Erwan.
Ca y est. Enfin! Il faisait beau. Jétais presquaussi content que quand tout le monde était revenu et que la maison sétait remise à bruisser, de tous ces murmures, frémissements, bourdonnements et autre froissements qui montraient que la maison était de nouveau vivante.
Et bien là cétait la nature qui revivait de cette façon là.
Je métais allongé dans lherbe, yeux clos, mains croisés sous la tête, soleil me réchauffant doucement. Le bonheur intégral. Bon je sais quand je suis calme comme ça, je sens presque toujours sur moi le regard dubitatif et méfiant dun grand qui se demande ce que je mijote. Et quoi ? Jai pas le droit dêtre là simplement, sans avoir aucune idée derrière la tête ? Parce que cest le cas hein ? Rien que du bonheur. Et du vrai là, parce quaucun adulte, dans le coin.
Sauf que tout à coup :
-Erwan ?! Tu veux pas viendre zouer avec moi dis ? Z'm'ennuie!
Maurait étonné ça. Peux jamais être tranquille. Ben quoi encore!!! Il fait beau, le soleil brille, les oiseaux chantent, les grillons cricrittent, le ruisseau glougloute. Je lembête pas. Et elle est encore pas contente. Lui ont pas appris à profiter de la vie les Saipluriens ?
Je tournai la tête vers ma sur.
Bah elle a un jeu dosselet. Devrait pas sennuyer alors. Je mennuie jamais, moi. Enfin presque jamais. Sauf dans les cérémonies officielles, mais même les grands y sennuient dans ces trucs là. Y croient quon les voit pas parce quon est pas à leur hauteur, mais quand on essaie de bailler discrètement ça se voit. Même si on ouvre pas la bouche en grand.
Jessaie de retourner à mon som
euh ma méditation, mais peine perdue. Elle ma déconcentré. Quoi? Bien entendu faut être concentré pour profiter pleinement! Comme si vous l'saviez pas.
Bon! Va falloir que je trouve une idée doccupation, parce que je la connais ma soeurette. Va pas me lâcher maintenant quelle a trouvé une cible à son ennui.
Mon cerveau tourne à plein régime. Et tout à coup, idée de génie. Je me relève dun bond. Je suis très fort pour me lever dun bond. Je tends la main à Briana pour laider à se lever. Parce quelle, elle est pas très forte pour se lever dun seule coup. Normal cest une fille. Bon daccord faut dire que les grande jupes, ça aide pas à la souplesse.
Jai une idée. Mais ça risque dêtre salissant alors faudrait qutaille te changer avant, passque sinon Manou, elle risque dêtre pas contente. Mets un vieux truc.
Et te fait pas choper par Carenza hein ? Sinon elle risque de pas nous laisser tranquilles.
Je tattends là.
Erwan.
Je sais pas si cest le fait de rêvasser, ou si cest passque ma sur saméliore, mais elle était revenue presque plus vite quelle était partie.
Et elle avait un sac plein. Et pas lair de sêtre fait attrapée par Carenza. Bon ! Conclusion simpose, elle saméliore. Ce qui exclut pas que le fait de rêvasser accélère le temps, mais je me pencherai là-dessus une autre fois.
Dabord je lentrainais vers lécurie, où elle devrait pouvoir se changer à labri des regards du jardinier et de tous les autres grands à qui il pourrait prendre lenvie soudaine de trainer par là. De toute façon, javais aucune mauvaise intention. Donc pas la moindre raison que leurs détecteurs à bêtises se mettent en route. Mais des fois, même quand on est innocent, ils vous regardent comme si on létait pas. Donc la prudence simposait.
Arrivés dans le fond de lécurie, ma sur mavait tendu des vieux vêtements à moi aussi. Vraiment, je vais peut-être finir par en faire quelque chose de ma petite sur. Elle commence à penser comme moi. Je lui adressai un grand sourire approbateur. Non pas que jai eu besoin de me changer, vu que moi les jours normaux, je mhabille pas vraiment comme un prince un jour de bal, enfin vous voyez ce que je veux dire. Mais mettre des encore plus vieilles frusques pouvait pas faire de mal non plus.
