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[RP fermé] Au fil du temps, au fil de l'eau

Ondine.
    Cruauté des hommes, Ondine les craignait, pensant qu’ils étaient responsables de son malheur. C’était sa mère qui l’avait placé au couvent, jugeant qu’elle y serait plus en sécurité, préférant la voir loin du foyer familial que de rester et subir le caractère ombrageux et colérique des hommes de la famille. Son père n’était pas un tendre, elle se souvenait encore des cris qu’il poussait contre sa mère lorsqu’il rentrait le soir du chantier sur lequel il œuvrait et que le repas ne lui convenait pas ou qu’il avait fait une halte avec ses fils à la taverne du coin. Elle se souvenait encore de cette main levée qui l’atteignit en plein visage pour lui inculquer le respect. Les hommes n’étaient pas dignes de confiance selon elle et Ondine s’en était toujours méfiée. Et pourtant, il avait fallu qu’elle croise le chemin d’un mystérieux voyageur pour que tout bascule. Il avait su l’approcher, il avait su l’apprivoiser et tel un animal blessé, elle avait osé remettre sa vie entre ses mains. Le bonheur s’était alors installé dans la vie de la brindille mais les belles choses sont toujours de courte durée.

    U
    n long frisson parcourut la jeune fille. Elle reprendrait donc la route avec son maigre baluchon, une cape élimée jusqu’à la corde et une robe rapiécée que sœur Clervie lui avait offerte pour son départ du couvent. Ce couvent qu’elle n’aurait jamais dû quitter, elle s’en rendait compte aujourd’hui. Un soupir à fendre l’âme sortit d’entre ses lèvres, la brindille retenait un de ses sanglots qui lui broyait la gorge à lui en faire mal. Elle ne voulait pas pleurer, pas pour un homme, certainement pas pour un homme. Alors elle prit la direction de la sortie de la ville, doucement puis lorsqu’elle trouva l’endroit où elle se sentirait bien, elle grimpa dans un arbre afin de laisser son visage au vent apaisant ainsi son chagrin. Les minutes passèrent sans qu’Ondine puisse faire quoi que ce soit puis comme dans un rêve ou un cauchemar, elle finit par sortir son nécessaire pour écrire.



    Citation:


    A toi Mon très cher frère,
    A toi Mélion qui me manque tant,

    Ne pouvant tenir plus longtemps dans ce silence qui nous sépare, j’ai décidé ce soir de briser le serment que je t’avais fais lorsque j’ai su que père voulait me faire rentrer à la maison. Je ne devais plus t’écrire sous aucun prétexte car je ne voulais pas te mêler à cette histoire mais… Mélion, j’ai tant besoin de toi si tu savais… Je suis dans une ville que je ne connais pas, j’ai été attaquée cette nuit, je n’ai plus un sous et…


    La brindille suspendit son geste un instant, les mains tremblantes. Que dire à son frère, que lui raconter alors qu’elle ne lui avait jamais parlé de celui qui faisait battre son cœur depuis des jours et des jours. Ondine essuya une larme qui s’était échappée sur sa joue. Le visage de son frère s’imposa à son esprit ce qui, finalement la fit sourire légèrement. Mélion ressemblait tant à sa sœur qu’on aurait pu dire qu’ils étaient jumeaux mais le garçon avait un peu plus d’un an quand Ondine vint au monde. Toutefois, leur âge rapproché les souda au point qu’ils se comportaient comme s’ils n’étaient qu’un et non deux. Cela en devenait troublant à la longue surtout lorsque les enfants grandirent. Déjà plus jeunes que les aînés ces derniers les rejetèrent rapidement ne voulant point avoir de « mioches » dans les pattes pendant qu’ils travaillaient ou levaient le coude avec le père ce qui, bien évidemment, renforça le lien privilégié que Mélion et Ondine cultivaient. Et ce fut une véritable déchirure pour le petit garçon lorsqu’Ondine fut mise au couvent. Pour calmer ses craintes et cette séparation qui le rongeait quotidiennement, leur mère l’emmenait une fois par mois voir sa sœur ce qui leur permirent de garder intact ce lien entre eux.

    Mais au fil du temps, les visites s’estompèrent d’elles-mêmes. Changement de chantier, changement de lieu de résidence, il devenait difficile d'emmener Mélion voir sa sœur aussi, les déplacements furent vite remplacées par des courriers. Mélion quitta la maison à son tour lorsqu’il atteint sa majorité. D’abord pour aller étudier les magisters tailleurs de pierre à Paris mais très vite, son maître l’envoya en Italie afin de parfaire ses connaissances. Il était doué disait-on et son talent ne devait que se confirmer. Ondine reprit le fil de ses pensées et sa plume gratta à nouveau le vélin.


    Citation:



    Mélion, j’ai tant de choses à te dire que je ne sais par où commencer. Le père a tenté de me retrouver, il a même envoyé Centule à ma recherche et tu sais comme il peut être teigneux l’aîné. D’ailleurs, il a bien failli me reprendre mais je me suis cachée dans le sud un moment. J’y ai vécu les longs mois d’hiver avant de les voir réapparaitre… Un chantier à Toulouse et je suis tombée nez à nez avec Anaclet. Oh Mélion, si tu savais la peur que j’ai eu à ce moment là. J’aurais voulu avoir des ailes et pouvoir m’envoler pour venir te retrouver.
    Pourquoi es-tu si loin de moi, j’ai mal de te savoir là bas en Italie alors que je voudrais que tu sois là près de moi ?

    Tu sais, j’ai fais beaucoup d’erreurs ces dernières semaines, j’ai tant fais confiance à mes sentiments que j’ai l’impression d’être morte à l’intérieur. Mélion, pourquoi l’amour fait mal, pourquoi abîme-t-on les choses que l’on chérit, pourquoi suis-je si mauvaise que le Très-Haut ne veut même pas me voir heureuse ? Mélion… Mélion pourquoi tu n’es pas avec moi pour me guider, pourquoi tout le monde me laisse toujours seule à la fin ?


    Ondine éclata en sanglots cette fois. De ces pleurs qui font peur tellement ils viennent de loin et la brindille dût laisser un moment sa plume et son écritoire afin de pas mouiller le vélin qu’elle venait de griffer de sa belle écriture. Entourant son petit corps de ses bras, elle tenta de se raisonner mais rien n’y faisait. Tout le monde finissait par la rejeter et de ça, elle venait d’en prendre conscience. Ses larmes se tarirent, son souffle s’apaisa et machinalement, ses mains se portèrent sur son ventre. Ce ventre qu’encore hier, il venait caresser lui promettant un enfant. Peut être avait-il raison, peut être qu’elle l’aurait cet enfant finalement mais contrairement à celle qui était venu semer la discorde en lui annonçant sa grossesse, cette ancienne concubine qui voulait garder cet enfant à naitre pour se souvenir d’eux, Ondine ne dirait rien à quiconque. Si le Très-Haut lui accordait ce petit alors il serait à elle et uniquement à elle, personne ne viendrait poser les mains sur lui. Essuyant du revers de sa manche les quelques larmes qui roulaient encore sur ses joues, Ondine reprit sa lettre pour la relire. Elle hésita à la déchirer et puis s’interdit de le faire. Il s’agissait de son frère et pour rien au monde elle ne voulait l’écarter de sa vie.

    Citation:



    Pardonne-moi mon frère de m’épancher ainsi au travers de cette lettre, je n’ai guère l’habitude de me laisser aller mais le manque de toi me fait me sentir faible. L’abbesse Rascende se moquerait bien de moi si elle me voyait, disant que c’est là une faiblesse que de compter sur les autres plus que sur le Très-Haut…

    Je pense à toi Mélion chaque jour qui passe. Donne-moi de tes nouvelles mon frère, s’il te plait. Ne me laisse pas seule face au monde.


    Ta sœur qui t’aime,
    Croix de bois, croix de fer, si je mens…


    La brindille enroula vite le second vélin, rangea ses affaires dans sa besace et offrit un léger sourire aux convives qui s’étaient installés autour d’une choppe. Ce soir, lorsqu’elle serait de retour à la vielle grange, elle enverrait ses deux courriers par palombes interposées.

    _________________















Melion


      Tip. Tip. Tip. Tip.

Le doux chant de la pierre qui file et file entre ses mains. Melion ne peux l’expliquer c’est ainsi, c’est sa mélodie, sa façon de parler et de vivre. Plonger dedans depuis sa plus tendre enfance, prédestiné a devenir comme le reste de la famille tailleur de pierre, lui, le rejeton de la fratrie, l’avant-dernier, le fils préféré de sa mère, le complice de toujours de l’unique sœur de la famille, s’était vu offrir un tout autre parcours. L’Italie, des maitres prestigieux, et des sculptures a faire, et cette matière, qui entre ses mains prenait vie. Le Père n’avait pas compris, les frères non plus, peut être était-ce pour cela qu’il avait si peu de nouvelle de leur part.

      Tip. Tip. Tip. Tip.

