaume de France.

Elric pénétra dans la pièce, une carafe de vin d'un délicieux rouge en main, une coupe de douceurs dans l'autre. Nougat, apporté de Montélimar, relativement proche du Freyssinet, dragées et autres sucreries que la Carsenac avait appris à apprécier en côtoyant moultes personnes, à commencer par son Fier suzerain. La suivante qui avait été chercher Sindanarie suivait, deux verres à la main. Bientôt, la rousse e t la brune étaient servies et seules. Alors la seconde répondit à la première, se tirant de ses pensées :


La mission de la Licorne n'appelle que les volontaires. J'ai demandé au Capitaine Maistre de Guerre la permission de rester ici le temps de me former un successeur à la mairie de Guéret, et j'ose espérer que les troubles seront achevés avant que je n'y parvienne.

Le regard que l'Etincelle portait, malgré elle sans doute, aux volumes serrés sur les rayonnages semblait étinceler. L'émerveillement devant les livres... Elle pourrait lui suggérer d'essayer d'intégrer l'Académie royale, après tout. Cette petite avait tellement de potentiel qu'il aurait été dommage de le gâcher. Cela lui rappela qu'elle possédait un livre un peu particulier, copié une seule fois, et dont l'exemplaire original avait sans doute été détruit, au moins en partie par un incendie. L'essentiel, ce dont le Lys voulait lui parler avant tout, passerait après. Après tout, elles avaient le temps... Aux Cars, rien ne pressait. Aussi la maîtresse des lieux reprit-elle :

Il y a ici un ouvrage sur lequel j'aimerais avoir votre avis. Il s'agit de Chroniques de la guerre de Provence de 1458, rédigées par Milady de Champlecy. Un valet l'a récupéré pour moi dans un château provençal il y a quelque temps. Croyez-vous que je doive le porter, un jour prochain, à la connaissance de Guilhem ?

Hésitation. Savait-elle ?

Il vous a dit, au moins, qu'il était entré à mon service ? Je sais que vous tenez à ce garçon, et je veux que vous sachiez que je ferai tout pour l'éduquer au mieux.

L'éduquer, oui, parce que les armes n'étaient qu'un début. Déjà la Licorne envisageait de le prendre bien plus avant sous son aile, de lui prodiguer plus que les rudiments qu'elle lui avait déjà enseigné, de lui faire découvrir les campagnes, la Licorne, la Chevalerie et ses légendes. La terrible Pivoine, Cerridween, Maistre d'Armes de l'Ordre. Le très juste et très équitable Enguerrand de Lazare, noble limousin et Capitaine Maistre de Guerre mentionné plus tôt. Le discret Grand Ecuyer de France, Guillaume de Jeneffe. Le Grand Maistre élue à l'unanimité, Bess Saincte Merveille, Pair de France aux multiples et remarquables expériences, Limousine hors norme. Et tous les autres... Tous ces obscurs qui étaient les ombres de ces lumières éclairant l'affligeant spectacle d'une France déchirée. Tous ceux dont les noms échapperaient à l'Histoire mais qui contribuaient à la mettre en mouvement, Frères et Soeurs de coeur et d'âme sinon de sang. Oui, cela aussi, elle voulait l'apprendre à son jeune écuyer. Lui montrer ce qu'étaient les royalistes, ce qu'était la Licorne, ce qu'était sa vie et son engagement.
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Mahelya
la jeune Rousselotte ne se fit pas prier pour prendre le verre de vin rouge qu'Elric et la suivante avait amené. Elle gratifia l'homme-ombre de la Carsenac par un sourire chaleureux. L'homme lui rappelait beaucoup sa propre Ombre : Harchi. Il faudrait d'ailleurs qu'elle suggère à l'ancien mercenaire de rendre visite à l'ancien soldat. Son Tout n'était pas très bien depuis quelques temps et l’Étincelle craignait que la Folie ne guète son esprit. La visite d'un ami ne pourrait que lui faire du bien.
Mais pas le temps de prononcer le moindre mot que les deux "domestiques" avaient quitter la pièce comme ils étaient arrivés : En silence. Laissant ainsi la jeune femme et la jeune fille, seules.

