Harchi
- "J'ai vécu comme une ombre Et pourtant j'ai su chanter le soleil."
(de Paul Eluard Extrait du Poésie et vérité.)
L'ombre glissait silencieusement dans les couloirs du Château des Cars, accrochée inéluctablement à silhouette frêle de lÉtincelle, lorsqu'Elric vint la mander parce que la Vicomtesse Sindanarie souhaitait s'entretenir avec elle. Depuis qu'il avait chevaucher des jours durant afin de retrouver sa Filia (*), il ne la quittait plus, ayant même demandé à la Maîtresse des lieux, la possibilité d'occuper une chambre près de la sienne afin de la veiller. Sa fidèle lame ne le quittait plus pas même dans la Vicomté. On pouvait bien lui expliquer que le domaine était sécurisé, cela n'avait rien à voir ! C'était Elle qu'il défendait ! C'était Elle qu'il suivait ! C'était pour Elle ! Il l'avait retrouvé son Tout celle qui lui manquait.
* Ma Filia, Ma Lumière, Mon Étincelle brille et jamais ne ternie ! *
Lentement revint à sa mémoire les souvenirs du jour de son arrivée sur le domaine de la Fleur immaculée. Apparemment la Rouquine ne s'attendait pas du tout à le voir. Il est vrai qu'il avait préféré ne pas répondre au courrier que le postier lui avait fait parvenir. Pourtant à peine était-il arrivé qu'elle se précipitait déjà dans les escaliers à sa rencontre. Pas d'effusion de sentiment, pas de larmes, pas de mièvreries... Non, ils n'en avaient pas besoin, ils possédaient déjà bien plus que de l'affection : Le secret de l'amour inconditionnel et irrationnel, celui de l'évidence et du naturel, semblable à celui qu'un Père éprouve pour sa Fille. Ce jour là, elle s'était arrêté devant lui, à quelques pas, assez pour le voir parfaitement mais pas assez pour l'effleurer. La rencontre s'était déroulée comme à l'accoutumée en silence, leurs yeux parlant avec bien plus de sincérité que n'importe quel mot choisi et employé. Durant cet instant, ou même le temps semblait s'être suspendu pour ne point les déranger, Il avait alors pu constaté à quel point elle avait grandi et déjà dans son cur se faisait ressentir les premiers élans de culpabilité. Pourquoi l'avait-il laissé partir seule ? Pourquoi ne l'avait-il pas accompagné ?
* Ma filia, sais-tu que je deviens fou sans toi ? Qu'une voix torture mon esprit quand elle n'est pas couverte par la tienne. Parles moi Filia Solis (**) ! Et chasses donc mes démons. *
Était-ce pour cela qu'il l'avait laissée, lâchement ? Sans doute. Un vieux Soldat au lourd passé ne pouvait admettre que l'on connaisse ses faiblesses. Et la Rousse à ce jeu là était d'une perspicacité affolante.
Enfin ils étaient arrivés au Bureau de la Carsenac, pas le temps de comprendre quoi que ce soit que la Vicomtesse partait à toute vitesse et que sa Rouquine s'affalait dans un fauteuil. Pas un mot ... Pas un son ... Pas un bruit ... Si le Silence devait être rompu se serait par Elle. Le scintillement d'une larme attira le regard opalescent du Vieil homme, doucement il vint de sa main faire disparaitre celle-ci. Qu'avait-elle ? Que se passait-il ? Était-ce de la joie ? De la Tristesse ? Et comme si elle lisait dans ses pensées, enfin, la voix cristalline raisonna, tandis qu'une toute petite main blanche venait se poser sur la sienne usée. Ce geste était tellement exceptionnel qu'il fallait le noter..
- Vous aussi Filia ...Vous aussi ...
Pas plus, pas moins, juste ce qu'il fallait pour répondre à ses mots. Tandis que la fine peau blanche caressait sa propres paluche. De nouveau leur regards s'accrochèrent dans un de ses instants privilégiés où les mots n'étaient que superflu. Émeraude versus Opale. Jeunesse versus Sagesse et pourtant un seul et même langage informulé. * Oh Filia je m'en veut tellement de vous avoir abandonner. Vous avez raison nous ne pouvons nous séparer ! Le malheur s'est également abattu sur moi me laissant sombrer dans la Folie ! Filia Filia ! Que peut faire une ombre sans lumière ? Hormis rester dans le noir où elle n'a de fait aucune existence ? Pardonnez-moi Filia ! Plus jamais je ne laisserai ma lâcheté nous séparer ! * Le cur fatigué du vieux Soldat se serra plus encore. C'était difficile mais c'était nécessaire. Il resta ainsi encore un petit moment accroupi devant elle, avant qu'enfin elle ne brise le silence de nouveau.
- Un promis dites vous ?... Je ... hum ... C'est vrai que vous êtes une jeune femme à présent ... et euh ... Enfin ... Filia que vous êtes grande désormais ... Mais ... Une question ... Vous l'avez-vous désiré ce Promis ? ...
* Et une autre que je tairait ! Que deviendrais-je si vous vous mariez ? * Aussi incompréhensible que ce soit, le désespoir gagna doucement le cur du pauvre Harchi. Avait-il retrouvé sa Filia, pour la perdre de nouveau ? Le problème du désespoir c'est qu'il s'invitait rarement seul. Et déjà la voix de la déraison raisonnait un peu plus forte dans l'esprit fatigué : * Écoute ma voix Idiot ! Elle n'en a rien à faire de toi ! Elle ne t'a fait venir que pour te faire souffrir plus encore ! Tu n'es rien pour elle, hormis un tas de viande qui obéit à chacun de ses claquements de doigts. Vois déchet tu étais ! déchet tu resteras ! Qu'est-ce que cela te fais de n'avoir pu agir ce soir là ? *
Sur le fil, tout faux mouvement le perdrait définitivement. *Sauvez mon âme Filia, voyez le démon qui la ronge.*
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(*) Fille en Latin
(**) Fille du soleil en Latin