De sa famille il ne restait plus que sa jeune sœur, Ondine, placé au couvent alors qu’ils étaient encore si jeune, une terrible séparation pour lui, comme pour elle mais il savait, il avait compris pourquoi et chaque jours qu’Aristote faisait, il remerciait sa mère de l’avoir éloigné de cette maison tout comme lui. Si le père les avait un jour aimés, il ne l’avait jamais montré. Mis a part ses grosses mains forgé par les années de travail de la pierre, qui s’abattait assez souvent sur eux, ou sur leur mère, c’était là la seul preuve d’amour qu’il leur avait laissé.
Le plus dur pour le jeune homme, c’était sans doute de voir sa jeune sœur prise a parti par le père, la voir ainsi frappé, brindille si frêle entre les mains du père. Oh combien avait-il voulu le tuer de ses mains pour qu’il cesse, mais toujours, la mère avait été là pour les réconforter et leur demander de pardonner… Quelle affaire…


      Tip. Tip. Tip. Tip.

Les doigts filent et creuse le marbre devant lui, bientôt, cette masse prendra forme, une forme humaine, un portrait qui trônera sans aucun doute dans l’un des plus grand palais d’Italie. Il aime ce qu’il fait, il aime cette matière, mais pas de la même façon que le reste de sa famille, c’est certain.

    - Melion, una missiva per te *
    - Per me ?
    - Sì, sì per te, ciò viene dalla Francia


De France. Il ne fallut rien de plus que les poils du jeune Francese comme on l’appelait ici, s’hérisse. De France… Ce ne pouvait être que sa famille… Mais quelle famille ? Son père qui lui demanderait de rentrer et de travailler a l’entreprise familiale ? Ou sa jeune sœur ?
Il y avait si longtemps….

Profitant alors de cette petite pause dans sa journée de travail, Melion s’installa sur le rebord d’une fenêtre de l’atelier et enleva son bonnet pour s’essuyer le front ruisselant de sueur. L’été arriverait tôt cette année, la chaleur devenait de plus en plus étouffante chaque jours. Et se désaltérant d’une bonne rasade d’eau bien fraiche, la missive fut ouverte et les premiers mots dansèrent devant ses yeux.
Sa sœur… Sa jeune sœur… Sa jumelle de cœur… Sa petite brindille.
Un large sourire se dessina sur son visage, mais s’effaça bien vite au fur et à mesure de sa lecture…


    -Ondine… Petite sœur…
Les mots sortir tout seul de sa bouche, il sentait là le désarroi de sa jeune sœur. Sa peine, ses tourments, c’était comme s’il la voyait rédiger cette lettre, pleurer même. Et cela, il ne pouvait le supporter.
Se levant alors d’un bon, il couru jusqu'à sa table de travail ou reposer diverse croquis de son œuvre et commença à rédiger sa missive. Plus tôt il lui répondrait, mieux ce serait.


Citation:


Ma petite sœur,
Ma chère Ondine, ma brindille,

Tu me manque tant également. Je ne passe pas un seul jour ici à Florence sans penser à toi. Ce silence me pèse, mais j’ai fait la promesse de le respecter et pourtant, combien de fois aurais-je voulu t’ecrire et te raconter ce qu’il se passait ici aussi.
Ta lettre est arrivée à temps, même si elle me chavire le cœur.

Ondine, tiens bon petite sœur, prend garde à toi et ne te laisse pas avoir par le Père. Nous savons toi comme moi ce qu’il se passera si tu rentre au bercail. La Mère nous a éloigné et elle avait raison, oh combien j’aimerais que l’on soit ensemble toi et moi. Combien j’aimerais que tu sois tout prêt, ainsi je pourrais te protéger contre le Père, et les frères.
Tu me dis avoir revu Anaclet ? T’a-t-il parlé ? Comment a tu pu lui échapper ? Crois-moi, je donnerais n’importe quoi pour lui montrer que mes mains d’enfants sont devenues adulte maintenant. Je sens encore la brulure de son poing sur mon œil, et le père qui en riait…

Petite sœur, je sens dans ta lettre de la tristesse, du désarroi, que se passe-t-il ? Pourquoi dis tu que tous le monde te laisse seule ? Et puis, ou es tu ma brindille ? Avec qui ?
Tu ne m’en dis pas assez dans ta lettre, et je me torture l’esprit de te savoir malheureuse. Ondine, ne me le cache pas, je sais, je sens que tout cela n’est pas du simple fait du Père, il y a autre chose n’est ce pas ? Autre chose qui te trouble ?

Si seulement je pouvais partir maintenant et te rejoindre, si je pouvais te faire venir jusqu’à moi, tu verrais ma brindille comment est l’Italie, Florence ! J’aimerais tant te présenter a mon maitre, te montrer mes sculptures et je suis certain que tu trouverais ici quelque chose pour toi, quelque chose qui te rendrais heureuse.

Ma petite Ondine, tu me manque énormément. Je ne cesse de penser a toi également, a nos jeux, nos moment complice tous les deux. A ça, les frères pourront dire ce qu’ils veulent, jamais, grand jamais ils n’auront réussit à nous diviser.

Petite sœur je suis là, toujours là. Dans ton cœur, dans ton esprit et tu sais… l’Italie, ce n’est pas si loin.
Prend soin de toi, sois forte, courageuse, et surtout écrit moi vite !



Croix de bois, croix de fer, si je mens…


Encre sèche, missive rouler, le jeune homme remis prestement son bonnet avant de quitter tout aussi rapidement l’atelier pour trouver un coursier au plus vite.

*-Melion, une missive pour toi.
-Pour moi ?
- Oui, oui pour toi, cela vient de France
Ondine.
    L’attente… cette éternelle langueur qui mettait à mal les cœurs. Ondine la subissait depuis plusieurs jours déjà. De part sa séparation avec le fils du vent et d’autre part, une réponse à sa missive qu’elle espérait rapide… Mais même une journée était de trop dans la vie de la brindille alors elle priait le Très Haut pour que Mélion ait eu son courrier, rongeant son impatience en silence. Ce silence dont elle avait appris à connaitre le moindre souffle tant il était devenu sa vie ces derniers jours.

    Abandonnée à son triste sort, elle n’avait pas pardonné à son compagnon ce qu’elle considérait comme une trahison. Mais pouvait-il comprendre que des hommes, elle n’avait qu’une confiance limitée et qu’il venait de réduire à néant cette dernière. Bien sûr c’était avant eux, bien sûr que cela n’avait pas vraiment d’importance mais elle voyait aussi dans son regard l’éclat et la fierté d’avoir bientôt un enfant même avec une ancienne compagne. Et ce lien qui se tisserait dans cette famille serait immuable, elle le savait. Elle avait essayé de le lui dire, elle avait essayé de lui faire comprendre mais ses mots n’avaient pas eu la couleur de son cœur, elle n’avait pas su lui exprimer ce qu’elle ressentait et leur discussion était restée figée dans le temps.

    Alors de jour en jour, la brindille avançait seule. Le Berry fut franchit doucement, entre fringale et pleurs. Une fatigue immense la prenait de plus en plus souvent, ne lui laissant pas le choix que de s’arrêter pour se reposer. Mais contre toute attente, ce fut là que le courrier de Mélion lui arriva, mettant du baume à son cœur meurtrit, essayant de recoller les morceaux de sa vie. Mais à la lecture, Ondine s’effondra à nouveau. Son autre, celui qui devinait la moindre de ses pensées depuis l’enfance s’inquiétait. Tremblante de froid malgré l’été qui arrivait, elle ne pouvait que se fustiger sur le mal qu’elle lui faisait. Jamais elle n’avait voulu en arriver là, jamais elle n’aurait voulu qu’il s’inquiète tant pour elle. Depuis l’enfance, il lui tenait la main. A chaque coup donné, il lui avait donné sa force, à chaque meurtrissure que lui laissait ce passé, il avait appliqué ce baume qu’on appelle tendresse pour la soigner, à chaque fois qu’il avait pu, il avait pris les gifles à sa place. Et aujourd’hui, elle lui avait offert cette peur qui la saisissait au plus profond de son âme mais ce n’était pas un cadeau qu’il aurait dû accepter, bien au contraire. Sauf que Mélion n’était pas comme les autres, il était son âme, son cœur et sa vie. A chaque respiration, il soufflait avec elle, à chaque pas qu’elle faisait, il marchait à ses côtés, à chaque pleurs il lui séchait les larmes. Et aujourd’hui elle avait tant besoin de lui.

    S’arrêtant une journée dans ce Berry vide de population, elle avait lu et relu le courrier de son frère, allant jusqu’à caresser le vélin et chaque lettre calligraphiée. Elle avait toujours aimé son écriture et de l’observer sans cesse, elle avait presque l’impression de voir la pointe de la plume glisser sur le parchemin. Ces pensées adoucissaient doucement sa tristesse et la brindille ne put que lui faire réponse dans la journée. Pensivement attablée, elle avait réfléchit à ce qu’elle pouvait dire à son frère sans que pour cela il se mette à imaginer le pire. Il savait déjà que quelque chose n’allait pas, oserait-elle lui dire que sa vie d’enfant s’en était allée ? Irait-elle jusqu’à lui faire ces confidences sur sa vie de femme désormais ? Pouvait-elle au moins se le permettre ? Tant de questions qui venaient mordre son cœur déjà pris dans la tourmente des sentiments. Pourtant, Ondine posa rapidement la plume qui se mit à gratter le papier lentement.


