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[RP ouvert] Les Cars - Terres, famille et tout le reste

Mahelya
Étreinte acronyme d’Éternité, et voilà une éternité que la petite rousse n'avait osé prendre quelqu'un dans ses bras ainsi. D'un parce que comme dit un peu plus tôt, voilà des jours et des jours qu'elle se retrouvait seule à Guéret, Sa Mère Adoptive Aldraien de Malemort étant partie au front sur ordre de la Licorne, de deux parce que même dans l'intimité, la Flammèche ne se laissait guère aller à embrassade et autres accolades. Depuis son plus jeune age, on lui avait appris la réserve, on lui avait appris à se tenir, et surtout surtout, on lui avait demander - ordonner - de s'affranchir de la moindre passion, du moindre sentiment. Son père de sang, n'avait pas pensé à mal, il avait tellement souffert quand sa femme était morte, qu'il avait voulu bannir des entrailles de sa fille, toute faiblesse, et mièvrerie.

Aussi intelligente qu'elle était, L'étincelle était déstabilisée par les rapports humains, pourquoi aimait-on des personnes plus que d'autres ? Pourquoi certaines personnes ne pouvaient-elles vivre leur vie l'une sans l'autre ? Pourquoi parfois aussi, il nous était impossible de ressentir de la compassion pour quelqu'un ? Pourquoi il y avait-il des gens qu'on aimait bien et d'autre pas du tout ?
D'ailleurs il n'était pas rare, pour ceux qui la croisait au détour d'une ruelle, ou bien encore en taverne, d'entendre la jeune fille s'interroger, et interroger son entourage sur l'amour. Tout ceci était hors de sa compréhension, Elle qui avait si souvent fuit le moindre attachement.

Pourtant, là dans les bras de la Carsenac, son palpitant vibrait d'une façon qu'elle ne lui avait que rarement connue. Sa réaction avait été spontanée, donc sincère, son masque de neutralité, qu'elle arborait - elle en était certaine - même en dormant, venait de voler en éclats. Et aussi étrange que cela puisse paraître, même si la jeune fille et la jeune femme se connaissaient peu, la petite renarde s'était attachée à une fleur immaculée. Un lien invisible, et pourtant bien solide.
Le temps s'envolait et le silence s'installait, là dans la bibliothèque, véritable trésor en la demeure des Cars. L'une comme l'autre semblait apprécier, l'instant, semblable aux retrouvailles de deux sœurs, deux confidentes, deux amies.

Puis l'étreinte se desserra sans pour autant se rompre, et deux pairs d'émeraudes se scellèrent l'une à l'autre. Jolie parure n'est-il pas ? Pour un peu les Joyaux semblaient extraits du même filon.
Et le silence s’effaça pour laisser la voix du Lys raisonner.


- Et bien, je ne sais que vous répondre, je pense qu'elle accepterait oui, je suis sa fille et nous nous aimons profondément toutes les deux, bien que nous ne soyons du même sang... Mais... Enfin, je... je ne peux me résoudre à lui demander pareil chose. Même si je pense qu'elle ne nous en voudrait pas, après tout, tout comme vous, elle désire le meilleur pour moi, enfin ses enfants en général.
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Sindanarie
Vous n'avez pas à vous en occuper, les démarches ne reviennent qu'à moi.

Et, après ces mots, la conversation roula et n'appartint plus qu'à une femme et une jeune fille qui se découvraient plus avant. Politique, d'abord, puis engagements, écrits et livres. Quand vint le moment où Mahelya demanda à voir de plus près les ouvrages présentés dans la pièce, Sindanarie accepta avec joie, déposant sur le pupitre de lecture ceux qu'elle considérait comme le plus remarquables, à commencer par le De Lumen apothecarium.

Ce fut à peine si elle remarqua l'arrêt de l'Etincelle devant un exemplaire du Livre des Vertus, manifestement plus ancien que le reste des volumes conservés aux Cars. La Vicomtesse mentionna simplement qu'il était la seule relique qui demeurait de sa mère, et que c'étaient ses armes que l'on discernait sur la tranche.

Une tour d'argent surplombant un mont du même, encadrée d'un Soleil et d'une Lune également d'argent, se détachant sur un fond d'écu noir comme la nuit.

Les armes des Elicahre, mentionna Sindanarie avant de glisser vers un autre volume, éloigné du fantôme de la mère jamais connue.



[Quelques jours plus tard, avant celui du baptême de Mahelya]

La Carsenac n'était pas de bonne humeur. Pas du tout. Se faire prendre pour un pigeon, si utile que puisse être ce volatile pour transporter les missives, n'était vraiment pas ce qu'elle préférait, et le simple fait que Mahelya lui ait caché qu'elle entretenait des liens privilégiés avec le frère de la Vicomtesse de Bellegarde-en-Marche l'avait fortement froissée. Aussi, après une discussion assez fraiche avec le jeune homme dans les bras duquel elle avait trouvé sa future vassale la veille au soir, après que celle-ci eut cassé un verre par nervosité, avait-elle décidé d'aborder la question avec son hôte. D'où, en croisant son intendant dans la cour de la demeure, quelques mots glissés à son oreille :

Elric. Demande à Marie-Amelya de me rejoindre rapidement dans la bibliothèque. Pas la peine de prévoir boisson ou douceurs, nous ne saurions les apprécier comme il faut.

Et la maîtresse des lieux, vêtue de noir comme à son habitude, se dirigea vers la pièce en question et s'y installa dans un siège de bois à haut dossier, reposant les avant-bras sur les accotoirs, fixant sans la voir la tapisserie qui lui faisait face, entre deux étagères et derrière un pupitre de lecture. Bientôt, la jeune rousse était introduite. Premier réflexe de la Carsenac : un coup d'oeil à la main bandée. La plaie n'était guère profonde, et le pansement n'avait d'autre objectif que d'éviter l'infection. Manifestement, il avait été refait le matin même. L'oeuvre d'Elric, sans doute... L'oeil de la Carsenac s'y arrêta un instant, avant de remonter vers le visage de sa future filleule, puisqu'elle avait accepté, avec joie, la demande de la rousselotte.

La figure de la Vicomtesse, elle, se voulait parfaitement neutre et sans chaleur particulière, signe que Mahelya connaissait sans doute depuis leur première entrevue. Signe qu'il ne faudrait plus la prendre pour une aveugle, et que cette fois la vérité devrait sortir sans fard... Ce qui fut annoncé, à mots couverts, dès que la jeune fille eut pris place dans un siège face à Sindanarie :


Etincelle... Je crois que nous devons parler de ce que vous m'avez laissé voir hier soir. Qu'avez-vous à dire sur le sujet ?

Pas question de lui dire qu'elle avait déjà discuté avec Ilia... Cela viendrait plus tard. En temps voulu et opportun.
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Mahelya
Se présenter à la Vicomtesse, dans la bibliothèque voilà ce que lui avait dit Elric lorsqu'il était venu la chercher. A n'en pas douter le Lys, souhaitait s'entretenir avec elle au sujet du geste qu'elle l'avait surprise en train de faire avec Ilia : Une étreinte ! Celle d'un couple d'amoureux, lié bien au-delà des mots par une promesse ! Les épousailles. Bien sur que Sindanarie n'était pas un lapin de deux semaines et qu'en les surprenant, elle avait sans doute compris l'engagement que les deux jeunes gens s'étaient promis. Or pour l'époque, pareille promesse n'avait pas de valeur si elle n'était pas approuvée par les deux familles. Voilà pourquoi Ilia et Mahelya s'étaient donnés du temps avant de crier sur tous les toits l'amour qui les unissait.

Les yeux baissés, l’Étincelle pénétra doucement dans la grande bibliothèque, Sindanarie trônant sur un fauteuil, les yeux immobiles et pourtant dans le néant. Aie ! Ca allait chauffer pour son matricule. La déglutition de la salive passa fort mal et un silence presque gênant s'installa quelques instants dans la trop grande et trop étouffante bibliothèque. La même qu'elle aimait tant il n'y avait pas cinq minutes.
Enfin, la Flammèche se décida à prendre place dans l'un des fauteuils faisant face à la Fleur. Les épaules de la jeune fille s'affaissèrent et le regard émeraude resta cloué au sol, tandis que la voix de la Carsenac transperçait le silence de la pièce.

