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[RP ouvert] Les Cars - Terres, famille et tout le reste

Mahelya
L’Étincelle observait son tonton adoptif, Héraut du Limousin et de la Marche, puis sa Cousine Sindanarie. L'instant était irréel, presque figé dans le temps. Ses prunelles se délectaient de la scène afin d'en graver dans sa mémoire tous les détails, les petits rien qui faisait de grand tout : les assiettes vides des convives, les regard posés sur elle, le silence de la salle. C'était son instant à elle, offert par son Lys, cette femme qu'elle avait admiré et respecté bien avant d'apprendre qu'elles partageaient le même sang dans leurs veines. L’explication demandé était superflu, aussi gracieusement, paré de sa robe orcre, la frêle silhouette se mouva afin de se placer devant sa futur suzeraine. Un sourire radieux fleurit sur le minois aux tâches de rousseur alors qu'elle tourna la tête en direction du jeune Malemort.

- Arnaut, ne vous en faites pas, je pense que l'explication est superflue.


Et sans attendre plus encore, parfaitement face à la brune aux yeux vert, les mêmes que les siens, la Flammèche ploya genou à terre. Tous pouvaient constater la dévotion qui brillait dans ses yeux. Émue, quelques larmes apparaissaient au coin de ses yeux scellés sur le visage de l'Immaculée. Et la voix chevrotante raisonna enfin. L'émotion était à son comble et la sincérité transperçait chaque paroles prononcées.


- Ma Cousine - qu'il me plait de vous nommer ainsi - le même sang coule dans nos veines. Ce sang robuste et bouillant qui a fait de nous ce que nous sommes aujourd'hui. Le destin nous a permis de nous retrouver. Et les épreuves que nous avons vécues toutes deux nous ont rapprochées. Je sais que je peux compter sur vous en toute circonstance et vous pourrez compter pleinement sur moi en retour. C'est un immense honneur que vous me faite, de me choisir pour vassale, mais ce n'est qu'une confirmation de ce qui nous lie déjà. Ma dévotion vous est toute acquise j'espère que vous le savez.


Un instant de silence, le regard ne vacille pas, mais le souffle est repris doucement, avec concentration.

- Ma Cousine, Mon Lys, Sindanarie, d'Elicahre-Carsenac, je vous jure ce jour obsequium, auxilium et consilium. Et tout ceux qui nous sont chers sont ici présents pour en témoigner sous le regard bienveillant du Trés-Haut, qui nous a permis de nous retrouver.
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Sindanarie
Un sourire se peint sur le visage de la Carsenac. Il se répercute même jusqu'au fond des prunelles dardant un regard sinople sur une rousselotte hardie, qui n'attend pas de réponse de son oncle par alliance-adoption spirituelle pour se lancer. Comment avait dit, il y avait des années déjà celle qui était alors Dauphiné ? Un serment qui unissait aussi fermement que le mariage ? Quelque chose comme cela... Et elle, jeune Mahelya, s'y lançait à corps perdu, avec un enthousiasme et une fraicheur typiques de ce que Sindanarie aimait chez sa filleule. Il ne lui restait plus qu'à la recevoir pour ce qu'elle allait devenir...

Dans la tradition, on se tient les mains pour prêter serment. Dans la tradition, on est sans armes, sans haine, prêt à dire simplement "oui". Oui, je veux te prendre pour vassale. Oui, je veux te donner la succession de celle que tu aimes comme ta propre mère à la tête des terres que je lui avais confiées et auxquelles elle a renoncé pour toi. Alors la Vicomtesse saisit-elle des deux mains, rendues râpeuses par la vie de combats et de chemins de la Carsenac, celles de la jeune fille, après en avoir essuyé ses joues. Et elle la relève. Elle lui rendra son serment debout, en confiance.