    Citation:


    Mélion, mon frère,
    Mon double, mon autre,

    Que ta lettre m’a fait du bien Mélion même si je me trouve honteuse de te créer tant de soucis. Je me rends compte que mon précédent courrier a dû t’alarmer et je m’en excuse mon frère. N’ai pas peur pour moi, le père n’est pas prêt à mettre la main sur moi… j’ai changé suffisamment de villes et duchés pour qu’il ne retrouve point ma trace même si je ne doute pas des capacités de limiers de Centule. C’est de lui que je me méfie le plus.

    Ma rencontre avec Anaclet fut un face à face fortuit. Je tournais dans une ruelle et lui venait dans l’autre sens. Je ne sais pas lequel des deux a eu le plus peur de reconnaitre l’autre mais j’ai pas demandé mon reste tu sais. J’ai couru si vite que mon cœur a failli sortir de ma poitrine et j’ai mis plusieurs heures avant de pouvoir le calmer. Ce jour là j’ai quitté Toulouse avec regrets…

    Tu sais Mélion je ne veux pas te causer de soucis. Je ne veux pas que le père décide un jour de venir te voir parce qu’il soupçonnera que je suis avec toi… J’ai peur de ses réactions et pourtant, je suis si seule que je ne tiendrais plus longtemps toute seule… Ma vie ressemble à rien ces derniers temps et je ne sais pas si j’aurais la force de continuer seule…

    Mélion, tu crois que je pourrais travailler et rester près de toi ? Je me ferais toute petite tu sais et puis je pourrais servir tes Maîtres si cela me permet de rester à tes côtés. Je prends le risque et j’avance sur la route pour Florence. Si toutefois, tu ne veux pas de moi, je trouverais bien un endroit pour me poser… Ce n’est pas la première fois que je repars de rien. C’est toujours ainsi.

    Je t’embrasse bien fort mon frère et je prie le Très Haut pour qu’il m’accorde le droit de te revoir en me pardonnant les pêchés que j’ai commis ces derniers temps.



    Croix de bois, crois de fer, si je mens…


    « Je suis déjà en enfer » termina la brindille en apposant sa signature au bas du vélin. Son enfer dont elle taisait encore le nom à son frère afin de ne pas l’alarmer. Et cette fierté qui l’habitait et qui la tenait encore debout. Elle avait tant à pleurer qu’elle n’y arrivait même pas. La souffrance avait déchiqueté son petit cœur remplit de cette innocence qui la caractérisait tant.

    Traversant une ville bourguignonne quelques jours plus tard, elle s’y était arrêtée afin d’envoyer son courrier bien ficelé à la pate d’un volatile. Hésitante encore quant à rejoindre son frère, elle avait reçu une nouvelle claque ce qui avait précipité son départ pour cet ailleurs qui lui paraissait si lointain. Le fils du vent l’avait rattrapée, elle qui marchait difficilement tant la fatigue l’assaillait depuis quelques jours et il avait voulu parler. Quelle erreur une fois encore de la part de la brindille et elle s’en mordrait à nouveau les doigts longtemps.

    Le cœur en miettes, la raison qui s’effondrait, Ondine n’avait pas demandé son reste. Serrant contre son cœur son maigre baluchon, elle avait tourné les talons sans un mot, sans un autre regard, laissant l’homme qu’elle avait aimé plus que de raison au milieu des femmes qui lui tournaient déjà autour. Plus rien ne la retenait ici, plus rien ne l’attendait ailleurs non plus, seul l’espoir que son frère saurait prendre soin d’elle la tenait désormais debout.

    _________________








Melion


L’été s’était installé, doucement mais surement sur les terres de Toscane. Le soleil brulait, réchauffait les vignes des campagnes environnantes et la vie continuait son cours dans les rues de Florence. Les gens d’ici en avait l’habitude, et la chaleur écrasante ne les dérangeait pas, chacun s’y habituait, vivant au rythme du soleil.
Cette ville lui avait plut, des le premier jour de son arrivé. Ici, de nombreuse personne de toute classe sociale se côtoyait, mais ce qu’il préférer le petit français, c’était les artistes. Peintre, sculpteur tout ceux qui donnait a Florence son charme et sa beauté. Il était l’un d’eux maintenant, mais a quel prix

Perché sur cet échafaudage, les mains de l’artiste s’affairait sur le bloc de marbre, minutieusement sans se préoccupé des grosses goutes de sueurs qui lui coulait sur le visage. Le soleil tapait fort sur cet atelier rendant l’air écrasant, suffoquant même. Mais jamais au grand jamais il n’aurait pensé à prendre un peu de repos ou se rafraichir un instant, il était arrivé au moment le plus délicat de son œuvre, le visage. Partie Ô combien fragile, minutieuse et compliqué. Un seul faux mouvement et c’était l’œuvre entière qui était à refaire.

Les mains de Melion dansaient, délicatement, sur la matière en une douce musique contrastant avec le silence qui régnait dans l’atelier. Chacun autour de lui retenait son souffle, rien ne devait perturber la concentration de l’artiste. Et pourtant, s’ils avaient pu être dans la tête du Francese, ils auraient vu les nombreuses questions qui papillonnait, les visages qui dansaient, oui, ils auraient vu que son esprit était loin, bien loin la bas, en France, au coté de sa petite brindille, sa fleur, sa sœur…

La missive tant attendu se faisait désirée, trop désirée. Il s’inquiétait le Melion, imaginant le pire pour sa petite sœur, sa dernière missive était empreinte de désespoir et d’angoisse, même si elle ne l’avait pas avoué complètement. Et lui tremblait, et tremblait imaginant la brindille entre les mains du père, des frères, ou pire…


    -Magnifico ! Melion ti sei superato!
    - Grazie maestro, Grazie
    *


Un long soupire s’échappa de sa poitrine, il venait de terminer le moment le plus délicat et pouvait maintenant, prendre un peu de repos, et se rafraichir. Chaud… Il faisait bien trop chaud dans cet atelier.

    - Hey ! Melion, hai ancora una lettera della Francia**


Il n’en fallut pas plus au jeune sculpteur pour se lever d’un bon et venir presque arracher la lettre des mains de l’ouvrier. SA lettre !

    - Un amore della Francia? Ce l'avevi nascosto
    - Stupido
    ***


Melion haussa les épaules avant de rejoindre le calme de sa couche dans un recoin de l’atelier. Les autres pouvaient penser ce qu’ils voulaient, il s’en moquait. Il savait lui, de qui venait sa lettre, il savait lui, que l’espace de quelque minutes il se rapprocherait de sa brindille, sa sœur, son double… Comme avant…

Les mots se mirent à danser devant ses yeux, il pouvait la voir lui parler a travers cette missive, entendre sa voix, voir son visage, oui, il pouvait voir tout ça le Melion et comme lorsqu’il était enfant, il mourrait d’envie de sauter sur son cheval et partir au secours de sa petite fleur…

    -Ondine…. Ondine… mais que se passe-t-il ?


Sans attendre d’avantage, le jeune tailleur s’installa a sa table, et fit glisser sa plume sur le velin aussi rapidement que possible. Il voulait que ses mots a lui arrive auprès d’elle, le plus vite, la rassurer, la réconforter, qu’elle sache qu’il était là, et qu’il serait toujours là.

Citation:


Ma petite fleur, Ma sœur
Fragile brindille,

On peut dire que tu m’auras fait languir depuis ta dernière lettre, je ne pensais pas qu’attendre de tes nouvelles me mette dans un état pareil, une chance, mon maitre ne l’a pas remarqué mais si tu savais comme j’ai eu du mal a calmé les battements de mon cœur.

Me voila rassurer de savoir, qu’au moins tu n’es pas entre les mains du père, et aussi, de voir que nos courses folles autour de la maison auront servi a quelque chose. Tu vois que j’avais raison de te faire courir vite ?

Petite sœur, qu’importe ce que pense le père ou ce qu’il fera, si tu veux venir me rejoindre, vient, et vient vite ! Je te protégerais moi, comme avant, tu te rappelle ? Vient ma petite brindille, tu verras comme Florence est magnifique, tu te sentiras mieux ici, entouré, et puis nous serons ensemble.
Je pourrais trouver a te loger, du travail aussi, je gagne ma vie ici et largement de quoi te faire vivre aussi.


