Artheos
RP privé !
Ce que vous apprendrez ici, seul le joueur l'apprendra ! Pas le personnage ! Si vous comprenez cela, j'aime beaucoup ce que vous faites.
Château des Courcy. Petit matin du mois de juin. Vive le printemps ! Arthéos ouvrit les yeux. En même temps, le soleil pénétra par l'interstice de ses volets. Défaut de construction ? Vieillesse du bois ? Qui aurait pu le dire. Les châteaux étaient généralement déjà vieux. On voyait la naissance de quelques uns, mais on voyait rarement la fin. Certains même étaient déjà en ruines. Mauvais architecte, mauvais matériaux ? Arthéos savait quê le soleil passait à travers ses volets de plus en plus tôt. Mais qu'importait l'heure, il se levait toujours en même temps que l'astre de lumière ! On le lui avait appris, il perdurait cette tradition. Se coucher tôt et se lever tôt. Cela revenait au même. Il avait ses heures de sommeil. Il n'était jamais fatigué. Il l'avait été. Le temps du chagrin et du doute. Bien sûr, la tristesse portait toujours son voile épais et nébuleux sur lui, mais moins marqué, presque transparent. Il revivait un peu. Combien de mois avaient passé ? Il ne les avait plus compté. Trop douloureux était l'oubli humain. Trop longues étaient les peines. Elles restaient à vie. Seul le temps les effaçait avec la mort. Car finalement, le Temps n'a point de port, l'homme n'a point de rive : il coule et nous passons. Maxime fameuse. Cela n'étonnerait personne qu'un poète futur l'emploie. Arthéos lui cèderait volontiers la permission de l'utiliser. S'il n'attendait pas des siècles cependant. Hélas ! Bien tard dans l'Histoire arriveraient les hommes aux mille émotions ! Notre Arthéos était un précurseur incompris et malheureux.
Bercé par le rayon de soleil qui gagnait en intensité, Arthéos faillit se rendormir. Mais au juste moment, il se redressa et s'installa contre le dossier du lit. Comment était-il arrivé ici ? Ses origines étaient bien lointaines. La tombe de sa mère lui était caché par les distances immenses qui les séparaient. Pourtant il ne l'oubliait pas. Il n'oublierait jamais. Ses longues journées à veiller sur sa mère, alors que son père avait fui la maison. Ses longues journées qui s'avèraient être inutiles. Car un jour, la mère n'ouvrit plus les yeux. Elle ne répondit plus aux lamentations éperdus d'un fils épris d'une tristesse si grande qui murmurait son nom dans les ténèbres et les voiles de la mort. Oh ! Que de noires périodes s'enchaînèrent dans la vie du jeune homme. Toute la fatalité fut pour lui. Du berceau au présent. Il fut élevé par un ami de la famille. Un vieux sage qui, une fois qu'il lui eut appris toute sa science, lui demanda de s'instruire avec la science divine. Arthéos devint l'homme de peine d'un vieux curé pour qui il travailla durant des années, rendant visite en parallèle à son précepteur. Puis le temps est passé. Et les vieils hommes passent eux aussi, laissant les plus jeunes dans une solitude horrible et inconsolable. Le temps est assassin et emporte avec lui le rire des enfants !
Les réflexions d'Arthéos furent perturbées par la présence d'un oiseau, venu se poser sur le volet entre-ouvert. Le valet ne put que sourire. Il aimait les animaux. Jamais il ne pourrait en tuer un comme le faisait tous les chasseurs et braconniers. Bien qu'il pouvait comprendre les raisons des hors-la-loi mourant de faim. Celles des nobles en revanche... S'amuser ? Se divertir ? C'était une triste farce. Tuer par plaisir, un remède à l'ennui ? La chose pourrait devenir de la cruauté et de la perfidie ! Seulement non. Il était beau, le chant de l'oiseau. Envoûtant. Il racontait tous les maux de la terre, toutes les blessures qui jamais ne peuvent se refermer. Il était triste, le chant de l'oiseau. Puis, comme s'il avait dit toutes les vérités, il se retira, disparaissant à l'horizon et se confondant bientôt avec la lumière de l'aube naissante. Arthéos se précipita à la fenêtre, poussa le volet pour apercevoir l'animal, mais il ne vit qu'un point à l'infini. L'oiseau ne chantait plus, et déjà le monde semblait un peu moins radieux. Les yeux éblouis par la lumière, Arthéos mit plusieurs minutes à s'habituer à la vision extérieure. Puis il savoura la fraîcheur du petit matin, afin une journée de forte chaleur, comme le ciel dégagé de tout nuage le prédisait. Le vent s'engouffrait sur les épaules nues du jeune valet et tous les secrets du monde semblaient lui être révélés. Il ferma lentement les yeux et savoura cet instant. La douce chaleur des rayons se déposait sur sa peau et revigorait toute sa vitalité, même si la nuit lui avait amplement suffi.
Finalement, il quitta la fenêtre. Sa traditionnelle chemise était posée sur le dossier d'une chaise, placée devant un petit bureau où Arthéos étudiait parfois. Car comme son précepteur lui avait appris, il ne faut jamais perdre une occasion de s'instruire. S'ennuyer était prohibé. On ne pouvait pas s'ennuyer. La chose était dérisoire face à tout ce qu'il y avait à apprendre. Le sage avait dit qu'il savait qu'il ne savait rien, provoquant l'admiration immédiate du domestique. C'était bien vrai. Le monde regorgeait de connaissances méconnues. Qui sait, peut-être que dans des siècles vivrait-on différent ? Peut-être que la chasse serait abolie, peut-être que les domestiques seraient un peu mieux payés ? Peut-être tant de choses... Impossible à concevoir. Nous sommes les témoins de l'Histoire ! avait-il justement appris. Etre témoin c'est bien, avait-il répondu, mais n'est-ce pas mieux d'être acteur ? Le sage n'avait pas répondu. Les petites gens restaient ce qu'elles étaient. Qui se souvenait de l'arrière-grand-mère de cette marchande de poire, ou du grand-père de ce forgeron ? Qui se souviendrait du valet Arthéos ? Que vaut la vie d'un homme ? Un peu de sang, beaucoup d'eau, et quelques remous de poussière.
Arthéos enfila sa chemise bleue. Il aimait le bleu. La couleur de ses yeux. La couleur des yeux de sa mère. Peut-être de sa grand-mère. Si profond, si bleu, si intense, si marin... lui qui n'avait jamais vu la mère du Sud, on lui narrait souvent que ses yeux lui étaient semblables ! Il souriait, que faire d'autre, après tout. Il ajusta ses bras et attacha ses chausses. Un mouchoir traînait au sol. Un mouchoir brodé. La lettre A trônant dans un coin. Le A d'Arthéos. Le A d'Ana.Lise. Il sourit, se baissa et ramassa le morceau de tissu. Il le porta à sa joue. Geste curieux. Puis le rangea dans une de ses poches, bien à l'abri, bien en sécurité. Duchesse, il n'était pas prêt de vous oublier. Jamais il ne pourrait. Il savait qu'il aurait toujours peur du duc Ghost, il savait qu'il le redoutait, il savait...
... je sais que je ne sais rien...
Ce murmure lui procura un léger sourire et embauma son coeur et son âme. Prêt à affronter sa journée, prêt à apprendre, prêt à aider n'importe qui... lui ferait appel.
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