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[RP] Au fond du trou

Clemence.de.lepine
Ils avaient établi leurs quartiers à Conflans. Aucune envie de s'avancer plus avant en Champagne et puis, c'était ici que la bataille fatidique avait eu lieu. C'était ici qu'Isaure avait été blessée. Alors, il lui semblait que cela avait un certain sens, de rester ici au lieu de pousser par exemple jusque Sainte-Ménéhould. Et puis, Reims était « interdite aux voyageurs ». C'était ce qu'elle était désormais, quand elle posait le pied en Champagne. Une simple voyageuse. Elle qui avait passé toute son enfance entre Châlons et Reims. Elle, dont les parents avaient jadis œuvré pour ce duché, dont le grand-père possédait certainement dans chaque ville de Champagne, un monument ou un lieu érigé ou nommé à son souvenir. Ils avaient eu un hôtel à Reims, mais suite à la perte de Châlons, Sainte-Marie-du-Lac et Beaugency, elle l'avait mis en vente pour n'y garder aucune attache et en avait d'ailleurs récupéré une jolie petite somme.

Aujourd'hui, elle y revenait, et passer à proximité de Châlons ne lui arracha pas même un sourire de regret. Elle tâcha simplement de ne pas afficher trop ouvertement son amertume. Elle tentait de se persuader qu'après toutes ces années, elle avait fait son deuil, et que même le nom de la Duchesse de Brienne ne lui provoquait plus aucun mauvais émoi.

A la place, elle faisait silencieusement la conversation, imaginant un dialogue qui manquait un peu de réalisme mais qui parvenait à la mettre de plutôt bonne humeur.


- Vous êtes heureux de chevaucher sur ces terres qui m'ont vue grandir ?
- Vous savez bien, ma mie, que rien ne peut me faire davantage plaisir que ce privilège que vous avez la délicatesse de m'accorder.
- N'est-ce pas que je suis délicate ? Là-bas c'est Châlons, celui de Champagne bien sûr, et non celui de Bourgogne. Mon père en possédait naguère les terres avant qu'il n'en soit dépossédé. C'est Cerberos d'Armentia qui les a ensuite récupérées.
- Votre père était un grand homme. On n'aurait jamais dû lui retirer Châlons.
- C'est la faute de Maltea. Vous vous rendez compte qu'en plus, il s'agissait de la femme de mon cousin ? Un coup de traîtresse. Elle nous détestait pour des raisons idiotes et infondées.
- Vos histoires de famille sont passionnantes. Vous devriez m'en raconter plus souvent. J'admire vos ancêtres au moins autant que je vous admire, vous.
- Hum oui. Au fait, rappelez-vous d'être aimable avec Isaure. Elle doit être au fond du trou. Il n'y a qu'à lire la lettre qu'elle m'a envoyée...
- Je voue un grand respect à votre cousine, puisqu'elle est de votre sang. Jamais il ne me viendrait à l'idée de lui être désagréable. C'est une demoiselle tout à fait charmante.

Secouant la tête pour dissiper cette utopie, elle pressa un peu l'allure et rattrapa le cheval d'Aimbaud qui la devançait. Ils feraient l'aller et le retour dans la journée puisqu'ils n'avaient pas le droit de séjourner à Reims. Ils étaient partis à l'aube, à cheval, afin de parcourir rapidement les distances. Se portant sur son flanc droit, elle accorda ensuite la cadence de sa monture à celle de son époux.

Au fait, vous n'avez pas prévu d'être déplaisant avec Isaure ? Elle a besoin de notre soutien, pas de vos sarcasmes.

Elle fronça soudain les sourcils, en proie à une idée fâcheuse.

Vous pensez que si le roi apprend que deux de ses vassaux rendent visite en prison à une frondeuse, il en prendra offense ?
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Aimbaud
Vous divaguez ! Hin hin. Le Roy a d'autres vassaux à fouetter.