Melion laissa sa plume en suspens sur les derniers mots qu’il venait de coucher. Il exagérait, c’était une évidence… Mais qu’importe, il voulait qu’elle vienne, il voulait qu’elle le rejoigne et si jamais il écrivait la vérité, la connaissant, jamais Ô grand jamais elle ne viendrait.
Haussant légèrement les épaules le jeune homme repris sa missive


Citation:


Tu verras Ondine, tu aimeras. Je te montrerais la ville, mon atelier, et puis la campagne autour, c’est magnifique, rien à voir avec la France, je te ferais gouter le raisin, et leur spécialité, tu verras petite sœur on vivra comme la mère le voulait, à notre façon !

J’ai hâte de revoir, hâte de te serrer dans mes bras, mais je t’en pris soit prudente sur la route, prend garde a toi. N’y a-t-il personne pour t’accompagner ?
Je t’en pris ma brindille, écrit moi tout le long de ton voyage, ne me laisse pas sans nouvelle.
Soit courageuse, bientôt nous serons ensemble….



Croix de bois, croix de fer, si je mens….


Melion poussa un long soupire laissant l’encre sécher. Si je mens… non il ne mentait pas, pour elle, il serait capable du pire…
Un coursier, un dernier regarde et il murmura doucement comme un souffle dans le vent :


    -Je t’attends Ondine… vient vite.





*-Magnifique! Melion tu t'es dépassé !
-Merci Maitre, merci.
**-Melion, tu as encore une lettre de France
***-Un amour de France ? Tu nous l'avais caché
-Idiot !
Ondine.
    [Prends mes soupirs, donne-moi des larmes
    A trop mourir, on pose les armes*]


    Le froid avait envahi la vie de la brindille alors que le soleil se répandait sur l’horizon qu’elle traversait. Le sentiment de solitude ne la quittait plus. Aries, son tendre bohémien, son ami, son mari, continuait sa route de son côté tandis qu’elle… elle n’était qu’un champ de désolation et de ruines. Chaque nuit, elle pleurait de tout son soûl et la journée, elle était rongée par la peur et l’angoisse des douleurs qu’elle ressentait dans son corps. L’idée obsédante de perdre l’enfant d’Ariès la rendait malade alors elle avait ralenti le rythme de ses pas, dormant plus souvent, du moins elle essayait.

    Mais son sommeil était peuplé de cauchemars, de visages connues ou informes. Alors se réveillant en sursaut, trempée de sueurs et le cœur palpitant à tout rompre, elle reprenait la route jusqu’à l’épuisement. La souffrance dans laquelle la jeune femme s’enfermait devenait chaque jour une torture de plus à supporter et elle ne disait rien à personne, ne voulant que personne s’apitoie sur son sort. Mais c’était là, en elle et l’envie que tout s’arrête, que sa vie prenne fin venait lui trotter dans son esprit embrumé.

    Arrivée dans une nouvelle ville, elle avait décidé d’y passer quelques jours. Et puis un couple, en taverne, avait eu raison de sa décision. Ils exposaient leur bonheur, lui la main sur le ventre de sa femme prête à accoucher, un sourire aux lèvres avait questionné la brindille et pour la première fois de sa vie elle avait menti. Son mari était parti pour du travail et elle le rejoignait. Comment dire aux gens qu’elle privait un père de son enfant, comment dire aux gens qu’elle avait de par sa jalousie ruiné leur vie de couple, comment dire aux gens que la mort était plus douce que cette souffrance ?

    Mais rapidement Ondine sortit de cette taverne et se mit à courir quelques mètres avant de se jeter à genoux, hurlant cette fois cette peur irraisonnée qu’elle avait de l’avenir, laissant son visage envahit de chaudes larmes qui semblaient ne pas vouloir s’arrêter. Pauvre petite poupée de chiffon, la brindille s’était laissée glisser à même le sol caillouteux, le corps secoué de soubresauts dû à ce chagrin qui sortait du plus profond de son âme. Même plus la force de résister à la vague d’épuisement qui la contraignait à fermer les yeux, petit à petit, la brindille laissa les sanglots s’amoindrir puis respirant lentement, elle écouta les battements de son cœur qui s’affolaient toujours autant lorsqu’elle était perturbée. Son esprit vagabonda sur sa vie, sur son mariage célébré en secret, son mari et ses sentiments.

    L’amour qu’elle ressentait pour lui l’avait conquise en silence dès le premier regard échangé, grandissant dans son propre cœur bien à l’abri des regards médisants et mesquins qui l’entouraient. Même lui n’avait rien su au début. Toujours prompte à vouloir le protéger, elle l’avait été jusqu’au bout, gardant jalousement ses désirs pour elle, ne voulant surtout pas l’effrayer. Comment aurait-elle pu lui avouer... Elle devenait l’amie, celle qui accompagne et qui aime dans le silence de la nuit. Mais depuis, les choses avaient changé devenant sa compagne, sa femme. Oui mais voilà, on n’a beau avoir ce que tout le monde rêve de posséder, ce n’est pas pour cela que la vie en est meilleure. Et Ondine avait malheureusement un certain handicap de ce côté-là. Effectivement, la jeune femme faisait partie de ces gens manquant cruellement d’assurance en eux et qui se voient déjà remplacés alors que rien ne laisse présager ne serait-ce qu’un changement d’attitude chez les autres. Toujours l’esprit vif à s’imaginer on ne sait quelle tragédie, Ondine s’infectait elle-même son esprit et son cœur. Les jours passés à ressasser cette histoire lui envenimait désormais la vie, distillant ce poison qui coulait dans ses veines et que l’on nommait jalousie. Et contre ce tumultueux sentiment qui fait vaciller votre âme et votre vie, peu de remède existait malheureusement. Et il fallait bien avouer que la brunette ne l’était pas qu’un peu.

    Se redressant finalement au bout d’un bon moment, s’essuyant les yeux du revers de sa main, Ondine finit par se relever. Époussetant sa vieille robe élimée qui commençait à la serrer, elle revint vers le chemin qui menait vers sa destination. Le jour allait tomber et il lui faudrait trouver un abri pour la nuit.
    La brindille serra sa main sur son cœur comme si elle voulait l’arracher de sa poitrine cherchant à respirer de grandes goulées d’air, sentant une boule lui écraser la trachée à lui en faire mal, lui arrachant de nouvelles larmes qui s’échappaient sur le côté de son visage. Posant ses mains sur son ventre, elle le caressa machinalement. Le seul bonheur qu’il lui restait désormais se trouvait niché au creux de ses entrailles et elle ferait tout pour le protéger. Même après la discussion d’avec une jeune femme croisée dans une ville qui lui avait insufflé le vent de l’angoisse à l’idée de mettre au monde son enfant seule… Elle risquait d’y laisser des plumes mais peu importe... Elle le voulait vivant et en bonne santé. Et s’il lui arrivait malheur, son père serait là pour prendre soin de lui. Il était hors de question de lui priver de la vie de son enfant... même si leur histoire était finie, elle n’en avait pas le droit…

    Un soupir dans la nuit, tout devenait si compliqué et pourtant elle devait continuer. Ondine marcha sans rien dire, au gré de ses pas qui la portaient dans le silence de la nuit. Légère comme une plume malgré l’enfant qu’elle portait, son peu d’appétit avait eu raison du reste de ses formes, la rendant méconnaissable. Éthérée dans sa vieille robe, fantôme dans la nuit, Ondine suivait la piste qui l’emmenait vers son destin. Mais elle devait encore répondre à Mélion qui de son Italie s’inquiétait. Elle le savait, le ressentait comme s’il était à ses côtés. Elle était la seule à pouvoir dire s’il allait bien ou pas, elle était l’unique à pouvoir deviner ses pensées. Alors, son pas se fit plus lourd, ralentissant l’allure, Ondine trouva un petit coin tranquille à l’abri des regards un peu plus loin hors du chemin. La nuit mettrait encore un peu de temps avant de tomber aussi elle en profita pour écrire.

    Ses yeux se portèrent sur chaque mot que Mélion avait couché sur le vélin. Personne pour l’accompagner… Elle toucha son ventre, se mordillant la lèvre… Sois courageuse, elle ne faisait que ça avoir du courage pour s’en sortir alors qu’elle se noyait littéralement. Aries lui manquait mais elle ne retournerait pas sur ses pas. Il pourrait désormais se trouver une autre compagne, quant à elle… elle avait même dit aux curieux qui ne manquaient pas certains jours qu’elle allait se faire nonne… Ironie du sort, elle avait quitté le couvent vierge de tout et y retournerait avec un enfant en son sein… Secouant la tête, Ondine posa sa plume sur le vélin et commença à écrire.



    Citation:


    Mélion, mon tout, mon Roy,
    Mon frère, mon unique, mon double,

    Je suis heureuse de voir que tu vas bien et que ton impatience est tout aussi grande que la mienne. Tu ne peux pas savoir à quel point j’ai hâte de te revoir, hâte de connaitre le lieu où tu vis, hâte de te conter ce que je suis devenue… Bien que pour cette partie là, il y a tant de choses à dire que je ne saurais pas bien par où commencer mais le principal c’est de nous retrouver n’est-ce pas Mélion ?

