- Pas de plumes dans le lit ?? Pffff... forcément, si tu y mets SI PEU du tiens !
Et il râlait encore et toujours ! Et plus il râlait, plus Matou rigolait. Et plus elle rigolait, plus il râlait... Bref, Troyes resterait dans la mémoire de Stromb. A la fois comme étant le lieu où c'était déroulé une tragédie qui avait failli l'achever lui-aussi, mais aussi grâce à la bonne humeur qui régnait ici. Il comptait désormais le maire Heinseberg comme l'un de ses amis, même si ce bougre de hibou avait bien failli le plumer au ramponneau !!
Le dimanche arriva enfin. Tôt le matin, Stromb avait bondit sur ses pieds direction l'orphelinat. Il avait traversé la forêt qui le séparait du village et emprunté le petit chemin de terre pour enfin arriver. C'était une batisse des plus modestes, surmontée d'un petit clocher et entourée d'un vaste jardin. Si tôt dans la journée, il n'y avait aucun bruit d'audible. Tout était calme, endormi... Seul le chant de quelques oiseaux s'éveillant à la vie raisonnaient plus haut dans les arbres.
Le brun s'approcha de la lourde porte d'entrée. Il toqua. Pas de réponse. Il recommenca plusieurs fois jusqu'à ce que le judas finisse par s'ouvrir et dévoiler deux yeux manifestement aigris et furieux d'avoir été tirés de leur sommeil.
- C'est pour quoi ? Vous avez vu l'heure ??
Une voix sifflante, persante, haut perchée. Stromb mit deux secondes avant de répondre.
- Et bien je... je suis là pour récupérer mes deux filles. J'ai croisé une nonne hier et elle m'a dit de passer aujourd'hui, donc me voila... Ixia et Luna. Elles ont 5 ans et 4 mois. J'ai un papier attestant de ma bonne foi.
Il tendit le parchemin souillé de sang croûté à la nonne revêche. Celle-ci plissa le nez en voyant la chose immonde sous son nez. Elle le lu en diagonal, sans sembler y prêter grande attention. Puis fronca les sourcils pour tenter de déchiffrer le nom à la fin, celui-ci étant écrit de la main d'une agonisante sentant ses forces la quitter. Puis elle détailla Stromb des pieds à la tête.
- Je ne sais pas qui vous êtes. Votre parchemin n'est pas clair et plein de sang. Et je doute qu'un homme seul puisse s'occuper de deux fillettes si jeunes. Passez plus tard, la mère supérieure décidera.
A peine eut-il le temps d'ouvrir la bouche pour protester que le judas se referma dans un claquement sonore. Il en resta coi. Il sentit la colère monter en lui. Comment ces nonnes, ces maitresses de Dieu, osaient-elles retenir ses enfants en toute impunité ? Pendant quelques secondes, il s'efforca de se raisonner et de maitriser sa rage naissante. Allons allons... rien ne sert de faire une entrée remarquée, tu n'aurais plus aucune chance par la suite... Il fit quelques pas pour se calmer. Il était trop tôt, il allait les froisser. De plus les enfants devaient dormir encore. Alors il jetta un regard à l'orphelinat et tourna les talons. Il s'enfonca dans la forêt au hasard. Au bout d'un moment, il choisit de quitter le sentier battu. Les mains dans les poches, pensif, il marchait entre les arbres. Le soleil brillait et annoncait une belle journée. Plus le temps passait, plus il montait dans le ciel. Il jettait sur la forêt qui s'éveille des couleurs fraiches assorties à la rosée matinale. Il respira à pleins poumons l'air de cette forêt, senteur de terre et végétation mêlées. Il vagabonda pendant plusieurs minutes, laissant son esprit se calmer et profitant du calme serein de l'endroit.
Un bruit vint à son oreille. Il redressa la tête et sortit de ses songes. Il stoppa pour mieux repérer et compendre la nature de ce son. Il était assez loin, mais il put entendre clairement le bruissement d'une source. Il y avait de l'eau qui coulait quelque part par là. Stromb décida de s'orienter dans cette direction.Aprés tout, peut-être un endroit pittoresque ? Au fur et à mesure qu'il progressait, le bruit se faisait plus proche, plus claire. Il sentait qu'il se rapprochait.