Un instant. Elle prend juste un instant pour la regarder, souriante, et pour la revoir noyée sous ce capuchon, au milieu de la nécropole ruinée où elles avaient fixé leur première rencontre, pour éviter que l'on ne jase sur une volonté de renouveler - déjà - la politique comtale. De redonner un souffle à ce Limousin qu'elles aimaient toutes les deux... Plus d'une demi-année plus tard, elles y arrivaient. Tout n'était qu'une question de temps, et ce renouveau qu'elles avaient appelé de leur rêves et de leurs voeux viendrait. Sindanarie en était alors persuadée, ce jour-là elle est convaincue. Tout est en marche... Alors elle répond, simplement, heureuse :


Mon Etincelle, ma cousine, Marie-Amelya d'Elicahre-Kierkegaard, je reçois votre serment et l'accepte de grand coeur, pour ce que je veux vous prendre pour vassale. En retour, je vous promets donc justice, protection et subsistance sur les terres de Saint-Julien-le-Vendonais, dépendant de la Vicomté des Cars. Ce ne seront pas de vains mots. Ce ne seront pas des coquilles vides. Vous êtes mon sang et, désormais, ma protégée devant le Très-Haut comme devant les hommes. Qu'une main se lève contre vous, et je la trancherai. Qu'une langue médise de vous, et je la couperai.

Un sourire et la douceur du ton contrastent sans aucun doute avec le discours tenu et la conviction qui pourtant transparait. Vient le moment curieux entre tous, celui où le serment est scellé... Par contact. La dextre de la brune lâche la senestre de la rousse, se lève... Et s'écrase sur la blanche joue. Un peu raide, certes, comme moyen de sceller un échange de voeux, mais tout aussi franc que les relations que les deux ont toujours entretenues. La jeune et la vieille, le Lys et l'Etincelle. Et une exclamation fuse :

Que ce soit la dernière !

Tradition amenée du Lyonnais-Dauphiné, là-bas expérimentée de la main de son suzerain. Sans transition arrive l'accolade, plus chaleureuse, qui complète cette acceptation par le geste, pour ainsi dire, du serment mutuel. Si tout va bien, elles sont désormais l'une pour l'autre ce qu'elles voulaient être. Et, dans sa mémoire, Sindanarie grave cet instant, cette cousine retrouvée serrée contre elle comme un oisillon fragile, à garder de tout danger. Car telle est désormais sa responsabilité. Puis la Vicomtesse la relâche, gardant simplement une main posée sur son épaule en un mélange d'affection et de protection, et, reprenant son rôle d'hôtesse, se tourne vers le Héraut pour un simple :

Entérinez-vous cet échange, Marche, et puis-je désormais considérer Marie comme ma vassale ? Ou aurions-nous omis quelque point ?
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Sindanarie
La fête était achevée depuis bien longtemps, le temps de la légèreté révolu. Bien de l'eau avait coulé sous le petit pont qui enjambait l'Arthonnet depuis la fête d'août aux Cars, dans la chaleur du bois regorgeant de châtaigniers. L'hiver était même venu...

        ["There's a new world approaching, a fire to be seen..."*]


Justement, la chaleur que la Carsenac ressentit dans sa chambre en cette sombre nuit de la toute fin de février 1461 était tout sauf normale et habituelle. Ordinairement, il y faisait froid à cette saison, et les tentures entourant le lit suffisaient à peine à maintenir une atmosphère propice au sommeil. Car, si par souci d'économie et de bien-être pour ceux qui s'occupaient de la demeure Sindanarie préférait ne pas faire entretenir un feu tout au long de la nuit dans ses appartements, elle tenait tout de même à bénéficier, tant qu'elle était chez elle, d'un minimum de confort. Pour le coup, confortable, ça ne l'était pas du tout, cela rappelait la touffeur de l'été, et...

Ca piquait la gorge.

Ce n'est qu'alors qu'elle entendit, dans la cour en contrebas, des cris. D'abord étouffés par les tentures, ils se firent bien plus nets quand la Carsenac bondit, encore embrumée des vapeurs du sommeil, hors de leur protectrice enceinte. Et la situation la frappa de plein fouet, de concert avec les mots qu'elle distingua. "Au feu !"

Il fallait sortir de là, éviter de prendre le risque de se trouver piégée dans cette chambre sans lumière ni fenêtre plus large qu'une archère. Sur le coffre au pied du lit, une paire de braies fut rapidement passée. Au diable le protocole, pour le haut la chemise de nuit suffirait bien ! Ainsi vêtue à la diable, elle dégringola l'escalier en vis défensive qui descendait de ses appartements au rez-de-cour de la demeure, pour déboucher dans la cour.

