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[RP] Ceindre d'or un anargyroi

Jehanne_elissa
    ~~~~ Ceindre d'or un anargyroi ~~~~
    ou l'octroi de Saint-Côme à un humble



Cauvisson, près de Nîmes, en Vaunage. Le château avait retrouvé ses tentures colorées et ses meubles lustrés, depuis le retour de la jeune vicomtesse. Elle se prépara avec une excitation double : celle de rendre à Eilinn au centuple tout l'amour que son amie lui prodiguait, et lui être utile, elle qui avait si souvent été absente dans des moments décisifs de la vie d'Eilinn. Et celle de rencontrer ce fameux Ernest, ce futur vassal qu'elle n'avait, en vérité, jamais rencontré... Accepter un vassal qu'on ne connaît de nulle part, sur la valeur duquel on s'en remet tout à fait à son amie, n'est-ce pas un acte d'amitié inconditionnelle ?
Oh, oui, elle était excitée, la rouquine, la Goupile, de savoir à qui son amie Eilinn, la vierge, la pure, la toute-dévouée au Très Haut, avait accepté de se marier. Elle savait bien que ce n'était pas de l'amour et que le fiancé avait été choisi stratégiquement, tant pour l'identité de sa mère que pour son caractère docile à l'extrême. Eilinn n'avait pas été plus précise, Jehanne n'avait pas eu l'indécence de pousser plus avant. Elle savait trop bien à quel sacrifice Eilinn consentait là, et plus encore, quelles règles elle enfreignait, en ne prévenant pas l'un des rares parents qui lui restait, le veuf de sa mère.

Jehanne la soutiendrait de tout cœur, à commencer par cet octroi complaisant auquel elle avait consenti sans réfléchir (et elle n'en concevait aucuns remords). Soucieuse d'accueillir, en ce printemps lourd de giboulées rafraîchissantes, ses invités dans le meilleur des cadres et dans les plus beaux habits, elle revêtit une tenue réalisée par la Baronne Alatariel, qui devait être, vu le parcours de cette couturière, un gage de qualité. Ses invités en jugeraient.


- « Adeliiiiiine ! A-t-on assez de pastez nourris* ? Et les rissoles à jour de poisson ?** »
- « Bien sûr, dòna. » répondit la gouvernante aux cheveux grisonnant, qui jadis, du temps de sa grand-mère, avait été jeune et batifolé à Bélinay.
- « Mais c'est que c'est une cérémonie officielle, avec du monde, et c'est Eiliiinn ! Elle fait si bien la cuisine que j'ai si peur de la décevoir ! »
- « Elle ne peut pas vous en vouloir pour ça, vous le savez bien... »

Un poil de stress ou d'euphorie... Mais ils allaient arriver, sous la grisaille, mais ils arriveraient ! Et bon dieu, elle en était fébrile. Ses derniers octrois avaient été officiés à Saint-Félix, chez Aimelina, et c'était tellement plus commode de ne pas être la maîtresse de maison !


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*Petits chaussons aux raisins secs. Selon le Livre fort excellent de cuisine très utile et profitable contenant en soi la manière d'habiller toutes viandes avec la manière de servir les banquets et festins, le tout vu et corrigé outre la première impression par le Grand Écuyer de Cuysine du Roy (Édité chez Olivier Arnoullet, Lyon 1542) :
« Pour faire pastez nourris prenes des raisins de croins et les lavez tresbien. Puis les elisez et quant ilz seront elitz vous les mettrez en petitz paste le plus petit et le plus chault que vous pourrez mettre des amandes delliers hachez avec petit de canelle / et des coulds de giroffle entiers et grant foyson de sucre bouillez avec. Et puis le frisez en sain de porc ou en beurre confict et a frire gardez de les fondre. Et puis quant vous les vouldrez servir boutez y de l'hypocras dedans et le sucrez tresbien. »
**Comme son nom ne l'indique pas, ce sont des petits pâtés de fruits ; "jour de poisson" = période de Carême. Selon le Ménagier de Paris (composé vers 1393 par un bourgeois parisien) :
« Item, au commun, l'en les fait de figues, roisins, pommes hastées et noix pelées pour contrefaire le pignolat, et pouldre d'espices : et soit la pâste très bien ensaffrenée, puis soient frites en huille... »

