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[RP] La chaîne autour du cou de l'orfèvre...

Watelse
La chaîne autour du cou de l'orfèvre n'était point faite d'or. Les anneaux larges n'étaient pas non plus ceux des serments nuptiaux échangés. La moiteur de la pièce n'était pas du à des ébats charnels. Watelse n'était pas là où il aurait dû être.

Le dos plaqué contre le mur de pierres, les bras ballants et le regard vide, Watelse s'immergeait dans le reste d'alcool qu'il avait ingurgité. Cette sombre piquette qu'un garde avait eu la "gentillesse" de lui offrir contre une bague en argent sertie de saphir.

La brume restait épaisse mais le trouble restait bel et bien présent dans le coeur du Grand Watelse : il était mort. Sa femme allait le tuer. Le foudroyer. L'envoyer dans les enfers les plus sinistres. Elle allait le haïr. Non pas pour sa faute réelle, mais pour l'excuse qu'il avait imaginée. Il la récitait - plus ou moins bien - à un rat, seul comparse de prison :

"Putride Ellya, voyez où vos sornettes religieuse et votre bondieuserie de bazar ont amené ma personne?! A me refuser votre couche ... ou à m'accepter en ne m'offrant qu'une caresse qu'on donne à un bâtard de chien, je me suis offert aux CATINS.

Il fallait qu'il insiste sur le mot Catin. Il avait besoin de l'assommer avec ce mot, pour qu'elle ne cherche pas plus loin que ce dégoût. Qu'elle n'aille pas fouiner vers la vraie raison qui l'avait mené sur les quais cette nuit là. En compagnie des filles de joie. Il souhaitait juste sortir au plus vite de là. Elle ne le laisserait pas croupir. Elle paierait ce qu'elle doit aux gardes, ferait le nécessaire. Elle resterait dans cette insolent silence qui le meurtrirait à jamais. Il supporterait ce dédain tant qu'elle ne saurait pas réellement ce qui s'était passé.

Un bruit de pas entre les geoles, des clés qui s'agitent. Un garde.


Augustin Pion.... Vot' bonne femme. Elle veut voir vot' minois. Conseil : lui soufflez pas dans la face. Ca sent l'mort dans vot' gosier.
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Ellya
Allons, dauna, ce doit être une erreur. Cela arrive tous les jours.
...
Il devait être en train de se balader et...
Suffit!
Mais daun...
Pas un mot de plus.

Le ténébreux valet acheva pourtant la courte discussion d'un "Bien" vexé tandis que leur voiture deux chevaux cahotait vers les prisons parisiennes. La jeune Duranxie était d'un pâle à faire frémir, tant par le mal des transports que par ce qui l'attendait.

Furieuse? Jalouse? Que nenni.

Follement inquiète. Bien sûr, elle avait reçu cette note la prévenant que son époux avait été arrêté pour avoir été vu accompagné de trois filles de joie; bien sûr, elle avait pris connaissance de la somme importante qu'il allait lui falloir verser pour voir libérer son quinquagénaire. Bien sûr. Mais elle s'était convaincue elle-même que tout cela était dû à un malentendu, bien avant que son valet ose lui en faire la suggestion. Et son inquiétude demeurait seulement quant à l'état de santé de son aimé. On lui avait conté tant d'histoires sur les terribles maladies que l'on pouvait attraper derrière les barreaux que...
Pour la première fois de sa vie, elle s'était imaginée veuve. Elle en était rongée de crainte.

Alors quand la voiture s'arrêta, elle intima à Payen de rester à l'intérieur avant de se précipiter à la suite d'un gens d'armes qui la régala de sobriquets écœurants. Le nez froncé de dégoût, elle tenta de faire fi de ses mots crus et de l'odeur qui émanait des diverses cellules.


Georges? Georges?

Son clair regard bataillait à discerner parmi les ombres le visage connu.

Un mot de lui, une phrase rassurante, cela lui suffirait à payer le dû et plus encore. Tout son être ne demandait qu'à s'aveugler encore et encore.

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Watelse
Ah, la voilà la malheureuse qui verrait bientôt sa candeur s'évanouir. L'orfèvre n'osait même pas la regarder franchement. Les yeux cachés dans sa manche salie, Watelse hésitait à affronter le futur qui serait le sien : la haine pour tout bonheur marital. Et son fils? Juste Parfait Watelse, que lui dira t'elle de lui? Qu'il était un porc, un lâche, un menteur? Cela valait-il vraiment mieux que de s'avouer pauvre et magouilleur?