Le palpitant tambourinait contre la poitrine de la Frêle. La peur transpirait de chaque pore de sa peau. Car sur elle reposait l'avenir de son histoire avec Ilia, si elle commettait un impair ou se faisait mal comprendre, alors leur rêve commun serait immédiatement et irrémédiablement brisé.

Un long soupire. Contenir les sanglots qui, rebelles pourraient s'échapper de la gorge de la Rouquine et d'enfin lever les sinoples sur leurs jumeaux. Ceux de la Rousselotte manquaient de se noyer.


- Ma Tante ... Je ... suis amoureuse du Soldat Ilia ...
Oh oui alors ! elle l'aimait de tout son cœur de toutes son âme.
Malgré toute sa volonté, une larme roula sur sa joue aux tâches de rousseurs.

- Je ne sais comment l'expliquer ma Tante ... Je ne voulais pas vous froisser ... C'est arrivé comme ça alors qu'il venait pour s'engager dans la COLM ... En le voyant ma Tante ! En le voyant j'ai su immédiatement que c'était lui ... Oh pardonnez-moi mon Lys j'attendais juste le bon moment pour vous en parler.

A présent plusieurs larmes s'étaient évadées des cils roux de la Jeune fille. Ce n'était pas les grandes eaux non ! Juste quelques perles d'eau salée incontrôlables. La perspective qu'on lui arrache son Soldat était insoutenable pour la Rouquine et larmes n'étaient que l'encre qui écrivaient cette crainte sur son si fin visage. Le buste de la Flammèche tressailli alors qu'elle murmurait enfin.

- Je souhaite me lier à lui... Ma vie à la sienne.

Et maintenant ça passe ou ça casse ! Le sort en était jeté, les dès lancés. La seule chose dont l’Étincelle était certaine c'est que loin de lui, sa vie n'aurait plus la moindre saveur.
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Sindanarie
Le regard de la Vicomtesse n'avait pas lâché celui de sa protégée (car rien ne servait de nier qu'elle l'était, puisque la Carsenac était là pour l'entretenir d'une partie fort importante de son avenir) quand elle avait lâché ses premiers mots. Et il ne le lâcha pas tant qu'elle parla. Malgré le soupir, malgré les larmes, malgré l'émotion. Sindanarie n'était pas de pierre, certainement pas, mais elle préférait que tout sorte, une bonne fois pour toutes.

Ne pas bouger devant sa future filleule, pas d'un pouce, pas d'un cheveu. Pas d'un cil. Ce n'est pas le genre de moments qu'il fallait interrompre. La confidence arrachée se respectait dans sa douleur. Ne pas bouger, malgré le frémissement qui avait atteint le bout des doigts de Sindanarie. Jeune fille, si tu savais comme je te comprends... Si seulement tu savais comme je veux que tu ne souffres pas, que tu trouves une moitié qui ne te fera jamais de mal, qui t'aimera et te respectera... Qui ne t'abandonnera pas, qui ne te trompera pas, qui ne te trahira pas comme je l'ai été.

Aux derniers mots lâchés dans un murmure, la Vicomtesse se lève. Cette fois, c'est d'elle que viendra le geste d'affection, parce qu'elle ne parvient malgré tout pas à en vouloir à la jeune fille quand elle est sous ses yeux. En deux pas, elle est devant l'Etincelle encore assise et la serre contre elle, soufflant un tendre :


Ne pleure pas... Ne pleure pas.

Et la dextre vint essuyer doucement une joue puis l'autre, comme l'aurait fait une caresse, chassant les larmes des yeux au menton. Et la plus si jeune Vicomtesse ploya le genou devant la rousselotte,, soutenant son visage d'une main, et continua :

Vous ne m'avez pas froissée en ne me le disant pas immédiatement. J'aurais dû savoir lire vos gestes... Ces mêmes geste que la Vicomtesse de Bellegarde avait repérés et dont elle m'a touché deux mots. Par contre, je n'aime pas du tout que vous preniez des libertés dont use un couple reconnu par l'Eglise alors qu'aucun lien officiel ne vous lie encore. C'est le meilleur moyen de vous retrouver déshonorée et blessée... Vous serez majeure et noble dans quelques jours, on ne doit rien pouvoir vous reprocher alors, pas même cela. Vous comprenez ?

Si curieux que cela puisse paraître, la Vicomtesse était en réalité en train de tenter d'éviter à Mahelya les erreurs qu'elle avait elle-même commises pendant sa jeunesse. Lui éviter le mariage sans cesse reporté par un fiancé soldat, puis par un fiancé voyageur, lui éviter la trahison de l'être aimé dans les bras d'une autre, lui éviter plus de larmes que celles que l'incertitude avant les épousailles allait faire jaillir des yeux d'émeraude. Calmement, elle se relève et retourne s'asseoir, plus détendue qu'à l'entrée de la fille adoptive de sa cousine, pour la fixer de nouveau, une ombre de sourire dans le regard. Et elle conclut sur une simple question :

Etes-vous sûrs de vous ?

Question ambiguë, singulière et plurielle à la fois dans sa sonorité. Le veux-tu, toi, l'Etincelle, comme je sais qu'il te veut ? Sais-tu seulement que je lui ai parlé, que je lui ai fait dire ce qui le lie à toi ?
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Mahelya
Et la Rouquine de s'abandonner dans les bras de la Carsenac. Depuis combien de temps n'avait-elle pas été étreinte comme cela ? Maintenant qu'elle se retrouvait seule ou presque dans une ville qu'elle ne connaissait pas. Depuis combien de temps n'avait-elle pas été bercée dans la chaleur réconfortante des bras d'une mère ou d'une tante ? Alors elle ferma les yeux et apprécia pleinement cet instant de félicité avec son Lys. La Fleur tout comme l’Étincelle n'était pas coutumière des effusions sentimentales. Il fallait donc apprécier l'instant qui peut-être jamais ne se reproduirait.Une complicité partagée bien au-delà des mots, comme il y avait quelques jours dans cette même pièce alors que toutes deux discutaient sur leur passion commune à savoir la littérature. Les dernière larmes ruisselèrent sur le visage juvénile alors que les sinoples disparaissaient derrière leurs volets de chair aux longs cils roux.

Puis l'étreinte avec l’Éternelle prit fin alors que celle-ci ployait genou devant elle, balayant d'une caresse délicate les ruisseaux qu'avaient laissé sur les joues les perles d'eau salée. Avec attention, le Flammèche écouta l'Immortelle immaculée. Perspicace, elle y décela comme du déjà vu, déjà vécu dans les avertissements de sa Tante. Ce pouvait-il que la Femme qui se tenait devant elle eut connu quelques déboires sentimentaux ? Doucement, la compréhension de la "colère" de sa protectrice s'invitait dans l'Esprit de la jeune fille. Avait-elle peur qu'elle ne commette les mêmes erreurs ? Possible... Probable... Certain...
Doucement la fine main blanche vint se poser sur celle de la Carsenac.


- Ma Tante, je vous le promets, jamais je ne commettrais un seul acte pouvant me déshonorer et déshonorer la famille qui m'a adopté et dont vous faites partie.

A nouveau, le regard émeraude était troublé par un excès de liquide salé. A confidence, confidence et demie. Et la jeune fille de tout révéler.

- Je me sens si seule ma Tante ... Harchi est loin ... Mère également ... Ni l'un ni l'autre ne me donnent des nouvelles ... je me sens abandonnée ... encore ... Il ne me reste que vous, mais vous avez tellement à faire que je n'ose vous déranger... Ilia ... Ilia est un précieux soutient ... Il m'aide beaucoup ... à garder le sourire notamment ... Il est prévenant et attentionné ... Hier ... Hier il a eu peur pour moi ... Et moi j'ai simplement lâché prise ... Mais jamais ma Tante ! ... je vous le jure ... jamais je ne ferais quoique ce soit qui puisse déshonorer le nom que je porte et qui est le votre. Je ne sais que trop ce que c'est d'être rejetée ... N'est-ce pas l'histoire de ma vie ?

