Anne_de_breuil
L'effet recherché était atteint et la réaction du Cardinal ne se fit pas attendre. Elle aurait presque pu avoir de la peine pour lui mais Anne se mordit la lèvre comprenant qu'il s'était attendu à voir un enfant quelconque. Ainsi il avait pensé qu'elle lui avait menti et tenté de faire passer un usurpateur pour son fils.
Un sourire satisfait prit place à son air légèrement contrit : cette fois il la croyait et comprenait qu'il faisait face à sa seule descendance... "Je te tiens mon vieil amant" pensa t-elle.
Elle repensa à toutes les douleurs qui avait succédé à leurs ébats. Avoir un enfant n'avait jamais été dans ses projets et il lui avait fallut cacher l'opprobre pendant de longues années, s'interdire tout attachement à cet enfant, reste ferme et dure dans ses projets de vie. Elle s'était faite une promesse : être une déesse, ne pas avoir les faiblesses humaines qu'ont les autres, être la seule à décider de son destin.
Jean avait été la première épine dans son pied, il avait failli rendre Anne quelconque, il était Justice à ses yeux qu'à présent ce fardeau soit l'outil de son destin et un outil dont elle serait l'exclusive utilisatrice.
D'un sourire narquois elle chassa ses pensées et se tourna vers la Cardinal afin de continuer cet échange de politesse.
Je ne doute pas qu'il sera beau en effet, dit-elle en jouant de façon volontairement grossière la fierté d'une mère qui observe son bambin chéri avant de jauger le physique du cardinal ; des traits fins bien que les années avaient fait apparaitre une maturité précoce dont elle avait déjà goûté la présence des années auparavant mais qui était alors bien moins visible. La fulgurante ascension sociale du Comte/cardinal se reflétait à présent dans son physique. Sa prestance était bien différente aussi, on sentait le statut quand on lui faisait face, on était si loin de l'adolescent qu'elle avait connu...
Il ressemble énormément à son père et je suis certaine que celui-ci est encore beau...
Elle savait qu'en énonçant cette phrase, elle heurterait l'enfant qui n'avait jamais eu le droit d'évoquer le sujet de sa paternité avec sa mère et qui devait pour la première lui même entendre Anne en parler d'elle même. Elle n'avait d'une part pas le choix que de l'évoquer devant le Cardinal pour servir ses intérêts et d'autre part aucun scrupule à le faire devant Jean.
Alors comme ça tu es devenu Cardinal, dit-elle feignant être touchée cette fois sans grossir le trait de l'émotion. Jamais je n'aurai imaginé te voir un jour dans si bel apparat... Je ne suis qu'une vile pécheresse moi même, comme beaucoup il m'est difficile de ne point céder à la tentation...
J'en viens à être particulièrement étonnée de voir que ce petit être de ma chair et mon sang, soit si pieu, car vois-tu, Jean a reçu une éducation très pieuse dans un couvent et sa foi est grande.
D'ailleurs je me demandais...
Elle devait bien à un moment où un autre entrer dans le vif du sujet et cela lui semblait le moment opportun.
Puisque nous sommes ici tous les deux, peut être accepterais-tu de faire plus ample connaissance avec lui, et de parfaire son éducation... religieuse...
L'ajout été mesquin elle le savait mais elle voulait absolument voir si cet homme serait ou non touché par la filiation évidente ou s'il réagirait avec cruauté et la forcerait à envisager des représailles.
Jean n'avait rien dit, sans doute ne comprenait-il pas vraiment quel attitude adopter, ne connaissant ni l'homme qui lui faisait face, ni vraiment sa mère dont les visites au couvent s'étaient faites rares et brèves durant son enfance.
Je crois que le pauvre enfant est épuisé par le voyage, dit-elle espérant trouver là le prétexte pour l'isoler et rester seule avec le Comte afin de discuter avec moins de faux semblants.
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