Clelia
Songeuse, Clelia avait bien vu ses petites filles s'éloigner.
Il faut dire que depuis qu'elle avait appris que ses deux petits monstres avaient décidé, toutes seules, de grimper aux arbres du verger pour aller cueillir des fruits, la jeune mère veillait de près ou de loin à la sécurité de ses filles.
Une série de réprimandes s'étaient abattues sur elles. "Il ne faut pas grimper aux arbres toute seule!", "il ne faut pas grimper aux arbres avec une échelle" et enfin "il ne faut pas grimper aux arbres avec une échelle quand maman n'est pas là!!!!!".
Elle espérait que la leçon avait été entendue.. et surtout retenue.
C'est pourquoi quand elle les vit partir toutes les deux, l'air de ne pas y toucher, s'était-elle un peu inquiétée. Sa première réaction aurait été de leur demander de revenir mais leur père avait su trouver les mots justes pour calmer les ardeurs ultra-protectrices de sa fiancée.
Son "en leur interdisant de faire cela, c'est les obliger à inventer des choses, peut-être encore plus dangereuses" avait fait son effet. Donc, avec un petit soupir, elle les regarda s'éloigner... avec beaucoup de regrets.
Après tout, elles ne craignaient pas grand chose.
Prenant son mal en patience, Clelia se choisit une place dans l'herbe, à l'ombre, s'allongea, ferma les yeux, et profita du calme environnant. Son oreille restait néanmoins attentive aux moindres bruits qui pourraient indiquer que ses filles aient des problèmes.
Clelia
N'y tenant plus, la maman s'était levée et était partie à la recherche de ses petites filles. Elles n'étaient pas parties bien loin. Chantonnant sur le chemin, elles s'arrêtaient et s'émerveillaient devant tout ce qui poussait, tout ce qui bougeait, tout ce qui avait des couleurs, vivant dans une telle insouciance que cela l'émut tout d'un coup.
Elle ne se rappelait pas avoir un jour été aussi insouciante, dans une petite bulle rassurante, à vivre tout simplement. Il y avait une certaine douceur qui émanait naturellement de ses petites filles. Pourvu que cela dure, elle ne souhaitait que cela.
Elles avaient le côté dans la lune de leur mère, un peu perchées elles aussi, dans leur monde, à vivre avec leurs petites obsessions.. mais ce qu'elles avaient en plus, c'était cette confiance absolue dans la vie, dans le lendemain qui serait forcément aussi beau que le jour précédent. Avec le temps, on perd cela aussi. On devient pessimiste, prudent, méfiant parfois, médisant, blasé pour certains...
Alors, afin de ne pas troubler ces jeux enfantins, elle resta volontairement en retrait, les observant avec un regard bienveillant. En plus, le fameux doudou disparu avait été retrouvé, tout allait donc pour le mieux.
Clelia
Maman !!! Maman vient voir c'qu'on à trouvé !!! Mamannnnnnnnnn !!
Et c'est là que l'on se dit "j'aurai jamais du me lever ce matin en fait..."
Parce qu'il y a quelque chose chez les mères qui font qu'à partir du moment où elles donnent la vie, elles ne cessent de s'en faire pour un rien dès que cela touche à leur progéniture. ...
Le cri se fait entendre, reconnaissable entre mille. Constance appelle, Clelia rapplique... avant que tout Langres n'accourt aux cris de la petite que l'on doit entendre à l'autre bout du village.
Mais de quoi peut-il bien s'agir?
Ouiii! je suis là! qu'est-ce que... oh!
S'étant approchée, elle avait vu LA trouvaille. Allez savoir comment... comment ce genre de chose trop mignonne, trop attachante, avec ses petits yeux parfaits, avec sa taille minuscule qui ne peut qu'inspirer de la tendresse, ce piège à enfants et à parents sensibles aussi... bref comment cette horreur avait pu se retrouver dans CE panier, à CET endroit-là, devant SES filles.
Un soupir, imperceptible, elles n'allaient pas en louper une celles-là.. elles ne pouvaient pas vouloir adopter un escargot, une fourmi, un scarabée? enfin le genre de bestiole qui ne demande pas vraiment une attention quotidienne, avec laquelle elles ne veuillent pas dormir et potentiellement se disputer pour les "tours de garde"?
Non, on passait directement à la taille XXL de l'animal, du "compagnon" qu'il allait falloir trimballer en plus... Mais c'était bien, le "mauvais sort" l'avait livré avec sa boîte, pratique pour le déplacement.
L'esprit de la maman faisait des bonds, partagé entre le désappointement et la toute petite chose qui lui tenait lieu de coeur (quand même...). Elle parvint juste à dire, consciente qu'elle n'avait de toute façon pas vraiment le choix, que ses filles allaient vouloir enrichir la maison d'un membre supplémentaire.
Oh.. un chat...
Clelia
Les petites étaient déjà conquises par la boule de poil. Clelia l'était à moitié. Parce qu'elle savait qu'il faudrait prendre soin du chaton et que les petites... bah elles étaient petites quoi.. donc que ça allait être à elle de s'y coller pour superviser le tout... comme si les deux jumelles en elles-mêmes ne mobilisaient pas déjà toute son attention...
Elle lança un regard noir au chaton, qui ne trouvera rien d'autre à faire que d'émettre un doux miaulement de chaton perdu, esseulé et qui ne demande qu'un foyer et de l'amour et des caresses etc etc.
Comble de la perfidie, de ses petites pattes agiles, il fit quelques pas jusqu'à elle, qui s'était agenouillée pour voir de plus près la trouvaille. Se frottant à un de ses genoux, il acheva de vaincre ses dernières réticences.
Bon.. d'accord...
MAIS!
Mais à la moindre dispute entre vous deux, à la moindre bêtise de sa part, il retourne dehors! c'est bien compris?
Il était évident que la jeune mère n'aurait jamais le coeur de mettre dehors un chaton qui avait déjà de la chance d'être toujours en vie, seul comme il l'était. Mais ça, les petites ne devaient pas le savoir ni même s'en douter.
Et puis.. il le faut un nom...