Cette fois les larmes ne se faisaient pas prier pour glisser abondemment sur les joues aux tâches de rousseurs. L'abandon était l'histoire de sa vie. D'abord sa mère de sang à la naissance, puis son père qui l'avait éloigné de lui, puis Nanou sa nourrice partie aux cotés du Très-Haut, puis Harchi, puis Aldraien... Les seuls qui vraiment étaient restés étaient elle, son Lys et Ilia, son Soldat, qui l'avait déjà vu sans son masque de bonne humeur, sans apparat et qui était resté malgré tout, pour Elle, juste Elle. De légers soubresauts agitaient les épaules de la Rouquine quand elle reprit la parole, tandis que l'eau salé perlait sur ses joues.


- Alors oui ! Oui je suis sûre que c'est lui que je veux ... Aussi sûre que le ciel est bleu et que les étoiles brillent dans la nuit. C'est une vérité élémentaire qui s'est imposée à moi... Une loi immuable de la nature... A moi... Moi qui ne savait ce qu'était l'amour... Ce sentiment me vrille les entrailles, et je n'ai qu'une seule peur à présent c'est de me retrouver sans lui... Que serait un ciel nocturne sans étoile ? Juste un vide, un trou béant... Je l'aime ma Tante ! Aussi surement que je vous aime vous ou Harchi.
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Sindanarie
Et d'un coup, une carapace cède et laisse sortir tout ce qui était contenu, savamment, par la jeune fille presque majeure. Les douleurs de ceux qui grandissent en perdant successivement leurs appuis et leurs repères, qui essaient d'en construire de nouveaux sans trop savoir à quoi se raccrocher. Les mots s'écoulent en une fontaine, l'Etincelle s'épanche enfin. Et le Lys se retrouverait presque en elle, ce même Lys qu'une Rouge Blanche désormais Chevalier surnommait la Forteresse. De nouveau sans bouger, la menue main blanche enfermée dans sa dextre, la Carsenac écoute, absorbe, éponge les mots et les émotions que sa future filleule lui transmet enfin.

Elle lui transmet son affection pour une famille qui n'est pas la sienne par le sang, le manque des êtres chers, de l'Ombre familière à la mère adoptive, son amour aussi pur que fou pour ce jeune homme qu'elle connait depuis si peu de temps et à qui elle veut pourtant donner sa vie. Et elle parle des étoiles... Sindanarie n'est pas de pierre. Les étoiles, c'est Chinon la belle, ce sont les nuits sur les remparts, les discussions avec le Cavalier Semnos, dit le Vif, les visites furtives mais heureuses à Château-Renault, auprès de ce Vicomte qui l'avait si bien dupée... Le regard sinople disparait, les paupières tombent, le visage s'incline, l'index droit suit la cicatrice en croix qui barre le dos et la paume, en symétrique, de la senestre. Tu l'avait déjà atteinte avec le début de ton discours, Etincelle. Par les étoiles, tu viens de la toucher au coeur.

Silence.

La Carsenac encaisse.

Elle a lâché la main de sa protégée pour se protéger elle-même. Cette partie-là de sa vie ne mérite pas d'être connue, et elle la cèle au plus profond d'elle-même... Mais les étoiles font tout remonter. L'amour trahi, la peur de l'opprobre à venir, la honte ressurgissent sous les paupières baissées. La senestre tressaille au souvenir du premier coup de lame, sous sa tente au milieu du campement des Ordres royaux, puis à celui du second, à Château-Renault, qui avait entaillé une lettre d'adieux qu'elle maintenait. L'Immortelle se raidit à la remémoration des étoiles du ciel de Chinon, encore. Ciel intermédiaire, avec le départ des constellations d'été et l'arrivée de celles d'hiver, curieuse conjonction entre les astres et la vie d'une femme. Machinalement, la dextre passe sur le visage de la Vicomtesse, comme pour chasser les fantômes de devant ses yeux, et elle les rouvre enfin pour fixer, de nouveau, celle que l'on connait surtout sous le nom de Mahelya.

Et le silence est enfin rompu. Sindanarie reprend, comme si le temps nécessaire pour garder pleine maîtrise d'elle-même ne s'était pas écoulée, calme et posée en apparence :


Alors je n'ai pas d'objection à votre union. J'ai discuté avec Ilia avant de demander à Elric d'aller vous chercher. Ses intentions m'ont semblé aussi pures que les vôtres, malgré votre différence d'âge et d'autant qu'il ignorait manifestement que vous devez recevoir une terre pour dot. Il m'a appris que la Vicomtesse de Bellegarde-en-Marche, sa soeur, devait procéder de même avec lui, ce qui aplanit les obstacles formels à votre union.

Information retenue : lâchée. L'entretien avec Ilia était enfin évoqué. Et, en repensant au jeune homme, une autre pensée s'imposa, à laquelle le Lys avait déjà quelque peu réfléchi depuis le matin. Il fallait fixer les choses, les faire connaître de tous. Un léger sourire au coin des lèvresn ka Carsenac continua après une courte pause :

Je souhaite cependant qu'un échange solennel de promesses, non, que des fiançailles officielles aient lieu. Soit à Bellegarde, soit ici, à la convenance de la Vicomtesse.

Car oui, cela seul serait de nature à tranquilliser Sindanarie, et elle tenait à insister sur la nécessité de l'officilisation. Ainsi, elle serait sûre que le message était bien passé auprès de Marie-Amelya, et c'était après tout le plus important. Mais le début du discours de la jeune fille n'était pas bien loin dans l'esprit de Sindanarie. Elle revint se placer aux côtés de la rousselotte, restaurant quelque proximité autre qu'affective entre elles, et reprit, plus doucement :

Mon Etincelle... Si Harchi vous manque tant, faites-le venir. Non. Non, ne lui écrivez pas. Je le ferai. Ne vous inquiétez de rien. Et surtout, si quoi que ce soit vous pèse ou si vous avez simplement besoin de compagnie, venez me voir. Rien n'empêche que nous travaillions dans la même salle... C'est toujours une compagnie.

Une dernière caresse se perdit sur la chevelure rousse, le regard sinople effleura le Livre des Vertus aux armes des Elicahre. Des armes que Sindanarie ne porterait jamais, des armes qu'elle garderait toujours sous les yeux, pour se rappeler le péché duquel elle était née et qu'elle devrait toujours s'efforcer d'effacer ou, à défaut, de faire oublier par ses actes. Qui savait ce que ce pieux ouvrage représentait pour elle, en dehors d'Elric ? Personne, sans doute, et c'était l'une des choses qu'elle comptait emporter dans sa tombe. Personne n'avait besoin de savoir ce que représentait le délicat volume, après tout... Qu'elle sache et qu'elle se souvienne suffisait bien. S'arrachant à cet enchainement d'idées, la Carsenac reporta toute son attention sur la jeune rousse assise à ses côtés. Avant de se consacrer aux lettres qu'elle avait à écrire désormais, il lui restait une seule chose à vérifier...

Votre mère adoptive connait-elle votre dessein ?
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Mahelya
    Le masque du bonheur est peut-être le plus dur à porter.

(de Gérard Martin Extrait des Tentations)

L’Étincelle vacille, l'illusion s'étiole doucement sur le visage de la Jeune fille, le masque se fendille et explose finalement en une myriade de perles d'eau salée. Pleurs petite fille, laisses donc ton cœur s’épancher. Pleurs jeune fille, oublies ces illusions du Passé. Pleurs Nouvelle femme, écoute, apprend et deviens Forteresse. Tires enseignements de la Femme devant toi et petite chrysalide deviendra Papillon. Baisses donc les armes et laisses toi aller pour une fois, tu as su si bien donner le change pendant des années. Sois fière, tu n'as jamais ployé même quand tous étaient contre toi. Tu ne t'es jamais départie de ta bonne humeur et ton sourire. Sois fière Étincelle, et profites donc de ton jour de repos.
Qu'il était cruel de réaliser que même la vie qu'on s'était choisie n'était qu'imperfection. Que les choses que l'on pensait acquises pourtant nous échappaient. Comme La Flammèche, l'avait déjà dit, seul Le Lys et le Soldat étaient encore auprès d'elle. En définitive, ceux qu'elle n'avait pas choisi mais qui par leurs actions s'étaient imposés et avait fait leurs places dans son cœur. Quelles leçons devait-elle en tirer ? Fallait-il qu'elle laisse plus de place au hasard ? Fallait-il qu'elle cesse de toujours tout prévoir ?