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Ernest_duree
Ernest et sa mère voyageaient, en ces dix et onze mars, le long de la Loire, car ils allaient au Sud, bien plus au Sud que tout ce vers quoi ils avaient bien pu voyager ensemble. Ils auraient pu croiser la route de l'égérie des Féériques, qui prenait ce chemin aussi, en ces mêmes jours, mais ce ne fut point le cas. Ils auraient pu rencontrer des brigands, mais ce ne fut point le cas. Ils auraient pu parler à bâtons rompus tout au long du voyage... non, ils n'auraient pas pu. Ella était fatiguée, elle était presque brisée, et cela renfrognait plus encore Ernest, arraché à son terreau, seul lieu où il s'épanouissait, l'arrière-boutique de la Maison Durée. Dans toute autre famille, l'événement à venir aurait été une fête. Mais Ella Durée, si elle fêtait en son cœur, ne pouvait l'exprimer face à son fils fragile autrement que par un regard maternel débordant d'amour bienveillant. Quant à Ernest, rien n'était de nature à le mettre en joie, si ce n'était l'agencement parfait d'une collection de boîtes de macarons ou le plaisir de suivre à la lettre une recette, au quart d'once près. Dans sa cuisine, pas un détail ne lui échappait. Dans un coche, presque sans gardes, c'est à peine s'il prit conscience du paysage qui défilait. Les yeux figés sur le jupon parme de sa mère, il se demandait combien de coffrets d'Étincelants, d'Améthystes et de Délicats il lui fallait mêler pour obtenir cette teinte. Il compta le nombre de nœuds sur les planches du banc. Il croisa et décroisa vingt fois les doigts toutes les deux heures, et de temps en temps, il vérifiait, par des gestes précautionneux, si sa mère allait bien. C'était la seule personne avec laquelle il était plus empressé qu'avec ses macarons, et rien de ce qui pourrait arriver dans sa vie ne serait de nature à changer cela.

Leur voyage fut d'autant plus long qu'il fallait faire de courtes étapes. Souffreteuse, Ella ne pouvait voyager longtemps. Ce fut la cause qu'ils ne s'arrêtèrent pas à Nîmes la veille de l'événement, mais à Fons, plus au nord, car la nuit menaçait de tomber sur le Gardon et Ella de fatigue. Il ne s'y trouvait pas d'auberge, mais faute de pouvoir aller plus loin, ils surent se faire accueillir, moyennant paiement, par quelques locaux que l'étrange duo intrigua et émut.


[12 avril 1460, au matin, à Fons outre Gardon]

Ernest se leva aux aurores, comme un métronome. Il se vêtit avec minutie, dans un vêtement de velours anthracite, impeccablement sobre. Il se lava les poignets à six reprises dans la fontaine, avant d'être tout à fait apaisé. Lorsqu'il revint dans la bâtisse, sa mère était levée, le cocher était prêt, et leurs hôtes leur servirent du pain et de l'eau fraîche.

Ensuite ils partirent pour Cauvisson, et il n'était plus question de passer à Nîmes, s'ils souhaitaient arriver à l'heure. Le cocher partit vers Montpezat, ils descendirent dans Saint-Côme (Ernest ne regardait pas), le traversèrent et glissèrent dans la Vaunage, cuvette en ce massif calcaire. Le pic de l'Agachoun, téton tutoyait la Roque de Viou, leur faisait face. Il fallut encore une demie-heure pour arriver à Cauvisson et grimper au château.
Là, ils se firent annoncer :


-« Ella et Ernest - Durée, bourgeois de - Paris. »


Je remercie LJD Jehanne_Elissa pour ses précisions géographiques.

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Envies de macarons ? Cliquez sur ma bannière !
Ingeburge
[Un peu plus tard]