Bientôt le nectar pourpre franchissait les lèvres purpurines et sa saveur glissait doucement dans la gorge encore juvénile. Un bourgogne, quoi de plus bon qu'un bourgogne, aux parfums délicats et sensuels. Un vin qu'appréciaient grandement les femmes. Un vin sensible, un vin dans l'émotion. L'espace d'un court instant les émeraudes disparurent derrière leurs volets de chair. La Flammèche se concentrait ainsi sur le goût, histoire de ne pas perdre une seule note de son arôme. Un sourire gourmand s'esquissa sur le visage aux tâches de rousseurs. C'était une merveilleuse symphonie. Une succession de mouvements allegro et adagio (*). Le bourgogne avait vraiment le don d'éveiller les cinq sens, par sa couleur, son gout, son odeur, sa texture et le son qu'il provoquait en coulant dans le verre. Oui la jeune fille aimait le vin et plus particulièrement le Bourgogne. Dommage que ces terres soient en période de troubles.
C'est donc un sourire ravie qui accueillit les propos du Lys. Et l’Écarlate de répondre à la Brune.


- Donc vous n'êtes pas certaine de partir au front... En toute sincérité, cela ne fait que très peu de temps que vous êtes revenue et je pense que quelques mois dans votre domaine ne pourraient vous faire du mal. Et puis si vous vous sentez trop seule parfois, dites-le moi et je serai ravie de vous rendre visite. Surtout quand vous m'accueillez avec pareil délice.

L'expression joviale se mua en expression de malice. Bien évidement qu'elle ne rendait pas visite à la Fleur immaculée uniquement pour ses grands crus. De leurs correspondantes secrètes était née, pour la jeune fille du moins, une profonde amitié teintée de respect.
Puis le nom de famille de Poumona fut évoqué, et le cœur adulescent prit un autre rythme, crainte mêlé de pitié et de tristesse. Réveillant dans son esprit quelques bons et douloureux souvenirs.


- Milady de Champlecy dites-vous ? N'est-ce pas sa tante ? Il me semble bien avoir parcourut ce livre dans les grandes lignes. Hum ...
C'est un très bon livre qui je le pense devrait l’intéresser, il me semble qu'il ne connait pas très bien sa tante. Peut-être que cela le rapprocherait un peu de sa famille de sang... Pauvre enfant.
On ne peut pas dire qu'il a commencé sa vie facilement.


Un court silence s'installa dans la bibliothèque. Et toujours cette culpabilité qui étreignait son palpitant. La Flammèche ne pouvait s'empêcher de se dire que si elle avait trouvé les mots juste, Poumona ne serait peut-être pas devenue ce qu'elle était et Guilhem aurait toujours une mère... Se raclant légèrement la gorge, elle continua d'une voix étreinte d'émotion.

- J'ai, en effet, entendu dire qu'il se mettait à votre service. Et puis je l'avoue, Ussac est beaucoup plus calme sans lui...
Malheureusement, Guilhem ne m'a rien dit de plus. Et même si je pense que c'est une bonne idée qu'il soit confié à vos bons soins et votre enseignement, j'espère que cela ne couve pas une histoire de vengeance.
Dites, puis-je vous poser une question ? Comment va-t-il ?


La jeune Rouquine considérait toujours ce petit brun comme son frère, elle avait donc essayé de masquer la crainte qui enserrait son cœur à présent. * Pourvu qu'il aille bien et se comporte bien et qu'il ne m'ait pas oublié ...* Se disait-elle intérieurement. Et c'était bien entendu, la troisième partie qui l'effrayait le plus.