Une fois changés (là, faut bien lavouer, ma sur avait encore des progrès à faire question rapidité, mais on peut pas tout améliorer en même temps), je lentrainais vers larrière du jardin, le côté qui donnait sur la forêt. Il y avait une percée dans les buissons par laquelle je passais très souvent. Dailleurs la preuve, cest que de lautre côté, mes passages répétés avaient dessiné comme une espèce de sentier dans la végétation. Mais personne dautre venait jamais par là. Enfin je crois pas. Cétait mon secret à moi. Il y avait plein de choses passionnantes là derrière. Elle avait pas idée. Je lemmènerais peut être dautres fois voir le reste. Dépend de comment elle allait réagir aujourdhui.
Mais pour linstant, direction la mare du sorcier. Bon je sais pas si elle sappelle comme ça en vrai, mais cest comme ça que je lappelle moi. Parce quil y a un vieil arbre mort sur le bord, que quand on le regarde dun certain côté, on dirait un vieux bonhomme tout tordu avec un nez crochu et un chapeau pointu.
Je regardais ma petite sur dun air hyper sérieux, que javais emprunté à Carenza (je suis pas sûr dy arriver aussi bien quelle, mais même si cest seulement à moitié ça doit déjà être impressionnant).
Maintenant Briana, suis moi en faisant le moins de bruit possible.
Briana.
Elle avait troqué ses beaux habits contre les vieilles frusques tirées dun vieux coffre. Les vêtements habituels avaient été dissimulés derrière un gigantesque tas de paille entreposé dans le fond de lécurie et la petite chose, qui avait fait aussi vite quelle lavait pu, ( après sêtre emmêlé les jambes, les bras. Avoir culbuté deux ou trois fois ) avait rejoint son frère, souriante, son petit cur trépignant dimpatience.
-"Ca yest ! Zsuis prête !"
Lui restait encore quelques morceaux de paille dans les cheveux, preuve dun combat éprouvant. Cest que mine de rien, davoir eu à shabiller seule sans laide habituelle de Carenza, fut une véritable performance sportive.
Mais pas le temps de savourer la pause que déjà Erwan la tirait dune main entraînante vers le sous bois qui bordait le domaine. Elle ne perdait pas de vue le chemin quils empruntaient, prenant connaissance des moindres détails de ce passage qui ne lui était pas du tout familier. Arbres, bosquets
Chaque image venait prendre marque dans lesprit de Briana. La prochaine fois, cest sûr, elle saurait venir seule. Ce quelle aimait que son frère lui dévoile ses petits secrets afin que par la suite, elle puisse à elle seule en profiter.
La course devient folle et même si le chemin est marqué par les passages répétitifs de son aîné, les ronces et autres herbes mauvaises nont pas finie de repousser. La forêt avait ce quelque chose de magique et de tout aussi terrifiant à ses yeux denfant. Tous ses sens étaient en éveil et la petite main se resserrait, inconsciemment, sur celle dErwan tandis quà deux, ils continuaient de senfoncer dans un monde tout en nuances. Resserrer le lien protecteur qui passait par la jonction de leur main. Ne pas avoir à se perdre dans ce monde semé dembûche quelle ne connait pas.
Puis leurs foulées ralentissent et avec elle les ronces qui cherchent à saccrocher à leurs bas, comme si la forêt se voulait de les faire prisonnier de ses sols. Ronces épineuses qui accrochent, qui arrachent, et qui laissent sétaler quelques goutes de ce liquide vital qui coule dans les veines et qui réchauffent les corps.
Elle pourrait crier, se laissant aller à la peur qui la gagne, mais elle nose pas. Pour ne pas éveiller les grosses bêtes qui hantent, tant son imaginaire que la forêt, et ne pas, surtout pas, faire de bruit. Comme le lui avait demandé Erwan.
Mais pourquoi ? Quy avait-il dans cet endroit pour quils se doivent dêtre si discret ? Le petit ventre se tordait et le cur battait à tout va entre palpitation et angoisse. Droit devant de leau qui sétendait en une petite mare. Et tout autour deux, des arbres à perte de vue. Azurites qui se posent sur son frère et main qui se resserre.
-"Erwan ! Cest pourquoi quon est là ? Et pourquoi quil faut pas faire de bruit ? Y a quelquun qui se cache ici ? "
Erwan.
Il y avait quelque chose quelle comprenait pas dans « en silence » ?
Chut, pas si fort !
Je lui désignais le vieil arbre mort qui veillait sur la mare.
Faudrait pas le réveiller lui. Cest un affreux sorcier. Tu sais, un de ceux qui transforment les gens en toutes sortes danimaux. Comme dans les histoires de Carenza. Tant quil dort tout va bien.