    Tu sais, je me ferais toute petite. Tu me connais. Je n’ai jamais eu d’importance pour les gens, ma vie n’est qu’un effleurement du vent et je ne veux en aucun cas te créer des problèmes. Je crois que j’ai fais assez de dégâts dans la mienne et dans celles de certaines personnes ces derniers temps sans pour autant en rajouter une énième couche.

    Oh Mélion si tu savais comme je suis impatiente de voir comment tu travailles. A chaque fois que j’entre dans une église et que j’observe les statues je pense à toi et à ce que tu sais faire de tes mains. Tu as toujours été doué… j’ai connu quelqu’un qui lui aussi était doué mais pour le dessin. Il a essayé de m’apprendre mais ça n’a pas marché. J’ai pas assez d’imagination pour pouvoir dessiner ce que je vois ou me souviens. C’est dommage, j’aurais aimé savoir faire quelque chose de spécial moi aussi…

    Dis Mélion, faudra me donner ton adresse parce que je parle un peu le latin… Les années au couvent vont me servir pour une fois mais si tu pouvais m’écrire l’adresse où je pourrais te trouver, ça m’arrangerait. Ainsi je n’aurais plus qu’à montrer aux gens et ils m’indiqueront le chemin.

    Au fait mon tendre frère, veux-tu que je te ramène quelque chose de notre Royaume ? Je sais qu’en Italie tu ne dois avoir que l’embarras du choix mais n’hésite pas, je suis encore sur les terres françoyses et je peux bien faire ça pour toi.

    Dis Mélion, la Toscane s’est si jolie que ça ? Fais-moi rêver mon frère, fais-moi rêver pour chasser les cauchemars qui peuplent ma vie, fais-moi rêver pour croire que la vie est toujours jolie, fais-moi rêver pour m’apprendre à ne plus avoir peur des jours qui déchantent…

    Il faut que je te laisse mon frère, j’ai froid et la fatigue me guette. J’aimerais déjà être près de toi mon frère, j’aimerais que tu sois à nouveau le gardien de ma vie et que tu m’empêches de glisser dans le néant… Mais je serais courageuse, pour toi.


    Crois de bois, crois de fer, si je mens…


    La brindille souffla sur l’encre pour la sécher, évitant soigneusement de faire couler les larmes qui menaçaient de quitter ses yeux avec fureur. Non elle ne pleurerait pas, pas ce soir, pas cette nuit. Elle avait déjà bien assez donné et elle aspirait à la sérénité. Elle voulait juste pouvoir dormir un peu. D’un geste sûr, elle enroula puis attacha le vélin à la patte de l’oiseau qu’elle lâcha en direction de l’Italie. Puis doucement, elle se lova dans sa cape qui avait su garder le parfum de son mari. Rassurée, la brindille cessa de trembler puis ferma ses paupières… pour quelques heures.


    *Aaron - Le tunnel d'or

    _________________







Melion


Pour une nouvelle, c’était une nouvelle ! Et bien qu’il ne savait pas s’il devait s’en réjouir ou tremblait, Melion avait accepté tout de suite sans rechigner. Un chantier de plusieurs mois en France, une opportunité pour lui de prouver au père et ses frères que la voie qu’il avait choisi n’était pas que du vent. Que son don pouvait le faire vivre, le faire connaitre, sans pour autant se tuer au travail comme des esclaves sans même être sur de pouvoir manger le jour même. Alors oui, il s’en réjouissait de se voyage, une certaine revanche sur sa vie, un moyen de donner raison a la Mère parti trop tôt.
Mais voilà, seule ombre au tableau, sa petite sœur. Son double, sa fleur, petite chose qui devait le rejoindre, brindille fragile perdu sur les routes. Il craignait de ne pas la retrouver, il craignait de la croiser sans pouvoir la voir, de ne pas réussir à tenir sa promesse de prendre soin d’elle. Et dans l’état où elle se trouvait… Dans quel état d’ailleurs ? Sa lettre était toujours aussi vague, mystérieuse… Qu’avait-elle fait pour parler de dégât dans sa vie ? Que s’était-il passé pour qu’elle en soit arrivée à risquer sa vie pour venir le rejoindre ? Autant de question qui martelait le crane du pauvre Melion depuis qu’il avait reçut la première lettre de sa tendre petite sœur.

Personne ne pouvait réellement comprendre le lien qui l’unissait a sa petite sœur, il avait eu beau essayer de l’expliquer a ses compagnons de l’atelier, d’expliquer la provenance de ces lettres et son inquiétude, mais personne n’avait compris. Qu’importe, lui savait, lui comprenait. Ondine faisait parti de lui, une part de lui même qu’il n’avait pu se résoudre à laisser lorsqu’ils furent séparés. Et si par une promesse d’enfant il avait tenté de construire sa vie de son coté, il ne pouvait se résoudre maintenant a la laissé de nouveau livré a elle même. Alors qu’importe si les autres ne comprenaient pas.

Tant pis ! Rien ne changerait à leur plan, il irait en France puisque l’opportunité se présentait. Mais il écrirait à Ondine également, lui demandant de rester où elle était, de se reposer et de l’attendre. Il trouverait bien le moyen de la retrouver en chemin, et de l’emmener avec lui. Il lui avait promis de prendre soin d’elle, promis de la protéger farouchement du père et des frères. Il ferait ce chantier a Toulouse puisque c’était là que le Maitre voulait qu’ils aillent, mais il irait avec sa sœur, et reviendrait a Florence avec elle.

Assis en tailleur sur sa couche, simplement éclairé par la faible lueur d’une bougie, Melion relisait et relisait la lettre de sa cadette les sourcils froncés. Les maigres bagages était prêt, les ouvriers avait passé la journée à tout préparer pour le maitre et son apprentis, des le levé du jour tout deux partirait sur les routes de Toscane en direction de la mer, puis de la un bateau pour traverser la méditerranée et la France enfin… Mais où se trouvait sa brindille ?

Saisissant plume parchemins et son écritoire, le jeune tailleur fini par se mettre à rédiger sa lettre. Les mots devaient sortir, les questions quand a elles… attendraient juste de pouvoir la voir en face.


Citation:


Ondine, ma princesse, mon double,
Mon cœur et mon âme,

Je crois que je n’aurais plus besoin de te laisser mon adresse, tu n’en aura pas besoin, du moins… pas tout de suite. Oh calme-toi tout de suite, je te vois déjà te décomposer en lisant ces quelques lignes. Je veux toujours te voir près de moi petite sœur, je veux toujours que l’on soit de nouveau ensemble, que je puisse veiller sur ta vie et te montrer que tout n’est pas si mauvais, seulement… C’est moi qui vais te rejoindre.
Ma petite fleur, j’ai appris aujourd’hui que mon maitre venait d’obtenir un chantier très important en la cathédrale de Toulouse, et il me prend avec lui pour ce chantier. Te rends-tu compte ? Parmi les ouvriers de l’atelier c’est de mon talent dont il a besoin, une chance n’est ce pas ?
Alors voila, depuis ce matin nous préparons bagages et outils et nous prenons la route demain des le lever du soleil. Je reviens en France Ondine !

Alors promet moi petite sœur de rester là ou tu te trouve et tout de suite, tu pourras ainsi prendre quelque jour de repos et m’attendre. Je ne sais dans quel état tu te trouve, mais je crains le pire. Je t’en conjure ma fragile brindille, attend moi, ne cherche pas à prendre la route pour me retrouver. C’est moi qui te retrouverais où que tu sois, et je t’emmènerais avec moi sur le chantier, je te protégerais face au père s’ils nous trouvent, je te protégerais face à ces rapaces qui t’attaque, je serais ton ange gardien, ton chevalier. Tu verra, à deux nous serons bien plus fort, nous l’avons toujours été face a nos frère tu te souviens. Mère nous disais souvent que notre complicité était notre force, tout comme moi, petite sœur j’espère que tu y crois encore.

Ce pigeon te trouvera, j’en suis certain, mais je sais également que où que je sois il me retrouvera également même si je suis en mer, alors écrit moi vite, dis moi vite ou tu te trouve pour que je puisse te retrouver. J’ai tellement hâte de te revoir ma princesse, a nous deux nous referons le monde !

Oh et puis, avant que je ne referme cette missive, tu a un talent certain Ondine, n’en doute jamais. La mere le disait souvent et elle avait raison, tu es la douceur et la force réunis, tu es ma sœur, tu es ma force, tu es mon tout. Ne l’oublie jamais.
Attend moi ma brindille, promis juré j’arrive très vite !


Croix d’bois, croix d’fer, si j’mens….


Sourire au coin des lèvres, Melion avait machinalement levé la main droite tout en écrivant leur petit serment, comme avant, lors de leur petit secret, comme avant… avant… pendant leur tendre année.
Mais cette fois c’était bien plus qu’un serment d’enfant qu’il lui faisait. Promis juré, il viendrait ! Promis juré il la retrouverait, il la protégerait ! Promis !



Ondine.