Lui répondit le jeune Josselinière en tournant vers elle une tête de jouvenceau qui se voulait beau-gosse, un sourcil en l'air, un sourcil en bas, avec un petit regard tip-top blasé. Cette mimique là, il la travaillait depuis ses treize ans, tous les matins dans son miroir en passant la main sur sa coupe-au-bol. Autant vous dire qu'elle était au point. Cependant, de façon inexplicable, sa femme restait tout à fait hermétique à toute technique de charme. Au lieu de rougir en balbutiant quand le signal se déclenchait, elle soupirait avec exaspération ou lui balançait un objet à la figure. Mais là ! Il n'y avait PAS d'objet. Elle ne pouvait PAS lui jeter les brides de son cheval. Donc, avec grand plaisir : il mimiquait.

Ne vous en faites paaaas. Tout se passera pour le mieux, et je serai courtois avec votre cousine.

Ça allait être difficile, voire douloureux, de devoir retenir ses éclats de rire lorsqu'il verrait la charmante pimbêche derrière les barreaux, mais il s'y contraindrait. Il ne pointerait pas son index en faisant : AHAHAH. Il n'essaierait pas de la taquiner avec un bâton ou de lui lancer des morceaux de pains. Il compatirait.
Mais c'était bien parce que dans le cas contraire, il sentait que Clémence allait lui tirer une tronche de pierre tombale pendant une semaine !

Sur cette décision, ils firent étape dans une auberge pour laisser passer un filet de pluie et étancher leur soif (surtout celle d'Aimbaud, qui avait soif pour deux). Le chemin n'était plus très long, ils passèrent à l'ombre des portes de Reims dans le courant de l'après-midi et suivirent le bon peuple vers les rues principales. C'était jour de marché. Arrivé sur une place, Aimbaud mit pied à terre et demanda le chemin des prisons. Il fit signe à sa dame, et s'en vint à deux pas poser un écu dans la main d'un garçon en lui remettant les brides des chevaux.


Les geôles, tout le monde descend !

Claironna-t'il en proposant ses mains à la cavalière.
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Clemence.de.lepine
Enfin. Ils étaient arrivés. Non qu'elle soit spécialement impatiente de pénétrer les geôles qu'elle s'imaginait insalubres, pleines de rats, puantes et humides, pour y trouver sa cousine. Mais elle en avait ras-le-bol d'avoir encore à voyager à dos de cheval quand elle l'avait fait quasiment tous les jours pendant ces neufs derniers mois. Elle s'interrogeait encore sur le fait de savoir si oui ou non il était plus agréable d'avoir de la compagnie, quelqu'un avec qui échanger, au cours de quelque déplacement de ce genre.

Elle tomba d'accord avec elle-même – c'était chose facile après tout : oui, c'était toujours plus plaisant de voyager avec quelqu'un, pourvu qu'il ne s'agisse pas de son mari à chaque fois car elle aurait vite fait de trouver insupportables les grimaces qu'il s'évertuait à répéter à tout bout de champ.

Et puis, elle changea d'avis quand il lui tendit une main pour l'aider à démonter. En fait, quand il voulait, il pouvait être prévenant. Il en devenait immédiatement beaucoup plus intéressant à côtoyer.


Je me demande bien pourquoi ils se sont sentis obligés de l'enfermer. Ils ne pouvaient pas simplement lui demander de rester bien sagement en Champagne le temps que son procès ait lieu ? On n'enferme pas comme ça une demoiselle de son rang. Ça n'est pas comme si elle était réellement dangereuse !

On les menait à travers des couloirs et descendait des escaliers tous plus humides les uns que les autres tandis qu'elle s'échauffait et s'indignait toute seule du sort qu'on avait imposé à sa cousine. Elle parlait assez fort pour que leur guide puisse clairement entendre ses vociférations, mais s'il en comprit quelque chose, il n'en laissa absolument rien paraître, tout à fait hermétique et imperturbable. Ce qui eut le don d'agacer Clémence un peu plus.

Elle retint Aimbaud par le bras et, s'arrêtant quelques courts instants, elle lui murmura sur un ton très sérieux :


Vous croyez qu'il serait possible qu'on l'aide à s'évader ? Il m'insupporte de la savoir ici. Il fait vraiment très froid.

Et pour appuyer ses propos, elle réprima ostensiblement un frisson et secoua la tête, désemparée.

