Ondine.
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Cruauté des hommes, Ondine les craignait, pensant quils étaient responsables de son malheur. Cétait sa mère qui lavait placé au couvent, jugeant quelle y serait plus en sécurité, préférant la voir loin du foyer familial que de rester et subir le caractère ombrageux et colérique des hommes de la famille. Son père nétait pas un tendre, elle se souvenait encore des cris quil poussait contre sa mère lorsquil rentrait le soir du chantier sur lequel il uvrait et que le repas ne lui convenait pas ou quil avait fait une halte avec ses fils à la taverne du coin. Elle se souvenait encore de cette main levée qui latteignit en plein visage pour lui inculquer le respect. Les hommes nétaient pas dignes de confiance selon elle et Ondine sen était toujours méfiée. Et pourtant, il avait fallu quelle croise le chemin dun mystérieux voyageur pour que tout bascule. Il avait su lapprocher, il avait su lapprivoiser et tel un animal blessé, elle avait osé remettre sa vie entre ses mains. Le bonheur sétait alors installé dans la vie de la brindille mais les belles choses sont toujours de courte durée.
Un long frisson parcourut la jeune fille. Elle reprendrait donc la route avec son maigre baluchon, une cape élimée jusquà la corde et une robe rapiécée que sur Clervie lui avait offerte pour son départ du couvent. Ce couvent quelle naurait jamais dû quitter, elle sen rendait compte aujourdhui. Un soupir à fendre lâme sortit dentre ses lèvres, la brindille retenait un de ses sanglots qui lui broyait la gorge à lui en faire mal. Elle ne voulait pas pleurer, pas pour un homme, certainement pas pour un homme. Alors elle prit la direction de la sortie de la ville, doucement puis lorsquelle trouva lendroit où elle se sentirait bien, elle grimpa dans un arbre afin de laisser son visage au vent apaisant ainsi son chagrin. Les minutes passèrent sans quOndine puisse faire quoi que ce soit puis comme dans un rêve ou un cauchemar, elle finit par sortir son nécessaire pour écrire.
Citation:
A toi Mon très cher frère,
A toi Mélion qui me manque tant,
Ne pouvant tenir plus longtemps dans ce silence qui nous sépare, jai décidé ce soir de briser le serment que je tavais fais lorsque jai su que père voulait me faire rentrer à la maison. Je ne devais plus técrire sous aucun prétexte car je ne voulais pas te mêler à cette histoire mais Mélion, jai tant besoin de toi si tu savais Je suis dans une ville que je ne connais pas, jai été attaquée cette nuit, je nai plus un sous et
A toi Mon très cher frère,
A toi Mélion qui me manque tant,
Ne pouvant tenir plus longtemps dans ce silence qui nous sépare, jai décidé ce soir de briser le serment que je tavais fais lorsque jai su que père voulait me faire rentrer à la maison. Je ne devais plus técrire sous aucun prétexte car je ne voulais pas te mêler à cette histoire mais Mélion, jai tant besoin de toi si tu savais Je suis dans une ville que je ne connais pas, jai été attaquée cette nuit, je nai plus un sous et
La brindille suspendit son geste un instant, les mains tremblantes. Que dire à son frère, que lui raconter alors quelle ne lui avait jamais parlé de celui qui faisait battre son cur depuis des jours et des jours. Ondine essuya une larme qui sétait échappée sur sa joue. Le visage de son frère simposa à son esprit ce qui, finalement la fit sourire légèrement. Mélion ressemblait tant à sa sur quon aurait pu dire quils étaient jumeaux mais le garçon avait un peu plus dun an quand Ondine vint au monde. Toutefois, leur âge rapproché les souda au point quils se comportaient comme sils nétaient quun et non deux. Cela en devenait troublant à la longue surtout lorsque les enfants grandirent. Déjà plus jeunes que les aînés ces derniers les rejetèrent rapidement ne voulant point avoir de « mioches » dans les pattes pendant quils travaillaient ou levaient le coude avec le père ce qui, bien évidemment, renforça le lien privilégié que Mélion et Ondine cultivaient. Et ce fut une véritable déchirure pour le petit garçon lorsquOndine fut mise au couvent. Pour calmer ses craintes et cette séparation qui le rongeait quotidiennement, leur mère lemmenait une fois par mois voir sa sur ce qui leur permirent de garder intact ce lien entre eux.
Mais au fil du temps, les visites sestompèrent delles-mêmes. Changement de chantier, changement de lieu de résidence, il devenait difficile d'emmener Mélion voir sa sur aussi, les déplacements furent vite remplacées par des courriers. Mélion quitta la maison à son tour lorsquil atteint sa majorité. Dabord pour aller étudier les magisters tailleurs de pierre à Paris mais très vite, son maître lenvoya en Italie afin de parfaire ses connaissances. Il était doué disait-on et son talent ne devait que se confirmer. Ondine reprit le fil de ses pensées et sa plume gratta à nouveau le vélin.
