[M-11]
Plutôt mourir ?
Était-ce une plaisanterie ? La Marquise, sa cousine, était-elle en train de la taquiner ? A moins quelle ne voit dun mauvais il cet hyménée ? Quentendait-elle par plutôt mourir ? Plutôt mourir que dassister à ton mariage ou plutôt mourir que de te laisser épouser ce pédant petit paon ?
Un rictus déforma les lèvres de la Miramont, simple réponse au sourire doucereux de sa cousine. Elle ne devait pas faire paraître son désappointement.
[M-10]
Et tandis que la marquise lui confiait le secret du siècle, Isaure se plongea dans ses réflexions. La voix de sa cousine alors perdue dans le flot de ses pensées ne lui parvint quune fois quelle reçut le médaillon dans ses mains.
-Le ranger ? Hein
ah
euh oui ! Bien entendu.
Sans se soucier de lendroit exact où elle lavait trouvé, elle le posa distraitement sur le bureau. Nétait-ce dailleurs pas Clémence qui lavait ramassé ? Se ravisant, elle reprit le médaillon et le lança sur le parquet, quelque part sous le bureau, sa place initiale.
[M-3²]
Se mordillant la lèvre, la brune tira un à un les tiroirs pour en extraire leur contenu.
-Vous ne viendrez donc pas ? Voilà qui mattriste Clémence. A défaut de père et de mère, jaurais aimé savoir que vous, ma cousine de sang, seriez présente à mes noces !
Dans le fond dun tiroir, dissimulé sous un fouillis dobjets et parchemins en tout genre, Isaure découvrit, plaqué contre la planche de bois légèrement vermoulue, un paquet de lettres reliés par un vulgaire bout de ficelle.
Se saisissant dune lettre, elle la parcourut rapidement :
Blanche_ a écrit:Merveilleux, merveilleux.
Avoir des nouvelles de cette Chère Clémence me ravit. Ravit, dis-je. Oh, très certainement que si elle ne s'était pas invitée à Valdecorneja sur sa route de retour, j'en aurais été très peinée de devoir attendre le mois de mai pour Enfin la revoir!
Transmettez-lui toute mon amitié.
Blanche da Lua
Au verso, à l'encre sympathique, brunie.
Citation:Mon très cher amour,
Un mot de vous réveille mon coeur, un second l'enflamme. J'ai souffert mille morts à cacher votre pli sans y pouvoir répondre, une seconde lettre m'achève... Ah, si peu de place pour répondre, et pourtant tant de mots se pressent à ma plume...!
Il nous faut nous voir, je ressens le désir de vous dans tous mes os ; ma peau se languit de la votre, et mon Âme, doux Amour, n'a de cesse de chercher la votre... Où je vais je sens l'odeur de vous. Et vos mots me poursuivent... J'entendis votre voix me lire votre lettre. Assurément, vous étiez là, et tandis que je gardais le papier plié dans mon corsage, résonnait-elle encore à mes oreilles, et mon coeur. Je sens le souffle de votre impatience collé à la mienne, j'ose espérer que vous n'avez porté crédit à vos propres inquiétudes... Là, lasse, j'aimerais vous garder de chacune d'elles, je n'aurais de cesse de vous faire comprendre l'étendue de ma passion, s'il le faut je consentirai à la folie que vous m'ordonnez.
Mon coeur me le dicte, je vous invite à venir ; gardons cette manière de nous écrire le temps qu'il le faudra.
Vous revoir, sitôt que je pourrai...! J'en mourrai si je ne le puis. Me lisez-vous, entendez-vous ma voix? J'aurais presque vos mots au bout de mes lettres. "Ne faites pas de bêtises..!" vous pourriez me le dire. Blanche, ma mie...
J'ai reçu une invitation pour Paris. Et la Bourgogne, ainsi qu'Orléans. Compromettons-nous dans cet amour, je n'ai plus aucun espoir d'être rédemptée, et trouvons à la Castille ou la France le juste théâtre de cette damnation. J'y ai plus de contentement qu'une éternité pure auprès de mon époux. Aimbaud, pour l'amour de vous je ferais n'importe quoi. Me lisez-vous, entendez-vous ma voix ? Je vous aime encore.