    Les jours s’étaient enchaînés et la brindille avait été obligée de prendre du repos. L’enfant passait avant tout autre chose et même si son désir de revoir son frère allait en grandissant, elle tenait à voir la frimousse de son petit. Alors elle avait trouvé refuge chez un couple de vieux paysans qui peinait à vivre correctement mais qui avait un cœur énorme.

    En échange du gîte et du couvert, Ondine avait tenu à participer aux travaux de la ferme. Dès l’aube, elle allait rendre visite aux poules pour ramasser les quelques œufs qui permettraient à Marinette de faire un repas ou deux puis la traite des vaches se devait d’être faite. La brindille s’investissait doucement auprès de ce couple qui la dorlotait comme si elle était leur propre fille. Ils ne lui avaient jamais posé de question, juste ouvert leur porte un soir d’orage alors qu’Ondine grelottait sous ses vêtements trempés. Marinette avait alors pris la jeune fille dans ses bras pour la conduire devant l’âtre et Gaspard s’était chargé de remplir le foyer de buches bien sèches pour qu’une douce chaleur envahisse rapidement la maisonnée. Un bol de soupe plus tard, ils offraient à Ondine un petit coin dans la grange pour qu’elle puisse se reposer.

    Et ça faisait des jours que ça durait. Oh elle savait bien que ce n’était pas là sa vie mais la brindille s’apaisait doucement, profitant de ce moment de répit dans son voyage pour écouter la vie qui grandissait en elle. Quelques femmes croisées durant son périple l’avaient mise en garde sur les voyages, sur la fatigue, sur le fait qu’il fallait qu’elle prenne soin d’elle mais elle n’avait pas le choix. Mélion voulait qu’elle le rejoigne à Florence et seule et désemparée, elle ne voulait pas rester là où les souvenirs lui faisaient encore mal. Elle avait besoin de couper les ponts avec toute cette tragique histoire bien qu’elle redoutait la colère de son frère. Lèverait-il la main sur elle en voyant son ventre arrondi, se transformerait-il en ce père qui n’avait eu de cesse de les frapper enfant, la rejetterait-il comme beaucoup le faisait parce qu’elle était seule et bientôt mère ?

    Ondine aimait son frère au-delà de la raison. Il avait été le seul à partager sa peine, à partager sa douleur. Il avait été le seul à prendre les coups à sa place lorsqu’il le pouvait, il avait été le double qui venait la nuit panser ses plaies lorsque la ceinture du cuir avait osé mordre ses chairs, il lui avait si souvent tenu la main pour qu’elle s’endorme malgré les sanglots qui faisaient rage dans sa gorge et qui l’étreignaient au point de l’en étouffer. Et elle avait toujours été à ses côtés pour l’aider à se relever lui qui mettait tout son orgueil de petit garçon à ne jamais montrer sa souffrance devant les coups. Les enfants du malheur, voilà ce qu’ils étaient mais depuis, ils avaient grandi chacun de leur côté. Elle au couvent, lui en parcourant le monde. Avait-il changé, l’aimerait-il encore malgré la surprise qu’elle lui réservait ? Et chaque soir Ondine s’endormait entre cauchemar et réalité des instants des retrouvailles qu’elle appréhendait.

    Et par un beau matin, la lettre arriva. La brindille en prit connaissance en blêmissant. Il allait venir à Toulouse, c’était lui qui se déplacerait. Un vent de folie parcourut son échine, venant faire exploser la joie dans sa tête. Pour une peu elle se serait mise à danser sur place mais soudain, la réalité des mots prirent tout leur sens et Ondine se figea. Oh bien entendu, elle était heureuse. La route jusqu’à Florence était longue mais… mais leur père était à Toulouse avec les ainés. Et s’ils apprenaient qu’elle était là aussi… Déglutissant lentement, la main refermée sur son vélin, Ondine ne pouvait quitter des yeux ces mots fatidiques qui dansaient devant elle et une larme se mit à couler sans qu’elle puisse la retenir.

    -- Oh Mélion… Mélion… qu’allons-nous faire ? Si le père apprend que tu viens, s’il te croise… et qu’il pense que tu vas me rencontrer… il te brisera avant que tu ne puisses réagir…

    Alors la brindille se retira dans la grange où elle s’était installée depuis quelques jours. Puis d’un geste tremblant, les idées qui se bousculaient dans sa tête, elle sortit son nécessaire à écrire pour répondre à son frère..



    Citation:


    Mélion, mon frère tant aimé,
    Mon double, mon ami, mon Roy,

    Ton dernier courrier vient de m’arriver et je suis partagée entre la peur de te revoir et la joie de ce moment. Mais surtout l’angoisse de savoir le père à Toulouse avec les trois ainés prêts à te tailler en pièces pour me faire sortir de ma cachette. Oh Mélion pourquoi faut-il que tout se passe si mal dans nos vies ? Crois-tu que l’on ait fâché le Très-Haut bien avant notre naissance pour qu’il nous punisse ainsi depuis notre plus jeune âge ?

    Un jour quelqu’un m’a dit que je devais avoir pêché pour mériter autant de souffrance dans ma vie. Crois-tu qu’un enfant à l’aube de son existence, auréolé de son innocence puisse offenser Dieu alors qu’il ne sait pas ce qu’on lui reproche ? Et les coups que nous avons reçu toi et moi, crois-tu que c’est la main divine qui guidait notre père ou nos frères dans ces moments d’égarement ? Si tel est le cas, je me demande pourquoi nous vivons mon frère, je me demande à quoi sert la vie si ce n’est à nous faire pleurer…

    Oh je sais Mélion, je ne suis guère enthousiaste mais je vois le néant se profiler au bout de notre tunnel. Moi qui me faisais une joie de te retrouver mon frère, je vois là un danger supplémentaire que je fais planer sur ta vie. J’ai tellement peur de ce qui pourrait t’arriver que j’en viens à souhaiter leur mort à tous pour enfin être libérer de ce joug qu’ils font peser sur nous. Si seulement le Très-Haut savait exaucer les vœux même les plus terribles… cela ne serait que nous rendre justice…

    Mais laissons mes angoisses de petite fille rejoindre mes cauchemars et me retrouver une fois la nuit tombée. Je ne suis qu’une égoïste… je ne t’ai même pas félicité alors que ton Maître t’a choisi pour l’accompagner ici, à Toulouse. Mais c’est une merveilleuse nouvelle pour toi mon Mélion. Tu vas pouvoir montrer aux yeux du monde ce que tes mains savent faire. Je suis certaine que tes sculptures seront des merveilles dans la cathédrale de Toulouse. Et je pourrais dire fièrement que c’est toi qui les a faites… Mon frère, mon Roy, montre-leur à tous ces gens que tu as des doigts qui valent de l’or, que ce n’est pas parce que l’on nait petit qu’on ne peut pas s’élever et offrir un monde plus beau à regarder aux grands de ce monde qui semblent bien plus préoccupés par leur petite personne que par des gens comme nous.
    Dis Mélion, et ne te moques pas s’il te plait mais… tu crois que tu pourras me faire une petite chose rien qu’à moi afin que je le garde toujours avec moi ? Je sais que ton âme y sera un peu emprisonnée et je n’aurais plus peur de rien…

    Sinon de mon côté, je vais rejoindre Albi dans quelques jours. Pour le moment je me suis arrêtée chez un gentil couple. Marinette et Gaspard, ils m’ont offert l’hospitalité un soir d’orage et je les aide de mon mieux depuis. Ils ne sont plus de toute jeunesse et Marinette s’en trouve soulagée de ma présence. Et je peux leur faire quelques petits mets que j’ai appris aux cuisines du Louvre lorsque j’y suis passée alors je leur en fais profiter… ça me fait autant plaisir qu’à eux. Et d’ici quelques jours, je reprendrai la route, tranquillement. Au moins je suis reposée et je serais moins angoissée de savoir quand tu vas arriver. D’ailleurs, tu arrives quand Mélion ?

    Mon frère, mon tout, mon Roy, je dois te laisser, j’entends le chien qui aboie. Surement quelqu’un qui vient rendre visite à Mariette et Gaspard. Je vais en profiter pour laisser ma palombe retrouver ta route, en espérant que tu ne sois pas en mer parce que là, je doute qu’elle arrive à te retrouver.

    Je t’embrasse bien fort Mélion et je t’attends avec impatience mon frère.

    Alea jacta est*


    Crois de bois, crois de fer, si je mens…


    Les dés étaient jetés, ainsi Mélion avait pris les choses en mains. Mais cela n’empêchait pas la brindille d’être terrorisée à la pensée que les autres pouvaient faire du mal à son frère..