C'était comme un retour puisque c'était en Vaunage même qu'elle avait commencé ce séjour au long cours qui depuis quelques semaines désormais la maintenait en Languedoc sans qu'elle sût bien pourquoi. C'était là qu'après un voyage harassant mais paisible depuis la Bourgogne que le convoi parti d'Auxerre avait cessé sa folle course. A Cauvisson, Ingeburge et sa suite avaient été accueillis par la juvénile maîtresse des lieux et avait goûté un repos bien mérité et réparateur. Peu importait que l'on ne fût pas loin de certain endroit, la pause avait porté ses fruits et le périple avait continué, jusqu'à Saint-Félix où Jehanne Elissa avait procédé à deux octrois. Oui, c'était un retour, car avant même ces quelques jours à Cauvisson, elle avait déjà parcouru le pays avec le meilleur guide qui soit, celui-là même qui tenait ce certain endroit, celui qui lui avait fait découvrir la combe vaunageole que serpentait le Rhôny et qui lui avait offert quelques douceurs tirées de ses oliviers. Mais contrairement à février, elle ne craindrait pas de tomber sur lui, elle le savait à Alais, d'où elle arrivait justement puisqu'elle avait accepté, s'en morigénant continuellement depuis, de faire le tour du comté avec lui. Même si elle était fatiguée et que cette énième expédition ne faisait qu'ajouter à sa lassitude, s'éloigner pour un temps du groupe qu'elle avait rejoint pour visiter chaque ville du Languedoc était au final un apaisement.

C'est donc dans de bonnes dispositions que la route avait été prise avec un train réduit que celui qui était le sien à son débarquement à Alais, seuls ses gardes lombards entouraient sa voiture. Après une halte aux entours de Maruéjols, afin que la duchesse d'Auxerre pût se rafraîchir et changer de vêtements, la petite troupe continua sa traversée sans plus s'arrêter puis entreprit l'ascension jusqu'au château de Cauvisson. A destination, un des gardes se détacha de la caravane et indiqua, sa voix teintée d'accent lombard :

— Faites annoncer Montjoie, Pair et Roi d'Armes de France.
_________________
Eilinn_melani
[Au compte-gouttes]

Dans la voiture aux armes d'Avize se trouvaient Eilinn et Alice. La vicomtesse avait laissé un cheval sellé au cas ou à son Impériale damoiselle de compagnie décide de délaisser ses études de médecine pour venir assister à l'octroi. La route n'était guère longue de Nimes à Cauvisson, à peine le temps de réflechir aux évènements futurs et de discuter un peu avec sa fille adoptive.

Tu verras, il est gentil.

L'était-il vraiment d'ailleurs ? Dans une conception dichotomique du monde, certainement qu'il était plus proche de cela que de la méchanceté. Mais Ernest avait-il la moindre notion de ce qu'était le monde tel que le concevait Eilinn ? Probablement que non... Le coeur de la jeune fille était contraint par la résolution de l'esprit. N'était-ce pas par révolte contre cet hymen raisonnable qu'il s'était emballé pour un clerc inaccessible ? Il avait fallu le faire taire, assagir les battements précipités, oublier, dormir, oublier surtout. Ainsi la fermeté de la décision de la vicomtesse reposait désormais sur un simple voeu : ne plus croiser l'Azayes avant son hymen, afin de s'épargner des tourments vains. Car il était évident pour Eilinn que son affection (ne parlons pas d'amour tout de même) n'était pas partagée.
Il était également évident que son futur époux ne nourrirait jamais de sentiments pour elle. Peut-être elle pourrait ressentir quelque compassion pour Ernest, un désir de protection comme elle en avait pour Alice.
Mais il était probable que jamais la chair ne faillisse à une caresse délicate, que le coeur ne s'emballe pour un mot doux ou un compliment. Qu'elle l'aime, ou qu'il l'aime.

C'était la tête emplie de ces considérations qu'elle vit le chateau de Cauvisson apparaitre. Elle lissa un repli de sa robe, choisie avec soin. Ce jour verrait aussi l'annonce de leurs fiançailles, ainsi renonçait-elle de fait à ses tenues androgynes qu'elle avait appris à affectionner. Elle renonçait également à Linien, son Autre, son exutoire, qui disparaitrait dans les limbes de ses souvenirs. Il ne serait plus désormais qu'un prête-nom, une identité de paille. La couleur bleu pâle du tissu était là pour rappeller son statut de virginale offrande, à peine rehaussé de broderies de fil d'argent.
Elle avait opté pour un voile maintenu par un cercle d'argent, pendant lactescent de celui d'or qui ceindrait le front de son futur époux. Si ce n'était la maigreur d'Eilinn, on aurait pu la trouver jolie. A défaut, elle paraissait noble.
Et c'était bien cette noblesse qui était nécessaire ce jour, car jamais Ernest ne pourrait véritablement apprécier la notion de beauté chez une autre que sa mère.