Je voyais quelle jetait des coups dil effrayés vers le vieux tronc. Vu dici, cest vrai quil avait vraiment quelque chose dun peu menaçant. Les branches mortes sur les côtés lui faisaient comme une sorte de tignasse hirsute qui dépassait de sous le haut du tronc mort qui sétait cassé en pointe. Il avait lair de surveiller le sentier par lequel nous étions arrivés. Il y avait 2 trous (lun un peu plus haut que lautre) de part et dautre de la branche qui faisait comme un nez crochu, et qui ressemblaient à des yeux noirs. Et quand on bougeait, on avait presque limpression que son regard vous suivait.
Tinquiètes quand même pas trop. Je crois quil est dans cet état passquil est tombé sur plus fort que lui. Et surement plus gentil. Il a été puni de toutes ses mauvaises actions. Et pis tu sais bien que je te protège.
Je tirais sur sa main pour lentraîner de lautre côté de la mare.
Tu vois, de là, il peut plus nous voir. Mais il pourrait toujours nous entendre. Donc parle tout bas si tu veux dire quelque chose.
Je lentrainais vers un carré dherbe épaisse qui descendait en pente douce vers leau. Je mallongeais sur le ventre de façon à pouvoir bien observer l'eau et tout ce qu'il y avait autour.
Fais comme moi et essaie de pas trop bouger. Et de pas trop parler non plus.
Notre arrivée avait un peu perturbé la vie grouillante de la mare. Il ny avait plus un bruit. Mais je savais que quelques instants de silence et tout reprendrait comme si de rien nétait.
A condition que ma sur parvienne à se taire suffisamment longtemps. Pour linstant, le sorcier avait lair de lui avoir coupé la chique, comme javais entendu quelquun dire en taverne, mais je savais que ça ne durerait pas longtemps.
Jadorais passer des heures ici à regarder tous les animaux qui y vivaient. En ce beau jour du printemps, il y avait des iris deau dun magnifique jaune vif, il y avait aussi des fleurs sur les nénuphars. Et des fleurs violettes dont je connaissais pas le nom. Et pis les roseaux, moi je trouvais ça super joli. Je désignais tout ça à ma sur.
Tu vois comme cest beau ?
Et puis y a les libellules de toutes les couleurs qui ont commencé à se remettre à voleter partout. Y en a une dun bleu magnifique qui sest posée sur une feuille de roseau juste devant ma sur.
Je lui montrais les insectes qui courraient à la surface de leau. Ca mavait toujours épaté. Comment ils faisaient ça ?
Et puis les grenouilles se sont remises à chanter.
Briana.
Parler tout bas. Qu'y avait-il de compliquer à ça ? Manifestement pas grand chose. Sauf que pour Briana, la chose ne s'avérait pas aussi simple. Mais après quelques nouvelles recommandations de la part de son frère, un signe d'acquiescement et une main plaquée devant sa bouche pour la tenir scellée, elle s'efforçait de tenir le silence. Mais s'était loin d'être évident, surtout lorsqu'elle se prenait d'une envie de poser des questions sur telles ou telles fleurs qu'elle découvrait pour la toute première fois, sur un bruit venu du fin fond des bois...
Pas évident, mais elle n'ouvrait pas la bouche pour autant, réservant sa salve de questions pour plus tard. Et tant pis pour Erwan qui s'en verrait cribler.
Silence... Seuls les bruits environnants que leur livrait la forêt s'insinuaient en ses esgourdes tandis qu'elle restait bien tapis dans l'herbe, au côtés de son frère, mirant ça et là la vie qui s'animait de nouveau tout autour d'eux et ne manquant pas de s'assurer que le vilain " sorcier de la Forêt" n'était pas là de venir les attraper.
Chaque coup d'oeil porté sur l'arbre valait de la faire frissonner et l'obligeait à détourner les yeux qu'elle venait sitôt poser sur une araignée d'eau, un roseau... Tout de lui faisait peur : sa silhouette tortueuse, le bruissement du vent passant entre ses branches et là de les faire craquer... et tout était bon pour ne plus songer à l'Abominable.
Le chant des oiseaux avait don de lapaiser, puis sen vint le coassement des grenouilles. Un regard tourné vers son frère, pas la peine pour elle de parler. Un simple regard plongé dans le sien pour comprendre ce à quoi ils pourraient bien sadonner.