Ardemment,
Blanche
En lisant la courte lettre sans intérêt, le visage dIsaure se rembrunit. Elle tendit dun geste sec le petit paquet de lettres à Clémence. En y piochant au hasard, voilà ce quelle pourrait lire.
Blanche_ a écrit:A Aimbaud de Josselinière,
De Blanche de Walsh-Serrant,
Salut.
Mon très cher ami, j'ai reçu aujourdhui votre lettre et elle m'a ravi : vous êtes en semblant
de bonne forme, vous avez bon ton et bonne figure, et tout cela me contente. J'aime apprendre de
bonnes nouvelles, et savoir votre épouse grosse (ou presque) me plaît. Dites moi si un petit rien
lui ferait plaisir, ou serait à son confort... Peut être une délicieuse surprise... Seulement si Vous
me promettez de garder le secret. Le moins que l'on puisse dire, c'est que tous deux vous êtes
gâtés. Que Clémence pleurait sur son statut de simple célibataire, désormais, est bien drôle...
Ou plutôt rassurant. Si vous me permettez de vous faire une confidence semblable, moi-même je
crois bien que je suis grosse. Je n'en ai encore aucun signe (et se faire de trop grandes idées ne
me sera pas profitable) mais il est quand même sûr que mon ventre est animé, et en moi je sais
qu'il est différent. C'est étrange comme les choses ont changées, elles ne sont absolument pas
pareilles que ce que j'ai ressenti l'autre fois, alors pour être sûre il me faudrait faire
venir le docteur, et je n'ai pas envie. Alors je m'ôte cette idée de la tête, et souvent je fais semblant
d'être normale, afin de ne rendre inquiet aucun membre de mon entourage, sauf bien sûr moi
même... Il est une vérité dans l'adage qui dit, que plus une femme se croit grosse moins elle l'est, et
qu'il ne faut surtout pas penser à son corps dans cette situation... Alors, mon ami, surtout
couvez votre épouse, gardez loin le front et contentez-vous de laisser grandir en son ventre ce que je
ne puis pas, d'ici, protéger moi-même. Rien ne prouve qu'elle se trompe, Clémence suit
les signes que son corps et son âme lui envoient. C'est une âme pieuse. Elle est totalement entourée
de la bienveillance divine pour n'avoir jamais failli à ses taches, et je ne vois aucune raison de
ne pas bénir votre union par une descendance, aussi rapide qu'elle soit. Il est bien des gens,
qui à son âge, enfantent deux fois l'an. Je coupe-ci, pour un autre sujet qui m'importe. J'ai
grande déception à ne pas vous savoir venant à Gondomar, j'imaginais bien vous voir passer une
semaine ou deux sur les terres de mon époux, entourés de sa famille, ses vassaux, son escorte
et mes nombreuses dames de compagnie, avec toute la bonne et haute société du Royaume de
Castille... Puisque vous ne devez pas descendre, je monterai et montrerai à Clémence la dentelle
si merveilleuse que l'on ne fait qu'ici, celle que l'on avait admiré toutes deux un jour, autour
du cou de sa Majesté de Tarstemara-Borja, et qui m'avait rendue à cet instant verte de
jalousie. Je prendrai aussi des soieries, des mets locaux, et j'irai jusqu'à elle à Nemours, moi,
même si elle ne veut pas venir, car je suis femme de parole et d'Amitié. Ne pas se
revoir, c'eût été trop difficile. Non, c'est donc décidé, je viendrai à Paris, à Nemours, voire
en Bourgogne (et donc je pourrai en profiter pour voir Della) et ce voyage sera
si bienheureux que j'en retournerai à Gondomar heureuse. Ravie. Sanctifiée. Ou simplement très
reconnaissante. Donnez moi une date pour que je vienne, que je prépare ce périple (qui est risqué
tout de même, car il faudra prendre la mer) ou alors plus simplement, promettez
de glisser dans votre prochaine lettre une quelconque occasion, à la fin ultime de
se revoir toutes les deux. Concernant votre requête, enfin, il se peut que je ne
sois pas capable de la rassurer entièrement. Quelques mots, seuls, ne peuvent pratiquement rien
face à une angoisse que partagent toutes les femmes. Mais si vous me croyez apte à lui faire
entendre raison, je vous promets de vous contenter. J'ai déjà en tête des phrases douces qui
sauront l'apaiser, la soulager de ses angoisses (car c'en est j'en suis sûre) sans qu'elle ne puisse
saisir que je ne cherche, somme toute, qu'à lui faire attendre le moment. Et à cette fin, causer
avec elle, tel que vous nous le suggérez, est indubitablement pertinent. Aussi, dès notre
future rencontre, je m'attellerai darrache-pied à cette tâche, à cette stupide perte
de ses angoisses pour qu'elle vous revienne plus douce et calme. Il ne restera ensuite plus qu' à
attendre que la bénédiction vous touche (même si peut être c'est déjà le cas) et ainsi, tous
ses peurs seront dépassées. En y réfléchissant plus, je me dis que le mieux pour venir, ce sera les
calendes prochaines. Peut être dans un mois, peut être dans deux.