La première chose qu'elle vit fut l'anormale lueur orangée qui colorait les tours et l'enceinte. Se retournant brusquement, elle fut saisie par la terrible vision du feu ravageant une partie de la toiture du logis vicomtal. Autour d'elle, on s'activait déjà. On puisait l'eau, on l'acheminait, bref, on s'employait à endiguer le désastre. Deux voix dominaient. Celles d'Elric, dont la pogne rassurante vint se poser un bref instant sur l'épaule de la Carsenac, et de Théobald, toujours surnommé par discrétion Harchi en public, qui fit signe à sa nièce de le suivre. Et commença le sauvetage de la toiture...

La nuit fut longue. Epuisante. Aux côtés de Gersinde, d'Elric, de Théobald, de chacun de ceux qui vivaient dans l'enceinte du château, Sindanarie se battit contre les flammes. Et, quand le matin arriva, la fumée grise qui s'appesantissait sur la cour donnait à l'aube des allures de fin du monde.

La majeure partie de la toiture était partie en fumée. Une partie des murs du second étage s'était éboulée, endommageant la façade du logis en de longues griffures qui le défiguraient. Les dernières marches de l'escalier avaient éclaté sous l'effet de la chaleur. Le mortier avait pris une inquiétante teinte grisâtre. Parcourant la demeure ravagée dans son étage supérieur, Sindanarie avançait comme un fantôme, dans le silence parfait qui avait fait suite à l'agitation de la nuit.

Elle n'en conservait que des souvenirs vagues, comme après une bataille. Comme sous les remparts de Tours, elle n'avait plus de souvenir, déjà, que de l'odeur du bois réduit en cendres, de l'apparence finale de cette charpente dont ne restaient que quelques madriers se dressant hors des décombres comme des côtes d'une cage thoracique, de la panique, des seaux d'eau transportés, des cris, de ces deux hommes qui faisaient partie de sa vie et qui risquaient la leur pour sa maison...

Du vide.

Voilà ce qu'il restait. Du vide, et une reconstruction à entamer. Mais pour l'heure, seul le sommeil reprit la Carsenac. Lutter contre elle-même quand il s'agissait de guerre, de politique, d'abattement, elle savait faire et n'avait besoin que d'un peu de temps, ce qui était la raison première de sa retraite aux Cars peu après les élections. Mais là... Il s'était agi de lutter contre la nature, contre l'élément dévorant du feu. Et c'était autrement plus épuisant.


        [Quelques jours plus tard... Renaître de ses cendres.]


Au sommeil avait succédé l'abattement. Et cela, c'était une bonne chose, car s'il était une chose que la Carsenac haïssait par-dessus tout, c'était bien s'apitoyer sur son propre sort. Point ne fut donc besoin de la pousser à sortir de la torpeur où l'avait plongée, le premier jour, l'incendie. Il fallait tout organiser, tout évaluer, tout remettre en ordre. Et ce serait fait ! Des nouvelles lui parvenaient régulièrement du Conseil comtal, elle n'avait guère d'inquiétude, tout semblait progresser avec la même langueur que sous le mandat précédent : elle pouvait bien prendre quelques jours pour mettre ses affaires en ordre.

La première mesure prise fut d'envoyer Gersinde à Viam. La malheureuse errait comme une âme en peine dans la cour, fixant d'un oeil hagard les éboulis du second étage. Peut-être croyait-elle être fautive d'avoir laissé quelque étincelle voleter de la cheminée des cuisines jusqu'aux toits... Toujours était-il que la Carsenac crut bon de l'éloigner quelque temps du domaine, le temps qu'elle se reprenne. La compagnie d'Alice, à qui fut adressé un mot laconique relatant les faits et annonçant l'arrivée de la cuisinière des Cars, serait sans doute bénéfique.

Il fallut ensuite s'atteler au nettoyage des lieux, à l'enlèvement des pierres tombées, à la stabilisation des madriers restés en place... Le tout demanda bien du temps.

Un temps qui fut sans doute nécessaire à la Vicomtesse pour elle-même se reprendre. Des résolutions furent prises, dans le secret de muettes prières. La réflexion accompagna chacun de ses gestes, chacun de ses mouvements, jusqu'aux plus anodins. Femme parmi les autres, elle participait aux tâches nécessaires, vitales, pour le domaine ébranlé. Qui était-elle, sinon l'une d'entre eux ? Qui ?