Mais alors qu'il avancait inexorablement, il tomba sur une petite clairière baignant dans le soleil et protégee par la végétation environante. Et tout au bout de cette clairière, Stromb appercut une chose à laquelle il ne s'était pas préparé du tout. Son coeur se glaca dans sa poitrine et ses jambes stoppèrent. Elle était là. La roulotte d'Inba. Nichée dans la verdure.. Elle semblait le guetter. Le brun en resta pétrifié. Il observa cette vieille dame de bois qu'il connaissait si bien. Son coeur battait fort, mais il ne put résister à l'envie de s'approcher. Alors il s'avanca doucement, avec précautions, comme le pélerin s'avance vers un sanctuaire de prière. La roulotte était intacte, les carreaux aussi. Manifestement, aucun brigand ne l'avait visitée. Il posa sa main sur le bois, retenant son souffle. Puis il aggripa la poignée et la tourna.
La porte s'ouvrit et il pénétra à l'intérieur. A peine un pas dedans que les souvenirs se jettèrent sur lui comme des rapaces sur une charogne. Son coeur battait toujours aussi fort et son regard balayait la "cuisine" qui faisait office d'entrée. Il huma l'air, cet air si familier. Il y reconnu habituelle odeur de vieux bois, une petite senteur de savon, ainsi que celle de chacun de ses occupants. S'ajoutait désormais une odeur de poussière mêlée à quelque chose d'autre... comme du fruit pourri. Il posa son regard sur les objets environants : la vaisselle sale était posée dans un coin, réclamant d'âtre lavée. Des restes de petits déjeuner pourris trainaient sur la table : quelques fruits, un fond de lait tourné au fond d'un bol, un quignon de pain rassis... Un sourire mélancolique s'ettira sur son visage. Connaissant bien Inba et les filles, elles avaient sûrement du partir en vitesse s'amuser quelque part, laissant la vaisselle de côté pour plus tard.
Il était confronté à cette vison de la roulotte vide, inanimée, abandonnée. Et dans le même temps, il revoyait les matins et les petits déjeuners à table qui étaient tout sauf calmes et ennuyeux. Ca parlait, ça riait, ça balancait de la mie de pain, ça chantait parfois... Et puis finalement, on laissait tout en plant et on partait vite s'amuser dehors. Ce souvenir lui serra le coeur, surtout maintenant qu'il voyait cette pièce tellement silencieuse et figée dans le temps... Il décida de s'avancer un peu. Il apperçut la porte donnant à la petite chambre de Luna. Il la poussa et pénétra à l'intérieur. Rien n'avait changé, tout était à sa place. Le berceau au milieu, les rideaux à moitié tirés à la petite fenêtre, quelques malles dont on ne savait pas quoi faire et que l'on avait empilé là... Il s'approcha du berceau et jetta un oeil dedans. Evidement, pas de bébé. Les couvertures étaient relevées et une petite peluche en forme de mouton trainait au fond. Son coeur se serra encore à a vue de ce doudou. Il leur avait envoyé un soir, ainsi que d'autres objets, pour leur montrer qu'il ne les oubliait pas. Il prit la peluche dans ses mains et sortit.
Il entra ensuite dans la chambre d'Ixia. En bordel, comme d'habitude, et ça le fit sourire. Tout ses jouets trainaient ici et là, le lit n'était pas fait, des parchemins remplis de dessins tronaient fierement ici et là... Il s'assit sur le petit lit et laissa son regard vagabonder. Ca n'avait pas changé d'un pouce ici aussi, figé dans le temps. Seule la poussière et une odeur de renfermé étaient apparu. Il avait construit à Ixia nombre de jouets en bois et cédé un nombre encore plus grand de babioles qu'ils avaient ramené des nombreux marchés visités. Il soupira et se leva. La suite de la visite s'annoncait plus difficile...
Il pénétra enfin dans l'ancienne chambre à coucher qu'il partageait autrefois avec Inba. Son coeur était au supplice. Les souvenirs ici étaient bien trop forts, bien plus qu'ailleurs. Il ouvrit la penderie, les malles, constata que son incroyable garde robe était toujours là. Il ouvrit également certains tirroirs où il reconnu des choses lui ayant appartenu. A chaque objet remontait un souvenir, un sourire, un rire, une petite manie... Il s'assit sur le lit en plongeant dans toutes ces bribes de temps qui enfin de compte s'étaient échappées si vite. Il ouvrit d'autres tirroirs, d'autres malles pour trouver des trésors.