Qu'importe la date à laquelle l'on prédit d'arriver, pourvu que je vienne, n'est ce pas ? J'arriverai
donc probablement au premier du mois de février, ou de mars, ou d'avril, c'est selon, sous
réserve que mon très cher époux ne change pas de programme tel qu'il le fait depuis huitaine.
C'est un fait qu'il est très occupé, et que je le suis aussi. Allons, c'est décidé, puisque j'attends
de savoir votre réponse, je reste sur la date du 1er février et je changerai plus tard, en fonction de vos
instructions.
Bien vôtre,
Blanca da Lua.
Blanche_ a écrit:Aimbaud,
Je ne saurais dire dans quel état je suis présentement ; la seule chose qui me parait évidente, c'est que j'abandonne-là toutes mes obligations, pour vous répondre immédiatement. J'ai très peur de vous perdre si je repousse à demain ma réponse.
Vous voyez des mots, vous criez une douleur, et doutez que j'entende. Petit, et crétin, tous ces qualificatifs qui gisent sur le papier par ma faute, vous les voyez et ils vous attaquent. Mais le cri, Aimbaud, mon cri, l'entendez-vous ?
Il y en avait d'autres, des mots. Des petits et idiots, parce qu'ils étaient avoués, et qu'ils l'étaient à contrecur, mais ils étaient !
Je vous ai dit cent fois vous détester, même ! Vous haïr, et si vous n'avez vu que je souffrais d'une pareille façon, j'en suis désolée. Ouvrez-les yeux. Petit, crétin, aveugle. Vous êtes tout cela, mais, encore, comme dans ma dernière lettre -Oh ! comme il me coûte de l'écrire à nouveau !- Amour, le mien, et puisque les mots ont leur importance, souffrez de les lire encore.
Amour. Amour. Amour. Que n'est-il question d'une plate amitié avec ces deux syllabes ! J'aimerais mieux, au contraire, bien plus ne sentir pour vous qu'une innocente inquiétude, un peu maternelle, ou encore une indifférence amicale, mais il n'en est rien, j'ai mal, constamment, et vous, idiot ! Idiot, vous ne voyez rien, faut-il que je vous l'écrive en plus gros ?
Je vous déteste. *rature*
Je vous en prie, dites-moi quoi faire. Un mot de vous, et j'obéis.
Gwenn
[M-8]
-Voilà trop de lecture pour moi. Je vous laisse cette tâche. Vous serez ravie dapprendre que VOTRE A-MIE a été ravie de vous voir en Castille !
La brune sinterrompit.
-Nentendez-vous rien ? Ah non
Jai dû rêver. Mais nous ne devrions point trop nous attarder. D'ailleurs, je commence avoir faim !
Et tandis quelle disait ses mots, elle continua sa fouille. Abandonnant les tiroirs, elle se concentra de nouveau sur les lettres qui jonchaient le plateau, espérant y trouver quelques nouvelles fraîches et appétissantes.
-Alors, de quoi ces lettres parlent-elles ? Y a-t-ils quelques croustillantes informations ?_________________