Le regarde sinople se perdit à l'horizon fixant un point imaginaire sur les étagères de la bibliothèque. Le silence angoissant était tombé dans la pièce, mêmes les respirations et battements de cœur semblaient retenus. La Fleur ne disait mot et l’Étincelle n'avait que trop parlé. Comment la Jeune fille pouvait-elle deviner qu'elle avait ravivé des flammes de souvenirs dans l'Esprit de la Brune Vicomtesse ? Pour elle, il ne s'agissait juste que d'un silence avant le refus catégorique de son union promise avec Ilia.
Doucement le visage aux tâches de rousseurs, pivota, et les émeraudes se fixèrent sur le visage de Sindanarie. Et la Crainte s'efface doucement pour laisser place à l'étonnement et l'incrédulité. La Forteresse qu'est la Licorne semblait également se fissurer. Cette fois la Rouquine en était certaine, cette entrevue était aussi douloureuse pour elle que pour sa protectrice. Mais pourquoi ? Oh comme elle aurait aimé lui demander, l'inciter à partager sa peine comme elle-même venait de le faire. Mon Lys, parles-moi ! Expliques-moi, qu'enfin je comprenne ton émoi.
Pourtant l'Incandescente de vrilla pas, restant parfaitement immobile à sa place. C'est qu'elle commençait à la connaître sa Tante et l'inciter de but en blanc aux confidences n'était pas la manière de s'y prendre avec elle.

Le silence demeura encore un peu, puis la voix de l'Immortelle le brisa enfin.

Et là ...

Révélations !

Ainsi dont la Fleur s'était rapprochée du Soldat, pour déjà l'interroger. A n'en pas douter les réponses devaient être satisfaisantes sinon, jamais la Rouquine n'aurait subi cet entretien. Ils avaient parlé des terres de chacun condition pour que les épousailles aient lieu. Encore sous le choc de cette vérité inattendue, Mahelya ne réalisa qu'une fraction de seconde plus tard que Sindanarie lui donner son accord pour sa future union avec Ilia. Mon Dieu, sa vie venait de prendre un tournant radical. On parlait fiançailles, on parlait épousailles, on parlait d'Ilia et d'elle, unis ... Le tourbillon de sensation qui se déchainait dans son frêle petit corps, lui donnait le tournis presque jusqu'à la nausée. Elle opina du chef pour acquiescer vivement à la proposition du Lys de faire venir son Ombre aux Cars. D'un seul coup, l'Espoir envahissait son palpitant plus rayonnant encore que la tristesse qui l'avait étreinte quelques secondes auparavant. L’Étincelle aurait aimé se jeter dans les bras de sa Tante pour la remercier chaleureusement mais ce n'était point là acte à commettre envers la Fleur immaculée. Et puis à vrai dire son élan de liesse fut vite amoindri par la dernière question de la Licorneuse.

Immédiatement, la Rousselotte qui s'était redressée sur son siège, s'affaissa. Et l'impression de porter toute la misère du monde sur ses épaules prit un sens plus vrai que jamais à cet instant. Les sinoples se posèrent alors sur le tissus miel satiné de la robe qu'elle portait ce jour là, lissant machinalement les plis imaginaires.


- Je ... euh ... Non ! ... Elle ne l'est pas ... Et je ne pense pas que cela lui plaise ... J'avais comme dans l'idée qu'elle ... hum ... souhaitait me voir m'unir à son, votre, Cousin ... Louis Arthur ... Doucement la moue juvénile se redressa, scellant les émeraudes à leurs jumeaux sinoples.- Oh Mon Lys ... Je ne le veut pas ... Je veux simplement ... Ilia ...

Le dernier mot n'était qu'un murmure empli de tendresse. Une douce caresse pour ses oreilles tandis que le palpitant cognait violemment contre sa poitrine. Un obstacle était franchis pourtant un nouveau se dessinait à l'horizon. Grandir était-ce cela ? Des pique de bonnes humeurs et des gouffres de tristesse ? Des montées fulgurantes et des chutes effrayantes le tout enchainée à une vitesse vertigineuse ?
Aides-moi mon Lys ! Je ne veux mariage de raison ! Je veux juste mon Soldat !

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Sindanarie
QUOI ?

Le rugissement avait tonné, incontrôlé, alors que le nom de son cousin passait les lèvres de la fille adoptive d'Aldraien. Le buste de la Vicomtesse s'était projeté en avant, comme au milieu d'une charge de cavalerie ou après avoir encaissé un coup dans le ventre. Les mains crispées sur les accotoirs blanchissaient aux jointures, les ongles en affrontaient le bois dans un combat dont l'issue n'était que trop connue. La colère montait, montait en flèche, bouillonnante déjà, en l'espace de quelques mots. Non sens que ce projet d'union ! Non sens absolu ! Comment était-il simplement possible d'y avoir songé ? Propulsée sur ses pieds par l'élan de son ire, Sindanarie se retrouva lancée dans une marche folle au travers de la pièce. Et, sourcils froncés, bouche tordue d'un rictus mauvais quand elle n'exprimait pas son désaccord, prunelles incandescentes, elle lança sèchement, sans prendre garde au cri qui passait en réalité ses lèvres :

Mais elle vous l'a dit ? Comment est-ce possible, simplement possible ?! A-t-elle perdu l'esprit ? N'a-t-elle donc aucune ambition pour vous ? Vous faire épouser un Carsenac, quand vous pouvez vous lier à l'une des plus grandes et des plus nobles familles de France ?

Point d'arrêt. Devant le mur à laquelle était adossée l'étagère supportant le Livre des Vertus de sa défunte mère, effleuré du regard, la Carsenac volte et ne repart pas. La colère lui brouille les pensées. Les multiples avantages d'une union avec le jeune Jagellon fusent en son esprit. Amour. Réciprocité. Famille. Bonheur. Et les non moins nombreux inconvénients d'une union avec le Carsenac découvert depuis peu fusent, à la vitesse de l'éclair. Poitevin. Sans envergure. Ambigu. Cachotier. Cachotier, oui ! Car, lorsqu'il l'avait rencontrée pour la première fois à Guéret, avait-il mentionné ce projet d'union ? Non ! Et avait-il transmis des nouvelles d'Aldraien quand il en avait eu, ainsi qu'il s'y était engagé auprès de la Vicomtesse ? Non plus ! L'idée de voir sa future filleule et vassale unie à cet homme qu'au final elle n'estimait guère raviva le feu qui coulait dans ses veines. Désormais immobile depuis de longues secondes, ou minutes, qui sait, elle se contente de rajouter, d'une voix blanche qui s'anima progressivement, de nouveau :

Je refuse. Je refuse que vous épousiez mon cousin. Il est malsain de voir des mariages se former au sein de la même famille ! Jamais la Sainte Eglise aristotélicienne ne l'accepterait ! Un cousin de la mère, épouser la fille adoptive ? Inceste ! Jamais !

Les derniers mots étaient de nouveau à la limite du cri. Le désaccord venait des tréfonds de son être, et Sindanarie se trouvait incapable de le réfréner comme il aurait sans doute convenu qu'il le soit. Elle ne s'était pas retrouvée dans pareille rage depuis des mois, non, depuis des années sans doute. Même l'affaire Nilas l'avait moins fait enrager, parce qu'elle se devait d'agir en Régnante, dans le plus grand intérêt de bien du monde. Mais ce projet d'union n'avait pas le même cadre, il n'était pas politique, ni économique, ni dans un quelconque domaine qui pouvait voir les circonstances se retourner en faveur de l'un ou de l'autre des protagonistes impliqués... Non. Il touchait l'avenir d'une jeune fille, et pas de n'importe laquelle. D'une future filleule, d'une future vassale, de celle qui passerait sous la responsabilité de Sindanarie devant Aristote et devant les hommes, du portrait de l'innocence et de l'abnégation, et il aurait fallu la laisser en pâture au premier venu, et non pas à un homme qui la voulait pour elle-même, simplement, sans prétention autre que la rendre heureuse selon les préceptes de l'Eglise aristotélicienne ?

Folie !