Il entrevit un instant bref le soulagement de la vérité s'il la disait à voix haute : Douce Ellya, mes affaires vont mal. Je survis du recel de bijoux que j'achète aux putains femelles qui les volent à leurs clients. Mes créations? Peu de créations... Et le peu que je créé vient de la transformation de ceux voler. N'imagines tu pas ma tristesse de devoir faire vivre mon art en anéantissant celui d'un autre? Je suis un voleur, un malfrat par désespoir.

Mais la bouche du vieil homme reste close par fierté. Paon il était, Paon il demeurerait, Paon il mourait... seul.

Agacé par cette réalité qui s'offrait à lui, il donna un coup sec vers le rat qui reniflait ses bottes.

Sale rat! Tu dois être femelle pour autant me casser les pieds!

Il valait mieux en finir d'un coup sec. A son épouse si tendrement chérie :

Du balai toi, avec tes yeux moqueur, je te sais hypocrite! Pas mieux qu'un rat.... Plus chienne qu'une catin. Plus....

La catin. Oui il avait tendu la perche pour ouvrir le fameux sujet. Il s'en mordait les doigts.
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Ellya
Au son de la voix de l'époux qu'elle essayait tant d'aimer, elle se dirigea. Face à sa cellule, elle ne put s'empêcher de reculer d'un pas tant l'odeur était nauséabonde et meurtrissait son pauvre nez. A la lumière vacillante des torches, elle observa l'orfèvre, son cœur faisant de petits bonds meurtris. L'ont-ils frappé? Il semble si fragile. Oh Georges, une fois chez nous, je vous soignerai et je vous couvrirai de doux baisers et...

Et il l'insulta.

Et elle ne dit mot.

Après avoir avalé la boule d'amertume qui s'était coincée dans sa gorge, elle fit signe au geôlier de reculer un peu. La mauvaise foi apparente, il obtempéra pourtant. Alors elle se rapprocha un peu plus des barreaux poisseux jusqu'à les frôler.


Je. Je croyais que le sujet était clos. Je ne vous ai jamais trompé, par tous les Saints! Pas même ce jour-là! Ne vous l'ai-je pas promis? Nous ne sommes pas de ces couples infidèles, Georges! Il n'y a pas d'adultère entre nous. Vous me croyez n'est-ce pas?

Le désespoir pointait dans sa voix. Elle ne se rappelait plus ce qu'il s'était passé cette nuit-là. Lui en voulait-il encore? Et à jamais?
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Watelse
Oh! Elle ne comprenait rien, la douce oie blanche. Elle l'exaspérait de soupir et de regard désolés. Il la voulait loin de la pourriture qu'il devenait irrémédiablement. Watelse se voulait seul dans son chagrin et son déshonneur, écartant celle qu'il aimait profondément de cette oprobe, protégeant leur enfant du même mal.
Mal.
Il fallait lui faire mal.
Mal jusqu'à ce que son âme de tendre femelle s'écorche et saigne.

Allez dans votre couvent prier cet Être que votre imaginaire invente de toute pièce. Cet Aristote qui ne vient que vous rassurer de votre propre bonté. Pff... Vous n'êtes qu'une hypocrite, Ellya. Vous jouez la bonne croyante pour qu'en retour d'autres vous admire. Vous n'êtes pas loin de la putain qui vent son corps contre de l'argent. Mais elle s'est pour manger à sa faim. Vous c'est pour nourrir votre orgueil... Par ma barbe, qu'est ce qui m'a fait vous aimer un jour....

Le coup était porté. Le couple serait brisé. Elle le hairait, mais pas pour les vraies raisons. C'était mieux ainsi. Il n'aurait pas supporter la honte de l'infortune devant une héritière si bien lotie.
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Ellya
Les yeux de la parfaite épouse brillèrent à la lumière de la torche posée à deux pas de la grille. "Qu'est ce qui m'a fait vous aimer un jour".


Elle aurait pu être outrée.
Après avoir passé des semaines entières à se dévouer à celui qui partageait sa couche pour qu'il passe sa pastorale, elle l'avait baptisé de ses mains, dans le plus grand secret. Elle se rappelait encore la scène: lui, agenouillé dans toute sa superbe, répétant d'une voix vibrante les paroles sacrées; elle, éclatante de ferveur et d'amour naissant, versant sur ses cheveux grisonnants l'eau bénite d'une main tremblante. Il lui avait promis de faire de son mieux pour croire en son Aristote et, des journées durant, il avait répété les prières quotidiennes.
Le Spinoziste était revenu.
Il avait promis. Et s'était parjuré.
"Qu'est ce qui m'a fait vous aimer un jour".