Et il lui arriva des lettres. Une de sa cousine, des nouvelles de Viam et l'assurance que Gersinde était bien arrivée... Mais les affaires devaient être remises en ordre. Aussi, quand la Carsenac se décida à s'enchainer à son pupitre pour écrire ce qui devait l'être, commença-t-elle par une lettre qui, peut-être, n'avait pas grand sens mais répondait à une angoisse sourde. Et si ce qui devait être n'était en fait pas ? La lettre, achevée, portait ces mots :


Citation:
A Maltea di Favara, Maréchal d'Armes Royal exerçant la tutelle sur la marche Marche, Héraut d'armes de Champagne,
De Sindanarie Carsenac, Vicomtesse des Cars,

Respectueuses salutations.
    Votre Grâce,

    Je me permets de vous solliciter, en tant que Maréchal de tutelle de la marche du Limousin et de la Marche, afin de savoir si a bien été enregistré au sein des registres de l'Hérauderie de France l'échange de serment vassalique qui eut lieu, au début du mois d'août, entre Marie-Amelya d'Elicahre-Kierkegaard, dite Mahelya, et moi-même. De cet échange a été témoin Sa Grandeur Arnaut de Malemort, officiant alors sous le nom de Marche... Cependant, cela fait bien longtemps que nous sommes sans nouvelles de lui, et l'annonce de l'ouverture des candidatures pour sa marche m'a emplie d'une inexplicable inquiétude quant à l'existence de l'acte qui établirait officiellement qu'elle devient ma vassale.

    Pouvez-vous me confirmer que cet acte a bien été consigné en la Chapelle Saint-Antoine-le-Petit ? S'il ne l'est pas, je m'en remets à vous pour m'indiquer toute démarche à effectuer... Si une nouvelle prestation de serment est nécessaire, pourrez-vous en être le témoin afin que Marie-Amelya puisse arborer très officiellement les armes de Saint-Julien-le-Vendonais, que je souhaite lui confier ?

    Respectueusement,

Rédigé et scellé aux Cars, aux petites heures du huitième jour de mars mil quatre cent soixante et un.

S.C.


D'autres lettres suivraient, bientôt. Mais elles seraient expédiées via le bien connu, désormais, relais courrier de Limoges. L'une d'elles serait même expédiée, le cas échéant, par porteur-intendant-mentor jusqu'à Paris. Quand il s'agit d'affaires de famille et d'histoires de confiance, il ne faut jamais s'en remettre qu'à ceux qui sont au plus près.

* Kamelot, The Fourth Legacy. Traduction littérale : "Il y a un nouveau monde qui approche, un feu à voir". Paroles par ici, chanson par .
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Kasia
C'était un matin de printemps apparemment comme un autre.
Avec son cortège de floraisons, de verdure et de parfums de plantes en renouveau, ses abeilles et autre insectes de retour de l'hiver, et le réveil du monde à une nouvelle année sur des températures plus clémentes qui chassaient l'hiver.
Sauf qu'elles arrivaient au bout du trajet à faire ensemble.
Elles, c'est deux donzelles sur un seul cheval, parce qu'un cheval ça coûte assez cher mine de rien, et qu'aucune des deux n'est assez lourde pour en fatiguer plus d'un demi à elle même.
Devant, Manon, Dame Blanche de son état encore, et en croupe Kasia, qui ne l'est plus.
La deuxième en question.. Egale à elle même. Cheveux court, habillée simplement, et surtout pratiquement, que ce soit pour monter, courir, ou même se battre. C'est elle qui connait la route, qui la montre, depuis Guéret qu'elles ont quitté hier pour rejoindre les Cars.

Et voilà qu'au détour d'un lacet du chemin, le château pointe le bout de son nez, quasiment à portée de main.


"C'est là ! Droit devant !"

Les murs, et le logis visible par derrière, avec son deuxième étage.. Calciné. Autant dire, c'est anormal, étrange, inquiétant ! Mais la vie qui se dégage du domaine est immédiatement rassurante sur le sort qui a suivi l'incendie. Car visiblement, il y a eu incendie.. Et si Sindanarie y avait laissé la vie, elle aurait été prévenue.. Et le domaine serait probablement en léthargie.