Et si ils sen allait à la chasse ? Chasser la plus grosse grenouille qui soit. Le plus gros crapaud
Sans attendre, ni même que son frère najoute mots ou ne prenne les devant, elle trottina jusquau bord de la mare, là où quelque branches broussailleuses saventuraient au dessus leau. Guidée par la provenance des coassements, Briana se figea avant de faire signe à Erwan pour qu'il la rejoigne. Là, couchée dans les herbes hautes, elle fit signe à son frère d'en faire autant et désigna du doigt l'animal que ses azurs venaient de découvrir : un énorme crapaud, à l'iris colorée de jaune et d'orange, trapu et court sur pattes avec sur son dos tout un tas de pustules.
Qu'il était moche à regarder et pourtant les petits yeux de la Blondie ne pouvaient s'en détacher. Elle songeait en même temps que de l'observer, le détaillant minutieusement, à toutes ces histoires qu'avait bien pu lui conter Carenza. Celles narrant que derrière tous Crapaud pouvait être caché un Prince Charmant. Et curiosité poussant à la question, elle fut énoncée tout bas :
" Dis Erwan ? Tu crois que ça n'est un Prince et que ton arbre sorcier il l'a cransformé ?"
Erwan.
Eh ben, jétais épaté ! Ma sur avait réussi à se taire. Vu les regards quelle jetait sur le vieux sorcier figé cétait peut-être plus parce quelle le redoutait, que parce que je le lui avais demandé, quelle se taisait.
Et tout à coup voilà quelle se lève pour aller courir presque jusquau bord de la mare. Et sallonger juste au bord de leau. Heureusement que je lavais fait se changer. Passquelle aurait été propre sinon. Et pis à tous les coups cest encore moi qui me serais fait enguirlandé, alors que là hein jy était vraiment pour rien.
Les grenouilles sétaient à nouveau tues. Javais aussi entendu quelques ploufs. Pas folles les bêtes ! Elles étaient allées se mettre à labri dans les roseaux. Faut dire quune Briana qui courre, même sans parler, ce nest pas très discret. Je poussais un léger soupir et me levais pour la rejoindre.
A peine allongé, elle me désigna un point à quelques dizaines de centimètres de son nez. Magnifique crapaud. Dune taille assez impressionnante. Vraiment très joli.
Et voilà que ma sur me pose une question totalement inattendue. " Dis Erwan ? Tu crois que ça n'est un Prince et que ton arbre sorcier il l'a cransformé ?"
Arf ça, faut dire que jy aurais jamais pensé. Un prince ? Fallait déjà quil soit venu se balader par là. Et quil ait fait une grave connerie pour que le sorcier lui fasse ça. Quoique ! Les sorciers cest pas des gens comme nous, hein ? Ils font des fois des trucs que personne dautre y feraient. Y a des tas dhistoires qui racontent les trucs pas sympas quils font, les méchants sorciers. Et cest vrai quils sont connus pour changer les gens en crapaud. Ou pour faire cracher des crapauds aux gens. Y a plein dhistoires entre les sorciers et les crapauds. Et Briana elle les connait vachement mieux que moi.
Je regardais attentivement lanimal. Cest vrai quil était beau. Le prince des crapauds, cétait bien possible. Je lui fis un clin dil. Et
il ma répondu par un clin dil aussi.
Regarde Briana il nous a fait un clin dil. Tu dois avoir raison. Mais le problème cest quon a pas de princesse sous la main. Pour quelle lembrasse pour le délivrer. Passquil faut bien un princesse pour ça.
Je réfléchis un moment. Bon ma sur, cest pas une princesse. Mais elle croit quelle en est une. Alors ptêtre que ça marcherait quand même.
Je me levais dun bond et sautais sur lanimal. Il essaya bien de se barrer mais jai été plus rapide que lui. Heureusement que les crapauds, ils nagent pas comme les grenouilles, sinon je sais pas comment jaurais fait pour lattraper. Par contre, il me vint comme un léger doute. Si cétait un prince, il aurait pas dû essayer de se tailler si ?
Enfin pas grave, je lavais chopé. Je le tendis à ma sur en lui disant:
Briana, faut que tu lembrasses. Si cest un prince, ça devrait le délivrer du mauvais sort.
Bon je lui dis pas que ça marcherait sûrement pas, vu quelle était pas une princesse, sinon elle était cap de pas lembrasser. On verrait bien après, si ça marchait pas.