La veille avait été une journée difficile pour Marie, longue et épuisante, avec une pointe culminante dans la soirée.
Maeve, fatiguée, devait rester au chaud par ordre du médicastre, source d'inquiétude pour une mère qui s'interrogeait encore sur ses capacités à élever correctement ses propres enfants, alors ceux d'autres...
Tranquillement installée en taverne, elle avait vu arrivée Gabrielle et Gaspard, ainsi qu'une petite Louise, apparemment d'âge similaire à ses deux ainés. Et à partir de là, les choses avaient dérapé sans qu'elle ne puisse rien y faire. De jeux d'enfants ils étaient passés à disputes. Gaspard, véhément, défendait ses dragons contre les gentils méchants de Louise, le ton montant, les menteuse d'un côté répondant au bêteuh de l'autre. Pour finir Gabrielle, défendant son 'frère' avait voulu donné une leçon à la petite fille qui s'appelait elle-même reyne des reynes, lui avait piqué sa poupée avant de la lancer à Gaspard.
Fatiguée et sentant venir les ennuis, la Vicomtesse avait exigé que Gaspard lui rende mais trop tard, Louise s'était jetée sur Gabrielle, bagarre en règle. Et sur ces entrefaites, Persan était arrivé.
Elle l'avait bien aperçu aux funérailles d'Apolonie mais avait temps de choses à faire. Les enfants continuèrent à s'invectiver et là, sans qu'elle ait pu réagir, le Duc gifla la fille de Gaborn. Entrainant les enfants hors de la taverne après avoir signifié ce qu'elle pensait de son attitude et de celle de sa fille à Persan, ils s'étaient retrouvés tous les trois un peu plus loin et Marie leur avait clairement dit qu'elle entendait bien être obéie, explications là encore s'en était suivi et elle s'était mordue la langue pour ne pas crier qu'elle aurait aimé que Gaborn soit là au lieu d'avoir l'impression de, bien trop souvent, se trouver face à tout ceci seule. Son poing gauche s'était écrasé sur un mur pour déverser sa rage contre eux et surtout contre elle-même, s'ouvrant la main. Main cachée aux enfants qui petit à petit se calmaient, tout le monde était parti au lit. Du moins eux puisque la jeune femme avait commencé par soigner sa main et n'avait guère pu fermer l'oeil, assaillie une nouvelle fois par les doutes et l'inquiétude. Oui une fois chacun ayant trouvé sa place, ils pourraient s'appuyer les uns sur les autres, ce qu'ils faisaient déjà en partie, mais non ce n'était pas facile et elle se sentait si impuissante...
Le soleil l'avait trouvé assise au pied d'un arbre, recroquevillée sous sa cape, songeuse, un sentiment diffus de malaise au creux du ventre. Prière au ciel pour que cela se calma, pour qu'une seule journée aucune catastrophe n'arriva.
Revenant lentement en ville, elle se dirigea vers l'auberge dans laquelle ils résidaient le temps de leur séjour, espérant y trouver une réponse à la missive qu'elle avait envoyé à Tiboulola, la femme de son frère Dege. Marie avait laissé passé bien trop de temps sans donner de nouvelle et là encore, s'inquiéter de n'en avoir point au moins de son ainé.
En même temps qu'une collation servie, on lui tendit un velin mais au scel la fermant, ne venant point de la personne attendue. Froncement de nez en découvrant celui de Flaiche, petit sachet joint. Elle déroula le parchemin, sourire aux lèvres, sans doute des nouvelles d'Arthur resté à Limoges.
Le sourire finit par se figer tandis que les noisettes se ternissaient, perdaient toute trace de vie. Déjà pâle de peau, le visage devint livide, son coeur se brisant aussi sûrement qu'un pot de terre contre le sol de pierre, avec un fracas tel que toute l'auberge avait dû l'entendre. Si elle n'avait été assise d'ailleurs, c'était elle qui aurait fini en morceaux sur le dallage.
Non.
Non, non non non non non...
Trois lettres qui tournaient en rond dans sa tête, n'arrivaient pas à franchir ses lèvres et sans doute était-ce mieux ainsi, sinon elle les aurait hurlés jusqu'à s'en briser la voix. Pas son bébé, pas son fils.. Pas Arthur...
Comme pour mieux planter à nouveau la dague en son coeur, elle relut la fin de la lettre, lentement.
Citation:Bonjour ma perce neige,
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Sinon, prend le temps de t'asseoir avant de continuer à lire cette lettre, et sert toi un verre, la nouvelle a venir risque d'être des plus déplaisante et des plus difficile à encaisser.
Bien. Tu trouveras dans ce pli une médaille que tu connais bien. J'espère seulement que tu ne l'as pas encore en main et que tout est déjà clair pour toi.
Pour en venir au fait, je suis au regret de t'annoncer qu'Arthur est décédé durant sa retraite chez les moines. Je doute que cette horrible nouvelle te plonge dans une tristesse infinie, saches alors que je la partage, et que si besoin se faisait sentir d'en parler, je serais la pour toi.
Apparemment Arthur aurait été frappé par le tétanos. La mise en quarantaine du monastère les as privé de me prévenir, ceci d'éviter une épidémie. La maladie a été contenue et seul Arthur ainsi que certains moines ont succombé.
En attendant de tes nouvelles, je te joint toutes mes pensées les plus sincères pour cette épreuve.
Ton gardon
La missive retomba sur le bois, elle tendit la main gauche vers le petit sac de tissu, plongeant ses doigts à l'intérieur pour en ressortir la médaille.
Doigts se refermant sur l'argent, faisant saigner à nouveau les plaies, rouge sur le linge blanc.
Rouge de la vie. Celle qui s'était enfuie, avait déserté le corps d'un enfant de 10 ans, loin de sa mère.
Rouge avant le noir qui l'ensevelit, doucereux et réconfortant malaise, annihilant pour un temps la douleur et les souvenirs, et à dire vrai, toute trace de vie autre que son souffle._________________