Déjà dans la cour se trouvait une autre voiture, signe que d'autres invités étaient déjà arrivés, probablement les Durée d'ailleurs, ainsi qu'un coche frappé du blason du Roy d'Armes. Eilinn resta immobile un instant, attendant que le cocher vienne lui ouvrir, et invita Alice à descendre. D'une main, elle tint le voile qui retenait ses cheveux, craignant qu'il ne s'envole en ce temps printanier. Revoir Jehanne Elissa lui faisait tout de même plaisir, et jamais elle ne remercierait assez la Goupil pour cet octroi de convenance.
Il n'y eut point besoin de s'annoncer pour elle, étant une visiteuse régulière, ainsi elle prit la main de sa fille et se dirigea vers le castel, ou l'accueillerait Jehanne-Elissa.

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Vicomtesse d'Avize, Diaconesse de Paris.
Aimelina
Les uns arrivent de Fons, les autres de Nîmes, la Prinzessin d'Alais, et du sud... Qui vient du Sud, mes amis ? La cuivrée comme un bon pain, la méridionale, la Linèta, qui joue avec un boulier dans son coche. Le boulier, c'est son intendant qui le lui a remis, espérant, qui sait... La sensibiliser à ses problèmes d'argent ? Broaf. Ranafout.

Elle arriva un peu plus tard que les autres au château - de l'ordre d'un petit quart d'heure, sans doute. Autant dire qu'elle brillait par sa ponctualité, car quinze minutes, dans un voyage de deux jours, c'est tout sauf du retard.

Elle ôta, car malgré les nuages, pour elle, il faisait bon, le châle dans lequel elle s'était pelotonnée pour se garder des courants d'air de la voiture, et en sa robe made by Linien, revêtue à dessein, elle se laissa guider vers la salle ad hoc.

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Jehanne_elissa
Un valet aux cheveux bruns, jeune et les joues constellées de petits grains de beauté, accueillit les Durée mère et fils et les guida jusque dans l'aula magna, où se tiendrait la cérémonie. Les murs de la pièce étaient chargés des oriflammes de Cauvisson, Volpilhat, et les fiefs octroyés de la terre : Vergèze, Saint-Dionisy, et Saint-Côme, qui le serait bientôt. Du bleu, du blanc, du vert, un peu de jaune... Seul le Goupil de Volpilhat et la chevelure de la Vicomtesse dardaient de chaleur la pièce. Son sourire, aussi, au moment de s'avancer vers Ella, qu'elle avait déjà rencontrée jadis à sa boutique, et Ernest, dont Eilinn lui avait dit qu'il tenait désormais la boutique à la place de sa mère.

- « Soyez les bienvenus ! Je suis Jehanne Elissa, je suis heureuse de vous accueillir. Ella, prenez place, assoyez-vous, je sais que vous en avez besoin. Ernest... J'espère de tout cœur que vous saurez prendre soin d'Eilinn. C'est pour elle que vous allez être Seigneur. »

Le regard de Jehanne tâchait de retenir chaque trait du jeune homme, mais il avait la tête baissée, et c'était un exercice périlleux auquel l'annonce de l'arrivée de Montjoie la déroba avec soulagement.
Le valet avait fait l'aller-retour de la cour au premier étage, et revenait avec la sombre Reine d'Armes, vêtue de noir - est-il encore besoin de le dire ? En vérité, elle était assortie avec Ernest, et Jehanne se mordit la lèvre d'y avoir pensé.
Elle ploya en une révérence gracieuse, et son sourire large laissa voir ses dents du bonheur.


- « Votre Altesse, c'est une grande joie de vous accueillir ! J'ai fait préparer un lutrin pour vous près d'une fenêtre, avec une bonne vue sur les événements. Aimelina n'est pas avec vous ? »

Ça, c'était l'esprit de Jehanne : Ingeburge va officier, Aimelina l'assistera, donc elles arriveront ensemble. Logique, en théorie, non ? Dans les faits, ce n'était pas le cas. En revanche, qu'Eilinn et Alice arrivent ensemble et sans avoir besoin de Beraud le page aux grains de beauté, comme si elles étaient chez elle (ce qui n'était pas tout à fait faux, Jehanne ne cessait d'inciter Eilinn à se sentir à chez elle à Cauvisson), c'était tout sauf une surprise. Un dernier petit regard aux pastez nourris sur la longue table de chêne, une main blanche qui lisse son jupon couleur souris, et puis baste, on s'élance, on s'embrasse :