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(*) Termes de musique désignant dans l'ordre un mouvement rapide et un mouvement lent.
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Sindanarie
Le bourgogne était apprécié de façon fort symétrique, la Carsenac en était convaincue. L'air de connaisseuse de son hôte ne pouvait dissimuler le plaisir qu'elle prenait à la dégustation du contenu de son verre, plaisir tout à fait partagé par la Vicomtesse des Cars. La discussion roulait calmement, et l'évocation de Guilhem le farouche arriva tout naturellement. L'Immortelle était ravie du comportement de son jeune protégé, égal à ce qu'elle avait espéré de sa part, et ne se priva pas de le faire savoir à Mahelya, après avoir naturellement entamé par une réponse à sa dernière interrogation :

Il va assez bien. Pour ne rien vous cacher, je ne le ménage pas, justement parce qu'il ne doit pas commencer maintenant à se laisser aller. Il a une volonté de fer... A mon avis, il peut devenir, sinon un grand homme, au moins un digne homme de bien.

Mais, même en prenant l'affaire sous son jour pouvant susciter le plus d'optimisme, à savoir le devenir honnête de Guilhem, cette histoire de vengeance rappelait tant de souvenirs... Le nom qu'elle avait donné à la première monture qu'elle avait possédée, la jument baie qui lui avait permis de remporter une course impromptue dans les campagnes de l'Alençonnais, entre Licorneux, à rien de distance d'un campement de l'Hydre. Vengeance, pour les meurtrissures infligées à la Soeur d'armes Antlia Kennedy, Etoile suzeraine d'une Aldraien pas encore reconnue comme sa cousine par la bâtarde Carsenac-d'Elicahre. Vengeance, pour ces Frères et Soeurs tombés au combat et en campagne au nom de causes partagées. Non, la vengeance n'était pas forcément mauvaise. Vouloir une vengeance pouvait être un tel moteur pour agir... Un sourire songeur s'était peint sur le visage de l'Immortelle quand elle reprit, après avoir dégusté une gorgée du nectar bourguignon :

Il est venu ici pour se venger, de fait. Il brandissait une épée deux fois trop grande pour un enfant de son âge, et il voulait tuer celle à cause de qui sa mère est devenue folle. C'est pour ça que je l'ai pris à mon service. Qu'il puisse juger par lui-même, plus tard, avec toutes les cartes en main. Et, parlant de cartes, Etincelle... Je veux vous en donner une.

Quand la carte avait commencé à s'abattre, la Carsenac s'était levée. Quelques pas l'écartèrent de l'endroit où elles s'étaient assises, face à face. Machinalement, les prunelles de sinople parcoururent les ouvrages disposés à leur hauteur. Lumen Apothecarium, Des Classes et des propriétés des remèdes, De la Polyvalence d'une armée. Ce dernier titre arracha un sourire involontaire à la maîtresse des lieux. Les armées n'étaient pas les seules entités qui devaient chercher et rechercher une parfaite polyvalence, loin de là. Les partis devaient l'atteindre également. Et, plus encore que les organisations militaires ou politiques, les familles devaient l'atteindre. Polyvalence, dans une famille ? Que pouvait signifier cela ? Simplement que tous les membres devaient pouvoir traiter d'égal à égal avec n'importe qui. Parler avec autorité à la roture et aux petites gens, et qu'on leur parle avec le respect qu'un noble comme un gueux doit à un membre de la noblesse, fût-elle issue de mérite. Rapport un brin tiré par les cheveux ? Qu'importait. La plus si jeune femme que ça, avec son quart de siècle et sa chevelure striée de blanc, n'en avait cure. Cela revenait au même.

La dextre tendue effleura doucement la reliure de l'opus. Le sourire s'effaça devant la gravité du sujet. Il fallait donner une carte à la jeune fille adoptive de sa cousine. La Carsenac le voulait, ainsi qu'elle venait de l'évoquer, et avait décelé un moyen aussi simple que mérité de le faire. Sans guère varier de position, elle reprit :


Vous êtes jeune encore, mais vous allez bientôt être en âge de vous marier. Vous mériterez alors, j'en suis sûre, de trouver un parti à votre mesure et à celle des noms que vous portez ou avez porté, que ce soit Penthièvre, Carsenac ou Malemort.