Arrivées sous les murs, ne leur reste qu'à se faire connaître, et attendre.
Car elles ne sont pas attendues. La Flamande n'a prévenu personne de son arrivée, et si Sinda n'est pas là, elle risque fort de se retrouver le bec dans l'eau. Mais elle a confiance, ça n'arrivera pas.
Une claque sur l'épaule de Manon, et elle saute à bas de la monture.


"Aller ma grosse, on est rendues !"

Et avec un sourire narquois, elle gagne l'entrée du castel, pour demander le passage et s'annoncer.
Manonlapetite
"Aller ma grosse, on est rendues !"

Depuis le début de leur rencontre, c'était pour ça qu'elle aimait Kasia.
Pas seulement évidemment, mais entre autres. Elle avait ce franc parler qui ne s'encombrait pas de fioritures. Un aplomb qui étonnait et amusait la petite brune.
Bon en l'occurence, elle aurait bien filé une taloche à sa cadette. Elle se contenta d'un " Garce! " marmonné entre ses dents, alors qu'elle mettait pied à terre, les reins moulus par la chevauchée et l'esprit tout autant en vrac en songeant à la suite de son périple.

Levant le nez vers la demeure, la brune fronça soudain les sourcils, découvrant les murs noircis, se demandant où Kasia avait bien pu les mener et si tel était bien le but de son voyage.


" Dis Kasinette? Tu es sure que... c'est là? Parce que... "

La brune inquiète se mordit la lèvre pour ne pas livrer le fond de sa pensée n'ayant aucune envie d'être désobligeante et emboîta le pas à celle qui avait partagé sa monture jusque lors.

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Sindanarie
        ["Est-ce ma faute si notre Père a fait les hommes moins puissants que Lucifer ?"*]


Cela lui arrivait de plus en plus souvent. Des regrets, des remords, des élancements d'inclination. Plus elle pensait à son union future avec un fiancé qui ne donnait plus de nouvelles depuis un moment, et qui l'avait fuie dans les premiers temps de ces atypiques fiançailles, et plus elle se souvenait de celle qu'elle avait elle-même annulée. Empêchée. Et qu'elle avait toujours regrettée.

Les nuits s'allongeaient. Ou se raccourcissaient, qu'importait. Elle regrettait. Un soir, elle s'en était ouvert à sa Filleule Anna, en espérant alléger un peu son fardeau. L'effet avait été strictement inverse. Les souvenirs étaient remontés avec plus de force, irrépressibles, violents, douloureux... Mais d'une telle douceur. De la douceur des baisers et des étreintes volées au temps, au devoir, à la guerre qui s'était tout juste vue déclarée.

Château-Renault, Tours, Vendôme. Limoges. Les Chancelleries. Le Conseil des Grands Feudataires. Le camp de la Licorne. Les lieux s'étaient mêlés sous des paupières closes, qui s'étaient rouvertes sur une détermination, sur une folie, la seule que la Carsenac encore amoureuse, malgré le temps, malgré la distance, malgré les épreuves, s'autorisa en près de deux ans.

Lui écrire.


Citation:
A Pierre-Louis de Villefort,
D'une femme qui n'a jamais pu oublier,

Salutations et, enfin, paix.
    Vous souvenez-vous, Vicomte ? Vous souvenez-vous de cette Comtesse qui, persuadée de ne jamais pouvoir prétendre à votre coeur car vous sachant fiancé, a fini par succomber et vous offrir le sien ? Vous souvenez-vous de ces jours et de ces nuits, des rires, des baisers ? Portez-vous toujours cet anneau que je vous avais offert, au saphir rappelant vos yeux et à l'émeraude rappelant les miens ?

    Je n'ai rien oublié. Ni la douleur, ni les transports, ni surtout le bonheur, ni cet enfant de vous qui n'a jamais, hélas, vu le jour.

    Je n'ai rien oublié, non plus, de ma dernière lettre. Sachez qu'il m'a fallu le temps pour cela, mais que je vous pardonne. Je vous pardonne ce qui s'est passé avec Elisa, je vous pardonne votre mensonge, je vous pardonne de ne pas m'avoir répondu alors que j'ai espéré pendant des mois que vous me répondriez. Le corps a été fort, mais le coeur est resté vôtre.