- « Eilinn ! Tu es si belle ainsi, est-ce toi qui l'as cousue ? Oh, je suis heureuse de pouvoir te rendre ce service ! Bonjour, Alice ! »
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Ella_duree
C’est comme un rêve qui défile et dont on n’arriverait pas à se rappeler les détails, sa vie est une bobine de fil qu’on a poussé au loin et que ses mains tremblantes refusent d’enrouler. Elle souffre, doit-on encore le rappeler ? Doit-on encore dire à quel point chacun de ses muscles se rappellent à elle de la façon la plus détestable qui soit, à savoir en se contractant violemment. Chaque cahot de la route lui est une souffrance plus grande encore que la précédente et malgré les égards de son fils, rien ne saurait lui ôter ce simulacre de sourire qui tient bien plus de la grimace. Et pourtant, rien ne pourrait la détourner de cette route qu’ils prennent pour aller à l’encontre du destin d’Ernest. Bientôt, il sera noble et marié, et alors, elle sera en paix. Mais en attendant, les voici qui sont invités à rejoindre l’aula magna et leur hôtesse, à laquelle, elle sourit de son mieux, esquissant tout aussi difficilement quelque révérence avant de rougir quand la Goupil lui propose de s’asseoir. Elle, la bourgeoise, conviée à s’asseoir par une noble, elle l’ancienne lavandière qu’on traite avec déférence. Elle rougit donc avec de murmurer un « Merci » discret et timide. D’autant plus discret qu’arrivent d’autres personnes, la main d’Ernest est tenue dans la sienne, contact rassurant s’il en est pour ce grand enfant qu’il est, même s’il a le même âge que la majorité des présents.

Aux arrivants, elle offre un sourire et un cordial bonjour à l’accent parisien mâtiné de sonorités du Sud, faut-il rappeler que la Durée est originaire de l’Armagnac et les Comminges ? La seule personne réellement connue est celle qui arrive, qu’elle salue d’un regard qui se passe de mots. Doit-on nécessairement exprimer de vive voix, reconnaissance, estime, fierté et amour filiale ? La Melani sait, la Durée sait. Tout est bien, et parce que tout est bien, il faut le dire à Ernest. Quand elle souffre, il le sait, quand elle ne souffre pas, il convient de lui dire, c’est logique.


Je n’ai pas si mal. Et je suis bien contente d’être ici.

Encore un peu.
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Ingeburge
C'était le même endroit mais c'en était un autre. L'étrange réflexion lui vint alors qu'elle mettait pied à terre, aidée d'un garde et qu'après un léger signe de tête, elle suivait l'homme brun venu à sa rencontre et chargé de la mener à la maîtresse des lieux. Ses pâles prunelles avaient erré sur la façade de l'imposant château et sur ses tours mais elle l'avait vu différemment de ce qu'il lui avait paru quand elle avait un pied en Vaunage, au début du mois de février. A l'époque, il s'était dressé devant ses yeux fatigués comme un refuge au terme d'un voyage harassant mais elle n'avait pu s'empêcher de le trouver sinistre et ce d'autant plus qu'il était propriété de la petite Volpilhat si lumineuse et chaleureuse en comparaison. Aujourd'hui, l'impression était autre, la bâtisse lugubre lui apparaissait toujours aussi imposant mais paré d'un lustre différent. Le constat se trouva renforcé quand elle traversa les couloirs, suivant toujours son guide et s'imposa avec éclat quand elle pénétra finalement dans l'Aula Magna. Jehanne Elissa avait mis sa marque, posé son odeur, placé ses goûts. L'atmosphère était autre que celle de jour d'hiver où sa petite troupe et elle avaient notamment dégusté un potage offert par la vicomtesse de Cauvisson.

Celle-ci, virevoltante comme à son habitude, et peut-être même davantage – car ce n'est après tout pas tous les jours que l'on prend vassal – vint la saluer. Se débarrassant de sa capuche qui laissa apparaître, retenue par un simple bandeau d'orfèvrerie, la huve de mollequin noir couvrant sa chevelure, elle répondit à la suite :

— Plaisir partagé, mademoiselle. Je ne repense pas sans gratitude à ma précédente visite en ces lieux, c'est donc avec joie que j'y reviens.
Mais si, elle est allègre, la Joie de vivre, même si rien dans son visage marmoréen n'évoque le ravissement; mais elle parle peu et toujours pour dire ce qu'elle pense, chacun de ses mots étaient donc empreints de sincérité. A la question relative à Aimelina, elle indiqua, prudemment :
— Je n'ai pas voyagé avec la vicomtesse des Fenouillèdes, j'arrive d'Alais où je séjourne, avec ma vassale.
Et le vôtre.
— Mais elle m'a assuré venir, la visite d'ailleurs semblait la ravir.