Citation:
Mélion, jai tant de choses à te dire que je ne sais par où commencer. Le père a tenté de me retrouver, il a même envoyé Centule à ma recherche et tu sais comme il peut être teigneux laîné. Dailleurs, il a bien failli me reprendre mais je me suis cachée dans le sud un moment. Jy ai vécu les longs mois dhiver avant de les voir réapparaitre Un chantier à Toulouse et je suis tombée nez à nez avec Anaclet. Oh Mélion, si tu savais la peur que jai eu à ce moment là. Jaurais voulu avoir des ailes et pouvoir menvoler pour venir te retrouver.
Pourquoi es-tu si loin de moi, jai mal de te savoir là bas en Italie alors que je voudrais que tu sois là près de moi ?
Tu sais, jai fais beaucoup derreurs ces dernières semaines, jai tant fais confiance à mes sentiments que jai limpression dêtre morte à lintérieur. Mélion, pourquoi lamour fait mal, pourquoi abîme-t-on les choses que lon chérit, pourquoi suis-je si mauvaise que le Très-Haut ne veut même pas me voir heureuse ? Mélion Mélion pourquoi tu nes pas avec moi pour me guider, pourquoi tout le monde me laisse toujours seule à la fin ?
Mélion, jai tant de choses à te dire que je ne sais par où commencer. Le père a tenté de me retrouver, il a même envoyé Centule à ma recherche et tu sais comme il peut être teigneux laîné. Dailleurs, il a bien failli me reprendre mais je me suis cachée dans le sud un moment. Jy ai vécu les longs mois dhiver avant de les voir réapparaitre Un chantier à Toulouse et je suis tombée nez à nez avec Anaclet. Oh Mélion, si tu savais la peur que jai eu à ce moment là. Jaurais voulu avoir des ailes et pouvoir menvoler pour venir te retrouver.
Pourquoi es-tu si loin de moi, jai mal de te savoir là bas en Italie alors que je voudrais que tu sois là près de moi ?
Tu sais, jai fais beaucoup derreurs ces dernières semaines, jai tant fais confiance à mes sentiments que jai limpression dêtre morte à lintérieur. Mélion, pourquoi lamour fait mal, pourquoi abîme-t-on les choses que lon chérit, pourquoi suis-je si mauvaise que le Très-Haut ne veut même pas me voir heureuse ? Mélion Mélion pourquoi tu nes pas avec moi pour me guider, pourquoi tout le monde me laisse toujours seule à la fin ?
Ondine éclata en sanglots cette fois. De ces pleurs qui font peur tellement ils viennent de loin et la brindille dût laisser un moment sa plume et son écritoire afin de pas mouiller le vélin quelle venait de griffer de sa belle écriture. Entourant son petit corps de ses bras, elle tenta de se raisonner mais rien ny faisait. Tout le monde finissait par la rejeter et de ça, elle venait den prendre conscience. Ses larmes se tarirent, son souffle sapaisa et machinalement, ses mains se portèrent sur son ventre. Ce ventre quencore hier, il venait caresser lui promettant un enfant. Peut être avait-il raison, peut être quelle laurait cet enfant finalement mais contrairement à celle qui était venu semer la discorde en lui annonçant sa grossesse, cette ancienne concubine qui voulait garder cet enfant à naitre pour se souvenir deux, Ondine ne dirait rien à quiconque. Si le Très-Haut lui accordait ce petit alors il serait à elle et uniquement à elle, personne ne viendrait poser les mains sur lui. Essuyant du revers de sa manche les quelques larmes qui roulaient encore sur ses joues, Ondine reprit sa lettre pour la relire. Elle hésita à la déchirer et puis sinterdit de le faire. Il sagissait de son frère et pour rien au monde elle ne voulait lécarter de sa vie.
Citation:
Pardonne-moi mon frère de mépancher ainsi au travers de cette lettre, je nai guère lhabitude de me laisser aller mais le manque de toi me fait me sentir faible. Labbesse Rascende se moquerait bien de moi si elle me voyait, disant que cest là une faiblesse que de compter sur les autres plus que sur le Très-Haut
Je pense à toi Mélion chaque jour qui passe. Donne-moi de tes nouvelles mon frère, sil te plait. Ne me laisse pas seule face au monde.
Ta sur qui taime,
Croix de bois, croix de fer, si je mens
Pardonne-moi mon frère de mépancher ainsi au travers de cette lettre, je nai guère lhabitude de me laisser aller mais le manque de toi me fait me sentir faible. Labbesse Rascende se moquerait bien de moi si elle me voyait, disant que cest là une faiblesse que de compter sur les autres plus que sur le Très-Haut
Je pense à toi Mélion chaque jour qui passe. Donne-moi de tes nouvelles mon frère, sil te plait. Ne me laisse pas seule face au monde.
Ta sur qui taime,
Croix de bois, croix de fer, si je mens
La brindille enroula vite le second vélin, rangea ses affaires dans sa besace et offrit un léger sourire aux convives qui sétaient installés autour dune choppe. Ce soir, lorsquelle serait de retour à la vielle grange, elle enverrait ses deux courriers par palombes interposées.
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