Watelse...


Elle aurait pu se sentir humiliée.
La blonde Oblate n'était pas vilaine à regarder, quand on passait outre sa tenue de fidèle de l'Éternel. Le visage fin, le corps bien fait, elle avait conservé cette virginité éphémère jusqu'à pouvoir l'offrir à celui qui se tenait derrière ces barreaux. Femme fidèle, elle ne regardait les autres hommes que pour les bénir ou profiter de leurs conversations, les jours pluvieux, en taverne. Elle n'avait pas échangé de mots doux ou de caresses avec quiconque, à sa propre connaissance, depuis leur premières épousailles. Dévouée, elle n'aurait jamais pensé à lui faire porter les cornes. Et puis elle était si bonne... Jamais un mot de travers, jamais une parole impure. Charité et Foy guidaient le moindre de ses pas.
Il l'accusait injustement de la pire espèce qui soit. Celle des débauchés. L'admiration, elle ne l'avait jamais recherché que du Père Tout Puissant. Et l'orgueil... Las, elle s'en était débarrassée dès lors que les lèvres de l'orfèvre avait effleuré les siennes pour la première fois.
Il lui crachait sa haine.
"Qu'est ce qui m'a fait vous aimer un jour".


Avant de sortir, il faut me promettre.

Le regard nuageux de la femme se détourna de son époux. Elle tendit mollement une petite bourse en cuir au geôlier, emplie d'écus trébuchants. Ses mains tremblaient, ses lèvres s'agitaient nerveusement.
En son sein ne logeait ni haine, ni humiliation, ni envie de se justifier ou de rétablir la vérité. En son sein ne logeait plus qu'un vide immense qu'elle avait artificiellement rempli avant ce jour. "Qu'est ce qui m'a fait vous aimer un jour". Pourquoi cette phrase lui faisait-elle si mal? Avait-elle seulement cru qu'il l'aimait, avant cela? Apparemment, c'était le cas.

Et elle avait perdu cet amour.
Elle ne savait pas comment.
Elle ne savait pas pourquoi.
Elle l'avait perdu, quelque part, et c'était tout.


Promettez-moi que vous ferez semblant. En compagnie.

L'illusion donnerait un semblant d'espoir.

Edit fautes
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Payen



"Attends-nous ici. Ton rôle s'arrête là", imita le ténébreux valet avec une voix de fausset. "Ton rôle s'arrête là."
Il envoya valser un cailloux qui s'étoit trouvé sur sa ronde des cent pas, rageur. Ce n'étoit pas qu'il vouloit se trouver entre ses deux maistres, c'eut été suicidaire. Mais rester auprès de sa maistresse, dans son ombre, les yeux posés sur son cou gracile, sur la courbe de ses hanches... Ce n'auroit pas été pour lui déplaire. Il auroit ainsi pu lui montrer qu'il étoit là pour elle. Il auroit pu racheter sa confiance.

"Ton rôle s'arrête là." Soyez damné maistre Watelse. Vous lui avez donné une méfiance qui a fané sa candeur.

Contredisant la volonté de sa Duranxie, il s'éloigna de la voiture et se dirigea vers les geôles. Au gardien qui se tenoit là:
Sont toujours pas sortis, la blonde et le vieillard? Il y a peut-être un souci... Je m'inquiéteroit à votre place.

Et, ayant semé le doute en l'esprit du pauvre hère, Payen l'observa s'engouffrer vers les cages, un sourire satisfait ourlant ses lèvres avides.
Watelse
Jouer la comédie devant les Autres de l'aimer? Il n'aurait pas à jouer quoique ce soir. Le vieillard prévoyait même de multiplier les sorties en société pour pouvoir prodiguer des gestes tendres et les compliments mérités par son épouse. La comédie se jouerait dans leurs moments seuls, où il rechignerait à lui parler et où les regards échangés seraient chargés d'une haine feinte.
Un garde rentra avant qu'il n'eut pu répondre à sa requête.


Ma sortie a été payée? ... Bien, Dame Watelse, sortons. Les rats se moquent de ma compagnie et les araignées m'évitent. En cela, vous vous ressemblez.

Il se leva et saisit, forçant la dureté de son geste, la main de son épouse.

Vous parliez d'un pèlerinage tantôt. Peut-être est-il arrivé à point nommé pour me purger de mes vices.

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