Une autre arrivée accapara la petite Volpilhat et Ingeburge alla s'installer au lutrin installé à son attention. En évoluant plus avant dans la grande salle, elle avisa la présence d'une femme en zinzolin et d'un jeune homme, en gris, elle les salua courtoisement de la tête, sans un mot et gagna finalement son pupitre. Là, elle déposa sa besace que renfermait son nécessaire, elle se débarrassa de son manteau de voyage et finit par s'asseoir, le bas de sa houppelande de velours s'épanouissant en une corolle sombre. De là, se dégantant doucement, elle vit la vicomtesse de Cauvisson accueillir celle d'Avize qu'elle n'avait pas vue depuis bien longtemps. Et les Fenouillèdes alors? Pour le moment, de trace, point.
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Ernest_duree
-« Ernest... J'espère de tout cœur que vous saurez prendre soin d'Eilinn. C'est pour elle que vous allez être Seigneur. »

Le fils Durée garda la tête basse, et serra la main de sa mère. La jeune Vicomtesse, sa future suzeraine, avait eu l'art, en une phrase, de mettre sur ses épaules une pression folle.
La condition de tout ce fatras, la seule condition qu'il avait posée, c'était que ses routines n'en soient pas affectées. En aucune façon cela n'impliquait qu'il prît soin d'Eilinn... Elle savait d'ailleurs fort bien vivre sans proches, comme elle le prouvait depuis des mois au monde.


-« Bonjour et - merci de votre accueil. »

Il entendit tous les mots suivants, l'arrivée de la Reine d'Armes, l'arrivée de l'apprentie heureuse d'Ella, accompagnée, manifestement. Sa tête résolument baissée, debout près de sa mère, oscillant sur ses pieds, il était coupé des événements, sans lien oculaire - et c'était mieux ainsi. Il ne rendait aucun salut. Il n'était pas à sa place, il était terrifié.
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Eilinn_melani
Eilinn répondit à l'embrassa de Jehanne Elissa avec grand plaisir, comme à chaque fois qu'elle voyait son amie. Elle se saisit des mains de Jehanne-Elissa et lui sourit, lui accordant une confidence à voix basse.

J'avoue, c'est moi qui l'ai cousu.

Elle regarda la tenue de la Goupil.

Je reconnais la patte de la baronne de Bois Doré te concernant.

Eilinn eut la politesse de ne pas signifier à la Goupil qu'elle avait connu la Penthièvre mieux inspirée.

Je vais aller saluer Montjoie, veux-tu, et nous pourrons démarrer la cérémonie, à moins que tu n'attendes encore d'autres personnes.

Elle lâcha la main d'Alice, laissant désormais à celle-ci le droit de baguenauder dans la pièce et elle se dirigea vers le pupitre derrière lequel était assise Ingeburge, avant de faire une révérence pour la saluer.

Bien le bonjour Montjoie, passez-vous un bon séjour en Languedoc ?

L'intêret d'Eilinn était sincère pour Ingeburge, après des mois passés à travailler ensemble au Louvre. Il n'y avait jamais eu d'intimité, ou de rapports autres que professionnels, mais l'Avize estimait grandement la jeune femme.
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Vicomtesse d'Avize, Diaconesse de Paris.
Ingeburge
Ses gants ôtés, elle entreprit de déballer ses affaires. Sa besace de cuir posée en son giron, elle en sortit un petit cahier de parchemins corné et jauni; une reliure dans laquelle avait été glissée la lettre de Jehanne Elissa et d'autres documents utiles; une boîte oblongue renfermant plumes, calames, petit canif, bâtons de cire, pinceaux, pigments et encrier; et une autre, plus petite où était serrée sa matrice de sceau. La cotte azurée des Rois d'Armes de France resterait dans son enveloppe de soie, le caducée était toujours inexistant puisque toujours pas remis par le roi de France.

