Jehanne_elissa
- ~~~~ Ceindre d'or un anargyroi ~~~~
ou l'octroi de Saint-Côme à un humble
Cauvisson, près de Nîmes, en Vaunage. Le château avait retrouvé ses tentures colorées et ses meubles lustrés, depuis le retour de la jeune vicomtesse. Elle se prépara avec une excitation double : celle de rendre à Eilinn au centuple tout l'amour que son amie lui prodiguait, et lui être utile, elle qui avait si souvent été absente dans des moments décisifs de la vie d'Eilinn. Et celle de rencontrer ce fameux Ernest, ce futur vassal qu'elle n'avait, en vérité, jamais rencontré... Accepter un vassal qu'on ne connaît de nulle part, sur la valeur duquel on s'en remet tout à fait à son amie, n'est-ce pas un acte d'amitié inconditionnelle ?
Oh, oui, elle était excitée, la rouquine, la Goupile, de savoir à qui son amie Eilinn, la vierge, la pure, la toute-dévouée au Très Haut, avait accepté de se marier. Elle savait bien que ce n'était pas de l'amour et que le fiancé avait été choisi stratégiquement, tant pour l'identité de sa mère que pour son caractère docile à l'extrême. Eilinn n'avait pas été plus précise, Jehanne n'avait pas eu l'indécence de pousser plus avant. Elle savait trop bien à quel sacrifice Eilinn consentait là, et plus encore, quelles règles elle enfreignait, en ne prévenant pas l'un des rares parents qui lui restait, le veuf de sa mère.
Jehanne la soutiendrait de tout cur, à commencer par cet octroi complaisant auquel elle avait consenti sans réfléchir (et elle n'en concevait aucuns remords). Soucieuse d'accueillir, en ce printemps lourd de giboulées rafraîchissantes, ses invités dans le meilleur des cadres et dans les plus beaux habits, elle revêtit une tenue réalisée par la Baronne Alatariel, qui devait être, vu le parcours de cette couturière, un gage de qualité. Ses invités en jugeraient.
- « Adeliiiiiine ! A-t-on assez de pastez nourris* ? Et les rissoles à jour de poisson ?** »
- « Bien sûr, dòna. » répondit la gouvernante aux cheveux grisonnant, qui jadis, du temps de sa grand-mère, avait été jeune et batifolé à Bélinay.
- « Mais c'est que c'est une cérémonie officielle, avec du monde, et c'est Eiliiinn ! Elle fait si bien la cuisine que j'ai si peur de la décevoir ! »
- « Elle ne peut pas vous en vouloir pour ça, vous le savez bien... »
Un poil de stress ou d'euphorie... Mais ils allaient arriver, sous la grisaille, mais ils arriveraient ! Et bon dieu, elle en était fébrile. Ses derniers octrois avaient été officiés à Saint-Félix, chez Aimelina, et c'était tellement plus commode de ne pas être la maîtresse de maison !
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*Petits chaussons aux raisins secs. Selon le Livre fort excellent de cuisine très utile et profitable contenant en soi la manière d'habiller toutes viandes avec la manière de servir les banquets et festins, le tout vu et corrigé outre la première impression par le Grand Écuyer de Cuysine du Roy (Édité chez Olivier Arnoullet, Lyon 1542) :
« Pour faire pastez nourris prenes des raisins de croins et les lavez tresbien. Puis les elisez et quant ilz seront elitz vous les mettrez en petitz paste le plus petit et le plus chault que vous pourrez mettre des amandes delliers hachez avec petit de canelle / et des coulds de giroffle entiers et grant foyson de sucre bouillez avec. Et puis le frisez en sain de porc ou en beurre confict et a frire gardez de les fondre. Et puis quant vous les vouldrez servir boutez y de l'hypocras dedans et le sucrez tresbien. »
**Comme son nom ne l'indique pas, ce sont des petits pâtés de fruits ; "jour de poisson" = période de Carême. Selon le Ménagier de Paris (composé vers 1393 par un bourgeois parisien) :
« Item, au commun, l'en les fait de figues, roisins, pommes hastées et noix pelées pour contrefaire le pignolat, et pouldre d'espices : et soit la pâste très bien ensaffrenée, puis soient frites en huille... »
« Pour faire pastez nourris prenes des raisins de croins et les lavez tresbien. Puis les elisez et quant ilz seront elitz vous les mettrez en petitz paste le plus petit et le plus chault que vous pourrez mettre des amandes delliers hachez avec petit de canelle / et des coulds de giroffle entiers et grant foyson de sucre bouillez avec. Et puis le frisez en sain de porc ou en beurre confict et a frire gardez de les fondre. Et puis quant vous les vouldrez servir boutez y de l'hypocras dedans et le sucrez tresbien. »
**Comme son nom ne l'indique pas, ce sont des petits pâtés de fruits ; "jour de poisson" = période de Carême. Selon le Ménagier de Paris (composé vers 1393 par un bourgeois parisien) :
« Item, au commun, l'en les fait de figues, roisins, pommes hastées et noix pelées pour contrefaire le pignolat, et pouldre d'espices : et soit la pâste très bien ensaffrenée, puis soient frites en huille... »
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