    Alors, sûrement pour la dernière fois, je vous le dis : je vous aime. Jusqu'aux portes de la mort, jusque sous les murs de Tours assiégée par les Ponantistes, jusqu'au plus profond de sombres nuits d'insomnie, je vous aime. Sans espoir, sans plus rien attendre de vous. Rien de plus qu'un mot, peut-être. Dites-moi que vous ne m'avez pas oubliée... Je n'espère plus votre amour, mais juste un souvenir.

    Ex profunditatibus vos voco... Depuis les profondeurs je vous implore !

    Vôtre.

Sindanarie


La lettre partit. A la seconde où ce fut fait, Sindanarie le regretta. Une fois encore, une fois de trop peut-être, son coeur s'était répandu sur une feuille inerte, qui laisserait inerte son destinataire. Elle le savait, elle le sentait. Mais... Le corps est fort, le coeur reste faible. Et, désormais, exposé aux coups. La Forteresse n'est plus.


        [Quelques jours plus tard]


Y'a une crevette pour vous au poste de garde, Vicomtesse. D'mande à vous voir.

Un "merci" et une dégringolade d'escaliers plus tard, une Carsenac en bras de chemise et braies largement salies de cendres, sans parler de ses mains noirâtres jusqu'aux coudes, se précipitait vers ledit poste de garde. Loin de nouvelles préoccupations, elle se cantonnait à accomplir ses devoirs envers le Comté, la Hérauderie et la Licorne. Ces multiples charges occasionnaient bien des voyages, aussi avait-elle tenté de mettre en place un dispositif lui permettant d'avoir toujours un oeil partout. Un commis à chaque place utile, chargé d'envoyer à la première activité un rapport, faisait l'affaire. Le système, déjà organisé pour le Conseil comtal, n'avait guère connu qu'une transposition pour la Licorne et la Chapelle Saint-Antoine-le-Petit. Bref, une fois le mécanisme en ordre de marche, Sindanarie s'était retranchée aux Cars pour suivre le début des travaux de déblaiement et de couverture du logis.

Les murs faisaient toujours triste mine, mais elle était persuadée qu'une fois l'Italien arrivé, tout irait beaucoup mieux et avancerait plus rapidement. Des rêves de lumière et de hautes fenêtres ornées, pour certaines, de vitraux, se faisaient plus présents. Au fusain, elle en avait déjà esquissé... Saint-Georges terrassant le dragon, en particulier. La figure la fascinait... Et l'éloignait des sinistres considérations qui l'envahissaient depuis cette lettre.

Mais elle se précipitait, donc, vers le poste de garde pour y découvrir, en fait de crevette, une double prise. Une Blanche bien connue, manifestement accompagnée par une brune dont le regard sur le logis ne laissait que trop comprendre à quel point il pouvait avoir l'air mal en point. Mais, sans trop s'en soucier pour l'heure, elle sauta littéralement au cou de la jeune fille (même si elle était un brin plus petite qu'elle, ce qui revient à dire qu'elle la serra fort cordialement contre elle) sur une exclamation :


Kasia ! Ca fait tellement plaisir !

Et le risque de transfert de suie ? Totalement oublié ! Pour le coup, Kasia offrait à la maîtresse du lieu une échappatoire bienvenue, et nouvelle, aux sombres pensées qui l'agitaient. Mais, se souvenant qu'elles n'étaient pas seules et qu'il y avait une autre dame à accueillir, sans doute plus jeune qu'elle et ses vingt-six ans également, elle laissa le Premier Ecuyer de France retrouver la liberté de respirer pour se tourner vers sa compagne de voyage et lui dire :

Demoiselle, soyez la bienvenue aux Cars. Je suis Sindanarie Carsenac d'Elicahre. On va s'occuper de votre monture, si vous voulez entrer.

Et, les invitant du geste à entrer dans la cour, elle conclut :

Puis-je vous offrir à toutes deux le verre, le couvert et l'hospitalité ? Le logis fait encore triste mine, mais seul son dernier étage a réellement été touché.


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* Infernal, chanson du dessin animé Le Bossu de Notre-Dame
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