Ce fut au terme de cette installation qu'elle fut tirée de ses réflexions par la vicomtesse d'Avize et levant les yeux, elle répondit courtoisement, heureuse de la revoir :

— Le bonjour, ma demoiselle.
Se tenir aux côtés d'Eilinn lui rappelait un temps béni. Et elle était touchée que celle-ci soit venue la saluer et s'enquérir de ces nouvelles par cette question à laquelle elle ne s'attendait pas et qui changeait de celle qu'on lui servait ordinairement ces jours-ci, comme celle du comte du Languedoc et du vicomte de Rochefort d'Oc qui avaient tour à tour demandé si elle n'avait pas envie de revoir la Bourgogne, à croire qu'elle était sur place depuis bien trop longtemps.

Alors, son séjour se déroulait-il bien?

— Ma foi, oui. Je goûte, loin des trépidations parisienne et bourguignonne, un repos inusité. Je n'ai guère vu plus que le château de Montpellier et ceux de quelques nobles mais je vois plus de pays ces temps derniers, je participe en effet au tour du Languedoc du porte-parole.

Enfin, voir du pays, c'était vite dit, elle avait surtout contemplé l'habitacle de son coche et les murs de sa chambre, à l'auberge. Mais elle finirait bien par en découvrir davantage puisqu'elle ne voyait rien, ce ne serait pas difficile. Revenant à Eilinn, elle dit encore :
— Et vous-même, vous faites-vous à cet endroit? Je gage que vous avez déjà dû faire vôtres nombre de recettes locales.
Un léger sourire vint ponctuer cette assertion, c'était par la Bouche Royale qu'elle avait côté la juvénile Melani et elle associerait toujours celle-ci aux merveilles culinaires de la cour. Et c'était d'autant plus facile que tous ses sens conservaient un souvenir appréciateur du passage de la vicomtesse à la tête des cuisines des rois de France.
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Jehanne_elissa
Ella s'assit : bien ! Jehanne aimait que ses invités soient à l'aise. Elle espérait que la cuisinière de renom ne serait pas trop déçue des friandises qui trônaient sur la table, elle avait fait répéter la cuisinière plusieurs fois ! Mais il n'y avait pas à Cauvisson de four assez bien fait et assez pratique pour faire des macarons ou d'autres sortes de gourmandises précieuses, comme l'on en faisait à Paris. Elle poussa néanmoins du bout d'un doigt fin un plateau d'argenterie garni de pâtisseries, au cas où la bourgeoise ou son fils auraient faim.

Le fils, Jehanne ne sut trop comment prendre sa réponse. Alors elle sourit, sourire, c'est bien, c'est confortable, ça peut masquer l'embarras, et surtout, ça évite les polémiques. Et Jehanne n'était pas du tout du tout à l'aise avec les polémiques ou l'indiscrétion. Sa seule curiosité était de savoir s'il rendrait Eilinn heureuse, et de ce qu'elle voyait, ce serait un bonheur sans doute très solitaire... Au moins, vu son attitude, ce ne serait pas un époux encombrant ou trop entreprenant !

A la Reine d'Armes, elle répondit avec entrain :


- « Si elle arrive, nous l'attendrons alors ! Je suis on ne peut plus heureuse de vous accueillir à nouveau, et désormais, les garde-mangers sont plus remplis. Vous trouverez à côté du lutrin de quoi grignoter, si nous devons attendre Aimelina trop longtemps ! »

La rouquine ne l'espérait pas, mais bon... La Linèta était imprévisible, dans son genre. Et le pire c'est qu'on avait toujours envie de lui pardonner.
Le sourire suivant fut pour Eilinn. Sa belle Eilinn, dans sa robe si douce et délicate...


- « Oui, ma robe est d'Alatariel du Bois-Doré, mais je ne sais pas si elle me va bien. Adeline, qui est très franche, m'a dit qu'elle me donnait un air vieille et triste, et ce n'est pas du tout ce que je veux, tu sais bien ! Il faudra que tu me couses une ou deux robes, quand tu pourras ! Oh, Eilinn... Va saluer Montjoie, oui, je m'en voudrais de te rendre impolie ! »

Tandis que son amie s'en allait saluer l'officier héraldique, la Volpilhat murmura :

- « Est-ce donc bien ton choix ? Il est encore temps de renoncer, mais je crois comprendre pourquoi tu as accepté l'hymen...
Alice, n'hésite pas à t'installer, tu es ici comme chez toi, tu le sais ! Les gâteaux aussi, mange-en tant qu'il te plaira ! »

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Eilinn_melani
Eilinn offrit un sourire sincère au Roy d'Armes. Tout comme Ayena quelques mois plus tôt, celle-ci semblait surprise de la voir tant au Sud du Royaume.