    *les dés sont jetés

    _________________







Melion


La mer, les cotes, et le retour sur les terres de son enfance. Le voyage lui avait parut interminable, seul dans sa cabine, a attendre désespérément une missive de sa sœur. Toujours les mêmes questions, toujours la même interrogation, et même s’il essayer de se montrer raisonnable il ne pouvait s’empêcher de penser au pire, toujours le pire. Il avait passé de nombreuses années loin d’elle, séparé par des lieux, et des lieux l’un de l’autre, et cela aurait été mentir que de dire qu’il ne pensait pas a elle, qu’il ne se souciait pas de sa vie, il y pensait, mais moins. La sachant au couvent, en sécurité il ne se souciait pas trop du reste…Et puis, lorsqu’elle l’avait prevenu de sa fuite, des intentions du père, et du silence demandé…. Difficile serment, difficile de ne plus y penser, de ne pas s’en soucier, alors aujourd’hui, si proche du but et si loin en même temps comment ne pas se ronger les sangs chaque jours qui passaient ?

Le port, la terre ferme, la France enfin ! Sitôt descendu du bateau il lui fallu organiser le voyage, pas bien compliquer pour le jeune Francese de trouver chevaux, chariot et tout ce dont ils auraient besoin, son Maitre, ses compagnons et lui même. La route jusqu'à Toulouse serait longue, et les route peu sur, mais il faut bien l’avouer, le jeune Artiste était préoccupé par tout autre chose que toute cette organisation. Une missive lui était parvenu à peine débarqué, LA missive tant attendu sa petite brindille et comme il le redoutait celle-ci hurlait la peur et l’angoisse… Alors comment songé à autre chose après avoir lu ces quelques lignes.


-Oh Melion, sei ancora nella luna? Smetti di sognare alla bella francese dunque, ho bisogno di te. *
-Sì maestro, scusatemi.*

Sourire gêné, Melion baissa la tête pour s’excuser, il devait se concentrer, écouter son maitre, noter toute les directives qu’il lui donnait et ses idées. C’était sa carrière, sa reconnaissance d’artiste qui était en jeux dans ce chantier là, et il ne devait pas laisser passer sa chance. Mais en même temps, il ne pouvait cesser de penser a sa petite sœur et ses quelque lignes écrite sur ce velin. Elle n’avait peut être pas tord après tout. Leur bonheur avait un prix, et il devrait payer un lourd tribu pour pouvoir un jour espérer le toucher du bout des doigts.

-Faremo pausa in questa locanda, Melion dormirai nel carro per vegliare sul materiale, ed io conto su te! Non andare a fantasticare!*

Le jeune homme hocha la tête sans broncher, il savait que son maitre avait raison, il savait que malgré ses paroles parfois dur, il ne voulait que son bien et surtout sa reconnaissance, c’était un peu pour cela aussi qu’il le formait, qu’il l’avait choisi et qu’il lui faisait confiance.
C’est donc assis dans ce chariot, a l’abri de la grange, tout juste éclairé par la lueur de la bougie que Melion entreprit de répondre à sa jeune sœur.


-Il n’est pas question que cela se passe comme ça Ondine ! Une promesse et une promesse ! Et je parviendrais a la tenir !

Plume à la main, appliqué, le jeune tailleur laissa glisser les mots sur le vélin, ouvrant son cœur et sa colère.

Citation:


Ondine, ma sœur, ma brindille
Ma reine, Mon cœur, ma vie,

Petite sœur ta missive vient de me parvenir sitôt débarquer du bateau et je profite d’une halte dans cette auberge pour y répondre. Nous sommes en France, nous venons de débarqué du bateau et avons pris la route pour rejoindre Toulouse. Mais même si je suis tres heureux de ce chantier, heureux de te revoir, ta lettre m’inquiète, me brise et m’oppresse.

Ma brindille pourquoi tant d’inquiétude? Ne me crois-tu pas capable de tenir tête au Père ? Ne crois tu pas que je pourrais moi aussi mettre une raclée aux ainées si ceux-ci décidaient de porter la main sur moi ? Mais petite fleur, le frêle arbuste que j’étais lorsque nous vivions ensemble est devenu aujourd’hui un arbre fort et robuste tu sais. Et pour toi je serais prêt a braver des tempêtes, les flammes de l’enfer s’il le faut aussi. Qu’importe que le Père et les frères soient là, rien ne m’empêchera de te voir et te protéger crois moi ! Ils ne savent rien de nous, ils ne nous connaissent pas ! Le père n’a toujours eu d’égard qu’envers nos frères et ses pierres, sans jamais nous regarder. Que sait-il de nos talents, nos désirs notre complicité ? Absolument rien. Alors non Ondine, sois sans crainte, ils ne te retrouveront pas, ils ne me toucheront pas, et surtout, ils ne nous empêcheront pas de nous retrouver.

Je ne sais qui t’a dit ces choses là, mais je ne peux y croire. Pourquoi aurions nous fait quelque chose de mal ? Nous ? Pourquoi nous ? Nous n’avions rien demandé n’est ce pas ? La main divine guidant celle du père pour s’abattre sur nous, non, je ne peux le croire. Tu as toujours été la douceur même petite fleur, acceptant même sans jamais broncher les taches les plus difficiles. Je te revois encore auprès de Mère l’aidant à puiser l’eau de la rivière, et porter ces seaux si lourd jusqu’à la maison du haut de tes quelques années seulement. Je te revois encore parcourant les routes les pieds nu, pour porter au père le panier de leur repas, et cela par n’importe quel temps. Tu as toujours été la bonté et la douceur incarné. Ne laisse surtout pas les autres te faire croire que tu as fait quelque chose de mal, que nous avons fait quelque chose de mal, sinon… Mère aussi nous aurait détesté et pourtant….

Oh ma douce petite sœur que j’aimerais déjà être à tes cotés, t’enlever de la tête toute ces choses qui t’empêche de voir la vie tel qu’elle est, je te l’assure, elle peut être très belle quand on sait la regarder. La sculpture a ça de bon, en créant, nous apprenons à regarder ce qui nous entoure, voir la vie et cette vie ma petite fleur, je vais te la montrer tu verras.

J’espère que les gens chez qui tu étais ont bien prit soin de toi ? As-tu repris ta route vers Albi ? Je ne devrais pas tarder je pense, encore quelque jours, peut être quelque semaine de voyage. Mon maitre voudrait s’arrêter dans un endroit dont j’ai été bien incapable de retenir le nom pour prendre de la matière de premier choix. Tu vois ma douce Ondine, tout ce temps passé en Italie, et me voila devenu un parfait étranger à ma terre natale. Ne rit pas, mais je vais avoir besoin d’un guide, et peut être même de quelque leçon de français. Si si, je t’assure ! Si j’arrive encore à écrire, parler et tout autre chose, moi qui n’ait jamais été très doué dans ces choses là, une chance que je pouvais compter sur toi !

Ma Brindille, j’ai hâte maintenant, hâte de pouvoir te serrer dans mes bras, hâte de chasser de ton esprit toute ces inquiétudes et cette morosité qui te ronge. Il est temps que nous reprenions notre place l’un a coté de l’autre, temps que nous soyons de nouveau ensemble près à prendre soin de l’un de l’autre ma douce petite sœur. J’arrive maintenant, je serais très bientôt là, et je te jure que plus jamais nous ne nous séparerons.

Garde courage, et sois sans crainte mon oisillon, bientôt, très bientôt je serais là.


Croix de bois, croix de fer, si je mens….


La lune brillait haut dans le ciel lorsqu’il posa enfin sa plume. Sa missive avait été plus longue que d’ordinaire, mais il avait besoin de lui dire toute ces choses. Elle lui manquait, elle s’inquiétait, et lui… Lui avait juste envie de la rassurer. Chacune des lettres de sa jeune sœur le faisait douté, un doute affreux sur son avenir, sur sa place au coté de son maitre, sur les choix de leur Mère, et si tout ceci n’avait eut que le but de les briser tout les deux ? Et si tout ceci n’avait eut de but que de leur faire payer cette différence par rapport au reste de la famille. Et si Ondine avait seulement et tout simplement raison ? Difficile de rester optimiste et pourtant, oui pourtant il le voulait pour elle, pour lui, pour eux, pour leur vie et leur avenir.

Il se l’était jurer, ils seraient plus fort que tout ceux qui avait voulu les briser.
Plus fort !
Et a eux deux, ils vaincraient toute leur peur…

La missive envoyé, Melion s’allongea au milieu du chariot, les mains croisé derrière la tête à contempler le plafond de la grange tout juste éclairé par la lueur de la lune.
Demain serait un autre jour…




*Oh Melion, tu es encore dans la lune ? Cesse donc de rêver au jolie française, j’ai besoin de toi.
*-Oui maitre, pardonnez moi.
*-Nous ferons halte dans cette auberge, Melion tu dormiras dans le chariot pour veiller sur le matériel, et je compte sur toi ! Ne va pas rêvasser !
Ondine.

    La brindille avait laissé le couple de petits vieux depuis quelques jours afin de rejoindre Albi. La fatigue était là mais le dernier courrier de Mélion l’avait rassurée. Toujours ce besoin de sentir cette affection tout autant que cette assurance de la part de son frère qui lui permettaient de continuer à avancer dans la sienne. Ondine en était rendue à attendre le moindre signe aimant de la part de ce jeune homme qu’en fait elle ne connaissait plus. Tant d’années avaient coulé, tant de mois ils avaient été séparés et pourtant la brindille continuait à croire à cet amour fraternel plus qu’en tout autre chose. Elle aimait Mélion bien plus qu’elle n’aurait aimé un père ou même un mari.