C'est là. Appela le geôlier sur un ton bourru, quelques pas en contrebas. Il leur jeta un drôle de regard et agita son trousseau de clés, comme pour les intimer à se dépêcher.
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Isaure.beaumont
Ils revenaient. Pourtant elle n’avait rien fait cette fois-ci ! Du moins, rien qui ne puisse les alerter. A moins que le raclement régulier n’ait résonné dans tous les couloirs jusqu’à leurs grossières oreilles ? Isaure en doutait. Peut-être venaient-ils pour la passer à la question ? L’heure de l’ordalie avait-elle sonné ? Assise à même le sol, Isaure jeta un regard par-dessus son épaule pour voir qui s’en venait. Et plutôt que d’arrêter sa petite entreprise, la jeune fille reprit le travail avec toute l’ardeur de ceux qui espèrent encore. Les doigts fins s’acharnèrent sur la brèche calcaire découverte la veille. Les ongles griffaient et quand ils ne suffisaient plus à retirer la craie, Isaure s’emparait de la pierre fendue, qui en tombant malencontreusement, lui avait révélé une ouverture vers sa liberté. Enserrée dans sa main, la pierre lui servait de burin. Chaque choc créait de nouveaux éclats. C’était sa pierre qui subissait le plus. Le mur, cet ingrat, prenait son temps à s’effriter. Les doigts isauriens s’agitaient de nouveau, mais il leur faudrait encore soixante-dix petites années pour qu’Isaure puisse enfin sortir. Qu’espérait-elle au juste?

Cette activité avait occupée sa soirée, sa nuit et sa matinée. Quant à ses précédentes journées, elles avaient été occupées à manifester son indignation.
Savez-vous qui je suis ! leur avait-elle crié à plusieurs reprises. Menaces, insultes et autres réclamations avaient ensuite troublé pendant plusieurs heures la prison rémoise. Et quand elle ne geignait pas, elle chantait. Vous savez, un de ces chants qui vous donnent envie de sauter à l’eau et de vous noyer pour ne plus les entendre. Oui, Isaure était une talentueuse sirène. Vous ne voyez pas ? Ecoutez donc, vous comprendrez.

Je suis bêlleuh, bêlleuh, bêlleuuuuuuuh ! Comm’ une hirooondellEUH delleuh delleuh ! Qu’ooooon me donne des aaaaaaÎÎÎleuuuuh, Aiiileuh aileuh !

Et quand elle ne geignait pas ni ne chantait, c’était ses prières qui emplissaient les cellules. Ce calvaire pour les pauvres âmes alentours avait duré plusieurs jours. Les geôliers, las de sa voix, avait tout tenté pour la faire taire. Tous les moyens étaient bons. D’abord, on l’avait privé de repas. Sans succès. Même affamée, elle trouvait encore assez d’énergie pour donner de la voix. Ensuite, on avait frappé sur ses barreaux dès qu’elle ouvrait la bouche. Echec cuisant. La voix perçante de la Morvilliers couvrait sans mal le boucan métallique. Un geôlier, irrité, alla même jusqu’à la lapider à travers la grille, mais la brune trouva refuge derrière sa paillasse. Rien ne vînt à bout de la Wagner. Ni le seau d’eau froide qu’on lui jeta, ni la menace d’hommes armés que l’on posta devant sa cellule. Isaure leur fit le plaisir de leur servir un monologue sur le choix des étoffes. Elle leur conta ses aventures, de la Champagne à la Guyenne en passant par le Béarn. Elle leur parla même de Fleur-de-Lys, ce magnifique étalon-hongre qui avait fait sa fierté et de Léon, ce brave et fidèle chien qui s’était fait la malle. Elle leur fit part de ses idées de prénoms pour sa prochaine monture. Et enfin, elle leur conta la longue et passionnante histoire de sa vie et de sa famille, de ce père qui avait été le Célèbre Duc Bleu, de cette tante qui était la fille du Ô combien fameux Caedes. Tout y passa.

Mais cette fameuse veille, alors qu’elle déplaçait sa paillasse pour une raison toute isaurienne, une grosse pierre s’était détachée et avait roulé jusqu’à ses pieds, se fendant en deux. Avait alors germé dans sa petite tête de grue écervelée un plan d’évasion. Si elle parvenait à creuser suffisamment la pierre, elle pourrait rejoindre son Roy et sa Reyne, évitant ainsi que son gracieux corps ne soit irrémédiablement privé de son joli minois. Elle était persuadée de réussir et à aucun moment elle ne s’inquiéta de la hauteur à laquelle elle serait une fois l’épaisseur du mur creusée.


