Gnia
Ah ! c'est un rêve ! non ! nous n'y consentons point.
Dresse-toi, la colère au coeur, l'épée au poing,
France ! prends ton bâton, prends ta fourche, ramasse
Les pierres du chemin, debout, levée en masse !
France ! qu'est-ce que c'est que cette guerre-là ?
Nous refusons Mandrin, Dieu nous doit Attila.
Toujours, quand il lui plaît d'abattre un grand empire,
Un noble peuple, en qui le genre humain respire,
Rome ou Thèbes, le sort respectueux se sert
De quelque monstre auguste et fauve du désert.
Pourquoi donc cet affront ? c'est trop. Tu t'y résignes,
Toi, France ? non, jamais. Certes, nous étions dignes
D'être dévorés, peuple, et nous sommes mangés !
C'est trop de s'être dit : - Nous serons égorgés
Comme Athène et Memphis, comme Troie et Solime,
Grandement, dans l'éclair d'une lutte sublime ! -
Et de se sentir mordre, en bas, obscurément,
Dans l'ombre, et d'être en proie à ce fourmillement,
Les pillages, les vols, les pestes, les famines
D'espérer les lions, et d'avoir les vermines !
[Vendôme - Un bucolique moulin en ruine en bord de Loir - 14h10 : Sa Majesté reçoit sa femme.]
Disons plutôt que c'est madame qui s'impose dans la sieste royale et qui tire Sa Majesté de sa paillasse.
Certes le Balbuzard est faible car blessé, mais une petite marche propice à profiter des rayons du soleil n'a jamais fait de mal à un convalescent.
Dès lors, bras fermement accroché à celui de son époux, la Saint Just le guide hors des ruines qui leur servent d'abri et entreprend de longer la berge sauvage de la rivière.
Agnès ne se souvient même pas de la dernière fois où le couple a eu l'occasion d'une telle intimité.
Etait-ce ce matin douloureux où, oscillant au bord du précipice à Bouillon, ils lièrent leurs destins ? Probablement.
Dès lors, à l'instant où le premier acte de cette comédie tragique s'achevait, il convenait de recréer l'instant opportun qui avait été le prélude à l'écriture de cette oeuvre magistrale et cataclysmique.
Pour l'heure, le calme régnait.
Seuls quelques pépiements résonnaient dans les branches et l'eau offrait un bruit de fond serein. Quelques pas en silence, dans cette atmosphère si éloignée des fracas et cliquetis métalliques des dernières semaines, puis la Saint Just abandonne le bras et s'assoit à même le sol sur le tapis épais de l'herbe, les bras enserrant les genoux relevés, le menton posé sur le tout, puis fait signe à son époux de la rejoindre.
Eusaias...
Tiens l'usage du prénom en lieu et place du solennel "mon époux" serait-il annonciateur d'une quelconque confidence ?
Patience...
Nous pourrions deviser de ce que nous ferons une fois que vous serez sur pied, mais j'avoue que je préfèrerai profiter de l'instant présent pour vous entretenir d'un sujet qui me tient à coeur.
Et en guise de confession, le silence.
Et une question.
Voulez-vous prier avec moi ?
Le visage se tourne et envisage son interlocuteur d'un regard grave.
Comme moi...
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Dresse-toi, la colère au coeur, l'épée au poing,
France ! prends ton bâton, prends ta fourche, ramasse
Les pierres du chemin, debout, levée en masse !
France ! qu'est-ce que c'est que cette guerre-là ?
Nous refusons Mandrin, Dieu nous doit Attila.
Toujours, quand il lui plaît d'abattre un grand empire,
Un noble peuple, en qui le genre humain respire,
Rome ou Thèbes, le sort respectueux se sert
De quelque monstre auguste et fauve du désert.
Pourquoi donc cet affront ? c'est trop. Tu t'y résignes,
Toi, France ? non, jamais. Certes, nous étions dignes
D'être dévorés, peuple, et nous sommes mangés !
C'est trop de s'être dit : - Nous serons égorgés
Comme Athène et Memphis, comme Troie et Solime,
Grandement, dans l'éclair d'une lutte sublime ! -
Et de se sentir mordre, en bas, obscurément,
Dans l'ombre, et d'être en proie à ce fourmillement,
Les pillages, les vols, les pestes, les famines
D'espérer les lions, et d'avoir les vermines !
- Ah ! c'est un rêve ! non ! nous n'y consentons point - Victor Hugo
[Vendôme - Un bucolique moulin en ruine en bord de Loir - 14h10 : Sa Majesté reçoit sa femme.]
Disons plutôt que c'est madame qui s'impose dans la sieste royale et qui tire Sa Majesté de sa paillasse.
Certes le Balbuzard est faible car blessé, mais une petite marche propice à profiter des rayons du soleil n'a jamais fait de mal à un convalescent.
Dès lors, bras fermement accroché à celui de son époux, la Saint Just le guide hors des ruines qui leur servent d'abri et entreprend de longer la berge sauvage de la rivière.
Agnès ne se souvient même pas de la dernière fois où le couple a eu l'occasion d'une telle intimité.
Etait-ce ce matin douloureux où, oscillant au bord du précipice à Bouillon, ils lièrent leurs destins ? Probablement.
Dès lors, à l'instant où le premier acte de cette comédie tragique s'achevait, il convenait de recréer l'instant opportun qui avait été le prélude à l'écriture de cette oeuvre magistrale et cataclysmique.
Pour l'heure, le calme régnait.
Seuls quelques pépiements résonnaient dans les branches et l'eau offrait un bruit de fond serein. Quelques pas en silence, dans cette atmosphère si éloignée des fracas et cliquetis métalliques des dernières semaines, puis la Saint Just abandonne le bras et s'assoit à même le sol sur le tapis épais de l'herbe, les bras enserrant les genoux relevés, le menton posé sur le tout, puis fait signe à son époux de la rejoindre.
Eusaias...
Tiens l'usage du prénom en lieu et place du solennel "mon époux" serait-il annonciateur d'une quelconque confidence ?
Patience...
Nous pourrions deviser de ce que nous ferons une fois que vous serez sur pied, mais j'avoue que je préfèrerai profiter de l'instant présent pour vous entretenir d'un sujet qui me tient à coeur.
Et en guise de confession, le silence.
Et une question.
Voulez-vous prier avec moi ?
Le visage se tourne et envisage son interlocuteur d'un regard grave.
Comme moi...
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