Les prunelles sinople flamboyantes de rage arrêtèrent un instant leur danse d'un coin à l'autre de la pièce, comme si l'ennemi que venait de devenir Louis Arthur Carsenac, sinistre auteur d'un article qui avait commencé à jeter le discrédit sur sa propre famille, s'y cachait pour leur échapper. Ils arrêtèrent ce va et vient erratique pour se poser de nouveau sur Marie-Amelya. Et quelle ne fut pas la surprise de la Vicomtesse de la voir, pâle comme la mort, recroquevillée sur son siège ! Quoi, était-elle donc si... Si effrayante ? Se recomposant quelque peu, elle prit conscience du visage qu'elle devait montrer. Pareil élan d'humeur ne l'avait pas prise depuis une éternité, pareille colère ne l'avait pas animée depuis bien longtemps.

Inspiration.

Expiration.

Les mains viennent couvrir son visage, comme pour en retirer les restes de ces terribles transports condamnés à être contenus, afin de calmer la jeune fille qui n'avait sans doute pas soupçonné que son Lys en était capable. D'un pas maîtrisé, l'Immortelle revient s'agenouiller devant sa protégée, notant son geste de recul. Je t'ai fait si peur que cela... Elle voudrait dire des mots d'excuses sincères, de ceux qui ne relèvent pas de la simple formule de politesse, elle qui ne l'a plus fait depuis si longtemps. Mais une chose est plus importante pour l'heure, et c'est sinoples déterminées fichées dans émeraudes apeurées que la Vicomtesse articule nettement :


Je vous promets une chose, Etincelle. Moi vivante, ce mariage n'aura pas lieu.

Et rien n'est plus sacré qu'un serment. La tête brune à la chevelure désormais striée de blanc vient se poser sur les juvéniles genoux. Seul un murmure passe, dans le silence pesant de la pièce :

Pardonnez-moi de vous avoir effrayée.
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Mahelya
A bas les masques, l’Étincelle n'était pas la seule à se laisser aller ce jour dans la bibliothèque des Cars. Mais il faut bien l'avouer, un Lys en colère était très impressionnant et faisait naître en vous une peur qui jusque là n'avait été jamais imaginée. La Rouquine comme un petit souriceau apeuré face à un gros chat s'était complétement recroquevillée sur le fauteuil au dossier droit qu'elle occupait. Jamais, Ô Grand Jamais, elle n'avait simplement imaginer voir Sindanarie dans cet état. Jusqu'à il y a quelques instant, elle doutait même que la Forteresse puisse s'emporter et s'abandonner à la colère. Celle-ci qui émanait de la Vicomtesse, rendait l'atmosphère de la pièce suffocante, presque à en tourner de l’œil. Elle aurait voulu fuir la petite Flamme, partir bruler plus loin, mais tétanisée par la peur, elle n'avait osé bouger, pas même respirer, encore moins cligner des yeux. Juste se faire oublier pour que les foudres de la prennent pas pour cible. Puis la tempête Brunesque se calma quelque peu, mais la Flammèche ne put réprimer un geste de recule lorsque la Carsenac s'approcha d'elle. Sais-tu que tu es terrifiante lorsque tu t'emportes, ma Fleur ?

Puis la tête couronnée vint simplement se poser sur les genoux de la jeune fille. A n'en pas douter, Sindanarie devait entendre l’écho des battements du cœur de Mahelya, qui cognait affolé dans un rythme endiablé contre sa poitrine. Les excuses furent murmurées, baume apaisant pour la petite Étincelle qui avait bien cru vriller dangereusement. Après un court instant d'hésitation plus par crainte que par refus d'absolution, la fine main blanche se posa sur la chevelure d'ébène striée de fils d'argent. Caresse d'une plume sur de la soie. Je te pardonne mon Lys ! Bien sur que je te pardonne. Pourtant les mots avaient du mal à franchir les lèvres purpurines de la jeune fille. Alors comme un peu plus tôt le silence s'installa et les deux femmes restèrent quelques instants statues marmoréennes. Seuls leurs respirations brisaient le silence de la bibliothèque. Il fallait s'apaiser et discuter calmement à présent.
Le temps file et les minutes s'égrainent.

Soupire de la Jeune Rouquine. Puis ...

Le silence se rompit.


- Ma Tante, je n'ai pas dit que Mère m'en avait parlé ! Je suis ... simplement ... arrivée à cette conclusion ... par mes observations et mon ressenti.
Je me suis faite pressante sur la nécessité de me trouver un prétendant qui soit un bon parti depuis que je fus faite femme. Je pensais que c'était important... Les titres, les terres, le panache... Mère a d'abord refusé catégoriquement. J'étais trop jeune, je le comprends à présent. Puis finalement, m'étant montrée très insistante, Elle m'a informé qu'elle chercherait elle, le futur épousé. Quelques temps après, voilà qu'un cousin, inconnu, arrive de nulle part pour vivre avec nous à Ussac. Louis Arthur, vous l'aurez compris. Il passe beaucoup - trop peut-être - de temps avec nous, alors qu'il est largement en age de se marier ou du moins de s'émanciper. Et pourtant, il reste, et Mère se montre très prévenante avec lui et j'ai parfois l'impression qu'elle fait en sorte que nous puissions passer du temps ensemble.
Quelle conclusion voulez-vous que je tire ? Sinon je ne vois vraiment pas pourquoi il aurait tout quitté pour venir en Limousin et Marche. Qu'en pensez-vous, vous ?


Et la voix cristalline s’évanouit dans le silence de la bibliothèque. Les sinoples regardaient à présent les ouvrages devant elle, sans vraiment les voir. Sauf peut-être le livre des Vertus dont elle était certaine d'avoir déjà vu le blason. La reliure attira donc son regard, mais ses pensées, elles, restaient bien encrées dans le présent et la situation actuelle. On avait déjà tenté de lui faire épouser un cousin. Poumona s'était liée pour l'occasion avec George le Poilu, pour que la promesse d'union entre George Aristote et Mahelya soit conclue. Et pour se faire ils ne s'y étaient pas pris autrement qu'Aldraien. La Flammèche en était donc arrivée à la conclusion qui s'imposait et qu'elle refusait de toutes ses forces, de toute son âme et de tout son cœur. Car à présent, seul Ilia comptait vraiment. La gorge se serra d'avantage à l'idée qu'on puisse lui interdire son amour.


- A quelle conclusion, vouliez-vous que j'arrive ?... Mais, moi je ne veux que Ilia... Seul lui ... J'ai changé ... et peu m'importe les titres ... Je veux mon Soldat ...

Doucement la main s'écarta de la chevelure d’ébène afin de permettre au Lys de se relever de cette position inconfortable. Et malgré la douleur de la situation, la Rouquine parvint a esquisser un sourire, certes terne et faiblard mais un sourire tout de même.

- L'ironie de la situation c'est qu'il semblerait pourtant qu'Ilia ne soit pas n'importe qui... Mon Lys ? ... Qui sont les Jagellon ?

Car oui Mahelya ne le savait pas. C'était Ilia qu'elle avait choisi et non son nom.
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Sindanarie
Elle écoute, elle écoute, la Carsenac. Elle écoute le raisonnement, elle voit également se profiler le spectre d'un mariage arrangé pour Mahelya. La tête s'est redressée, comme si elle avait été rassurée par la main de la jeune fille, et les prunelles sinople fixent son visage. Elle absorbe les éléments, qu'elle ignorait pour certains. Des éléments qui laissaient effectivement penser que le cousin providentiel n'était pas là pour rien. Car un homme en âge de se marier n'avait pas à vivre aux crochets de sa cousine, en principe... Ni chez elle. La chose était étrange, la coïncidence trop frappante pour ne pas être relevée.

Un hochement de tête vient simplement entériner le raisonnement, un second, plus énergique, vient saluer le choix d'Ilia. Et vient la question terrible. Qui sont les Jagellon ?

Y penser ramène la Vicomtesse, qui n'était alors rien ni personne, juste une habitante lambda, en arrière, loin en arrière, des années plus tôt, quand le Comté du Limousin et de la Marche était encore une des provinces les plus riches et les plus influentes de France. Le fleuron de l'armée envoyée en Bretagne en 1456... L'unique armée qui, avec sept Licorneux en renfort, avait pris Rieux en une seule nuit. Un léger sourire se dessine sur le visage de l'Immortelle, ni vraiment joyeux ni réellement triste. C'est un souvenir glorieux mais pas agréable. La guerre ne l'est jamais... S'arrachant à sa rêverie, elle reprend, pensive :


Les Jagellon ?