Demi-tour. Les yeux du Lys cherchent ceux de l'Etincelle, et quand ils les ont trouvé s'y plantent fermement. L'engagement qu'elle va demander est aussi puissant que celui du mariage, et c'est sans ciller qu'elle profère, calme extérieur en miroir du tumulte intérieur suscité par cette jeune fille qu'elle connait si peu et qu'elle apprécie pourtant tant :

Je veux vous confier des terres. Une seigneurie vassale des Cars. Pour votre dot.
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Mahelya
Pas un mot de la Carsenac. La jeune femme brune n'avait pas confirmer ou infirmer si les petit brun pensait toujours ou non à sa Rouquine. Se pouvait-il que Guilhem soit passé à autre chose ? Qu'il l'ait oublié ? Les émeraudes se perdirent au loin alors que des souvenirs d'enfances revenaient à son Esprit. Le lys continuait de parler mais les pensées de la Rousselotte étaient déjà au loin. Elle n'aurait su l'expliquer, mais l'idée que le mini-champlecy l'ait oublié lui pinçait le cœur. Le verre se posa à nouveau sur les lèvres purpurines. Il n'y a rien de meilleur qu'un Bourgogne quand on a du vague à l’âme. Alors que le nectar subtilement sucré faisait son effet, la jeune fille revenait peu à peu à l'instant présent, rapportant toute son attention sur la Fleur Immaculée.

Oulala Oulala, elle avait du rêvassé un long moment. Voilà que l'Immortelle voulait lui donner une carte... Euh ?!?! S'étaient-elles mises à jouer comme des piliers de taverne ? Et si oui depuis combien de temps jouaient-elles ? Et plus important encore, ou avait-elle mis ses cartes ?
Panique à bord...
Le palpitant de la jeune fille se mit à chantonner plus rapidement, et ce malgré l'expression de neutralité qui restait sur son visage. Ne rien montrer de la détresse qui claironne dans ses entrailles. Heureusement Sindanarie s'était levée et regardait les titres des Livres de sa bibliothèque, ce qui laissait à Mahelya le temps de scruter le sol alentours afin de trouver les fichues cartes, tout en restant attentive à ce qui sortirait des lèvres de la Carsenac. Car rêvasser une fois ... passe, deux fois ... lasse.

Coup d’œil à droite. Coup d’œil à gauche. Rien ! La table et les sièges étaient également passés en revue par les sinoples de la Flammèche. Rien. Rien. Rien.
Discrètement, elle prit une longue inspiration. Ce qui en tout premier lieu lui permit de se calmer, et de réfléchir à nouveau intelligemment. Elle ne s'était pas endormie, elle en était certaine, elle avait pensée à Guilhem parce que la jeune fille et la jeune femme parlaient de Guilhem à ce moment-là. Donc d'où était venu le mot carte ?
Le fil de la conversation défila dans sa mémoire, car même si elle rêvassait, les mots étaient mémorisés. C'est alors qu'un recoupement s'opéra dans les méandres tortueux du cerveau de la jeune fille.
Guilhem = Vengeance = tuer Sindanarie = elle le prend sous son aile = Il apprend à la connaître = Il a toutes les cartes en mains pour juger du bienfondé de sa vengeance ou non.
Bon ça d'accord, mais les cartes ont avoir quoi avec elle ?
Et alors que la lumière, comme une nouvelle interrogation germait dans la tête de l'Etincelle, la Carsenac reprit le cour de la conversation.
Et là...


- Que ... Que ... Qui ... Moi ?


Et oui même la plus adulte des petites filles, peut avoir une réaction complétement puérile lorsqu'on la prend par surprise.

- Une terre ? ... Pour moi ?...

