Iris.
*Suzanne Robert
Nuit de cauchemars.
Des ombres la hantaient, tournaient autour delle avec un rire méprisant. Des mains aux longs doigts, des yeux rouges mais aucun visage Même lorsque des images se formaient dans sa tête cétait pour lui rappeler son état physique.
Iris se réveilla une nouvelle fois en sursaut. Lauberge dans laquelle ils sétaient arrêtés était silencieuse, déjà, à cette heure de la nuit. Elle tâtonna la table de chevet à côté delle pour attraper le morceau de tissu, bandeau quelle attacha autour de ses yeux à présent inutiles. Un bandeau quelle attachait chaque jour pour lui rappeler que sa vie nétait plus pareil à présent. Elle déjà si dépendante ne pouvait plus se passer dune autre personne pour la guider, même dans les gestes les plus simples.
La Soumise se leva tout de même et attrapa sa cane qui la servait à se guider. Elle sortit sans difficulté de la chambre, que la petite Eleonore lui avait décrite plusieurs heures plus tôt, puis descendit au rez-de-chaussée de lauberge en saidant également de la rampe. Elle marchait lentement, y allait à tâtons toujours, pour ne pas tomber. Tout était silencieux encore, mais laveugle entendit le frottement dun torchon Laubergiste devait encore être là. Iris se racla la gorge.
« Voulez dlaide ma ptite ? » - Laubergiste lamena alors à une table.
- Merci. Je narrive plus à dormir malheureusement.
« Jva vous préparer un lait au miel, cmarche tjours vec mes mômes ».
Elle le remercia à nouveau puis attendit. Chaque geste de laimable aubergiste était entendu à la perfection et fit sourire lIris ; lavantage de la perte dun sens était lamplification de tous les autres. Le toucher Elle pouvait sentir toutes les imperfections de la table où elle se trouvait Louïe Même les reniflements de laubergiste dans la cuisine Lodorat Celui du lait qui chauffait Et le gout La possibilité de différencier toutes les saveurs dun plat
La Soumise soupira. Ce nétait que de faibles compensations. Elle ne pouvait plus observer, elle en oubliait même le visage de Judas quelle vénérait. Et tout ce que pouvaient faire ses yeux à présent était de laisser couler ses larmes, chaque nuit. Même ici, dans cette auberge, la seule chose quelle pouvait faire était dattendre : attendre que le soleil se lève et quil reparte, attendre les ordres de son Déchu, attendre la douce voix dEleonore Attendre que la mort vienne la reprendre, un jour.
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