Par où aborder la question ? Les morts, les vivants ? Honneur aux morts, et paix à leurs âmes !

Eh bien... J'en ai connu cinq, hormis Ilia, s'entend. J'ai travaillé avec Aleksandr Jagellon, plus connu sous le nom de Dege, quand il fut Comte du Limousin, en 1456. Je faisais partie de son Conseil, c'était mon troisième... Il était marié avec TibouLola. Tous deux sont morts... C'étaient les Vicomtes de Bellegarde-en-Marche, les parents de Sofja et Ilia. Sofja semble d'ailleurs avoir hérité de la douceur de sa mère, de la détermination de son père et de la droiture des deux.

Et puissent-ils toujours demeurer auprès de vous, ô Créateur, en votre paradis solaire ! Celui qui me fit confiance, et celle qui mit au vote la première reconnaissance qui me fut accordée. La Carsenac cille, et reprend :

Les Jagellon ont deux autres représentants illustres et vivants... L'un est Marie Alice Jagellon, ancien Premier Secrétaire d'Etat puis Grand Maître de France, deux fois à la tête de notre Comté, Pair de France, Comtesse en Ile-de-France, Chevalier de la Licorne à présent. Une grande dame. Il y a aussi Enguerrand de Lazare, Chevalier de la Licorne, ancien Grand Maître de l'Ordre. Il en est aujourd'hui Capitaine Maistre de Guerre, et a occupé maintes fonctions militaires en Limousin. L'entrée de l'Académie militaire porte son nom... Du moins, elle le portait quand elle a été ouverte aux soldats. Il a aussi été Connétable de France. Tous deux sont des modèles de vertu et de droiture.

Jusque là à genoux, la Vicomtesse se redresse puis se rassied sur son siège. Et elle conclut simplement :

Vous avez choisi un membre de l'une des familles que j'estime et respecte le plus en ce Royaume. S'il a hérité du quart des vertus et qualités de ses parents, de son oncle et de sa tante, même pris individuellement, je suis sûre de vous laisser épouser un homme de bien. Sans réserve, je vous approuve, mon Etincelle.
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Un_vendeur
[Jean Voipluvitekemonombre - Gérant du Relais Courriers]

[Quelques temps après - Vicomté des Cars]

Il était sur la route toute la Sainte Journée, Il a croisé des loutres, et des gens armées... Il était sur la route toute la Sainte Journée, S'il seulement il avait pu lire, dans leurs pensées.(*)
Pauvre Jean qui voyageait seul à dos d'âne et qui pour se rassurer et surtout ne pas penser à des choses fâcheuses chantonnait et sifflotait les paroles de cette chanson qu'il venait d'inventer. Pour ralier Limoges et les Cars au plus vite, il avait emprunté des chemins inconnus et peu surs, mais Elric lui avait bien dit que tout ceci était très important, aussi avait-il lui-même remis les lettres en mains propres aux intéressés. Heureusement, à présent, il était sur les terres de la Vicomté, et cela faisait déjà deux fois qu'il croisait un groupe de garde en patrouille à la vesture aux couleurs des Cars et qui comme tout bon service de sécurité lui avaient demandé son identité. C'était sans doute un endroit sur et protéger. Peut-être aurait-il du installer un Relais ici aussi, pour les quelques hameaux dépendant de la Vicomté. C'était à réfléchir.

La Demeure imposante était enfin en vue, la démarche chaloupé du pauvre âne était une torture pour le bassin et le fessier du postier. Aussi accueilli-t-il cette apparition avec enthousiasme. Enfin, pied à terre, il pourrait poser. Encore un poste de garde à franchir et le voilà bientôt à l'entrée du Château. La façade était magnifique et c'est d'un regard curieux qu'il la détaillait. Curieux mais point Envieux. Jean n'était pas riche. Pourtant Jean préférait sa vie simple au faste et rang de la noblesse. Il n'avait de compte à rendre à personne sauf à lui, au receveur de Taille, des aides et des banalités. (**). Oui ceux-là fallait toujours les payer. Bref. Doucement il s'approcha et toqua à la Porte. Quelques minutes passèrent, c'est que ça devait être drôlement grand là-dedans quand enfin on lui ouvrit et quelle ne fut pas sa surprise en constatant qu'il s'agissait d'Elric.


- Bouarf ! Bien l'b'jour M'sieur. J'rapporte la réponse qu'vous m'aviez d'mandé. J'ai fait aussi vite qu'j'ai pu, j'vous ai pas pris d'supplément.


Citation:
A Sindanarie Carsenac, Vicomtesse des Cars,
De Sofja Jagellon, Vicomtesse de Bellegarde-en-Marche,

Respectueuses salutations.

Je suis heureuse de recevoir cette missive de vostre part. Je n'attendais qu'une chose, qu'ils vous mettent au courant afin que l'on puisse en parler. J'ai moi mesme parlé avec mon frère et vostre protégée qui m'ont effectivement exposé leurs sentiments et leur projet de mariage. Cela fut une surprise par la rapidité de ces évènements mais leur amour a l'air des plus sincères.

Ils ont, de ce fait, entièrement ma bénédiction, comment pouvons-nous aller à l'encontre de leur sentiment ? L'amour est si fort... Rien ne m'a empêché à m'unir à l'homme que j'aime, alors j'imagine que cela sera le cas pour eux mesme. Afin de vous rassurer, mon frère sera lui mesme anobli, les démarches sont en cours auprès de Marche.

En tous cas, sachez que cela sera un honneur pour moi mesme de savoir ma famille unit à la vostre. Pour ce qui concerne les fiançailles cela est effectivement une urgence afin d'officialiser cette union aux yeux de tous et que nos deux familles puissent se rencontrer.
J'accepte volontiers que cela se passe au Vicomté des Cars. Si vous avez besoin de quoique ce soit, n'hésitez pas à me le demander. Nous nous chargeons de nostre côté de la bague.

Amicalement,






Jean remis le plis scellé à Elric l'intendant des Cars. Mais avant que celui-ci ne tourne les talons, il se rappela du chemin à l'aller et osa enfin demander, les joues se colorant un peu. Il ne voulait pas que l'Intendant se sente obligé de lui rendre ce service sous prétexte qu'il n'avait pas facturé la course.

- Dites ! J'peux juste vous d'mander un godet d'eau et un peu d'eau pour mon âne ?

Jean désigna le pauvre animal essoufflé, qui se trouvait juste un peu en retrait, d'un geste large de la main.

- Oh oh ! vous inquiètez pas hein ? j'va pas rester très longtemps. J'aim'rai rentré 'vant l'nuit. En route z'avons croisé d'drôle rassemblement, des gars à l'mine revèche et armé jusque z'aux dents. 'fin pour ceux que z'en avaient ... des dents ! Et au relais on n'cesse de m'dire qu'y-a d'plus en plus de vole et d'rapine sur les ch'mins et parfois pour trois fois rien... J'crois biens qu'c'est pas encourageant. 'fin bref j'veux pas trop trainer quoi.


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(*) Paroles modifiées de Gérald de Palmas J'étais sur la Route.
(**) Impôts au Moyen-age.
taille : sert à payer la protection du seigneur.
aides : taxes sur le transport des marchandises
banalités : droit à payer pour utiliser le moulin, le pressoir et le four à pain, à usage commun, que le seigneur a fait construire et que lui seul a les moyens d'entretenir.
Elric_lesang
Pour que quelqu'un arrive sans encombre aux portes de la demeure vicomtale des Cars, ce ne pouvait qu'être quelqu'un d'a priori bien. C'était pour cela qu'Elric se chargeait lui-même d'ouvrir, quand il était dans le coin et pas occupé à vaquer aux quatre coins du domaine. En l'occurrence, il l'était, et quand on frappa à la porte, il l'ouvrit pour tomber nez à nez avec le transporteur de courrier qu'il avait commissionné quelque temps auparavant :

'Jour, Jean. J'te remercie, c'est du rapide. Entre, entre. Et j'm'appelle toujours Elric, hein, j'suis pas un monsieur.