A vrai dire, je vis en Languedoc depuis plusieurs années. Mes parents m'ont envoyé ici assez jeune, l'humidité des terres du Domaine Royal ne me réussissait pas. Et puis j'y ai maintenant nombre d'amies, alors je suis restée, même si j'ai parfois caressé le souhait d'aller vivre ailleurs.

J'espère que votre tour de Languedoc vous plaira quoi qu'il en soit. Si vous pouviez transmettre mon bonjour au Vicomte d'Euphor, j'en serai ravie.

Vous m'excuserez, je vais aller saluer le futur seigneur de Saint Côme.


Une esquisse de révérence, et Eilinn se dirigea vers la mère et le fils Durée. Elle se saisit tout d'abord des mains de la pâtissière, apaisant les tremblements qui agitaient les muscles de la pâtissière d'une pression chaude et ferme.

Maitre, bienvenue en Languedoc. Comment allez vous ?

Elle regarda Ernest, donc le regard fuyant indiquait le trouble, et se contenta d'une salutation polie.

Bonjour Ernest.
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Vicomtesse d'Avize, Diaconesse de Paris.
Ernest_duree
Sa Mère avait promis qu'il n'y aurait rien, dans sa vie, qui changerait. Rien, rien... Rien, sauf une cérémonie où déjà trop de monde était, où l'on attendait encore. Il rivait ses yeux sur le sol dallé, le pauvre Ernest. Il pourrait toucher à ses vingt ans qu'il aurait toujours les mêmes automatismes qu'à ses quinze ans. L'embarras lui donnait des airs de pendule, à osciller tout seul sur ses pieds, des pieds fichés dans le sol pour y puiser assise et stabilité.

Lorsqu'Eilinn le salua, il ne leva pas les yeux, mais répondit :


-« Bonjour ma - dame. »

Il savait bien, il savait trop bien quelle logique présidait aux séances en public. Comme il préférait saluer Linien, aussi enjoué que les clientes écervelées de la boutique ! Et c'était bonnet blanc et blanc bonnet, pour lui, et deux attitudes pour une même chose, c'était une attitude de trop. Mais tout serait bientôt fini. Bientôt, sa vie ne changerait pas. Bientôt, sa vie ne changerait plus. Et c'était la seule chose qui comptait vraiment pour le bonheur de sa mère.
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Aimelina
Pendant que ça mangeait des petits fours à Cauvisson, Aimelina avait longé Mus, était entrée dans le val et avait remonté le Rhôny. Elle inspirait à pleins poumons, regrettant l'absence de Germain, qui était si souvent encombrant avec son mauvais caractère, mais si délicieux ! Enfin, elle n'était point non plus d'humeur maussade : elle allait chez une amie, pour remplir des fonctions presque officielles, et avait grande curiosité à voir le fils Durée, dont elle n'avait pas trop compris pourquoi Jehanne l'anoblissait. Le peu qu'elle avait entendu d'Ernest lui laissait penser que le déclin d'Ella Durée durant les derniers mois n'était pas uniquement dû au souhait de la bourgeoise de ternir le règne de la Malemort, mais sans doute aussi qu'on avait troqué la tenancière joviale et bienveillante de la boutique contre son fils aussi affûté qu'un fil à couper le beurre.

Faut-il écouter les rumeurs ? Aimelina en était friande, plus encore que de macarons. En bonne greluche kitchissime commérante, les rumeurs, elle les fait siennes, elle les entonne, elle les claironne, elle les gobe.

Nous l'avions laissée, cher lecteur, à la suite d'un serviteur, dans les couloirs de Cauvisson et sa robe aux motifs explicites.
Oui, l'auteur aime les zeugmas.


-« Bonjooooorn ! Oh, Joana, je suis la dernière ? Dis-moi que non ! Bonjour Eilinn, adissiatz Mestra, Mestre... Puèchgaug, je suis à vous. »

Une ultime phrase qu'elle allait faire sienne pour les siècles à venir.
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