Mais rendons grâce à cette pierre. Grâce à elle, chants et jérémiades avaient cessé. Le calme carcéral était revenu, et l’on n’entendait plus que les plaintes habituelles d’un condamné à mort ou le bruit d’une chaîne qu’un prisonnier tentait de traîner à sa suite. Concentrée sur la brèche, Isaure en oubliait tout le reste. Silencieuse, elle ne laissait échapper des grognements que lorsqu’un ongle se cassait. Et quand des pas se faisaient entendre, elle s’appuyait contre le mur, l’air de rien, dissimulant ainsi son forfait. Aussitôt qu’ils s’éloignaient, les doigts poudreux et rougis par le frottement et le sang s’activaient de nouveau.


C'est là.

Se relevant vivement, Isaure tira la paillasse devant son ridicule trou et s’allongea en hâte. Couchée sur le flanc, le menton dans sa main, elle feignait avec talent l’oisiveté.

C…Clémence ?! Vous… Que faites-vous là ??!


La brune se releva prestement et gagna les grilles pour voir de plus près sa cousine. Ses doigts coupables s'enroulèrent autour des barreaux tandis que son front se calait entre deux autres. Les yeux glissèrent alors vers celui qui accompagnait sa douce et blonde cousine.

Oh.. Aimbaud…


L’air surpris s’évapora et elle se renfrogna. Que venait-il faire ici celui-là ? Il venait se délecter du spectacle. Il venait admirer l’animal en cage, l’Isaure crasseuse et négligée qu’elle était alors. Elle l’en détesta un peu plus. Quant à Clémence, ah Clémence ! Comme elle était bonne de venir lui rendre visite. Quelle charmante surprise elle lui faisait. Peut-être venait-elle la sortir de ce trou ? Oui. C’était certain. Clémence allait la tirer de là.

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Aimbaud
Non certes, pas réellement dangereuse. Quoi qu'à un certain degré, l'agacerie et la chiantise pourraient presque être considérées comme des armes...

Aimbaud philosophait à mesure qu'on les conduisait dans les souterrains glauques. Il aurait bien aimé que ces couloirs les mènent à une de ces fameuses caves à tonneau de vin champenois pour une petite dégustation, mais hélas il n'en était rien. Il endurait donc bien vaillamment cette descente aux enfers, ravalant une claustrophobie passagère et traînant les poulaines sur les marches humides et la terre battue. Tout de même une question le taraudait, était-ce leur guide qui sentait des pieds ou ce cachot refoulait naturellement le cadavre ? Peut-être la prison était-elle en correspondance directe avec les oubliettes, où l'on avait "oublié" des contestataires tels qu'Isaure... L'idée le fit sourire. L'humour noir était bien assorti à leur situation...

Mais non il ne fait pas froid, murmura-t'il à sa femme qui lui pressait l'avant-bras comme un citron. Les caveaux sont à température constante et régulière quelqu'en soit la saison, saviez-vous ? C'est mon père qui me l'a dit. Ici, d'ailleurs, règne la chaleur humaine !

Il appuya son propos par un geste en direction de leur charmant guide. Ceci dit, il avait parfaitement évité le sujet de l'évasion. À trop lire les romans courtois, Clémence devait penser qu'on pouvait hisser sa cousine à l'aide d'une natte de cheveux lancée par un soupirail, et l'emporter aussitôt sur un cheval blanc, en slalomant entre les dragons et les chimères... Hum... Elle était touchante, parfois. L'arrivée de la troupe près de la cellule d'Isaure interrompit les pensées de notre jeune marquis.

Il grimaça aussitôt et recula d'un pas en voyant une grosse sauvage échevelée qui se ruait sur les barreaux avec ses mains sales. Pour un peu il aurait donné un coup de pied réflexe et ordonné un "Couchée ! Vilaine !". Il lui fallut un certain temps pour reconnaître, en cette créature, la damoiselle de compagnie de sa femme. Clignant des yeux, d'abord abasourdi, il la détailla de pied en cap et lâcha un toussotement gêné.


I... Isaure !

Puis il ne su trop que dire. Quelque chose de gentil, peut-être ?

Euh... C'est joli chez vous.
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