Et puis le tirroir qu'il ne fallait pas ouvrir. Il contenait des lettres... des correspondances. Son sourire mélancolique s'effaca et son regard s'assombrit au fur et à mesure de ses découvertes. Il lisait rapidement les lettres et regardait les noms des expéditeurs. Certaines étaient un peu froissées, d'autres tachées de ce qu'il pensa être des larmes.
Il tenait enfin, dans ses mains, les fameux courriers qui avaient fait basculer Inba. Les fameux noms qu'il ne pensait jamais connaitre... il les avait enfin.
Au fur et à mesure qu'il lisait, il sentait une rage sourde, incontrolable monter en lui. Les gens qui l'avait trahi étaient des amis trés proches. Et les horreurs qu'il lisait le firent trembler de rage. Ces personnes avaient osé rapporté à Inba des horreurs, des choses que Stromb avait confié, des choses qu'il voulait garder secrètes pour ne pas la faire souffrir... Et ces personnes là avaient tout balancé... Elles crachaient impunément sur lui, ses actes, et les courriers étaient manifestement destinées à faire souffrir gratuitement, juste pour le plaisir d'achever quequ'un déjà trés fragilisé. Les personnes qui avaient fait ça savaient qu'elles pousseraient à bout Inba, elles savaient que la fragilité et la sensibilité de celle-ci la pousserait à faire une grosse bêtise... Ces personnes avaient poussé délibérément Inba dans le vide.
Ses mains tremblaient de rage, son regard était devenu aussi noir que la nuit. Une colère sans nom, sans égal, s'était emparée de lui. Il avait envie de frapper fort... mais pas ici. Il avait envie de sang, de vengeance... mais pour ça il lui faudrait être patient. Il éplucha les courriers et repéra les noms. Il en retint 4. Quatres noms que même la pire sorcellerie ne pourrait pas lui faire oublier. Quatre traites qui paieraient un jour leur couardise, leur méchanceté gratuite.... qui paieraient leur meutre, tout simplement. Car si Stromb était conscient de ses erreurs, il avait désormais conscience que certaines personnes en avaient faites de plus grosses. Il ramassa toute les lettres, les fourra dans sa besace et sortit.
Une fois dehors, il ramassa une hâche et se mit à tapper de toutes ses forces dans un arbre, à chaque coup criant sa haine et sa rage meurtrière. Les éclats de bois volaient dans tout les sens et l'arbre qui était pourtant solidefut trés rapidement entamé par les coups qui l'assénaient. Au bout d'un moment, il plia et tomba dans un craquement sourd. Loin d'être calmé, Stromb sauta dessus et le matraqua de toutes ses forces. Aprés plusieurs minutes à faire du petit bois, il lacha la hache, épuisé. Il se laissa tomber et s'adossa contre le tronc. Le souffle court, il songea à mille façons d'accomplir sa vangeance. Car ce crime ne resterait pas impuni, ça non !
Il finit par se lever et entra à l'intérieur. De retour dans la chambre, d'un calme trés relatif et tremblant toujours, il entreprit de faire un tri. Il se saisit d'une malle et entassa quelques affaires et souvenirs d'Inba, nécessaires à son deuil. Puis il se rendit dans la chambre d'Ixia, entassa habits et jouets dans la malle. Le peu de place qui restait servit à ranger les maigres affaires de Luna. Il ferma les volets de la roulotte et sortit. Un regard à l'intérieur, le dernier de toute sa vie. Jamais plus il ne mettrait les pieds là-dedans, jamais. La derniere fois qu'il avait quitté cette roulotte, le même silence pesant y régnait. Mais cette fois-ci, jamais plus la vie reprendrait dans la vieille dame de bois...
Il ferma la porte à double tour, ayant gardé une clé de la roulotte au fond de sa besace. Il hissa la malle sur le siège qui servait au meneur et se rendit vite compte qu'il lui manquait un cheval pour tirer. Il se souvint qu'il avait croisé un âne en venant, quelques mètres en amont. Il couru le chercher, ou plutôt le voler, et revint avec. L'animal était coriace, mais Stromb arriva à le trainer et à l'attacher avec quelques cordes à la carioles. Il se placa à côté de l'animal et le fit partir, mettant en branle la maison sur roues. Il resta à côté tout en marchant, son esprit refusant de se défaires des visages traitres.
Aprés plusieurs minutes, il finit par atteindre le bord d'une rivière. Et un spectacle encore plus éprouvant l'y attendait...