Et, après avoir passé le nez dehors pour lancer un retentissant "Jacquet, tu t'occupes de l'âne, tu le fais boire, tu l'nourris et tu l'bouchonnes !", l'intendant invita le coursier à entrer. Direction ? Les cuisines, bien sûr. L'eau, c'était bien, mais c'était bourré de trucs pas franchement aristotéliciens. Et comme le vieil homme n'envisageait pas que des cas de choléra se déclarent dans le domaine dont il avait la charge, il veillait scrupuleusement à ce que l'eau ne soit pas bue pure mais toujours coupée de vin. Le plus difficile était d'entretenir cette habitude jusque dans les foyers les moins riches, bien sûr, mais à force de persévérance, il était persuadé qu'il y arriverait.

Bref. Avec Jean, il n'était pas question de persévérance : le généreux coursier avait été attrapé par une épaule, de toute façon, en parallèle de l'invitation plus civile qui avait passé les lèvres d'Elric, et entrainé dans le ventre de la demeure vers le formidable lieu de toutes les espérances et de toutes les promesses : la cuisine. L'intendant avait obtenu que vienne aux Cars, où résidait majoritairement Sindanarie quand elle n'était pas en vadrouille entre Guéret, Limoges et autres destinations plus ou moins en conflit et dangereuses, la cuisinière de Viam, qu'il avait remarquée pour son habileté à confectionner ragoûts et viandes en sauce goûtus. Ceux-ci n'étaient pas pour autant le quotidien de la demeure, mais le jour où Jean arrivait pouvait devenir jour faste. Si par hasard les nouvelles contenues dans la lettre étaient bonnes, outre l'arrivée récente d'Harchi, le dîner serait faste aux Cars, et pas qu'au sein de la demeure vicomtale.

Une fois le clin d'oeil à Gersinde, la plantureuse cuisinière, envoyé comme il se devait, Elric indiqua le banc de bois brut disposé le long d'une table du même, déjà en partie couvert par des fanes de légumes et une petite marmite posée, face à l'âtre. Il agita le pli qu'il avait toujours en main, depuis que Jean le lui avait remis, et annonça, guilleret comme un pinson :


J'te laisse un instant, j'vais donner la lettre à la Vicomtesse et j'te rejoins. Gersinde, tu m'le gâtes, il a fait une longue route. Du pain, un peu de c'que tu cuis, un verre de bon vin et un beau sourire !

Car, à défaut de se faire payer une rallonge, il ne serait pas dit que le coursier serait perdant, foi d'Elric ! Sur un clin d'oeil amical à Jean, il fila dans les couloirs, jusqu'à trouver sa petiote. L'expression de joie qui se peignit sur ses traits à la lecture et ses yeux embuées lui apprirent aussitôt que les nouvelles étaient bonnes. Ce qu'il se passa dans le bureau de la Vicomtesse ensuite n'appartint qu'à un vieil homme voyant la bâtarde qu'il avait élevée comme sa fille et à une Carsenac partie de plus bas que terre, en un simple moment de bonheur partagé sobrement, comme un père en partage avec son enfant. Après un crochet pour indiquer à Mahelya, comme il l'appelait affectueusement, que Sindanarie devait lui parler au plus tôt dans son bureau, il fila dare-dare vers la cuisine, où il retrouva un Jean attablé et l'air à son aise. Avec un sourire joyeux, Elric prit place à côté de lui, se servant un godet du vin contenu dans la cruche apprêtée par Gersinde, et reprit comme s'il n'était jamais parti :

Tu m'disais quoi sur les routes, déjà ? T'as vu des gens qu'avaient pas l'air nets ?
Sindanarie
[Pendant qu'un intendant ripaille avec l'hôte coursier...]

Elle avait commencé à couvrir un nouveau feuillet de son écriture serrée dès qu'Elric s'en était retourné auprès du courrier qui l'attendait en cuisine. Les bonnes nouvelles n'attendaient pas, il ne fallait pas les laisser se reposer, au contraire : il fallait les entretenir, les travailler, les parachever. Faire mieux encore. A présent que l'accord formel était obtenu, il restait à fixer les détails, et c'était ce à quoi s'employait la Vicomtesse quand sa protégée passa le seuil de son bureau. D’un bond elle fut debout, en deux pas elle l’étreignait, de joie, et soufflait :

Marie... Vous serez à Ilia.

Et le Lys tendit à son Etincelle la lettre décachetée qu'elle venait de recevoir. Elle en profita d'ailleurs pour la serrer de nouveau contre elle et poser un baiser sur son front, heureuse et émue par procuration. Sur quoi, elle retourna prendre place à son bureau, gorge nouée et doigts déjà tachés d’encre, afin d'achever la lettre qu'elle avait commencé, rajoutant une phrase entre les salutations et le vif du sujet. La flamme de la lampe à huile qui l'éclairait servit finalement à ramollir le bâton de cire avant qu'il ne se retrouve écrasé sur le feuillet plié. A son tour, la matrice de scel vint s'écraser sur la cire de gueules, imprimant la marque de la Vicomtesse. Quand la missive serait dépliée, sa destinataire pourrait lire :

Citation:
A Sofja Jagellon, Vicomtesse de Bellegarde-en-Marche,
De Sindanarie Carsenac, Vicomtesse des Cars,

Respectueuses salutations.
    Votre réponse me comble, Vicomtesse, presque autant qu'elle a comblé Marie-Amelya. Je crois ne l'avoir jamais connue si heureuse.

    Ce sera un honneur et un plaisir de vous recevoir. Je demanderai à un ecclésiastique de se joindre au repas afin d'entendre les premiers voeux qu'échangeront votre frère et ma nièce et, éventuellement, de s'entretenir avec eux des formalités concernant leurs épousailles. Peut-être pourrions-nous également convier Marche, afin de procéder à leurs anoblissements par la même occasion ? Cela rendrait ce jour doublement heureux...

    Je pense, par ailleurs, que nous ne devons pas être seuls à profiter de ce bonheur. Il va de soi que votre maison entière, ceux qui vous sont proches et ceux qui vous sont chers seront les bienvenus aux Cars afin de célébrer cette promesse d'union, de même que ma famille et nos proches seront conviés.

    Quant à fixer une date... Que diriez-vous du premier jour d'août ? Cela nous laisserait le temps de tout organiser convenablement, en marge de la gestion ô combien délicate de nos domaines respectifs, de nos villes ainsi que du Comté.

    En vous remerciant encore de consentir à cet heureux hyménée,

    Puisse le Très-Haut vous garder, vous ainsi que les vôtres.

S.C.


D’un nouveau bond, la Vicomtesse se remettait sur ses pieds quand elle lança à sa filleule, qui avait été rejointe par Harchi, qui bénéficia à son tour d’un large sourire :

Si vous voulez bien m'excuser, je dois donner ceci au coursier. J'espère qu'il n'est pas encore reparti pour Limoges...

Et la Carsenac dévala l'escalier à vis qui permettait d'accéder à son bureau, traversa les couloirs aussi vite qu'elle le put, à la limite de courir, jusqu'aux cuisines. Et elle retint un soupir de soulagement en voyant Elric attablé avec un autre homme, sans doute celui qui avait transporté les courriers échangés par les Vicomtesses. S'approchant d'eux plus sereinement, elle le salua et lui dit :

Maistre, le bonjour. Navrée de vous interrompre dans votre repas, mais j'aurai une course supplémentaire à vous faire faire, quand vous repartirez. Voici un pli à faire parvenir à la Vicomtesse de Bellegarde-en-Marche.

Comme elle s'y attendait, voyant le pli, Elric avait tiré la monnaie nécessaire de la bourse qu'il tenait toujours attachée à sa ceinture, et la poussait déjà vers Jean. Sans doute y avait-il plus que nécessaire, en guise de remerciement pour la joie qu'il avait apportée jusqu'aux Cars.
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Un_vendeur
[Jean Voipluvitekemonombre - Gérant du Relais courriers]

- Ah oui oui oui ! j'vous l'dis bien Elric. J'ai croisé des drôles sur les ch'mins. Avec Epées, bâtons, boucliers et j'crois bien même avoir vu des hâches. Bon j'me suis pas arrêté pour leur faire l'acausette hein ? Autant dire qu'le bourricot et moi on n'a pas fait d'vieux os dans l'coin. J'espère qu'ils n'font qu'passer. Bien qu'j'en doute, z'avaient l'air bien établis d'puis qu'ques jours, ça sentait la bidoche en décomposition. Tsss Mêm pas foutu d'nettoyer correctement leur camps d'fortune. Comment voulez-vous qu'ils passent inaperçus ?