    De lui, elle acceptait tout, de lui, elle voulait tout. Son jugement faisait loi pour elle et ce, malgré les années de séparation. Même si on lui répétait à la longue qu’elle était maintenant en âge de prendre ses propres décisions, le regard de son frère sur sa vie était d’une importance capitale et arrivée à Albi, Ondine se demandait ce qu’il allait penser d’elle maintenant qu’elle portait en son sein un enfant.

    Albi, ville des bons et des mauvais souvenirs avait ouverte ses portes sur la langueur et une platitude environnante des plus insupportables. Mais la Brindille n’en demandait pas plus finalement. Elle pouvait se reposer à outrance, prendre le temps de vivre et retrouver ses anciens amis. Bien que la plupart étaient partis à cause des guerres et des prises de mairie inconditionnelles que le sud vivait, Ondine avait retrouvé un ou deux visages des plus sympathiques. Et en attendant que son frère vienne la retrouver, elle en profitait tout doucement.

    Mais bien vite, l’envie de le retrouver fut la plus forte et malgré la menace de voir ressurgir du passé la souffrance mais surtout la peur des lendemains qui déchantent, Ondine se rendit à Toulouse où elle prit une chambre dans une petite auberge un peu à la sortie de la ville. Ne voulant pas tenter le diable plus que de raison, elle s’installa dans une petite vie tranquille où son état ne l’empêchait pas de travailler bien au contraire. Et ce fut contre toute attente, près d’un bourgeois qu’elle trouva une place. L’homme cherchait quelqu’un pour entretenir son intérieur et Ondine s’estimait heureuse d’avoir trouvé cette place.

    Et tout naturellement, un soir, à la lueur de la petite bougie qui vacillait dans sa chambre à l’auberge, la brindille fit glisser la plume sur le rugueux vélin afin d’y coucher les mots qui attendaient de s’exprimer pour son frère adoré.



    Citation:


    Mon Mélion, mio fratello*,
    Mon unique Roy,

    Tu vois, aujourd’hui je me suis souvenu de quelques mots italiens que j’avais appris en copiant l’un des livres pour la bibliothèque du couvent de la miséricorde. A croire que mon esprit était embué ces derniers temps et que la peur me paralysait. En fait, c’est tout à fait ça et pourtant mon Mélion, tu ne devineras jamais d’où je t’écris….

    En fait, je suis arrivée à Toulouse avant toi. Oh ne fait pas les gros yeux, je suis bien cachée et puis je passe inaperçue quand je le souhaite. J’ai loué une chambre dans une auberge à la sortie de la ville. L’auberge du pèlerin, un nom tout à fait charmant je trouve. On y est bien et la chambre n’est point trop chère. De plus, je me suis trouvée un emploi chez un notable de la ville qui avait besoin de quelqu’un pour tenir sa maison. Oh ce n’est pas un travail fantastique dont je rêvais mais il me permet de vivre et de bien vivre. Je prépare les repas en plus mais tu connais ma facilité pour cette fonction. J’aime contenter les gens par un bon repas confectionné avec tout mon savoir. Je remercie les sœurs de m’avoir offert la possibilité d’apprendre l’art culinaire tout autant que l’art de l’écriture. Pas le même domaine mais l’un et l’autre je les apprécie vivement.

    Dis Mélion, tu es encore loin de Toulouse ? J’aimerais que tu sois là maintenant. Ton Maestro sait-il que tu as une sœur à voir et que cela fait des années que nous attendons cet évènement avec impatience ?

    J’ai réfléchi tu sais et je me suis dis que l’on pourrait se donner rendez-vous à l’auberge où je vis ainsi on ne se louperait pas. Qu’en penses-tu mon frère ? D’ailleurs je ne te laisse pas le choix. Je serais tous les soirs après les vêpres dans la salle à manger et je t’attendrais vers la petite fenêtre du fond. Tu verras, la table est glissée toute proche de la cheminée et les soirs quand il fait trop humide ou qu’il y a un peu trop de vent qui vient du nord, l’aubergiste, Maitre Harold l’allume pour mettre un peu plus de chaleur dans le cœur des hommes. Je lui demanderai de me la garder. Il sait que j’attends de la visite et sans doute ne refusera-t-il pas de me venir en aide. C’est un brave homme et sa femme, dame Gertrude est bien adorable avec ses cheveux roux et ses bonnes joues rouges qu’on croirait toujours qu’elle s’est trop approchée du feu…

    Mélion, tu sais, je suis impatiente de te voir passer le pas de la porte. Je crois que je te reconnaitrais entre mille. Pas besoin de parler, je saurai…

    Malheureusement, la bougie n’est pas éternelle et il me faut fermer les yeux maintenant. Demain je dois travailler et j’ai besoin de mes heures de sommeil. Et plus vite les jours passent et plus ils me rapprochent de toi.

    Je t’embrasse tendrement mon roy.


    Crois de bois, crois de fer, si je mens…





    *mon frère

    _________________







Melion


Il avait reçu une dernière lettre, la dernière, alors qu’il parcourait les derniers lieux qui la séparaient de sa douce et fragile petite brindille. Interminable, c’est ainsi que le temps, les minutes lui semblait être alors que le petit convoi de son maitre avançait encore sur la route de Toulouse. Interminable oui, Melion n’y tenait plus. Chaque mètre, chaque tour de roue le rendait encore plus fébrile que la veille de son voyage.
Si les paysages s’était suivis et succéder les un aux autre avec patiente et abnegation, depuis qu’il avait vu à l’horizon Toulouse et sa cathédrale, le jeune tailleur ne tenait plus. Impatient dans cette charrette qui les conduisait vers leur lieu de travail. Impatient non pas de travailler et montrer a cette famille ingrate qui était la sienne ce qu’il était devenu, mais impatient de la revoir, la retrouver, elle, sa sœur, son double, sa princesse… sa brindille.

Elle devait avoir changé depuis leur séparation. Il avait quitté une enfant, il allait maintenant rencontrer une femme. La reconnaitrait-il seulement ? Aimerait-elle ce qu’il était devenu ? Peut être qu’il lui rappellerait trop le Père et les frères après tout ? Peut être qu’elle ne voudrait pas rester a ses cotés ? Et si elle se mettait à le détesté ?
Comment ? Lui Melion, le grand frère, sa force et son Roy, son double son frère, lui qui se targuait d’être invulnérable de n’avoir peur de rien, comment pouvait-il se laisser envahir par autant de doute et de crainte.

Ondine n’était pas une inconnu, elle n’était pas une femme comme toute les autres femmes. Ondine était SA sœur ! Celle qui avait partagé ses joies et ses peines, celle qu’il gardait jalousement dans son cœur ne laissant la place à aucune autre femme. C’était SA sœur !


-Melion! Prenditi cura di noi trovare un ostello, mentre guardo il sito.*
-Sì Maestro, subito!


Quelle aubaine ! Trouver une auberge! Mais elle était déjà toute trouvée cette auberge ! L’auberge du Pelerin, ce ne devait pas être difficile à trouver et comme ça, il pourrait LA voir, ETRE prêt d’elle tout en respectant sa promesse faite a son maitre.
Et sans perdre un seul instant le jeune tailleur s’engouffra dans les rues de Toulouse, lettre à la main a la recherche de cette petite auberge ou devait séjourner sa sœur. Plus que quelque instant de séparation, quelque pas avant de la retrouver, Melion sentait son cœur battre et battre si fort qu’il avait l’impression qu’il allait sortir de sa poitrine.
Une ruelle, quelque passant, et puis une autre, et…

Le jeune artiste s’arrêta un instant devant la porte de l’auberge. C’était ici, c’était là. Derrière cette porte se trouverait le trésor de son cœur, ce trésor si longtemps séparé, SON trésor…

- Stupido! Questo non è un appuntamento galante è tua sorella! Rientra pertanto Melion!*
Maugréa-t-il après lui-même se rendant compte de sa stupide réaction. Pire qu’un jeune puceau lors de son premier rendez-vous ! Et se moquant gentiment de lui-même, le Francese poussa la porte et s’engouffra rapidement dans la salle.

Il regarda rapidement autour de lui, à droite, à gauche, au comptoir et puis se rappela sa lettre. Elle l’attendait, il en était sur, elle lui avait dit. « vers la petite fenêtre du fond. Tu verras, la table est glissée toute proche de la cheminée »

La cheminée...

Tournant ses prunelles vers la cheminée, son visage s’éclaira doucement d’un magnifique sourire. Elle était là !

-Ondine…



* -Melion ! Occupe-toi de nous trouver une auberge pendant que je regarde le chantier.
-Oui maitre, tout de suite !
**Imbécile ! Ce n’est pas un rendez vous galant c’est ta sœur ! Entre donc Melion !
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