Grimoald
- [Vendôme, le 15 juin, à la nuit tombée... le cimetière près de l'église.]
Vendôme... ses tavernes, ses rencontres, les visages que l'on retrouve, une liberté nouvelle et excitante. Vendôme, ce sentiment étrange d'être menacé où qu'il aille. Vendôme, c'était de la folie, de la folie furieuse.
Grimoald savait, au fond de lui, qu'il ne devait pas y retourné. Pas à Vendôme, cette ville où, bien que convalescente, la menace était bien présente. Mais cette menace, cette hostilité palpable, elle excitait notre nabot. Cette hostilité, elle le mettait dans tous ses états. Il découvrait, à Vendôme, une sorte de vivacité nouvelle. Jusqu'alors, il avait des projets, seulement des projets. Mais quelque chose l'empêchait d'agir vraiment. Ce quelque chose, c'était probablement la peur. Non pas une peur d'homme : peur du châtiment, de la souffrance, de la mort. Non, c'était plutôt une peur d'enfant. Il avait seulement peur de décevoir, peur d'être abandonné de tous. Mais à présent, il se trouvait seul. Sans doute se pensait-il dans une sorte de bulle où tout ce qu'il dirait, ou ferait, ne pourrait être retenu contre lui.
Mais Vendôme, c'était éprouvant. Vendôme, c'était l'excitation permanente. Vendôme éprouvait à la fois l'Enfant et son côté plus sombre, plus torturé. Il n'avait encore jamais éprouvé cela, jamais aussi intensément. Vendôme, c'était comme une épreuve. Il savait, inconsciemment, qu'il ne devait pas y aller, pas maintenant. Mais c'était à la fois l'Enfant, par l'attrait de la bêtise, de cette petite fugue improvisée ; et c'était aussi le petit être sombre et torturé qui était toujours là, qui parfois se faisait invisible, qui parfois grondait et prenait, en quelque sorte, possession de lui.
Mais cette nuit-là, à ce moment-là, c'était encore l'enfant qui, sous couvert de sa longue cape grisâtre qu'il s'était alors décidé à quitter depuis la venue des beaux jours, déambulait par les ruelles jusqu'à l'église et son cimetière attenant.
C'était là qu'il lui avait donné rendez-vous. C'était sordide, macabre et ça fichait pas mal la trouille. Mais c'était excitant. Du moins, en taverne, alors qu'il fomentait son petit coup, c'était quelque chose de très excitant.
Mais l'excitation était retombée avec la nuit et la fatigue qui le gagnait... Et là, il faut bien l'avouer, il avait la trouille notre nabot aux bouclettes d'or et au minois de poupon.
Crapahuter dans les ruelles à la nuit tombée, ce n'était déjà pas évident. Surtout lorsque l'on a peur du noir.
Mais crapahuter dans les ruelles à la nuit tombée, et se retrouver au milieu du cimetière avec tous ses esprits qui, sans nul doute, pourraient décider de le hanter pour avoir oser troubler leur repos... ça... ça c'était vraiment pas évident.
Et comme il le faisait souvent lorsqu'il était guilleret, ou angoissé...
- Daaans maaa caaabane, un graaand cerfeuuh
Regaaar'daaait, par la goutièèreuh
Un maaar'ssouuin, veniiir à luiiii
Luiii groogneer aaaiinsiiii...« Cerf ! Cerf ! ...
C'était sa nouvelle chansonnette. C'est vrai que, sautillant gaiement dans les champs, elle était d'assez bon goût... quoique.
Mais là, tout de même, en pleine nuit, tremblotant entre deux pierres tombales... cela ne n'se fait point, voyons !
Il venait juste d'arriver au point de rendez-vous. Et là, le courage faisant quelque peu défaut, l'arrivée complice, même estropiée, se faisait attendre.
- Minaaaah !!! Psssstt ! Miiiiinaaaah ??
OoOoh... Misère de misère... les cimetières, c'est trop nul !
*craquement d'une branche sèche trainant au sol...* AAAH !!
*... et notre cher nabot qui, couché sur le sol, commencent à gémir* Mais bouge-toi l'train, bordel !
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