Cette révélation déclencha un enchainement de réactions se fit sur le visage de l'Incandescente. Les émeraudes devinrent humides tandis qu'un sourire fleurissait sur ses lèvres. Et le geste tendre qu'elle avait réprimé à son arrivée en Terre des Cars, passa allègrement toutes les barrières à présent. La petite silhouette se leva d'un bon et avant d'avoir eu le temps de dire ouf, s'était jetée dans les bras de la Vicomtesse.

- Pardon ... Mais je sais pas quoi faire d'autre ...


Même la plus pipelette des mioches peut par la force des choses se retrouver muette.

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Sindanarie
Surprise. Une Mahelya bégayante, qui soudain abandonna toute la réserve que l'habitude du monde, malgré son jeune âge, lui avant enseignée pour se jeter dans les bras d'une Carsenac stupéfiée. Par réflexe, ses bras l'accueillirent et se refermèrent sur elle. Pas le temps de penser... Un corps qui s'abandonne est un corps à rattraper. Guère plus, au départ. Sauf à considérer qu'il s'agit d'un corps ami, d'un geste sans arrière-pensée, d'une simple manifestation d'affection, pure, sans ambages, sans affectation.

Et quand cette idée frappa le cerveau froid de la Carsenac, quelque chose se rompit. Les bras serrés mécaniquement se resserrèrent en une véritable étreinte, comme si, arrivée à la dernière heure de son existence, la jeune femme s'accrochait une dernière fois à ce qui existait de plus précieux pour elle. La dextre se releva jusqu'à effleurer, en un soupçon de caresse, la chevelure de feu de l'Etincelle, alors qu'une boule nouait la gorge du Lys. Emotion... Renouveau.

Depuis combien de temps pareille affection ne s'était-elle pas manifestée ? Des mois... Depuis ce jour de son retour aux Cars, après la démobilisation de la Licorne, où Elric l'avait serrée contre lui comme si elle avait été sa propre fille. Ce jour-là, dans la bibliothèque, elle était face - contre - une jeune fille qui avait su et vu tant de choses d'elle qu'elle était comme sa soeur cadette, comme une confidente partageant une zone d'ombre avec elle, comme un tremplin, comme une incitation à continuer dans les moments de doute et de solitude. Et dans les mèches rousses, un souffle filtre :


Aucun problème, mon Etincelle...

Sauf que... Contingence, contingence, tout n'était que contingence. Si bien que, même s'il n'y avait pas de problème en soi dans le geste de la rousselotte, il y en avait un dans le chiffre, car trois n'a jamais fait quatre. Saint-Julien-le-Vendonais avait été attribuée à Aldraien dans les premiers temps de son installation en Limousin. Il restait encore à Sindanarie un Poitevin à honorer pour sa droiture en des temps difficiles, et un jeune frère à doter. Moralité : toutes les seigneuries dépendant des Cars, à sa connaissance, étaient attribuées ou en voie de l'être. D'où le délicat problème : comment donner, comme elle le lui proposait, une terre à Mahelya sans en retirer une à quelqu'un d'autre ? La solution, car la Vicomtesse y avait déjà songé dans le silence et le calme de ses quelques jours de retraite en son domaine. La mère adoptive de la jeune fille était sa vassale... Pour favoriser le destin de celle qu'elle avait choisie pour porter son - leur - nom, et à présent qu'elle ne dépendait plus de Sindanarie pour avoir un fief en Limousin, ne pouvait-elle faire un léger sacrifice ? Après tout, leur lien était plus profond et plus fort que n'importe quel serment vassalique, puisque par lui parlait toute la puissance du sang.

D'où la question qui arriva alors que le Lys desserra l'étreinte qui enserrait l'Etincelle, juste assez pour que les deux paires de prunelles sinople se rencontrent :


Il reste une difficulté à aplanir. Pensez-vous que votre mère, ma cousine, accepterait de se dessaisir à votre profit de la terre que je lui ai confié ?
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