Jean se saisit soudain de son godet et avala une bonne gorgée de son contenu. C'est qu'à trop parler il faisait soif. le vin était agréable au palais bien que le postier ne disposait certainement pas du goût sensible d'un connaisseur. Bientôt deux assiettes aux odeurs enivrantes furent posées sur la table de bois brut à laquelle était attablé le postier. Depuis quand n'avait-il pas prit un vrai repas, en sauce et avec graisses ? C'est que vivant seul et vieux garçon, il ne savait cuisiner le Jean. De temps à autre il s'offrait parfois un bon repas dans une taverne de Limoges, Il en profitait même pour faire de œillades à la Tavernière, passant ainsi un agréable moment qui lui permettait d'oublier un peu sa solitude et la compagnie des Pigeons. Non parce qu'un pigeon c'est mignon hein ? mais c'est pas très causant. La en ce jour, en la cuisine du domaine des Cars, c'était un peu comme le matin de la Saint Noël. Une appétissante cuisinière lui servait en souriant des plats tout aussi alléchants. S'il n'y avait pas eu Elric, sans doute se serait-il risquer à effectuer quelques regards peu aristotéliciens sur la silhouette généreuse de Gersinde. Au lieu de cela il préféra rapporter son attention sur l'Intendant du domaine tout en piquant sa viande en sauce de la pointe de son couteau afin de gouter enfin le ragoût.

- Non parce que j'vois pas bien comment, ils peuvent penser que l'odeur de charogne les aide à s'dissimuler ! C'est un peu comme si on d'mandais à Aldo, d'faire un mission d'espionnage. En rose, pour sur il serait vite repéré...
Dites le vin est bien bon et le plat également j'suis bien gâté, et j'vous en r'mercie. Avez-vous d'autres courses à m'confier ?


A peine avait-il eu le temps de finir sa phrase qu'une Vicomtesse apparaissait dans la cuisine. Le rose teintait ses joues, comme si elle avait couru la petite. Aussitôt, le postier se leva, il n'était ni noble ni bourgeois mais il savait qu'en présence des "sent-bon" on devait se tenir bien et il se souvenait aussi d'une histoire d'inclinaison, quelques chose qui s'il se rappelait correctement de sa leçon, disait : inclines-toi toujours plus bas que la tête courronnée. Aussi plia-t-il immédiatement les genoux en signe de salut. Puis il écouta ensuite avec attention la Carsenac.

- Pour sur M'dame ! j's'rai ravi d'm'en occuper. J'f'rai au plus vite !

Puis avisant le geste d'Elric qui sortait déjà quelques écus pour la course. Jean agita en signe de refus sa main devant l'intendant.

- Non non pas b'soin d'ça ! vous v'nez déjà d'me nourrir. J'f'rai la course pour rien . Laissez-moi juste honorer l'travail d'votre cuisinière en finissant mon assiette ! Ajouta-t-il dans un grand éclat de rire.

La fin du repas arriva bien vite finalement. La Vicomtesse étant retournée à ses occupations, Elric et Jean étaient restés seuls ou presque dans les cuisines, parlementant encore sur les personnes croisées au détours des chemins. Gersinde avait tenté plusieurs fois de remplir à nouveau l'assiette du postier, mais il fallait bien avouer qu'au bout de la quatrième, il devenait de plus en plus dur pour lui de mastiquer heureusement le vin aidait parfaitement à faire glisser.
Puis après un énième verre de vin,, le postier reprit la route en direction de son relais. Pour le retour, il emprunta les routes sécurisées, c'était plus long mais sur au moins. Aussi arriva-t-il à la nuit tombée dans son bureau.
Mahelya
[Pendant qu'une Vicomtesse confie un courrier ... Une jeune fille discute avec son Ombre.]

La Vicomtesse venait à peine de quitter son bureau, que la Rouquine s'effondra sur un fauteuil. La joie qu'elle ressentait à présent était si intense et si grande qu'elle la faisait tourner de l’œil. Les yeux à demi-clos et le cœur palpitant à tout rompre, elle remarqua pourtant la silhouette silencieuse d'Harchi se déplacer jusqu'à elle et s'accroupir doucement devant le siège que la Rouquine avait choisi. Comme à son habitude le viel homme ne brisa pas le silence, il attendait que ce soit Elle qui le fasse. L’Étincelle s'accorda encore quelques instants pour se calmer et refouler cette joie infinie qui risquait fort de la tuer si l'affolement de son palpitant ne s'amoindrissait pas immédiatement. Tout une déferlante de pensées se bousculait dans son Esprit. La Lettre de la Vicomtesse de Bellegarde-en-Marche et la réponse de sa Tante, faisait naître l'espoir. Il était de nouveau permis à la Flammèche de rêver. Tout ce qu'elle avait imaginé, espéré, désiré auprès d'Ilia devenait de l'ordre du possible et dans sa tête défilaient les images fabriquées de cette future vie à deux. Indépendamment de sa volonté, une larme roula sur la joue au teint de perle. Une larme de bonheur. Une larmes de victoire. Une larmes de reconnaissance. Leur amour avait semble-t-il triomphé sous le regard bienveillant d'une Tante qui avait recueilli un jour, une petit Rouquine qui une fois de plus se sentait abandonnée.

*Te souviens-tu mon Lys, tu avais dis que tu veillerais sur moi. Ta Parole est d'or Fleur ! Car à ce que tu dis, tu te tiens.* Un long soupire traversa les lèvres purpurines du visage aux tâches de rousseurs. Façon pour l’Incandescente de forcer son cœur à s'apaiser. La perle d'eau salée glissait toujours lentement sur la peau de lait quand soudain une main bourrue mais pourtant douce vint à l'effacer. Harchi ne supportait de la voir pleurer encore moins quand il en ignorait la raison. Ce geste Sortit Mahelya de ses pensée. Doucement une fine main blanche vint se poser sur son homologue marquée par le temps, tandis que les prunelles émeraudes s'ouvrait pour contempler deux Opales bien curieuses qui se firent brutalement fuyante. Un fin sourire étira le visage de la jeune fille alors qu'elle tapotait avec douceur le dos de la main du Vieux Valet. Toujours cette discrétion qui le caractérisait tant et qu'elle appréciait grandement.
N'aie crainte mon Ombre, je vais parfaitement bien et ta curiosité n'est pas déplacée, Laisses-moi donc t'expliquer.
Doucement elle se racla la gorge avant d'entamer la conversation.


- Sais-Tu Mea Custos Angelus (*), que tu m'as manqué ? Que je ne veux plus jamais que tu sois loin de moi ?

Ce n'était pas vraiment une question, ni même un ordre et le Valet l'avait parfaitement compris puisqu'il ne chercha même pas à répondre. Les deux pairs d'yeux étaient scellées l'une à l'autre entrainant ce silence dont eux-seul comprenaient le sens. Un silence que seuls Rouquine et un Valet arrivaient à traduire pour le transformer en bien plus que des mots. Cette complicité qui les liait et qui était incompréhensible pour quiconque n'était pas le bienvenu dans leurs secrets. Le même genre de relation entre Sindanarie et Elric, un langage et une affection informulés qui pourtant est parfaitement lisible pour les deux initiés.
La petite Étincelle avait laissé sa main sur celle d'Harchi, un des rares contacts qu'ils avaient échangés. Elle le fixait intensément, de ses émeraudes transpirait tout ce qu'elle voulait qu'il comprenne sans le formuler. *Vois Harchi ! Nous ne pouvons nous séparer. J'ai été si malheureuse sans toi ! Tu m'as tellement manqué ! Que fait une Étincelle sans l'air qui lui donnes vie ? Elle se meurt. Comment aurai-je fait si tu n'étais pas revenu ? Ne m'abandonne plus jamais ! Toi tu n'as pas le droit !* Les larmes étaient contenues avec difficultés que ce soit dans les yeux de la Jeune Fille ou du Vieux Valet. Mais la souffrance qu'ils avaient tout deux endurer pendant cette séparation s'imposait violemment à eux.

Le silence demeura encore ainsi quelques instants. Puis finalement, la Flammèche le rompit.


- Harchi ... Tant de choses ont changé ... Je suis Promise à un homme désormais.

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(*) Mon Ange Gardien en latin
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